Connu sous le nom de Dahomey au sortir des indépendances, ex quartier latin de l’Afrique, le Bénin est un petit Etat de 112622km2 pour une population estimée à 7 millions d’hts. Ayant accédé à l’indépendance le 1er Août 1960, le Bénin est apparu comme un véritable laboratoire politique où furent expérimentés plusieurs types de régimes aussi bien militaires que civils sans avoir réussi la greffe du modèle démocratique. Son histoire politique de 1960 à 1972 se caractérise par une instabilité politique chronique et la succession des constitutions qui tentaient d’organiser un pouvoir plus généralement acquis par la force des armes qu’au fond des urnes. Cette période a connu cinq coups d’Etat réussis dont le dernier qui a vu l’instauration d’un régime militaro-marxiste remonte au 26 octobre 1972. Ce régime consacre le monolithisme politique dont le stade final fut la création du Parti de la Révolution Populaire du Bénin (PRPB). Il est investi du monopole de la gestion politique et du contrôle de l’Etat dont les principaux organes lui appartiennent. En lieu et place du peuple béninois, le parti unique devint le détenteur exclusif du pouvoir et de la légitimité. A l’heure du bilan, on retiendra que l’idéologie marxiste-léniniste n’a pas permis la croissance économique, préalable indispensable à la justice sociale qu’elle se proposait d’instaurer. A partir des années 1980, il sera plongé dans une crise économique qui va entraîner sur le plan politique une métamorphose significative. Le Bénin est le premier Etat africain à initier au cœur de la crise politico sociale une sorte d’états généraux des forces vives de la nation, le fameux cycle des conférences nationales. Cette évolution a été possible, non pas à cause du discours de Baule que certains auteurs ont qualifié de « paristroïka » mais du fait de l’intransigeance et de la forte pression des masses populaires regroupées en organisations syndicales, religieuses ou civiles. La question que nous devons nous poser est celle de savoir si devant de telles situations, les autorités étatiques avaient d’autres choix. L’environnement politique international a certes, joué un rôle fondamental dans cette option, mais il faut aussi prendre en compte la volonté du gouvernement de l’époque de répondre aux attentes impératives et ardentes des populations. Car à situation égale, tous les pays africains n’ont pas réagi de la même manière. Certains ont opté pour la répression systématique tandis que d’autres, au sortir des conférences nationales ont maintenu le statut quo politique. De façon générale, une chose est certaine, c’est le constat selon lequel toutes les décisions politiques reposaient sur le bon vouloir et l’omnipotence d’un seul homme . Si la conférence nationale a été un succès au Bénin, on notera que la détermination du peuple a été cruciale, mais n’était pas suffisante à elle seule pour renverser la vapeur. La deuxième variante qui a été non négligeable est la volonté du Président de la République, le Général Mathieu Kérékou. L’analyse comportementale de cet ex dictateur laisse croire qu’il portait en lui des valeurs qu’il pensait inculquer à son peuple. Mais ces valeurs qui ont fait leur preuve pendant plus d’une décennie, ne répondent plus guère aux aspirations des citoyens. Notons ici que la bonne volonté d’un leader politique ne suffit pas à faire l’unanimité autour de lui, si le système ou l’idéologie politique est inadéquat. L’homme incarnait un désir de changement profond et d’ambitions pour son pays, mais le système l’a trahi. Il s’en est sûrement rendu compte en 1990, avec la chute du mur de Berlin, le déclin de l’idéologie communiste qui ont consacré la fin de la Guerre Froide. En résumé, deux éléments décisifs ont rendu plausible la métamorphose politique au Bénin : la détermination du peuple et la volonté du Chef de l’Etat à suivre les choix de ses citoyens. L’environnement international bien que présent, est résiduel . La dynamique impulsée au Bénin va très tôt gagner les autres Etats de la sous-région, mais ne connaitra pas du succès dans tous les Etats qui l’ont adopté. On pourra à juste titre parler de la « Béninstroïka ».

L’évolution politique au Bénin depuis l’avènement du Renouveau démocratique

Les cinq premières années du Renouveau démocratique conduites par le technocrate Nicéphore Soglo, premier Président démocratiquement élu, vont attirer de nombreuses curiosités. Bénéficiant désormais d’un climat de confiance sur le plan international, le Bénin a vu défiler sur son sol une panoplie de bailleurs de fonds, d’Organisations Non Gouvernementales (ONG), et d’investisseurs étrangers. Ex fonctionnaire de la Banque Mondiale et maîtrisant les rouages des institutions financières internationales, le Président Nicéphore Soglo fera de la lutte contre la pauvreté son cheval de bataille. Il va même réussir à mettre l’économie béninoise déjà moribonde sur le chemin de la croissance. En 1996, le taux de croissance dépassait les 5% avec pour nobles objectifs d’atteindre une croissance à deux chiffres à court terme. Si l’homme a réussi à faire décoller l’économie, il n’en demeure pas moins que la majorité des béninois ont commencé par perdre confiance en lui et en sa politique. D’un côté, il est vrai, une croissance économique qui n’est pas partagée ne peut prétendre résoudre les problèmes du sous développement. C’est le genre de croissance à la brésilienne où la minorité détient la quasi-totalité des richesses produites et la majorité croupit dans la misère. Mieux vaut tenir compte des critères du PNUD qui inclut les éléments « Humain et Durable » dans la définition du développement. Il ne s’agit pas d’avoir une croissance économique pour estimer qu’on est développé, encore faudrait il bien partager les retombées bénéfiques. L’autre variable qui a jeté du discrédit sur la politique du chef de l’Etat est la dévaluation du franc CFA en 1994 dont les conséquences ont été désastreuses pour les populations. La plupart des populations lui en veulent d’avoir signé cette mesure. En revanche, du point de vu politique et institutionnelle, les droits et libertés se consacrent peu à peu avec l’instauration de nouvelles institutions contenues dans la nouvelle Constitution du 11 Décembre 1990. Au nombre de ceux-ci, il y a la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême, la Haute Autorité de l’Audiovisuelle et de la Communication chargée de la régulation médiatique et enfin l’Assemblée Nationale, élue au suffrage universel direct et ayant pour mission de voter les lois. C’est le fonctionnement de ces nouvelles institutions qui ont permis le renforcement de la jeune démocratie béninoise. Une fois encore en 1996, l’alternance a été au rendez-vous avec la victoire du Général Mathieu Kérékou, resté à la touche durant cinq ans après sa défaite. A son arrivée, celui-ci bénéficia d’une ligne économique nouvelle, même si du point du vue social, la gestion de l’ex Président Nicéphore Soglo laissait à désirer. Pendant deux quinquennat, le Général Mathieu Kérékou, autrefois marxiste léniniste de premier ordre, va s’activer à garantir la paix sociale. C’est d’ailleurs ce qui fait de lui le mérite qu’on lui reconnaît aujourd’hui. Seulement, il ignore que le pays a besoin de la paix, mais aussi du pain, car économiquement parlant, l’on a assisté à une régression importante par rapport à la gestion de son prédécesseur. Le gouvernement de Kérékou II et de Kérékou III se caractérise aussi par le laisser-faire et le laxisme à outrance, bien que celui-ci ait mis sur pied une cellule de la moralisation de la vie publique. Certes si une telle institution a eu le mérite d’exister, son efficacité reste à démontrer. Depuis sa création, malgré la panoplie de malversations et de mauvaises gestions dont l’administration est victime, aucun des mises en causes ou suspects n’ont été traduits en justice. Il faut plutôt conclure au règne de l’impunité dans les arcades du pouvoir. La justice elle-même est à double vitesse selon qu’on est riche ou pauvre. Ce qui ne permet pas de garantir l’équité sociale. C’est dans le but d’opérer une rupture avec ce système que le Président Yayi Boni, érigé en homme de changement, grand financier ayant fait ses preuves à la BOAD, est apparu aux yeux de la majorité du peuple béninois comme crédible. Sa crédibilité, il le doit non seulement à son ex fonction, mais aussi du fait qu’il était tout neuf, ne s’étant jamais sali durant les gestions calamiteuses que le pays ait connu. Il était aussi un candidat libre, c'est-à-dire sans parti politique . Cette situation implique des conséquences. Traditionnellement, les partis politiques constituent la base matérielle de l’animation de la vie politique nationale. Leur but est non seulement l’animation de la vie politique, mais la concurrence et l’exercice du pouvoir. C’est l’un des piliers de la vie démocratique consacré par le multipartisme par opposition aux partis uniques, jadis implantés dans les Etats d’Afrique. Mais si le multipartisme est si défendu en raison de la garantie des libertés, concourir à l’exercice du pouvoir en dehors du cadre de cette institution ne pose t-il pas de problèmes ? A priori non, car si le peuple a choisi de consacrer son vote à un candidat sans parti, c’est qu’il y a crise des partis politiques. Il faudra donc revoir le fonctionnement et la gestion de ces structures politiques. C’est peut être parce qu’elles ont été incapables, malgré leurs promesses, à offrir un cadre vie adéquat à leurs sympathisants et partisans. Le pays a l’habitude des élections depuis 1991. Les politiciens au cours de leurs campagnes électorales promettent des conditions de vie meilleure aux populations. Les années passent et pourtant leurs conditions demeurent telles si elles ne s’empirent pas, excepté quelques privilégiés qui bénéficient de bonnes grâces des autorités politiques en place. On peut conclure, que c’est une belle perspective, d’autant qu’elle laisse la liberté au peuple de choisir celui qui va conduire la destinée du pays. Le contraire aurait été handicapant pour la liberté de choix. Mais d’un autre côté, la difficulté qui apparaît est celle de la gestion post électorale. Une fois élue, selon que les partis politiques présents lui ont porté mains fortes ou non, la gestion d’une telle situation n’est pas chose aisée. Le gouvernement de Mathieu Kérékou voulant toujours remercié le bloc de partis qui l’a élu, a toujours procédé au partage de portefeuilles proportionnellement au poids ou à l’efficacité du rôle du parti dans son élection. Le critère du mérite du candidat au poste ministériel importe peu, puisqu’il n’est pas choisi par le président mais par le chef du parti dont il est issu. Dans ces conditions, on ne peut pas garantir l’efficacité d’une gestion saine. C’est le piège dans lequel s’est trouvé le Président Kérékou durant ses deux quinquennats passés à la magistrature suprême. Bien que disposant d’un programme ambitieux, celui-ci n’a pas été appliqué dans son ensemble. D’un autre côté, s’il refusait d’associer à la gestion du pouvoir, les partis politiques qui l’ont soutenu, qu’adviendrait-il ? Il pourrait tout de suite amorcer sa propre descente aux enfers car, présents à l’Assemblée Nationale, ces partis politiques pourraient bloquer le vote de toute proposition de lois émanant du gouvernement et donc paralyser le fonctionnement de l’Etat. Mais il y a un juste milieu, c’est ce que le Président Yayi Boni a su appliquer. Tout en associant les différentes formations politiques du pays, il a su éviter la vieille garde politique qui a fait ses preuves et qui n’a plus d’idées novatrices, si non que de piller l’économie nationale. En effet, le gouvernement du président Yayi Boni regorge d’aussi bien de cadres issus de la société civile que de cadres venus tout droit des formations politiques. Mais au lieu de procéder au partage par partis politiques et à l’attribution fallacieuse des postes ministériels, il s’est rigoureusement basé sur des principes vertueux que sont l’intégrité, le mérite et l’efficacité. C’est la raison pour laquelle aucun ancien ministre des régimes précédents n’a été nommé au gouvernement malgré la pression des uns et des autres. Pour le moment, nous espérons que ces nouveaux ministres du changement seront à la hauteur de la charge à eux confiée par le Président. On aura les résultats dans les toutes prochaines années. Il est trop tôt pour le dire. Mais une chose est certaine, c’est que le nouveau Président Yayi Boni est résolument engagé à bannir la corruption et les pratiques mafieuses qui gangrènent l’administration publique béninoise et à en découdre avec le règne de l’impunité. Ce qui fera réfléchir les fossoyeurs de l’économie s’ils ne veulent pas se retrouver derrière les barreaux. L’exemple du Bénin est très riche en expériences et en enseignements et pourra servir les nouvelles démocraties africaines et même les grandes démocraties occidentales.