Publié en 2005

Pour une véritable citoyenneté afropéruvienne






          Par Vanessa Verástegui Ollé

    __Étudiante en Postgradué d’Anthropologie à la Pontificia Universidad Católica del Perú.

Membre du GIM PERU- Grupo Impulsor Contra el Racismo y de la Mesa contra el Racismo de la Coordinadora Nacional de Derechos Humanos__

José Matos, dans La Crisis del Estado y el Desborde Popular1 parle d’un Pérou scindé, une situation qui a débuté durant la Colonie, et qui s’est accentué depuis la République: le Pérou officiel et le Pérou marginalisé. D’un côté, les institutions d’État, la culture urbaine et l’identité créole-européenne. Et d’un autre côté, la paysannerie, la masse urbaine et l’andinisation de la ville. Ce Pérou est le Pérou pluriel, dans lequel convergent les métisses, les communautés quechuas, aymaras et les ethnies de l’Amazonie.

Ce n’est pas très loin de la vérité, sauf qu’ils ont omis la communauté afrodescendante dans cette partie du Pérou. Oui, ce secteur assez invisibilisé par l’État, par la société et par la culture officielle et même par les intellectuels. Il est nécessaire d’insister sur le fait que les afrodescentants furent arrachés à leur terre, du continent africain, laissant derrière son patrimoine culturel, son identité, pour devenir se transformer en nègre (noir) méprisé et en esclave pour l’histoire officielle péruvienne. La communauté, du fait qu’elle constitue 10 % de la population totale se trouve plus exposée à l’exclusion sociale et à la discrimination raciale, raison pour laquelle sa lutte pour combattre ces dernières est plus ardue. Heureusement, depuis un peu moins d’un demi siècle (débuts en 1960) se consolident divers mouvements afropéruviens et des institutions visant à défendre de leurs droits et réclamer leur visibilisation dans l’État péruvien et dans l’imaginaire collectif. Tous ces mouvements, étaient encouragés par des personnalités artistiques comme Nicomedes et Victoria de Santa Cruz, qui faisaient partie d’un groupe culturel. Ils se consacrèrent à compiler et à diffuser les traditions orales et artistiques de la communauté. Ainsi surgissent d’autres organisations comme “Perú Negro”, “Folklore Negro y Punto”. Dans les années 70, le concept d’identité devient l’un des thèmes d’intérêt pour le mouvement avec la fondation de l’Association Culturelle de la Jeunesse Noire Péruvienne (Asociación Cultural de la Juventud Negra Peruana -ACEJUNEP). Une autre des personnalités fut José Pepe Luciano, défenseur des droits humains des afrodescendants au Pérou. Sa plus grande contribution fut la création de la première carte géo-ethnique de la communauté. Son exercice du leadership est devenu le meilleur exemple pour les autres institutions actuelles, principalement le Mouvement National Francisco Congo (MNAFC- el Movimiento Nacional Francisco Congo). Puis viennent l’Asonedh, le Centre de Développement Ethnique (Cedet-Centro de Desarrollo Etnico), Le Centre d’Études et de Promotion des Afropéruviens ( Lundu- Centro de Estudios y promoción de Afroperuanos) entre autres. Cet esprit combattif ne date cependant pas d’aujourd’hui ou d’il y a un Demi siècle, mais remonte aux nègres marrons et aux négresses marronnes, aux palenques et aux confréries dans le contexte de l’esclavage colonial qui recherchaient la liberté symbolique, de l’imaginaire, de l’État et de la société, car la culture afropéruvienne va bien au delà du folklore nègre, des festivités (“négroïde”), de la sopa seca et au delà des danseuses de Chincha, dont les médias exploitent l’exotisme pour les étrangers . Comme le disait l’étatsunienne Sheila Walter, directrices du Centre d’études Africaines et Afroaméricaines lors de sa visite à Lima, on en sait très peu sur les raisons subreptices qui ont conduit à l’importation des esclaves de l’Afrique en Amérique, l’une d’elle étant le transfert de technologie et d’intelligence. Raison pour laquelle l’apport intellectuel est le moins connu.

À présent, en 2005, il n y a plus de nègres marrons (esclaves fugitifs) ni palenques de l’époque, mais des mouvements qui cherchent un chemin de libération symbolique de l’imaginaire, de l’état et de la société. C’est-à-dire un chemin qui mène vers une abolition de l’esclavage digne de foi. Ainsi vole désormais en éclats le paradigme intellectuel de l’indigénisme et la notion selon laquelle nos ancêtres andins vécurent sur le territoire péruvien. Et celle selon laquelle la société péruvienne est nettement métisse.

Traduit de l'Espagnol par Guy Everard Mbarga


1 In: Desborde Popular y crisis del Estado. Veinte años después. Fondo editorial del Congreso del Perú, 2004: 97-107.