Guy Everard Mbarga

On peut s’interroger sur la pertinence de sondages réalisés à l’étranger sur des questions relatives à une décision souveraine d’un autre pays. Que savent réellement les Européens sur Barack Obama? Ne le voient-ils pas à travers le prisme de la politique dans leurs pays respectifs, c’est-à-dire en considérant ce qui constituerait leur intérêt s’il était élu plutôt que celui du pays qu’il servirait en tant que Président?

Il est bien plus facile de plébisciter comme Président des États-Unis un Barack Obama, jeune politicien noir ayant gravi les échelons à grande vitesse dans une société divisée du point de vue racial, mais dans laquelle le rêve et la réalisation de ses rêves est possible pour tout un chacun.

Il y a à fort à parier que les Français ou les Allemands par exemple ne prendraient pas le risque d’un Obama président dans leur propre pays. Et principalement à cause de sa couleur de peau. Un Nicolas Sarkozy en France, fils d’immigré est certes devenu Président, mais il y a deux différences fondamentales avec Barack Obama. La première étant le fait que l'actuel Président Français est blanc, comme tout autre Français de souche.

Et la deuxième différence, non moins fondamentale étant que l'actuel Président français a pris beaucoup plus de temps que Barack Obama pour se retrouver proche de la Présidence qu’il a finalement conquis après plus de trois décennies dans l’arène politique. Barack Obama pour sa part est présent dans le monde politique seulement depuis 1996 soit un peu plus que dix ans. L’ascension de Nicolas Sarkozy a donc été plus lente, mais reste dans la moyenne de celle des autres hommes politiques français devenus chef d’état. Si les hommes politiques blancs en France prennent une trentaine d’années pour devenir Président, qu’en serait-il d’un noir?

L'idée de suggérer par le biais d’un sondage que les Européens pouvaient choisir le Président américain est assez amusante, fantasmagorique. On pourrait aller un peu plus loin dans l'hypothétique en imaginant que les Européens devaient choisir un Président pour l'Europe. Voteraient-ils un Obama? Et y aurait-il même ne serait-ce qu'un seul candidat viable ayant son profil, c'est-à-dire un afrodescendant ayant connu une ascension fulgurante dans la sphère politique et susceptible de présider l'Europe ou un des pays faisant partie de ce Continent? J'aurais tendance à répondre par la négative. Dans la réalité, les Européens aiment Obama de loin, Président des autres.

Toby Harnden, éditeur américain du Daily Telegraph indiquait au journal en ligne américain Politico que c’était comme si le très populaire Obama avait été “conçu par un comité d’Européens” chargés de créer le candidat Américain idéal à la présidence.

Il est l’idéal des Européens pour les États-Unis, et surtout dans l’intérêt des mêmes Européens. C'est un peu comme Zidane ou Yannick Noah, des personnalités préférées des Français... du moment et seulement du moment où ils sont des anciens sportifs ou des musiciens qui n'ont aucun pouvoir de décision sur leur quotidien. C'est aussi comme vouloir un George Weah Président du Libéria du moment qu'on n'est pas Libérien et que ses capacités ou ses incapacités n'auront de l'effet que sur d’autres.

En passant, on peut tout de même comprendre cette Europe qui malgré ses relations séculaires, même en grande partie mauvaises avec l’Afrique n’arrive pas, par exemple en France à faire une place aux Noirs Français, égale à celle des blancs dans sa société. Il ne lui reste donc plus, disons peut-être par frustration ou par humanisme, à souhaiter et à espérer que les autres fassent chez eux ce qu’elle ne fait pas chez elle. Mais c’est de bonne guerre.





La parenthèse étant fermée, on peut dire que la politique d'un Président Américain et de son administration a toujours un impact dans le reste du monde, mais il est aussi vrai que ce sont d'abord les américains qui gouteront à ses bonnes ou à ses mauvaises décisions. Et heureusement que pour cette raison, ce sont bien eux-mêmes qui choisissent leur dirigeant. On n'est quand même pas en Afrique ou encore au Moyen-Orient et particulièrement en Palestine où l'on veut imposer l'idéal de démocratie, pourvu que les dirigeants élus démocratiquement soient en accointance avec ces pays qui s'autoproclament La Communauté Internationale.

Les Européens aiment le candidat Démocrate parce qu'ils espèrent que sa politique sera moins unilatérale et plus coopérative avec l'Europe, plus en concordance avec l'Amérique idéale pour les Européens, incarnée par le Président Obama.

Mais, Barack Obama Président n'aura plus seulement à donner des discours rassembleurs, à dire ce que les gens veulent entendre comme ses adversaires lui reprochent. Il devra cette fois par son action trancher, contenter certains et mécontenter d'autres. Ce sera dans l'intérêt des américains, et rien ne dit qu'il se conjuguera à celui des Européens.

Et les déçus seront beaucoup plus nombreux que les doigts d'une main. Aux États-Unis d'abord, à commencer par exemple par un certain nombre d’Afro-américains qui comprendront qu'un noir Président ne signifie pas la fin de la discrimination raciale et des difficultés économiques et sociales pour eux, mais qui verront peut-être un changement dans les mentalités, un bon de dix ans dans l'amélioration des relations avec leurs compatriotes blancs. Les américains dans leur ensemble ne pourront s'en prendre qu'à eux-mêmes ou se féliciter. Les Européens quant à eux pourraient bien vite redescendre sur terre également.

Allez, si Obama est élu en Novembre prochain, qu'il est de nouveau candidat en 2012 et que les Européens plébiscitent toujours l'actuel sénateur de l'Illinois, le doute ne sera peut-être plus permis sur cette Love Affair avec le sénateur afro-américain. Et on y croira alors totalement lorsque notre idéal, à nous autres Africains et Afrodescedants se réalisera avec l’émergence de nombreux Barack Obama, c’est-à-dire des décideurs politiques au sein de l’Europe même.