Par G'Ra Asim

Incontestablement, les avancées dans les relations raciales partant de l’époque du mouvement des droits civils et les évolutions graduelles significatives vers la tolérance raciale qui ont suivi ont façonné un contexte pour la Génération Y considérablement plus divers racialement et idéologiquement.

Mais les courants de préjugés et de division qui ont alimenté les paradoxes du passé n’ont vraiment fait que s’envelopper dans des habits plus subtiles, plus nuancés, et en tant que tel, nécessitent un état d’esprit plus prudent et avisé pour s’y mouvoir avec succès.

J’ai autrefois eu un enseignant d’histoire qui exprimait sa nostalgie de l’époque de la Guerre Froide, pour aucune autre raison, disait-il, que le fait qu’il avait totalement confiance que les Américains étaient les bons gars à cette époque et que les Soviétiques étaient de toute évidence et invariablement les vilains.

Depuis lors, disait-il, les conflits internationaux sont vraiment moins noirs et blancs, et faire un choix entre les deux camps est beaucoup plus compliqué.

Bien que le monsieur en question était un baby boomer, ces analyses m’ont frappé, ironiquement, parce qu’elles cadraient bien avec la relation de la Génération Y avec la race. Là où nos parents ont peut-être été facilement en colère face à la discrimination raciale endémique mais apparente et évidente, le fardeau de la Génération Y est de plusieurs façons encore compliqué par la complexité des facteurs atténuants de la conformité politique et du métissage culturel.

Là où l’obligation de justice sociale de nos prédécesseurs et le cours des évènements étaient autant urgents qu’évidents, pour ceux parmi nous qui deviennent adultes aujourd’hui, la nécessité d’agir est mise à l’épreuve par le fait que nos ennemis potentiels ressemblent un peu à nos amis.




À une autre occasion, mon professeur de Relations ethniques et raciales a demandé aux étudiants de remplir une "échelle de distance sociale." L'échelle était composée de groupes ethniques et sociaux variables, et l'objectif était de lister la plus grande aptitude dans laquelle une personne serait à l’aise avec les membres de chacun des groupes occupant une place dans sa vie.

Étant le seul étudiant à avoir indiqué que tous les groupes listés étaient bienvenus dans n'importe quelle aptitude de ma vie, les autres me regardaient avec dérision et incrédulité.

J’argumentais que le scepticisme de la classe reflétait la simplification hâtive de la nature du préjugé lorsqu’une personne est forcée de s’engager dans une société multiculturelle. En indiquant que toute personne de toute origine ethnique pouvait potentiellement être mon ami, je ne niais pas en réalité mes propres préjugés; je ne faisais simplement qu’affirmer que si l’on me prenait tel que je suis, j’étais ouvert à me lier d’amitié – ou même potentiellement à me marier—avec n’importe qui de toute origine.

La confusion de la classe illustre une plus vaste idée fausse de la perspective raciale de la Génération Y. Alors que nous pourrions ne pas nourrir les mêmes dégoûts absolus de ceux qui sont différents de nous, comme c’était le cas pour les générations précédentes, un type de préjugés plus évolué, et dont on peut soutenir qu’ils sont plus insidieux se cache juste sous la surface en contrôlant nos interactions et nos décisions de manières moins transparentes.

Autrement dit, alors que vous auriez du mal à me surprendre entrain d’utiliser le mot "whitey"(Face de craie, blanc-bec) et chanter un rap évoquant une insurrection en compagnie de mes amis noirs, on m’a connu comme quelqu’un de dédaigneux à l'égard du jeune blanc qui me dépasse en trombe avec sa voiture en ondulant au rythme de la dernière bombe(musicale) de Yung Joc.

Bien que je ne m’oppose peut-être pas aux avances sexuelles de jeunes filles blanches de façon absolue, la perspective de la colère et de la désapprobation qu’une relation publique avec l’une d’elle générerait chez les sœurs me fait vraiment beaucoup plus que d’y réfléchir un petit peu.

Alors que mon éducation s’est jouée comme la scène finale de Hairspray – quoiqu’avec moins de pas de danse et plus d’ennui de banlieue – ce n’est pas aller chercher trop loin que de supposer que les attitudes raciales de mes homologues blancs, Asiatique et Latino sont autant ambigus. La différence de perspectives sur le progrès des relations raciales parmi les jeunes faisant partie de la Génération Y en témoigne.

La nomination de Barack Obama pour la présidence est le test de Rorschach le plus en vue de l’année concernant le discernement des différentes perspectives raciales aujourd’hui.

Les ainés progressifs aiment claironner l’idée du "candidat qui transcende la race " comme une preuve indiscutable que l’Amérique est collectivement au dessus de la discrimination raciale, mais il y a beaucoup de jeunes de ma génération qui interprètent le succès d’Obama comme étant particulièrement révélateur.




Parmi l’élite universitaire portée sur les coffee shop, je me retrouve régulièrement du côté le moins représenté d’un débat sur la question de savoir si Obama est la preuve vivante que la négritude n’est plus un handicap, mais un avantage, ou s’il est juste le politicien le plus futé qu’on ait connu jusqu’à présent dans l’exercice de mobilisation d’une coalition de noirs et de blancs riches qui trouvent que la perspective d’avoir un président noir est à la mode.

Né dans un milieu homogène racialement, de noirs pauvres, mais instruit dans une école privée d’élite blanche non moins homogène, mon appréciation des disparités entre les expériences blanche et noire américaine s’est précisée à 9 ans lorsque ma famille a quitté le ghetto de St. Louis pour les banlieues relativement huppées de la capitale nationale.

Ma biographie étant stratifiée par l’exposition double, d’une part à la dégradation des quartiers sensibles frappés par la violence, et d'autre part aux banlieues multiculturelles privilégiées grouillant d’opportunités éducatives et économiques, ma perspective de la question raciale appartient aussi nettement à la Génération Y qu’il le faut. Mais il ne s’agit que d’une perspective dans une multitude qui varie avec une diversité aussi grande que nos origines ethniques.

Ayant longtemps servi de symbole moi-même, le fait que l’un des trois seuls sénateurs noirs depuis la Reconstruction a obtenu la nomination présidentielle ne représente pas pour moi la culmination d’une intégration réussie, mais plutôt du simple symbolisme.

Une telle opinion est impopulaire aujourd’hui, et certains pourraient bien vite écarter cette idée, mais ce serait une erreur. J’aimerais beaucoup plus qu’autre chose, croire que le pays a changé de manière aussi absolue que ceux qui disent que c’est le cas, et peut-être si nous sommes chanceux, quand viendra l'âge d'or de la Génération Z, des gens comme moi se révéleront manifestement dépassés.

G'Ra Asim, 21 ans, est  auteur et musicien. Pour visiter son blog, cliquez sur gapostrophera.

Traduit de l'Angglais par Guy Everard Mbarga

http://thedailyvoice.com/voice/2008/08/race-the-final-frontier-000996.php