La publication de nouvelles caricatures du prophète de l'islam par le magazine satirique Charlie Hebdo, dans la foulée de la diffusion d'images jugées offensantes par les fidèles musulmans à travers le monde vient une nouvelle fois mettre en lumière l'incompatibilité apparente entre le droit absolu à la liberté d'expression, défendu dans les pays démocratiques, et l'extrême sensibilité de nombre de croyants à ce qu'ils considèrent comme des atteintes au "sacré", des attaques "blasphématoires".

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Il y a un an déjà, les invocations de "blasphème" avaient fait une percée remarquée en France avec la condamnation par les catholiques de deux pièces de théâtre et celle par les musulmans de caricatures du prophète Mahomet publiées, déjà, par Charlie Hebdo. Or, cette notion apparaît anachronique, incompréhensible même pour nombre de contemporains détachés de toute croyance ou d'affinités avec le "sacré". D'autant que, historiquement, accuser un non-croyant ou le croyant d'une autre religion de "blasphème" n'a guère de sens : les provocations venues de l'extérieur d'une communauté devraient donc être considérées comme insignifiantes par les croyants de la confession visée.

SIGNE D'UN REPLI IDENTITAIRE ?

C'est loin d'être le cas et, sans aller jusqu'aux rétorsions violentes et inacceptables que l'on a pu constater ces derniers jours à travers le monde, des voix demandent que puissent être poursuivies devant la justice les insultes proférées à l'encontre d'une croyance ou de ses symboles.

Tout en mettant en avant la liberté d'expression, le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a d'ailleurs indiqué mercredi 19 septembre : "Si vraiment des personnes se sentent heurtées dans leurs convictions et pensent qu'il y a eu dépassement du droit - nous sommes dans un Etat de droit, cet Etat de droit doit être totalement respecté -, elles peuvent saisir les tribunaux."

En France, les tribunaux pénalisent "l'injure, l'attaque personnelle et directe dirigée contre un groupe de personnes en raison de leur appartenance religieuse" ou l'incitation à la haine raciale ou religieuse : ils jugent donc régulièrement des affaires qui concernent la diffamation des individus. Mais la justice profane déboute quasi systématiquement les groupes religieux qui, devant les tribunaux, questionnent la liberté d'expression au nom de la défense de leur religion. "Les droits de l'homme ne protègent pas et ne doivent pas protéger des systèmes de croyance", défendent ainsi les représentants de l'Union européenne devant l'Organisation des nations unies (ONU), confrontées à ces débats depuis une quinzaine d'années.

Tous les ans depuis 1999, les 57 pays de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) s'efforcent de promouvoir devant la commission des droits de l'homme de l'ONU, le concept de "diffamation des religions", autre appellation du "délit de blasphème", surtout en vigueur dans les pays musulmans. Nombre d'observateurs voient dans cette invocation récurrente du blasphème le signe d'un repli identitaire.

LIMITATION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ?

Confrontées à la mondialisation, à d'autres formes de croyance et à l'athéisme, les religions s'efforcent d'opposer la communauté des croyants à ce qu'elles considèrent comme des agressions extérieures.

Les pays occidentaux, rejoints par l'Amérique latine et l'Afrique, s'opposent aux demandes de l'OCI, voyant aussi dans cette démarche un moyen de limiter la liberté d'expression, notamment celle des minorités religieuses dans des pays majoritairement musulmans. Un texte, non contraignant, adopté début 2011 condamne "toute incitation à la haine religieuse contre des croyants" et appelle les gouvernements à agir pour prévenir de tels comportements, mais ne fait plus référence à la diffamation. Les diplomates des pays de l'OCI ont averti qu'ils ne renonceraient pas à militer pour une loi contre le blasphème s'il apparaissait que les pays occidentaux ne protégeaient pas suffisamment les fidèles musulmans.

Lire aussi l'enquête : Blasphème, l'éternel retour

  • Les sources du droit de la guerre


Affirmer le droit de la guerre constitue une ambiguïté fondamentale car dans le détail des sources de ce droit se trouvent à la fois affirmées l'illégitimité de la guerre comme mode de règlements des conflits et la légalité d'un certain nombre de règles permettant le déploiement de la violence collective. Charles ROUSSEAU, dans son Traité sur le droit des conflits armés n'écrit pas autre chose : "A l'égard de la guerre on peut adopter deux attitudes extrêmes : la condamner systématiquement ou la glorifier sans réserves. On peut aussi se rallier à l'affirmation moyenne qui y voit un mal nécessaire dans certains cas. la doctrine du droit international reflète ces divergences. Pour certains auteurs (cas des auteurs de l'école nationale-socialiste) la guerre constitue un phénomène supérieur au droit. Pour beaucoup d'auteurs positivistes elle est un phénomène étranger au droit. Enfin l'opinion dominante depuis la conclusion du Pacte KELLOG est que la guerre est un phénomène contraire au droit, dont le caractère essentiel est de n'être ni supra, ni extra-juridique, mais bien anti-juridique.". Même constatation chez Q.WRIGHT : "D'étape en étape, le droit s'est en quelque sorte rationalisé et cérébralisé (pour ne pas dire "céphalisé"). Il est davantage tête sans cesser d'informer un corps. le problème est aujourd'hui de savoir si un nouveau pas est possible et souhaitable. D'aucuns ont prophétisé l'ère planétaire et le mondialisme, dans le dessein d'arracher la violence et d'établir "la paix perpétuelle", mais cette annonce rappelle étrangement la promesse de la non-violence absolue qui relève davantage, pense t-on, du mythe religieux que du réalisme politique. Cette non-violence mondiale, si elle ne débouche pas sur la mort, risque fort de dégénérer en une nouvelle violence par la résurgence d'un groupe particulier dominant les autres, "race de seigneurs" étendant son empire ou dictature de classe se déclarant société sans classes.(...) Comme un impératif au coeur de la violence, la tâche surgit de dominer la violence ; la non-violence se promet comme un appel. Au moment où la guerre risque de provoquer un paroxysme de violence, un cataclysme sans nom, force est que le droit aussi connaisse une mutation qualitative. Dire le droit de la guerre n'est pas la légitimer mais la dépasser."



Historiquement, ce droit de la guerre, on pourrait écrire droit de guerre, a presque toujours existé. En Babylone, 2000 ans avant J.C., le code d'HAMMURABI imposait un mode de conduite en cas de guerre. En Inde ancienne, le Mahâbhârata prêchait la miséricorde envers les troupes ennemies vaincues. La Bible et le Coran regorgent de régles prônant le respect de l'adversaire. Au Moyen-Age occidental, les gloses autour de la guerre juste et de la paix de Dieu fournissaient les moyens de limiter les temps et les lieux de guerre.



D'abord coutumier et religieux, le droit de la guerre s'écrit et se codifie avec notamment GROTIUS au XVIIème siècle dans son oeuvre de référence "De la guerre et de la paix". La définition même de la guerre, en la limitant comme instrument des Etats souverains pour régler leurs conflits entérine et généralise sa rationalisation.



Deux conceptions s'élaborent presque en même temps, se construisant de textes en textes, de codes en codes et de traités de paix en traités de paix :



- le droit de faire la guerre ou d'entrer en guerre (jus ad bellem) qui suppose un motif tel que se défendre d'une menace ou d'un danger (qui n'exclue pas évidemment pas l'attaque dans les faits). Ce droit réglemente les conditions d'entrée en guerre et prévoit parfois les procédures qui y mettent fin ;



- le droit pendant la guerre (jus in bello) qui implique des comportements des armées sur les champs des batailles ainsi qu'avant et après celles-ci. ce droit limite l'étendue des violences autorisées, protégeant notamment les populations civiles non armées de celles-ci.



Le problème, avec l'extension des moyens de guerre et l'élaboration de stratégies globales de guerre totale est que ni l'une ni l'autre de ces deux conceptions ne résistent à l'évolution des guerres sur le terrain. Tous les moyens redeviennent bons, on l'a vu notamment pendant la Seconde Guerre Mondiale.



L'accentuation des continuités entre guerres entre Etats et guerres civiles, présentes déjà lors des guerres napoléoniennes et l'extension des effets des guerres à tous les territoires et à toutes les populations civiles rendent fragiles les élaborations théoriques d'un droit de la guerre. Carl SCHMITT, dans sa "Théorie du partisan" (1963) notamment, analyse ces évolutions. Toutes les études actuelles sur la guerre et sur le droit de la guerre posent la question : "Peut-on conserver les termes classique du jus publicum européen (guerre limitée) ou en contraire en sortir (guerre illimitée)?" L'humanité est-elle entrée dans une ère de guerre globale continue, alternant guerres "chaudes, crises, et guerres "froides"?



Du coup, on conçoit que tous les efforts menés depuis qu'Henri DUNANT a fondé la Croix Rouge Internationale, jusqu'aux montages juridiques compliqués de la Société Des Nations (SDN) et de l'Organisation des Nations Unies (ONU) ne peuvent plus suffir à garantir le droit de la guerre minimal du jus ad bellum et du jus in bello. Nous sommes probablement entrés dans une sone de turbulances planétaires qui rendent urgentes l'élaboration de nouvelles sources du droit de la guerre, sources qui ne peuvent seulement venir des Etats instrumentalisateurs de ce droit ou même des organisations internationales qui s'apparentent un peu trop à des arênes juridiques entre Etats.



Charles ROUSSEAU, Le droit des conflits armés, Editions A.PEDONE, 1983 ; Sous la direction de Mohammed BEDJAOUI, Droit international, Bilan et Perspectives, Tome 1, Editions A.PEDONE et UNESCO, 1991 ; Hugo GROTIUS, Le droit de la guerre et de la paix, PUF, Quadrige, Grands textes, 2005 ; Q.WRIGHT, Article Droit de la guerre, Encyclopedia Universalis, 2004.

                                                                                          JURIDICUS

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