Non! Je ne mourrai pas
Avant d’avoir posé mes sabots sur ma terre...
Avant que le trépas
Éloigne mon âme loin, très loin de ma mère,
J’aurai donné au pauvre enfant qui toujours pleure
Un bout de pain et un peu d’eau dans sa demeure...

Non! Je ne mourrai pas
Avant que tous ces grands qui dirigent le monde
Et trônent ici-bas
Sortent tout mon peuple de cette poisse immonde
Où, par la fourberie des faux frères sans âmes,
Ils ont changé mon paradis en lieux infâmes...

Mais je sens que ma lyre
Va plonger mon peuple dans un soudain délire
Où il prendra mon ombre
Pour le spectre d’un dieu visitant le sol sombre
Pour l’aider à sortir de la bouse morose
Et le placer bien au dessus de toute chose...

Non! Non! Je n’en veux pas!
Bien que je ne mourrais que d’une cause bonne,
Aucun de mes faux pas
N’ira fouler les cieux pour piquer la couronne
Du Saint des saints: car je suis homme, et mon bonheur
C’est de lutter pour le regain de notre fleur...

Je ne veux nullement
Que tous mes projets soient travestis par mon peuple;
Je voudrais simplement
Que celui qui se croit en tout point être aveugle
Puisse s’y appuyer en croyant fortement
Que Dieu seul fait de l’homme un bien noble élément...


Jules Kébla
Paris, le 15 avril 2001