___Quant à l'Africain, l'anthropologie lui fournit une fondation solide pour son nouveau nationalisme, et lui permet de reconnaître la valeur et la beauté de son passé 11 ».
Par http://www.777-mafia.com/us/home, samedi 29 décembre 2012 à 16:59 :: ___Battlefiel IV - BLOODSLATTERS - Survival Of The Fittes - Everyday Gun Play - Street Life :: #4284 :: rss
« Une forme de recherche particulièrement humiliante »
L'anthropologie se voit également accusée de mettre à mal la dignité des Africains scolarisés. Perham (1934b) cherche ainsi à expliquer « la prévention exprimée contre l'anthropologie par un grand nombre d'Africains éduqués ». « Il est naturel, poursuit-elle, que l'Africain, depuis peu mal à l'aise, soit prompt à soupçonner des attitudes de supériorité ; malheureusement, il se croit le seul à être l'objet d'une forme de recherche particulièrement humiliante. Il est regrettable que cette branche de la sociologie qui s'applique à la société primitive ait un nom différent, car cela permet aux Africains d'ignorer la grande quantité de recherches – qui ne sont pas autre chose que de l'anthropologie – que les Européens s'appliquent les uns aux autres, et qui est de plus en plus appréciée pour l'assistance qu'elle apporte au gouvernement. »
La dénonciation de l'anthropologie comme « une forme de recherche particulièrement humiliante » est significative : elle correspond d'abord au refus par les Africains scolarisés d'être considérés comme des « primitifs » ou des « sauvages », termes qui correspondent à la façon dont est alors défini l'objet de l'anthropologie et apparaissent couramment dans les titres des ouvrages d'anthropologie (par exemple Malinowski 1926).
Mais on peut l'interpréter aussi comme un refus des pratiques les plus « humiliantes » associées à l'anthropologie physique. Certains indices laissent en effet penser que les mesures anthropométriques, qui faisaient auparavant partie des pratiques scientifiques standards, deviennent plus difficiles à faire accepter aux indigènes, au moins dans les zones les plus désenclavées. Décrivant les premières semaines d'enquête à leur arrivée à Kalenga, au Tanganyika, Elizabeth Brown, épouse de Gordon Brown, élève de Malinowski, évoque le fait qu'il semblait « impossible de suggérer à froid de prendre des mesures anthropométriques ». Pour contourner la difficulté, le couple donna une fête à laquelle furent invités tous les notables et leurs amis. La bière aidant, cela devint « la plus gaie des séances de mesure », chacun s'amusant à se comparer aux autres9.
Ce qui est rejeté avec ces pratiques, c'est le modèle d'une anthropologie traditionnellement définie comme « cette branche de l'histoire naturelle qui traite de l'espèce humaine »10. On peut se demander si le changement de paradigme théorique qui mène à l'abandon progressif de l'anthropologie physique n'a pas été renforcé par le fait que certaines pratiques, qui auparavant « allaient de soi », perdaient leur légitimité.
Perham, défendant l'anthropologie moderne, insiste précisément sur la rupture avec la conception de l'anthropologie comme histoire naturelle ou comme science des origines : « Les nouveaux anthropologues, de la jeune génération, ne regardent plus les Africains comme des spécimens et ne cherchent pas à préserver le passé dans l'intérêt de leurs recherches. Ils vivent avec les Africains, deviennent leurs amis, et leur interprétation des conditions actuelles sera pour l'Afrique de la plus grande valeur » (1934a). On voit ainsi comment les critiques contre l'anthropologie peuvent être utilisées comme des arguments dans la lutte entre différentes versions de l'anthropologie.
C'est le sens des notes largement positives prises par Malinowski sur l'article de Perham (1934b). Il se félicite qu'elle démontre que les préventions de l'Africain contre les anthropologues sont infondées : « L'anthropologie elle-même a rejeté les entraves de l'antiquairisme. Quant à l'Africain, l'anthropologie lui fournit une fondation solide pour son nouveau nationalisme, et lui permet de reconnaître la valeur et la beauté de son passé11 ».
Malinowski et Perham tendent donc à présenter les contestations comme reposant sur un malentendu : les nouveaux anthropologues sont les « amis des Africains ». La vraie question est cependant esquivée : de quels Africains s'agit-il ?
..http://terrain.revues.org/3173
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