Le séisme a rapproché les Haïtiens et les Dominicains

Ángela Solís de Pena se souvient de l’histoire que ses parents lui ont raconté sur un homme haïtien qui avait essayé de violer une femme dominicaine. Après la fuite de la femme, l’homme l’a poursuivi et l’a tué à coups de machette.

"J’étais pétrifiée (de peur) ante los haïtiens. Cela m’a fait les considérer différemment pendant très longtemps", indique Solís de Pena.

Actuellement âgée de 34 ans et administratrice d’un centre d’éducation préscolaire dans la ville dominicaine de Santiago au le nord du pays, elle ne sait pas si l'histoire était vraie ou non. Elle sait par contre qu’elle l’avait fait avoir peur et détester les Haïtiens.

Récemment, lorsqu’elle s’est inscrite à l’université et qu’elle a commencé à lire la Bible et interagir avec des étudiants haïtiens, elle s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas se laisser aller des généralisations à partir de l’histoire entendue durant son enfance.

Lorsque le 12 janvier le tremblement de terre de 7 degrés sur l’échelle de Richter s’est déchainé, la République Dominicaine -- avec laquelle Haïti partage l’île caribéenne d’ Hispaniola—s’est hâtée de livrer des tonnes de denrées alimentaires d’urgence, parmi lesquelles de la nourriture et de l’eau pour venir en aide aux haïtiens.

Le pays a également ouvert ses frontières aux travailleurs humanitaires internationaux qui se rendaient à Haïti et ont délivré aux étudiants universitaires de ce pays des laissez-passer pour qu’ils puissent aller aider leurs familles et revenir. De plus, le peuple dominicain et les fonctionnaires ont organisé des collectes de fonds et ont donné l’argent pour les efforts de secours en Haïti.

Cette réaction a surpris beaucoup de gens qui étaient très familiers avec l'histoire d’'animosité entre les deux parties.

"Je pense que les Dominicains se sont rendus compte que nous sommes des personnes comme eux et que ça aurait pu leur arriver à eux. Je sais qu’ils seront récompensés pour avoir aidé Haïti", indique Chilet Regis, un chimiste qui vit à Santiago depuis plus de 10 ans.

Selon les fonctionnaires dominicains, le pays en a déjà bénéficié. Au cours des trois derniers mois, son produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 6 %, par rapport à la même période de 2009.

Aujourd’hui plus que jamais, la République Dominicaine sert de lieu de passage où les gens peuvent acheter des marchandises pour venir en aide à Haïti.

Au-delà du récent "dégel" des relations, au cours des 15 dernières années, d’autres changements plus subtils se sont produits. Les diplômés des écoles secondaires haïtiennes qui n’ont pas les bonnes les relations sociales leur permettant d’accéder à la prestigieuse Université d’État de leur pays commencent à s’établir dans universités dominicaines comme une alternative.

Les étudiants haïtiens se démarquent, malgré leurs connaissances limitées de l'espagnol en première année d’université. Les Dominicains, à qui on avait dit que leurs voisins étaient des ouvriers analphabètes commencent à les considérer différemment.

"Franchement, ils nous mettent au défi au défi d'exceller dans nos études. Ici, tout le monde était surpris de voir que les Haïtiens pouvaient venir et dans certains cas, exceller, et que nous devrions travailler dur pour être à leur hauteur", indique Solis de Pena.

Solis de Pena pense que la plupart des Dominicains ont une image positive des Haïtiens. Beaucoup d'étudiants haïtiens sont d’accord avec elle, et rapportent peu d'expériences humiliantes subies de leurs voisins.

Mais la plupart des Haïtiens vivant en République dominicaine sont principalement des travailleurs manuels, et leur situation est loin d'être bonne

Beaucoup de dominicains se plaignent du fait que les ouvriers de construction originaires de Haïti ont fait chuter les salaires locaux, en acceptant de travailler pour des paies beaucoup moins élevées que les dominicains.

Les haïtiens travaillent dans les plantations de canne à sucre et vivent également dans des conditions infrahumaines, selon les observateurs internationaux.

L’animosité entre les deux pays remonte aux débuts du 19ème siècle, lorsque le président haïtien Jean Pierre Boyer (qui a gouverné entre 1818 et 1843) a envahi la République Dominicaine et gouverné la partie orientale d’ Hispaniola pendant plus de 25 ans. Le régime fut brutal et jusqu’à présent, les dominicains n’ont pas pu l’oublier. Certains dominicains croient que les histoires d’atrocités commises par des haïtiens sont enseignées dans les écoles parce que les responsables ne veulent pas que cette partie de leur histoire soit perdue de vue.

Même si la République Dominicaine a fait d’énormes progrès pouvant susciter l’envie de l’Amérique Latine, ses habitants ressentent une certaine honte d’avoir été gouverné par Haïti, actuellement considéré comme le pays le plus pauvre de l’Amérique.

Pour sa part, sous la présidence de Rafael Trujillo (1930-1938 et 1942-1952), la République dominicaine a ordonné le massacre de milliers d'Haïtiens, et quelque trois générations plus tard, il continue de nier la citoyenneté aux enfants nés de parents haïtiens.

Les tensions qui infestent cette histoire ne se réparerons pas facilement, mais les haïtiens et les dominicains que nous avons interviewé soutiennent que le changement arrive.

Par Garry Pierre-Pierre*

  • Spécialement pour IPS de The Haitian Times.

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Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com