Bartolomeu Dias da Cruz, Président du Núcleo Omi-DùDú, spécialiste en esthétique noire formé à l’Université Catholique du Salvador, parle de l’importance sociale et symbolique du cheveu dans la constitution de l’identité noire.

Par Jaqueline Barreto

Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga

Quelle est la signification sociale du cheveu et les sentiments qui lui sont attribués?

Dans cette société, nous avons diverses formes de représentations esthétiques, mais c’est l’européenne qui domine. Les personnes inhérentes à la culture noire sont reléguées à un plan d’infériorité, lié au concept de laideur, d’hideur. L’importance du cheveu, particulièrement dans la jeunesse réside dans le fait qu’il donne le sentiment d’appartenance et d’être bien valorisée. Les personnes sentent qu’elles ont une appartenance, qu’elles sont belles, acceptables, elles se sentent à la mode ou se sentent comme faisant partie d’un contexte social. L’esthétique influence la formation de la personnalité. Nous vivons dans une société extrêmement vaniteuse, une société qui cultive la beauté, l’apparence, le bien-être physique. Donc, l’esthétique est très importante pour la communauté noire. L’esthétique va au-delà de l’apparence. Elle parvient à un résultat très important qui est la formation interne de l’être, du jeune, du citoyen.

Le cheveu montre-t-il la façon dont la personne se voit et la manière dont la personne est vue par la société ?

Pas nécessairement. La personne se voit à partir de la chevelure adoptée et exprime ce que la société veut voir selon les groupes, selon les communautés. En général, celui qui a les cheveux lisses et blonds ne souhaitera pas friser ses cheveux pour ressembler au noir. Cependant, beaucoup de noirs qui ont le cheveu crépu peuvent se sentir influencés et aliénés au point de vouloir défriser et brunir ses cheveux. Je veux dire que la communauté noire brésilienne est à la recherche d’une apparence, nous n’avons pas encore une apparence définie, nous faisons des expériences, des essais de laboratoires. Si vous posez la question à plusieurs femmes noires, elles vous diront qu’elles prennent des heures pour pouvoir porter une tenue et pour créer des coiffures. Cette inquiétude, est normalement confondue à la liberté, seulement, ce n’est pas la liberté. Sortir chaque jour avec un modèle de coiffure, c’est aussi un conflit, car cela démontre que vous ne vous sentez pas confiante avec votre apparence. Se peut-il que je sois laide? L’inconfort de l’apparence domine encore l’inconscient collectif de la communauté noire.

Donc, le cheveu détient un très grand capital symbolique?

C’est un des principaux instruments d’auto-affirmation. Si vous faites partie d’un groupe de noirs avec des cheveux tressés, vous avez un sentiment d’appartenance. L’esthétique doit être renforcée du point de vue de la confiance, nous devons renforcer le militantisme noir avec la confiance.

Les “Bons cheveux ” et les “mauvais cheveux” dont les gens parlent au quotidien sont-elles des phrases qui expriment le conflit racial entre les noirs et les blancs au Brésil?

Cette question des “bons” et des “mauvais cheveux” est une confusion basée sur l’ignorance, un stéréotype introduit de manière perverse au sein de la communauté noire avec pour objectif d’inférioriser les personnes. Le cheveu est une extension du corps. Le corps est soit sain soit malade. Par conséquent, le cheveu n’est lié ni au concept de ce qui est bon ni à celui de ce qui est mauvais. Le cheveu c’est le cheveu.

Il y a une phrase qui dit : “Être noir, c’est devenir Noir.” Qu’en dites-vous?

Je peux partiellement être d’accord avec cette idée qui dit qu’être noir c’est devenir noir. Le mot devenir signifie une transformation qui présuppose une métamorphose, ce qui peut nous emmener à conclure qu’il s’agit d’un processus de militantisme, de conscience. Il s’agit de devenir une personne qui a conscience et pleine connaissance de sa situation existentielle, qu’elle soit ethno-raciale ou humaine. En conclusion, devenir noir est une révélation qui passe par l’activisme et par l’intellectualité.

Que pensez-vous de la scène esthétique noire de Bahia?

Nous avons une population de près de 81% de noirs dont la majorité se soumet aux traitements esthétiques. Au Cercle Omi-Dùdú (Núcleo Omi-dùdú), nous sommes engagés dans l’esthétique car nous pensons que le noir doit être traité par le noir. Il y a une différence quand vous entrez dans un salon et que c’est un noir qui s’occupe de vous. C’est très différent. Un noir n’est pas dégoûté de não tem nojo de pegar em autre noir. Imagine um esteticista alienado, habituée à défriser les cheveux, comment va -t-elle se sentir bien? Comment va-t-elle bien s’occuper d’une personne qui a les cheveux crépus?

Pour des informations supplémentaires: www.nucleoomidudu.org.br