Beaucoup s’en souviennent comme d’un club social, un salon de danse ou comme d’une société fraternelle, un endroit où ils apprirent à écrire l’anglais ou à jouer un instrument quelconque. D’autres ont travaillé avec ardeur pour sa reconstruction. Très peu de personnes connaissent l’histoire qu’elle renferme.

The Yarmouth, Flagship of the Black Star Line

Un salon multi usage dont presque personne ne connait le nom original (Liberty Hall), le Black Star Line a été le théâtre des grands événements, siège de réunions, de débats, de concours oratoires, de programmes de charité et de défilé de vedettes de la radio.




Fondé en 1922 et déclaré patrimoine national en 1988, le Black’s est tout un symbole culturel et historique de la communauté afro-costaricaine. Son origine remonte à 80 années plus tôt lorsque Marcus Garvey, fondateur du premier mouvement noir de masses de ce siècle recommanda la création de filiales de l’Universal Negro Improvement Association (UNIA) dans la province de Limon.




Le nom Black Star Line, Ligne de la Estrella Negra provient en réalité de la compagnie de bateaux à vapeurs créée par le leader jamaïcain avec pour but de rapatrier les noirs vers leur continent d’origine, de réaliser la proposition ‘‘Back to Africa’’, une idée qui prendrait forme par le biais de la musique et de nombreuses manifestations artistiques, comme une mystique et une source permanente d’inspiration.




Considéré comme l’un des bâtisseurs du nationalisme noir et du panafricanisme, avant Martin Luther King et Malcom X, Marcus Garvey a eu une grande influence sur les populations afroaméricaines des États-Unis, de l’Amérique, de la Caraïbe et des colonies africaines encore à cette époque sous la domination européenne.




Établi à Harlem, le quartier noir le plus célèbre au monde, Marcus Garvey lança un ambitieux projet de revendications sociales et économiques inspirées de l’autosuffisance, le dépassement racial et le capitalisme noir.




Un bateau, une odyssée




Même si la ligne de bateau à vapeur a eu une vie courte (1919-1922) incendia l’imagination de milliers de disciples sur un phénomène de propagande à grande échelle unique et extraordinaire à une époque durant laquelle on ne disposait pas de médias de communication de masse.




En avril 1920, un de ses navires s »arrêta au port de Limon. Il s’agissait du Yarmouth, un vieux bateau de fabrication écossaise de 1452 tonnes, rebaptisé Frederik Douglass en mémoire du premier héros antiesclavagiste des États-Unis, avec pour capitaine Joshua Cockburn.




La nouveauté d’un navire conduit par des marins noirs et acheté par des actionnaires noirs lui donna une valeur symbolique qui a prévalu dans la mémoire des habitants de Limon jusqu’à présent.

De partout dans la province de Limon arrivèrent des habitants pour lui souhaiter la bienvenue à bord de barques, de chaloupes de pêche. Les gens entraient par les écoutilles chargés de fruits et de viandes. ‘‘On nous recevait comme des héros conquérants’’, écrivit Hugh Mulzac, second à bord dans ‘‘Mémorias de un capitàn del Black Star Line’’ (Mémoires d’un capitaine du Black Star Line).




La Estrella Negra mettra à flot deux autres navires : le Shaddyside, un canot d’excursion qui coulera dans le fleuve Hudson, surpris par une tempête de neige et le yacht à vapeur Kanawha dans lequel Marcus Garvey réalisera une partie de son tour de la Caraïbe et de la Côte Centre Américaine en 1921.







Il arrive à Limón le 14 avril 1921 pour une visite de quatre jours qui provoqua des manifestations d’euphorie et mobilisa la population noire comme jamais plus cela n’arrivera. Les gens s’entassèrent sur le quai, dans le stade de football, tout au long de la ligne de train : De Limón à Bocas del Toro et de Limón à San José, pour voir cet homme au visage menu et à la voix convaincante qui les incitait à participer à un rêve collectif.




Le gouvernement du Costa Rica, qui en 1919 confisqua plus de 5000 copies de son journal Negro World et avait interdit sa circulation le reçut comme un homme d’état. La tribuna et Diario de Costa Rica couvrent amplement sa visite et font même référence à la visite précédente du Jamaïcain à Limón en 1910, lorsqu’il travailla en tant que contrôleur des d’horaires dans une bananeraie et comme journaliste à The Nation, un hebdomadaire édité en anglais.




La United Fruit met à sa disposition des trains et accorde toutes les facilités pour son déplacement et le transfert de travailleurs à Limon, en échange d’un report de la rencontre massive organisée par Marcus Garvey et prévu quelques jours plus tard, afin de terminer le chargement des fruits. Poursuivi par le Bureau of Investigation et accusé de fraude, le gouvernement des États-Unis fit tout son possible pour l’arrêter. L’inexpérience et la mauvaise gestion feront le reste : liquider les épargnes de 40 000 actionnaires de la compagnie de navigation.




‘‘ Les gens possèdent encre des actions. Des parents de ceux qui ont le bon ou parce que la petite vieille est morte, ils les emmenaient en cherchant un nom pour en souscrire un autre: Black Star Line. Dix, vingt, cent dollars. C’est une bonne chose, mais nous ne sommes pas responsables de cela ici. La compagnie s’est effondrée. Ici c’est une association, ce n’est pas un navire’’, indique Alfred Henry, le président actuel.







Récemment, lors d’un concours organisé par Radio Casino sont arrivées trois personnes qui possédaient encore des actions de la compagnie de navigation : Robertina Horman Horman, Gladwin Stewart et Mabel Adina. Leurs parents les avaient achetées et laissées en héritage familial.










LE BLACK’S ET SON IMPORTANCE À LIMON




Mais l’histoire du Black’s ne se résume pas à la navigation. Construit en 1922, l’édifice de bois fut érigé par l’ensemble de la communauté sous la direction technique de Daniel Roberts, un architecte diplômé en Jamaïque, entrepreneur de la United Fruit Company et premier président de la Limon Branch de l’UNIA.




Les parents et les grands-parents de l’actuelle génération d’afro costaricains participèrent en amenant du sable de Baños, rabotant le bois de pin, en fixant le plafond, donnant des heures de travail.








Pendant les années 20 et 30, ce fut le siège de défilés des légionnaires, du corps de motoporp, des infirmières de la Cruz Negra (Croix Nègre) et des boys scouts, des divisions créées par Marcus Garvey et l’église Orthodoxe Africaine en pensant à l’objectif de fonder une grande nation. Le Yuenaei fonctionnait avec ‘‘ beaucoup de protocole, ses défilés dans les rues de Limon étaient fastueux et demandaient des mois de préparation en confection d’uniformes’’, se souvient la professeure Iris Morgan.




Lieu de pratiques des ensembles musicaux, centre de graduation des écoles et des collèges, avec le temps, il fut transformé en salon de danse : ‘‘j’ai laissé mon nombril au Black’s’’, ‘‘ C’est là que je suis tombé amoureux ’’, ‘‘ c’est là que mes parents se sont mariés’’. Tous les habitants de Limón ont une anecdote à raconter sur cet édifice.




Au cours des trois dernières années, il est redevenu le moteur de la vie sociale de Limon centre, dans lequel tout change vertigineusement et où l’Afrique est présente dans l’esprit, dans l’évocation, dans les vêtements que portent fièrement les femmes et les hommes qui revalorisent, exhibent et enrichissent leur origine.







Dates importantes




1919 : Fondation de la Division Limón de l’Universal Negro Improvement Association qui célèbre ses réunions dans une maison à Jamaïca Town. À l’origine, la Limón Branch était la Division 110 de l’UNIA, selon ce qui est consigné dans le Negro World, le journal édité par Marcus Garvey à Harlem et à partir duquel étaient coordonnées les filiales du mouvement sur toute la côte Atlantique de l’Amérique, des Îles de la Caraïbes, de l’Afrique et des États-Unis. Avec le temps, et dans des circonstances inconnues, elle est devenue la Division 300.




À Limon, il y eut un peu plus de 200 filiales du Negro Improvement disséminées dans les pueblos par lesquels passaient la ligne, selon l’historien Rupert Lewis de la Jamaïque, auteur antre autre de Garvey, Paladin anticolonialista (Garvey, Paladin anticolonialiste).




Avril 1920 : Le Frederick Douglas, premier navire acquis par la compagnie de vapeurs Black Star Line débarque …à puerto Limón, sous la conduite du capitaine Joshua Cockburn et la vice-présidente de la ligne de vapeurs Black Star Line, Henrietta Vinton Davis. Des concentrations publiques se tiennent sur le quai et à la gare de l’Atlàntico.




14 Avril 1921 : Marcus Garvey réalise une tournée promotionnelle dans les Antilles, incluant le Panama, Limon et Belize sur la côte centre américaine. Il est reçu comme un homme d’État par le président, à l’époque Julian Acosta, leader de la révolution de Sapoa qui renversa les frères Tinoco. La rencontre était organisée par le gérant de la United Fruit Company, G.P. Chittenden.







14 décembre 1922 : La Division Limon de l’Universal Negro Improvement Association est formellement enregistrée devant les lois costaricaines. Autorisée pour une période de 99 ans en tant que société fraternelle, elle se fixe les propositions suivants :




- Promouvoir l’avancement de la race noire quelque soit sa nationalité, et contribuer à l’amélioration de la condition du noir,

- Promouvoir les sentiments de charité, d’amour, de fierté,

- Promouvoir l’éducation et le divertissement par des réunions instructives et récréatives, secourir en cas de maladie ou d’empêchement pour le travail en cas de décès, venir en aide pour les dépenses funéraires et d’enterrement.







LES FONDATEURS




Téofilo Horace Fowler, cordonnier (marchand de chaussure) originaire de la Jamaïque, premier agent de la Black Star Line et du Negro World à Limon.




Daniel Roberts, constructeur au service de la United Fruit et Présidente de la Limon Branch dans les années 20. Elle dirigea les œuvres de construction du siège de l’UNIA.




Charles Bryant, secrétaire de la Société des Artisans et Travailleurs et Haut Commissaire de l’UNIA pour le Costa Rica, le Nicaragua et le Panama.




Beatriz Franklin fut la première présidente du Lady’s department. Elle faisait la promotion des activités culturelles, de concours oratoire, de dissertation sur les racines nègres. Dès le départ, le mouvement attira de nombreuses femmes qui participèrent aux activités.