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Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain

 
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 13 Avr 2006 04:54    Sujet du message: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

Quand à la fin du XVème siècle les Portugais abordent (« découvrent ») le Kongo-Dina-Nza, ce pays est au summum de son expansion territoriale ; et n’a donc probablement jamais été aussi vaste, avec une superficie d’environ 2.2 millions de km2.

Cette configuration de Kongo-Dina-Nza est-elle récente, procède-t-elle d’un processus impérialiste, tel que des conquérants autochtones auraient soumis, de fraîche date, des populations de contrées alentours ? ON N’EN SAIT RIEN !!!

Mais si tel fut le cas, alors le Kongo-Dina-Nza de la fin du XVème siècle devait couver de graves dissensions internes, qu’au fil de décennies les Blancs auraient exploitées, voire attisées. A cette limite de connaissance documentée se heurte la théorie des « facteurs internes de destruction » de Kongo-Dina-Nza. Limite que d’aucuns franchissent joyeusement, munis de leur seule imagination débridée, quoique infertile…

Or, d’une part, des données archéologiques laissent entrevoir que le processus de formation de Kongo est déjà séculaire au XVème siècle. Il daterait au plus tôt du IIIème siècle de notre ère, sans que l’on ne puisse en déterminer les différents stades de déroulement précédant l’arrivée des Blancs.

Auquel cas, la configuration de Kongo telle que ces derniers le « découvrent » pouvait avoir été élaborée de longue date. A ce propos, l’historiographie occidentale a eu tendance généralement à « rajeunir » les phénomènes sociétaux négro-africains, certes par manque de données, mais aussi par idéologie raciste : ces Nègres ne pouvaient pas avoir fait grand-chose de leur propre chef, sans les Arabes et plus tard les Européens. Ainsi, en égyptologie, c’est la chronologie courte qui continue de prévaloir, malgré la Dynastie Zéro, le calendrier, etc. Et que l’ancienneté de la métallurgie africaine, de Ghana, Djenné, Simba Wé, etc. a été d’abord, systématiquement, sous-estimée…

D’autre part, les sociétés africaines anciennes se sont souvent constituées, et ont prospéré, grâce au contrôle de la REPRODUCTION SOCIETALE et à la maîtrise des routes du commerce lointain (intra-africain, et/ou exo-africain). Anciennement, le souverain négro-africain a été d’abord l’Aîné officiant lors du culte des morts, puis le Grand-Prêtre administrant le Temple installé au carrefour des autels lignagers ; avant de devenir le Prêtre-Roi locataire du Palais, installé à la croisée des routes du commerce lointain.

Ce sont les stratégies d’alliances matrimoniales et leur maillage en des places stratégiques (point d’eau, mines d’or, de cuivre, fer, chemins caravaniers, etc.) d'un milieu écologique donné (bassin du Kongo, vallée du Nil, boucle du Djoliba, mines de Bambouk, du Bouré, de l’Ashanti, etc.) qui progressivement culminent en un réseau politique inter-lignager, de structure fédérative : où chaque oncle (classificatoire) est maître sur ses terres, et que l’aîné de la Matrie est le grand-maître (le « Kam Wr ») de l’ensemble des terres ainsi occupées ; en tant qu’il préside aux grands sacrifices collectifs, et qu’il valide rituellement les mariages exogamiques, c’est-à-dire qu’il contrôle les échanges matrimoniaux dans cet espace-temps.

Dans un tel type de processus de formation politique, les guerres sont moins « nécessaires » (surtout dans une Afrique si vaste) et corrélativement peu fréquentes ; contrairement aux intrigues matrimoniales. En sorte que le souverain est plutôt un grand-prêtre qu’un grand-guerrier (qu’il peut devenir, au besoin). Cela est d’autant plus vrai(semblable) que les moyens/techniques militaires ont été partout en Afrique relativement peu développés, en comparaison des institutions et pratiques cultuelles prépondérantes. Ce, malgré une métallurgie (du fer) très ancienne, et une vaste palette de savoirs-faire artisanaux, manufacturiers, qui se sont davantage signalés dans la statuaire (Luba) et autres objets de culte (Fang) ; plutôt que dans la fabrication d'armes de destruction massive. En outre, la circulation matrilinéaire du pouvoir politico-sacerdotal confère une place nodale aux Reines-Mères et aux Epouses-Royales.

Aussi, de ce que l’on sait de Kongo-Dina-Nza, il semble que ce pays procède de ce type de formation politique ; plutôt que d’un impérialisme expansionniste.

P.S. Je tiens d'Alain ANSELIN le concept de "Mode de Reproduction" qu'il a appliqué à l'étude de d'autres sociétés, notamment négro-africaines, que celle de Kongo-Dina-Nza. Il l'oppose, à juste titre, au fameux "Mode de Production Asiatique" que les Marxistes ont mobilisé à tort dans le contexte négro-africain. Une "mode" épistémologique à laquelle même Cheikh Anta Diop avait sacrifié...
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ARDIN
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MessagePosté le: Lun 17 Avr 2006 17:16    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

OGOTEMMELI a écrit:
P.S. Je tiens d'Alain ANSELIN le concept de "Mode de Reproduction" qu'il a appliqué à l'étude de d'autres sociétés, notamment négro-africaines, que celle de Kongo-Dina-Nza. Il l'oppose, à juste titre, au fameux "Mode de Production Asiatique" que les Marxistes ont mobilisé à tort dans le contexte négro-africain. Une "mode" épistémologique à laquelle même Cheikh Anta Diop avait sacrifié...

Eclaires un peu ma lanterne mon frere, Jean-Pierre Kaya, lui parle, dans le tome I de son livre(Theorie de la Revolution Africaine) de Mode de Production Initiatique qu’il oppose au M.P.A, j’aimerai savoir si tu y vois la meme chose avec le concept de Mode de Reproduction dont parle Alain Anselin
Merci a toi.
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Lun 17 Avr 2006 18:50    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

ARDIN a écrit:
OGOTEMMELI a écrit:
P.S. Je tiens d'Alain ANSELIN le concept de "Mode de Reproduction" qu'il a appliqué à l'étude de d'autres sociétés, notamment négro-africaines, que celle de Kongo-Dina-Nza. Il l'oppose, à juste titre, au fameux "Mode de Production Asiatique" que les Marxistes ont mobilisé à tort dans le contexte négro-africain. Une "mode" épistémologique à laquelle même Cheikh Anta Diop avait sacrifié...

Eclaires un peu ma lanterne mon frere, Jean-Pierre Kaya, lui parle, dans le tome I de son livre(Theorie de la Revolution Africaine) de Mode de Production Initiatique qu’il oppose au M.P.A, j’aimerai savoir si tu y vois la meme chose avec le concept de Mode de Reproduction dont parle Alain Anselin
Merci a toi.

Là, ARDIN, tu es pile poil sur ce qui me pose problème essentiellement dans l'ouvrage de J.P. Kaya ; son concept de "Mode de Production Initiatique", a fortiori au regard de l'idée génialissime d'Alain Anselin.

Mais comme tu me demandes ce qui rapproche ou distingue les deux concepts, je commencerai par là. Puis je dirai en quoi je trouve problématique le "Modse de Production Initiatique".

- D'abord, REproduction n'est pas PRoduction. Anselin vise la manière dont, ou plus exactement le système par lequel, la société en tant qu'ensemble d'être humains se reproduit de période en période. C'est une perspective généalogique, anthropologique : ce sont les échanges matrimoniaux qui permettent à la société de se pérenniser, de se reproduire.
Ex : Les Allemands croulent sous leurs excédents agroalimentaires. Mais s'ils continuent de faire aussi peu d'enfants par génération, toutes leurs richesses matérielles, économiques, ne suffiront pas à pérenniser leur nation...

Donc, ce qu'observe Anselin dans les sociétés africaines anciennes, c'est que ce sont les relations matrimoniales qui configurent la société négro-africaine, et déterminent le statut social de chacun en fonction de la position qu'il tient dans lesdites relations. En sorte que l'une des clefs d'accès à la connaissance des phénomènes sociétaux négro-africains consiste en l'étude des systèmes d'échanges matrimoniaux. Cette observation d'Anselin est GENIALISSIME!!!

Elle est aux antipodes des analyses en termes de mode de production. En effet, celles-ci privilégient les relations économiques, considérant le staut social de chacun en fonction de la position (patron-ouvrier , propriétaire-salarié, maître-esclave, etc.) qu'il tient dans le processus de production des richesses économiques/marchandes.

JP Kaya s'inscrit donc dans cette veine "productionniste". Toutefois, je crains que sa tentative ne soit pas réussie...
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ARDIN
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MessagePosté le: Lun 17 Avr 2006 20:20    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

Je te suis mon frere, mais j’ai d’autres questions: Que penses tu de l’importance que JP Kaya donne a l’initiation dans le processus de reconstruction de l’identite et de la personnalite africaine?
Citation:
Donc, ce qu'observe Anselin dans les sociétés africaines anciennes, c'est que ce sont les relations matrimoniales qui configurent la société négro-africaine, et déterminent le statut social de chacun en fonction de la position qu'il tient dans lesdites relations. En sorte que l'une des clefs d'accès à la connaissance des phénomènes sociétaux négro-africains consiste en l'étude des systèmes d'échanges matrimoniaux. Cette observation d'Anselin est GENIALISSIME!!!

Et quels sont les autres clefs d'acces a cette connaissance?
L'initiation, telle que l'a decrite JP Kaya n'en est elle pas une?
Si oui, elle peut donc etre consideree comme un rouage du mode de reproduction car pour qu’il y ait reproduction, il faut qu’il y ait production auparavant, non?

Enfin, peux tu me donner le titre de l’ouvrage dont Alain Anselin traite de ce probleme?
Merci
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Lun 17 Avr 2006 21:49    Sujet du message: Répondre en citant

Les théories du pouvoir d'Anselin sont plus amplement exposées dans "SAMBA", mon préféré parmi ses ouvrages. Mais le concept de "Mode de Reproduction" est mobilisé dans "Le mythe d'Europe".

Extrait :
Alain ANSELIN a écrit:
En gros, le MPA apparaît comme un système où les vieilles instances reproductives s'effacent devant et se subordonnent aux instances productives, comme le système où le pouvoir, le contrôle de la société émane de la parenté, s'étend à la production et finit par s'organiser sur cette base nouvelle : le système où l'irruption de la production dans les institutions, dans l'alimentation du pouvoir donne aux vieilles formes un lustre jamais atteint dans le temps même où il constitue des rapports sociaux nouveaux autour desquels la parenté va bientôt évoluer.

L'Afrique a connu cette phase où l'apogée du pouvoir lignager appelle son déclin, où le roi Serpent soninke, le Bida, le Serpent Noir, véritable Kekrôps du Wagadu, est tué mais pas remplacé, où la famille cède le pas sur la maisonnée ; où le pharaon profite du pouvoir que lui donne la superstructure reproductive pour contrôler la production, où le mercenaire lybien se coiffe de la couronne pharaonique pour faire de l'import-export à grande échelle pendant deux siècles [... P217]

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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Lun 17 Avr 2006 22:16    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

ARDIN a écrit:
Je te suis mon frere, mais j’ai d’autres questions: Que penses tu de l’importance que JP Kaya donne a l’initiation dans le processus de reconstruction de l’identite et de la personnalite africaine?
Citation:
Donc, ce qu'observe Anselin dans les sociétés africaines anciennes, c'est que ce sont les relations matrimoniales qui configurent la société négro-africaine, et déterminent le statut social de chacun en fonction de la position qu'il tient dans lesdites relations. En sorte que l'une des clefs d'accès à la connaissance des phénomènes sociétaux négro-africains consiste en l'étude des systèmes d'échanges matrimoniaux. Cette observation d'Anselin est GENIALISSIME!!!

Et quels sont les autres clefs d'acces a cette connaissance?
L'initiation, telle que l'a decrite JP Kaya n'en est elle pas une?
Si oui, elle peut donc etre consideree comme un rouage du mode de reproduction car pour qu’il y ait reproduction, il faut qu’il y ait production auparavant, non?


L'initiation est un mode collectif de transmission des connaissances au sein d'une société donnée. Est-ce que la façon dont nous acquérons des connaissance détermine, dans quelque mesure, la manière dont nous concevons et organisons les activités productives, économiques? En tout cas Kaya pense que oui ; que c'est l'initiation qui conditionne la manière dont les sociétés africaines pourvoient à leurs conditions matérielles d'existence.

Il me semble, par contre, que ce n'est pas tant l'initiation que le contenu des connaissances initiatiques qui configure les savoirs et savoir-faire, notamment en matière de production. Mais aussi en matière de reproduction. En sorte que strictement considérée, l'initiation n'est pas importante ; c'est ce à quoi on est initié qui sera le plus déterminant/structurant. Aussi tout l'appareil cérémoniel de l'initiation vise-t-il justement à attirer sur son contenu toute l'attention requise des jeunes récipiendaires, afin qu'ils soient "à jamais" marqués par ce qu'ils ont appris, et que cela gouverne leurs pas de futurs adultes...

Il s'ensuit que la connaissance des enseignements initiatiques est évidemment une précieuse clé d'accès au monde africain. Un monde dans lequel les plus grands initiés ne sont pas nécessairement les plus riches possédants. Ogotemmêli n'était qu'un vieux chasseur aveugle, retraité vivant dans des conditions matérielles quasiment ascétiques ; comme souvent les grands sages des temps anciens...
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ARDIN
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MessagePosté le: Mar 18 Avr 2006 15:54    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

Merci OGOTEMMELI,

J'y reviendrais plus tard, faut je me remette un peu les idees en place. Il ya pas mal de points sur lesquels on peut appronfondir a mon avis.
Je te dis donc a plus!
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ARDIN
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MessagePosté le: Ven 05 Mai 2006 22:12    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

ARDIN a écrit:
Merci OGOTEMMELI,

J'y reviendrais plus tard, faut je me remette un peu les idees en place. Il ya pas mal de points sur lesquels on peut appronfondir a mon avis.
Je te dis donc a plus!

Salut OGOTEMMELI,
Il me reste a lire les 3 autres tomes plus l'ouvrage d'Alain Anselin lui meme pour etre en mesure de mieux poursuivre ici avec toi.
Il me semble que J.P. Kaya a developpe plus sur le mode de production iniatique dans le tome suivant. Ca reste a voir.
A bientot! sauf si quelqu'un a autre chose a ajouter.
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ARDIN
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MessagePosté le: Lun 14 Aoû 2006 19:55    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

Salut OGOTEMMELI!

Ce qui me fait reagir aujourd’hui, c’est quelque chose sur laquelle je viens de tomber en relisant ANTERIORITE DES CIVILISATIONS NEGRES, MYTHE OU VERITE HISTORIQUE? de Cheikh Anta Diop, au chapitre V a la page 100 qui est assez troublant ou il considere l’initiation comme un systeme defectueux, fatal au developpement intellectuel des peuples, en precisant que tout le reste de l’Afrique Noire l’a eue en commun avec l’Egypte. Et aussi une page avant(page 99), il dit ceci:
[...]Le paragraphe qui precede, tire de Porphyre, presente un interet dans la mesure ou il reflete l'etat d'esprit qui devait etre celui du corps sacerdotal egyptien, l'attitude qu'il adoptait en general a l'egard des candidats. On met ici le doigt sur la faiblesse, majeure peut etre, de la civilisation egyptienne; cette science gardee jalousement, n'a jamais penetre profondement l'esprit du peuple qui recevait un enseignement exoterique...[...].
Je n’ai malheureusement pas mon exemplaire du livre de J.P Kaya avec moi en ce moment, pour pouvoir m’y replonger, mais je le soupconne de proposer la reconceptualisation du systeme initiatique... Si ca ne te derange pas de jeter un coup d'oeil sur ton exemplaire...merci
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Mar 15 Aoû 2006 13:42    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

ARDIN a écrit:
Salut OGOTEMMELI!

Ce qui me fait reagir aujourd’hui, c’est quelque chose sur laquelle je viens de tomber en relisant ANTERIORITE DES CIVILISATIONS NEGRES, MYTHE OU VERITE HISTORIQUE? de Cheikh Anta Diop, au chapitre V a la page 100 qui est assez troublant ou il considere l’initiation comme un systeme defectueux, fatal au developpement intellectuel des peuples, en precisant que tout le reste de l’Afrique Noire l’a eue en commun avec l’Egypte. Et aussi une page avant(page 99), il dit ceci:
[...]Le paragraphe qui precede, tire de Porphyre, presente un interet dans la mesure ou il reflete l'etat d'esprit qui devait etre celui du corps sacerdotal egyptien, l'attitude qu'il adoptait en general a l'egard des candidats. On met ici le doigt sur la faiblesse, majeure peut etre, de la civilisation egyptienne; cette science gardee jalousement, n'a jamais penetre profondement l'esprit du peuple qui recevait un enseignement exoterique...[...].
Je n’ai malheureusement pas mon exemplaire du livre de J.P Kaya avec moi en ce moment, pour pouvoir m’y replonger, mais je le soupconne de proposer la reconceptualisation du systeme initiatique... Si ca ne te derange pas de jeter un coup d'oeil sur ton exemplaire...merci


Heu, vraiment c'est difficile à dire. Désolé, mais là CAD s'est un peu emballé : le mythe de Grecs discutant philosophie en publique sur l'agora l'a un peu fourvoyé. D'abord parce seule une petite minorité de privilégiés étaient citoyens, et à ce ritre avait accès à l'agora.

Ensuite, étant gamin j'ai maintes fois accompagné mon grand-père maternel sous l'arbre à palabres, sous prétexte de lui porter son tabouret et de lui rapporter du tabac pour sa pipe de temps en temps. Et tout gamin que j'étais, il me souvient que parfois les discussions étaient de très haut niveau entre les vieux, sur cette place tout à fait publique. Je suis persuadé que des générations d'anciens Africains ont complété leur initiation de cette manière, en participant à ces joutes verbales publiques, où on ne reconnaissait pas seulement l'éloquence, mais aussi évidemment l'érudition la plus pointue.

Mais j'ai aussi entendu mon grand-père dire qu'un homme vaut au moins autant par ce qu'il sait que par ce qu'il tait : ultimement, pour les Anciens, le savoir est secret. C'est pourquoi beaucoup ont préféré emporter leurs secrets, plutôt que de les confier à de nouvelles générations qui ne rêvaient que d'aliénation. Si tu t'approches des anciens, et que tu leur montre toute la considération qu'ils estiment mériter, ils peuvent TOUT te donner sans aucune contrepartie que la fermeté de ton amour de savoir/sagesse : demandes à Griaule, combien il a payé Ogotemmêli. C'est pourtant un Blanc, figure emblématique de l'étranger, qui a reçu les cérémonies funéraires exclusivement réservées aux plus illustres parmi les illustres Dogon. Ce qui n'est tout de même pâs rien comme marque d'acception DEFINITIVE de ce homme parmi eux...

Par ailleurs, dans l'Europe médiévale, combien y-avait-il d'instruits, de lettrés et autres savants, en dehors des monastères et abbayes? Or, selon certains auteurs, le taux d'alphabétisation de Tombouctou frisait 100% à son apogée.

Bref, la démocratisation du savoir est un phénomène très récent qui vient de franchir un cape, à notre époque, avec l'internet. Pourtant, les Etats et les entreprises (ex Coca cola) dépensent des fortunes pour protéger les connaissances qu'ils estiment les plus stratégiques...

Donc, aucune société n'a jamais été totalement ouverte en matière de savoir. En sorte que je trouve exagéré de dire que c'est le culte du secret qui perdu l'Afrique sur l'échiquier des savoirs. La raison est plus sinistre et massive : 500 ans de déportations de millions de Nègres, plus 100 ans d'incendie des agglométaion, de saccage des cultures et pratiques sociales négro-africaines ont atrophié les activités intellectuelles et spirituelles : l'homme qui a faim et est soumis n'a pas le loisir de s'élever au dessus des contingences quotidiennes les plus immédiates...
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ARDIN
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MessagePosté le: Mer 16 Aoû 2006 20:28    Sujet du message: Re: Kongo-Dina-Nza : un mode de reproduction négro-africain Répondre en citant

OGOTEMMELI a écrit:
Citation:
Heu, vraiment c'est difficile à dire. Désolé, mais là CAD s'est un peu emballé : le mythe de Grecs discutant philosophie en publique sur l'agora l'a un peu fourvoyé. D'abord parce seule une petite minorité de privilégiés étaient citoyens, et à ce ritre avait accès à l'agora.
Mon frere, le vrai miracle grec, c’est sans doute d’avoir su sortir les savoirs et les connaissances du cercle privilegie des pretes savants egyptiens pour les porter dans l’agora, les mettre a la portee du public. Il me semble que c’est situation qui a pu permettre d’elargir la perspective des connaissances, provoquer de la nouveaute et valoriser l’originalite; contrairement a ce que Diop a observe, que «le savoir etait si precieux aux yeux du pretre egyptien qu’il preferait le garder et l’etendre seulement a quelques individus privilegies, plutot que d’agir comme son disciple grec et de le repandre a l’echelle du peuple pour se faire un nom»
Il ya quand meme un fait incontestable qui est que la science et les arts sont sortis du code du secret pharaonique avec les Grecs, c’est avec eux qu’ils sont sortis de la texture du mysterieux pour devenir objet de curiosite publique, du questionnement public.
Citation:
Ensuite, étant gamin j'ai maintes fois accompagné mon grand-père maternel sous l'arbre à palabres, sous prétexte de lui porter son tabouret et de lui rapporter du tabac pour sa pipe de temps en temps. Et tout gamin que j'étais, il me souvient que parfois les discussions étaient de très haut niveau entre les vieux, sur cette place tout à fait publique. Je suis persuadé que des générations d'anciens Africains ont complété leur initiation de cette manière, en participant à ces joutes verbales publiques, où on ne reconnaissait pas seulement l'éloquence, mais aussi évidemment l'érudition la plus pointue.
Il faut surtout se poser la question ici, de savoir comment ces anciens Africains, developpaient les connaissances, les propageaint apres leur initiation. Je suis d’accord avec toi, sur le mode d’acquisition de l’erudition, mais mon probleme se trouve au niveau de sa transmission aupres d’autres generations.
Citation:
Mais j'ai aussi entendu mon grand-père dire qu'un homme vaut au moins autant par ce qu'il sait que par ce qu'il tait : ultimement, pour les Anciens, le savoir est secret. C'est pourquoi beaucoup ont préféré emporter leurs secrets, plutôt que de les confier à de nouvelles générations qui ne rêvaient que d'aliénation. Si tu t'approches des anciens, et que tu leur montre toute la considération qu'ils estiment mériter, ils peuvent TOUT te donner sans aucune contrepartie que la fermeté de ton amour de savoir/sagesse : demandes à Griaule, combien il a payé Ogotemmêli. C'est pourtant un Blanc, figure emblématique de l'étranger, qui a reçu les cérémonies funéraires exclusivement réservées aux plus illustres parmi les illustres Dogon. Ce qui n'est tout de même pâs rien comme marque d'acception DEFINITIVE de ce homme parmi eux...
N'es tu pas entrain de soutenir la these de Diop avec cet argument? Parce qu’il dit a la page 101 ceci: Les Grecs adoptaient une attitude inverse. Une fois terminee leur initiation aupres des pretres egyptiens, ils parcouraient les pays en faisant des conferences publiques, faisaient de la propagande pour recruter leurs propres eleves et disciples qui souvent les remuneraient;
«La conference» d’apres Marrou est un element caracteristique de la civilisation hellenistique. «Tous (les petits socratiques) sont comme les sophistes, des educateurs professionnels, non plus itinerants, sans doute(leurs ecoles seront volontiers fixees dans une cite dont elles portent le nom: Megare, Eretrie), mais toujours astreints a faire des conferences de propagande pour rabattre la clientele: le terme technique qui sert a designer leur activite est «faire le sophiste».
Eux aussi traitent a forfait et prennent en charge, pour un prix determine, l’education d’un adolescent qu’ils font travailler pendant deux ou plusieurs annees»(H.I. Marrou, Histoire de l’education dans l’antiquite, Page 100).

En outre, je trouve paradoxale cette attitude des Anciens, dans cette Afrique vertueuse, de conditionner la transmission du savoir a l’estime qui pouvait leur etre temoigne. Il ya a mon avis une reconceptualisation de la notion de savoir et son mode de transmission qu’il faille operer! Parce que si pour eux, le savoir est secret, aujourd’hui, il est une arme!
Citation:
Par ailleurs, dans l'Europe médiévale, combien y-avait-il d'instruits, de lettrés et autres savants, en dehors des monastères et abbayes? Or, selon certains auteurs, le taux d'alphabétisation de Tombouctou frisait 100% à son apogée.
S’agit il de faire une comparaison ou plutot de comprendre comment par exemple s’est operee la renaissance en Europe et repenser la notre a partir du prisme de la production des savoirs et de leur diffusion en Afrique?
Citation:
Bref, la démocratisation du savoir est un phénomène très récent qui vient de franchir un cape, à notre époque, avec l'internet. Pourtant, les Etats et les entreprises (ex Coca cola) dépensent des fortunes pour protéger les connaissances qu'ils estiment les plus stratégiques...
Soit, mais la protection des connaissances par les Etats et les entreprises est liee a d’autres enjeux qui n’handicapent pas le developpement intellectuel des populations de facon
Citation:
Donc, aucune société n'a jamais été totalement ouverte en matière de savoir. En sorte que je trouve exagéré de dire que c'est le culte du secret qui perdu l'Afrique sur l'échiquier des savoirs. La raison est plus sinistre et massive : 500 ans de déportations de millions de Nègres, plus 100 ans d'incendie des agglométaion, de saccage des cultures et pratiques sociales négro-africaines ont atrophié les activités intellectuelles et spirituelles : l'homme qui a faim et est soumis n'a pas le loisir de s'élever au dessus des contingences quotidiennes les plus immédiates...

Je suis d’accord avec toi, mais la question que je me pose est celle-ci: ce culte du secret n’a t’il pas rendu, en amont, les Africains plus vulnerables?
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Mer 16 Aoû 2006 21:23    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Je suis d’accord avec toi, mais la question que je me pose est celle-ci: ce culte du secret n’a t’il pas rendu, en amont, les Africains plus vulnerables?

"vulnérables" à quoi? A 500 ans de déportations? A 100 ans d'occupation militaire avide et féroce?

Permets-moi de reformuler ta question : le "culte du secret" n'est-il pas un obstacle majeur à la diffusion des connaissances?
Sur "culte" du secret : je ne pense pas que les Anciens rendaient un culte au secret. Mais je comprends bien qu'il s'agit ici d'un abus de langage, à ne pas prendre à la lettre ; même si cela va toujours mieux disant.

Il y a toujours différents degrés dans les connaissances, en sorte que tout élève n'a pas nécessairement vocation à accéder au plus haut niveau de connaissance. Ce qui n'est pas une spécificité de l'entraînement intellectuel : je peux m'entraîner pendant sept vies, avec les meilleurs entraîneurs d'athlétisme, que je n'aurai jamais la superbe foulé de Gébré Sélassié ; ni la fluidité aérodynamique de King Carl Lewis.

Rapidement sur les Grecs : au moins pour signaler que la comparaison était déjà contenue dans ton extrait de CAD ; et que je l'ai seulement étendue à l'époque médiévale ("abbayes, monastères"). Mais surtout, je voudrais rappeler que Socatres a fini à la sigu, comme un dangereux hérétique tentant d'embrouiller ses concitoyens avec des idées dont ils n'avaient aucune idée. Que plus généralement, la plupart des savants grecs étaient très mal vus par leurs concitoyens, voire sévèrement combattus comme des hérétiques. C'est pour cela que d'aucuns choisirent de se mettre sous la protection de certains "grands" : Aristote (sauf erreur) a fini précepteur de Philippe Alexandre de Macédoine (et non d'Athènes...).

Tous ces étrangers qui allaient s'instruire à Kmt y trouvaient des lieux dédiés, où ils recevaient un enseignement de divers degré, jusqu'au plus élevé ; auprès de maîtres/prêtres parmi les plus renommés.

L'idée de secret emporte une dimension de maieutique : faire réaliser à l'impétrant son propre potentiel, ses propres capacités d'apprentissage ; plutôt que de lui en mettre plein la vue, en faisant déballage de toute sa science de maître. Il y a donc à trouver un subtil équilibre entre dire et taire ; tout comme en musique les silences ponctuant les notes sont tout aussi importants que les notes elles-mêmes, en vue d'atteindre à la plus grande harmonie...

Enfin : l'initiation est ouverte à tous les impétrants de la même génération, en principe sans autre considération que leur classe d'âge. Ces impétrants reçoivent tous ce que la société considère comme étant le minimum requis pour excercer pleinement sa citoyenneté. En sorte que tout adulte connait les règles de mariage, les principales interdictions et sanctions, les modalités pratiques dans le cas d'un décès et leur variété selon les décès, etc.

Au delà, il revient à chacun de pourvoir à ses besoins spécifiques de connaissances, en s'adressant à tel ou tel maître. D'aucuns passaient de longues années à aller de lieux en lieux pour recevoir divers enseignements et parfaire leur formation. Il me paraît tout à fait légitime que de telles démarches fussent fondamentalement individuelles. Ce qu'aucun culte de secret n'a jamais empêché...
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 17 Aoû 2006 03:55    Sujet du message: Répondre en citant

ARDIN a écrit:
N'es tu pas entrain de soutenir la these de Diop avec cet argument? Parce qu’il dit a la page 101 ceci: Les Grecs adoptaient une attitude inverse. Une fois terminee leur initiation aupres des pretres egyptiens, ils parcouraient les pays en faisant des conferences publiques, faisaient de la propagande pour recruter leurs propres eleves et disciples qui souvent les remuneraient

*) L'une des raisons pour lesquelles les savants grecs "parcouraient les pays", c'est qu'ils étaient souvent considérés avec hostilité (notamment par les puissants), comme les propagateurs d'idées étrangères à la culture grecque ; donc d'idées subversives, voire séditieuses. Ils n'étaient donc pas les bienvenus dans lesdits pays, où ils ne pouvaient séjourner très longtemps sans se mettre en danger.

C'est pourquoi ces savants étaient obligés de faire quelques disciples parmi les gens de peu ; lesquels étaient aussi les plus nombreux : en privant de culte les non-ayant droit de cité, les puissants créaient involontairement une nombreuses clientèle pour les cultes étrangers, notamment kmtiens.

C'est ce qui explique la prolifération des maisons de la muse ("museum"), et autres temples d'Aïsha, à la périphérie des agglomérations. Et qui ultimement assura une audience populaire à ces "rénégats" de savants grecs. Le fait qu'ils furent pourchassés et combattus par la minorité de priviligiés, et qu'ils résistèrent tant bien que mal, accrut leurs prestige et aura auprès de la plèbe, qui deviendra bien plus tard le "peuple" ; longtemps après les réformes de Solon, Clystène et consorts.

S'ils faisaient payer leurs disciples, c'est parce que l'Etat ne les subventionnait pas ; il avait plutôt tendance à les combattre. Comme ces savants n'avaient que leur savoir à faire valoir, ils conçurent progressivement l'institution du gymnasium ("lycée"), pour pouvoir vivre de leurs talent et passion.

Bref, c'est cette histoire qu'on nous raconte depuis à la manière mythique d'une succès story intitulée "miracle grec" ; avec des savants dévisant tranquillement sur l'agora, sous le charme conquis de citoyens enthousiastes, amoureux de la sophia...


*) Quant au secret : le savoir est secret, pour la même raison que le savoir est pouvoir.
Tout le prestige de tel ngangan lui vient exclusivement de son savoir. S'il exposait tout son savoir sur la place publique, il ne lui resterait rien. S'il ne triait pas les candidats à l'apprentissage de ce savoir, certaines techniques pourraient atterrir dans les mains d'illuminés qui représenteraient un grave danger public : tout le monde n'est pas digne de tous les savoirs et techniques. Les conséquences criminelles de la libre circulation des armes peuvent illustrer ce point...

Les musulmans, mais surtout les chrétiens ont pourchassé les savants nègres les plus érudits dans les traditions africaines, comme des dangereux païens prompts à pactiser avec le diable. Au temps des colonies, des autodaphés de "fétiches" étaient organisés sur la place publique de villages. Les plus grands prêtres traditionnels étaient littéralement en danger de mort ; certains étaient humiliés publiquement par les Blancs. Toutes circonstances qui ont aggraver les attitudes d'esprut que tu as nommées "culte du secret". Lesquelles consistent également en réactions culturelles défensives, face à des agressions si sévères, pendant aussi longtemps. Lorsque les seuls savoirs dignes d'intérêt sont devenus les savoirs des Blancs, les Anciens ayant survécu au "stress" colonial se sont retirés de la scène, à l'ombre du soleil des indépendances et de ses lendemains chantants...

Ce ne sont pas eux qui rendaient un culte au secret ; c'est plutôt le triomphe par la force des cultes étrangers (et du culte des étrangers) qui les a mis au secret Exclamation
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ARDIN
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MessagePosté le: Dim 20 Aoû 2006 00:54    Sujet du message: Répondre en citant

OGOTEMMELI a écrit:
Citation:
"vulnérables" à quoi? A 500 ans de déportations? A 100 ans d'occupation militaire avide et féroce?

Permets-moi de reformuler ta question : le "culte du secret" n'est-il pas un obstacle majeur à la diffusion des connaissances?

La vulnerabilite dont je parle, je la percois comme etant la consequence du mode de diffusion du savoir et de la connaissance, c'est pourquoi j'ai formule ma question de cette facon.
Nkossi a mis en signature, cette citation d'un de nos compatriotes: Sebastien Nkoua: "l'Ignorance est un danger que tout homme doit eviter" Et si l'Afrique patauge encore aujourd'hui dans cette merde, c'est aussi, a cause du mode de diffusion des connaissances qui peuvent permettre aux Africains de reconstruire leur identite culturelle et nationale. Et l'ignorance dans laquelle se trouve de nombreux africains est bel et bien l'un des ferments de la domination qui s'exerce sur eux.
Citation:
Sur "culte" du secret : je ne pense pas que les Anciens rendaient un culte au secret. Mais je comprends bien qu'il s'agit ici d'un abus de langage, à ne pas prendre à la lettre ; même si cela va toujours mieux disant.

Je suis d'accord, pour qu'on ecarte la notion de "culte du secret" dans cette analyse
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Gnata
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MessagePosté le: Lun 25 Sep 2006 19:31    Sujet du message: Répondre en citant

Ogotemmeli a écrit:
Il me semble, par contre, que ce n'est pas tant l'initiation que le contenu des connaissances initiatiques qui configure les savoirs et savoir-faire, notamment en matière de production

Concernant les modes de reproductions Négro-africains , penses-tu que celui du Wagadu/Mali/Songhaï ait été féodal ou non ?
Selon toute vraissemblance , l'une des particularités que ce soit de l'Occident ou de Japon c'est le fait d'être sorti de ce dernier système qui l'a préparé ( selon ce qui est connu ) au capitalisme que l'on connait aujourd'hui .
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Mer 27 Sep 2006 21:12    Sujet du message: Répondre en citant

Gnata a écrit:
Ogotemmeli a écrit:
Il me semble, par contre, que ce n'est pas tant l'initiation que le contenu des connaissances initiatiques qui configure les savoirs et savoir-faire, notamment en matière de production

Concernant les modes de reproductions Négro-africains , penses-tu que celui du Wagadu/Mali/Songhaï ait été féodal ou non ?
Selon toute vraissemblance , l'une des particularités que ce soit de l'Occident ou de Japon c'est le fait d'être sorti de ce dernier système qui l'a préparé ( selon ce qui est connu ) au capitalisme que l'on connait aujourd'hui .

Parent, j'ai l'impression que tu es en train de lire le Rodney. Il est à fond dans l'épistémologie marxiste du matérialisme historique, avec sa succession implacable PLANETAIRE de modes de PRODUCTION (et non REPRODUCTION) : c'est un biais eurocentriste...

Le fief (par extension, le mode de production féodal) est une institution européenne, dont il n'y a absolument aucune raison qu'elle ait été expérimentée par toutes les sociétés de la planète.

L'analyse marxiste de cette institution est on ne peut plus féconde, perspicace, etc. Mais l'application de cette grille d'analyse à d'autres réalités sociétales a posé beaucoup plus de problèmes qu'elle n'en a résolus. Parfois, elle a juste embrouillé la compréhension de l'originalité IRREDUCTIBLE de phénomènes sociétaux non-européens.

Bref, Wagadu, Mali, Songhay n'ont rien à voir avec la féodalité (européenne) : ce sont des phénomènes politiques authentiquement négro-africains, dont la connaissance doit se fonder sur leurs propres éléments constitutifs : la caste des forgerons n'est pas la classe des chevaliers ; non plus que les Mansah ne sont des Rois. Etc.

Wagadu procède probablement d'un mode de REPRODUCTION africain : Dinka et ses compagnons partent de l'Est (de Kmt?) par migrations successives, qui les conduisent vers l'Ouest où ils entreprennent de "coloniser" la boucle du Djoliba, et progressivement de contrôler les chemins du commerce lointain de l'or (du Buré), du sel, fer, etc.

Les processus de formation de MAli et de Songhay sont mieux documentés : ils n'ont assurément rien à voir avec le mode de production féodale...
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Gnata
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MessagePosté le: Ven 29 Sep 2006 00:01    Sujet du message: Répondre en citant

Ogotemmêli a écrit:
Parent, j'ai l'impression que tu es en train de lire le Rodney
Laughing U got it right !

Ogotemmêli a écrit:
Il est à fond dans l'épistémologie marxiste du matérialisme historique, avec sa succession implacable PLANETAIRE de modes de PRODUCTION (et non REPRODUCTION) : c'est un biais eurocentriste...
J'ai eu aussi cette vague impression , il y a des parties où je le sentais forcer un peu pour détecter le même mode de reproduction Occidental surtout dans les empires Soudanais !
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samuel
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MessagePosté le: Jeu 21 Juin 2007 13:58    Sujet du message: Répondre en citant

Ogotemmeli, Ardin, merci pour cette brillante analyse que, pour ma part, je lis sans doute un peu tard. J'ai juste quelque remarques et questions de profane a poser.

1. Tout d'abord je suis tout a fait d'accord qu'il n'y a aucune raison que ce qui 'est produit en Europe ait pu se produire exactement en Afrique. Bien des intellectuels africains croient que nous ne pourrons etre replaces au sein de l'histoire universelle que si nous reussissons a nous forcer dans les categories europeennes. Ce qui est une erreur monumentale.

2. Toutefois, nous ne vivons pas non plus sur une autre planete. D'autre part l'Afrique n'a jamais ete completement isolee, aussi loin que nous remontions dans le passe, des autres continents et peuples. Mieux encore, des conditions generales semblables (environnementales ou economiques par exemple) qui ont pu prevaloir ailleurs ont pu resulter, en Afrique aussi, a des structures sociales semblables. En sorte que si le developpement socio-historique de l'Afrique est dan son ensemble original, il ne peut etre concu comme completement etranger aux processus historiques generaux observes ailleurs.

3. Je suis gene par l'idee de "reproduction" que tu trouves geniale. Il y a dans cette notion comme une certaine idee d'immobilite, de RE-PRODUCTION du meme qui renvoie a Senghor mais que je trouve completement fausse. Je ne concois la societe que comme mouvement et quelqu'un parmi vous a parle de revolution; je suis persuade qu'il y a eu plusieurs revolutions en Afrique.

4. Concernant le caractere esoterique des connaissances en Afrique, je ne pense pas que cela soit specifique a notre continent. En un certain sens, tout savoir monopolise par un groupe est necessairement protege et se developpe sous un mode esoterique. C'est pour cela que le langage des sciences, ou le jargon scientifique et pseudo-scientifique rebute tant de gens parce qu'il est fait pour leur faire croire qu'il s'agit d'une connaissance a laquelle ne peuvent acceder que des inities. Il est donc fait pour maintenir au-dehors ceux qui ne font pas partie du groupe, y compris dans nos societes modernes ou ce caractere esoterique est d'ailleurs couple a tout un arsenal juridique, des lois protegeant l'exercice de la profession, des patentes, etc. qui sont tous destines a proteger les interets de ceux qui detiennent ce savoir, a en faire une caste au sens propre du terme.


5. Concernant la distinction esoterique/public chez Cheikh Anta Diop, je me permets de dire que vous avez omis la partie la plus importante de cet argumentaire, ce qu'il voulait reellement demontrer. A mon avis, le plus important, pour Cheikh Anta Diop, ce n'est pas tant que le savoir grec soit devenu public, c'est qu'il est carcaterise par "l'esprit critique". Ce qui, d'un point de vue epistemologique n'est pas tout a fait la meme chose car d'un cote, comme chez Leclant, l'importance est accordee aux structures sociales externes, aux structures democratiques de la societe qui conditionnent le developpenment de la pensee rationnelle et de la science, et de l'autre, comme dans le cas de Cheikh Anta Diop, aux structures internes a la pensee, a l'esprit critique. Si vous relisez le passage, vous verrez bien que c'est d'esprit critique qu'il parle sans qu'il en ignore pour autant la democratie grecque. C'est un peu comme la fameuse barriere qui oppose les epistemologues dont certains sont "externalistes" (ils accordent la plus grande importance aux conditions economiques et sociales "externes" de la societe pour expliquer l'emergence et le developpement de la science; Leclant qui, si je ne me trompe, etait un condisciple et un ami de Diop, faisait partie de ce groupe ainsi que Needham qui a etudie l'histoire des mathematiques chinoises) et de l'autre les "internalistes", qui privilegient en quelque "l'esprit" aux depens de la matiere. Faut-il d'ailleurs rappeler que l'ouvrage de Diop auquel vous faites reference est paru en 1967, en pleins debats "marxistes" ou on rangeait systematiquement toute theorie daqns la case "materialiste" ou "idealiste"? Diop se situait a mi-chemein entre ces deux formes de pensee et ne saurait etre entierement range ni dans l'un ni dans l'autre.
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 21 Juin 2007 17:09    Sujet du message: Répondre en citant

samuel a écrit:
Ogotemmeli, Ardin, merci pour cette brillante analyse que, pour ma part, je lis sans doute un peu tard. J'ai juste quelque remarques et questions de profane a poser.

He bien, Samuel! Tu ne pouvais mieux faire en remontant ce sujet aujourd'hui, car vois-tu j'ai lu un petit bijou d'africanisme ce week-end qui m'a donné envie d'y revenir...

C'est l'ouvrage intitulé "Les Nègres" (1927) de Maurice Delafosse, un ponte de l'africanisme colonial français. Brièvement sur l'auteur : né en 1870, administrateur colonial ayant servi au Sénégal et surtout en Côte d'Ivoire où il épousera une indigène, Amoin Kré, dont il eut deux enfants qu'il reconnut : Henry Kouamé et Jean Kouassi. La famille Delafosse est actuellement l'une des plus grandes familles franco-africaines de Côte d'Ivoire...

De retour en France, il épousa une Blanche, Alice Houdas, la fille de Octave Houdas un autre ponte de l'africanisme colonial français ; celui qui a traduit de l'arabe le fameux Tarikh es Sudan et a appris cette langue à Delafosse. C'est ainsi que Maurice Delafosse devint l'un des premiers auteurs à exploiter significativement les sources arabes dans l'historiographie de l'histoire soudanaise...
Samuel a écrit:
3. Je suis gene par l'idee de "reproduction" que tu trouves geniale. Il y a dans cette notion comme une certaine idee d'immobilite, de RE-PRODUCTION du meme qui renvoie a Senghor mais que je trouve completement fausse. Je ne concois la societe que comme mouvement et quelqu'un parmi vous a parle de revolution; je suis persuade qu'il y a eu plusieurs revolutions en Afrique.

Je reviendrai sur les autres questions, mais vais citer d'abord Delafosse qui donne une explication très perspicace de ce que j'entends par "Mode de Reproduction" (je veux dire de ce que j'en ai compris en lisant Anselin) :
Citation:
La famille [africaine] est basée, non sur le mariage, mais sur la descendance. Une famille ainsi comprise est destinée à s'accroître de génération en génération, sans aucune limite numérique en principe. Dans la pratique, une limite est forcément apportée à son extension par la superficie des terres cultivables qui constituent le lot acquis par l'ancêtre et qui fournissent aux descendants de celui-ci leurs moyens de'existence.

Lorsque l'étendue de ces terres devient insuffisante, une fraction de la famille se détache du noyeau primitif et s'en va, sous la conduite de l'aîné de ses membres, chercher ailleurs un terrain encore inoccupé, sur lequel elle s'établit. Cette fraction devient alors une nouvelle famille, issue de la première, mais formant, du simple fait qu'elle ne vit plus sur le même sol, une communauté distincte.

Tous les liens cependant ne sont pas rompus. Les deux familles, et celles qui, postérieurement, sont issues de l'une ou de l'autre dans les mêmes conditions et à la suite de circonstances analogues, se souviennent qu'elles ont une ascendance commune, les mêmes traditions initiales. [...]

Tant que les familles d'un même clan, quoique vivant sur des lots de terre distincts, continuent à habiter la même région, ces liens moraux se doublent en général de liens politiques, le patriarche de la famille dont sont sorties les autres remplissant les fonctions de chef de clan.

[...] Ces liens persistent même là où des familles du clan ont adopté une langue étrangère et ont, en quelque sorte, changé de nationalité.

[...] il est incontestable que la conversion à une autre foi, si cette conversion est sincère et ne se borne pas à l'adoption de quelques rites surérogatoires, détermine une cause de dissociation de la famille [...]
[Les Nègres, éd. L'Harmattan, 2005, pp.37-39]


Cet extrait est vraiment génialissime!!!
Je reviens très bientôt pour montrer comment en lui je trouve un modèle explicatif particulièrement fécond de l'histoire politique millénaire de l'Afrique Noire. Je ne dis pas que ces mécanismes sont exclusifs à cette histoire. Je dis qu'il suffit de les y identifier, de partir de cette histoire elle-même d'abord, pour en élaborer les éléments fondamentaux de l'analyse...
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 21 Juin 2007 18:34    Sujet du message: Répondre en citant

Samuel a écrit:
3. Je suis gene par l'idee de "reproduction" que tu trouves geniale. Il y a dans cette notion comme une certaine idee d'immobilite, de RE-PRODUCTION du meme qui renvoie a Senghor mais que je trouve completement fausse. Je ne concois la societe que comme mouvement et quelqu'un parmi vous a parle de revolution; je suis persuade qu'il y a eu plusieurs revolutions en Afrique.

Dans re-production, il y a production + un caractère itératif (re-) de cette production ; c'est-à-dire une idée radicalement dynamique, peut-être davantage que production. C'est ton "du même" qui introduit une idée d'immuabilité : tu dis "reproduction du même", exactement comme si je disais à mon tour "production du même"...

Nonobstant, la différence essentielle entre production et reproduction se trouve ailleurs : production renvoie à l'économie, aux conditions matérielles d'existence, au système productif et à ses rapports de forces. Bref, à la tarte à la crême de la théorie marxiste de l'histoire. Tandis que reproduction renvoie à l'anthropologie culturelle, aux conditions matrimoniales d'existence de la société, au système démographique et à ses rapports de forces : entre aînés et cadets, épouses et enfants, initiés et "blakro", etc.

Ce que dit Anselin, et qu'illustre ci-dessus Delafosse, c'est qu'en Afrique Noire ("chez les Nègres") les stratégies d'échanges matrimoniaux surdéterminent les conditions générales d'évolution de la société, et notamment la configuration des rapports politiques. Ce, au moins autant que les fameux rapports de production qui ont acquis un caractère si crucial lors des révolutions industrielles, dont Marx fut contemporain d'une des plus importantes. Ces échanges matrimoniaux et leurs ramifications ou expansions dans l'espace-temps font/défont société...

Révolution : dans ce modèle explicatif, ce sont souvent les questions spirituelles de "conversion à une nouvelle foi" qui provoquent des ruptures politiques radicales, ou si tu y tiens des révolutions : la révolution osirienne à Km.t, mais aussi les djihad au Soudan, ou encore la conversion des Mwene au christianisme au Kongo-dyna-Nza...

Reproduction : Selon le travail de Diop-Maes, du XVIè siècle au XIXè, l'Afrique a perdu les 3/4 de ses ressources démographiques ; tombant d'une population de 600/800 millions à 150/200 millions. Or, aujourd'hui la population africaine subsaharienne atteint pratiquement son niveau du XVIè siècle, malgré une déliquescence séculaire de ses systèmes de production économique, de ses capacités industrielles et agro-alimentaires.

Je suis persuadé que c'est la prégnation millénaire du mode de reproduction comme coeur des réactions sociétales qui a sauvé les Africains d'une quasi extinction démographique. Sans cela, les Africains consisteraient aujourd'hui en quelques nations éparses, démographiquement chétives, parquées dans des "réserves d'Indiens". Elles y végéteraient, hagards, imbibées de mauvais alcool ; tandis que leurs terres et ses immenses ressources naturelles seraient accaparées par des colons européens : comme aux EUA, comme en Australie ou en Amérique Latine ; où les autochtones ont été généralement réduits à ce destin funeste, quand ils n'ont pas été génocidé...

Avec "la traite" il y a eu un sévère déséquilibre entre le nombre d'hommes et celui des femmes, car on estime en moyenne à 1/3 de femmes et enfants déportés pour 2/3 d'hommes (dans la fleur de l'âge...). Les stratégies matrimoniales privilégièrent alors LA POLYGAMIE. Une pratique autrefois réservée aux Grands/Riches/Puissants qui a été démocratisée ; ce qui a permis à la population africaine de croître à un rythme largement supérieur à ses capacités actuelles de production économique : le fait de faire beaucoup d'enfants étant partout en Afrique considéré comme une richesse en soi, au moins aussi estimable que la richesse économique estimée en milliards de dollards. Sans omettre qu'une population nombreuse peut devenir source de créativité et de productivité économiques, à l'avenir...
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 21 Juin 2007 21:24    Sujet du message: Répondre en citant

J'insiste : avant qu'il y eut de production, il y avait déjà de la reproduction.

En effet, chronologiquement les hommes se sont d'abord mariés entre eux, ont donc contracté des alliances matrimoniales. Puis, en raison de l'accroissement du nombre des progénitures issues desdites alliances, ils ont envisagé des solutions "économiques" nouvelles, au fil de siècles, en vue de "nourrir tant de bouches".

Ainsi, on peut considérer que les préoccupations économiques des sociétés les plus anciennes, de cueilleurs/chasseurs/pêcheurs, voire des premiers agriculteurs du Néolithique, n'avaient pas la même "gravité/dimension" que celles des sociétés proto-industrielles de l'Europe mercantiliste. Que de toutes les façons, "la pression démographique" devait être très relative aux temps anciens, particulièrement en Afrique du Nil, notamment au IVè millénaire avant notre ère...

En conséquence, plus on à affaire avec des sociétés anciennes, plus l'on devrait prêter davantage attention aux questions matrimoniales, sans évidemment évacuer les questions économiques. Plus on a affaire avec des sociétés négro-africaines, plus ces questions matrimoniales devraient être suivies avec grande attention, dans l'analyse de leurs évolutions...

Or, par exemple, dans les théories égyptologiques des "Origines de l'Egypte" (Midant-Reynes, 2003), l'analyse en termes de Mode de Reproduction est purement et simplement absente, au profit exclusif des explications du Mode de Production, notamment au moyen d'une surexploitation épistémologique des travaux (marxisants) de Meillassoux. C'est d'ailleurs à cause de ce manque (redhibitoire) que je me suis permis de railler un peu l'oeuvre pourtant colossale de Mme Midant-Reynes dans le topic que je lui consacre [Je m'apprêtais à exploiter "Les Nègres" dans mes commentaires sur "Aux origines de l'Egypte"...].
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Chabine
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Inscrit le: 02 Mar 2005
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MessagePosté le: Ven 22 Juin 2007 00:35    Sujet du message: Répondre en citant

OGO, grand sage dogon, merci pour ce rayon de soleil, dans cette ère bien triste ! Smile

Je vais prendre le temps de bien lire ce topic, ça me fera le plus grand bien de me pencher sur des alternatives afrocentrées au formatage ultra-capitaliste actuel. Quelques grammes d'oxygène dans ce monde de brutes, merci ! Wink Razz Cool
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"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon
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samuel
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Inscrit le: 28 Jan 2005
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MessagePosté le: Ven 22 Juin 2007 07:38    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Ogo. Je vais continuer a te provoquer pour en savoir plus.

Je reconnais qu'avant qu'il y eut production il y avait deja reproduction qu'on peut entendre au sens biologique du terme, aspect qui est seulement sous-jacent a l'idee de strategies matrimoniales sur laquelle tu insistes. En effet, la production proprement dite correspond au moment ou les hommes, au lieu de se contenter de prendre a la nature ce qu'elle offre se mettent a PRODUIRE leur nourriture, c'est-a-dire a transformer la nature pour en tirer ce dont ils sont besoin. Periode qui correspond au neolithique avec l'invention de l'agriculture et la domestication des plantes et des animaux.

Toutefois, je pense que tu te trompes quand tu nous fais croire que la reproduction (par exemple des enfants) etait au coeur de la vie des bandes de cueilleurs/chasseurs/pecheurs. Faut-il te rappeler que c'etait des bandes composees de seulement quelques individus (le plu souvent moins de cent personnes et parfois moins de cinquante dans les zones les plus arides)? Que c'etait des bandes mobiles, au sein desquelles les femmes ne disposaient pas du temps necessaire pour s'occuper des enfants et qu'en consequence la natalite etait nettement moins elevee (comme d'ailleurs elle l'est encore aujourd'hui au sein des societes nomades en comparaison des sedentaires) qu'avec l'invention de l'agriculture et la sedentarisation des populations?

Citation:
En effet, chronologiquement les hommes se sont d'abord mariés entre eux, ont donc contracté des alliances matrimoniales. Puis, en raison de l'accroissement du nombre des progénitures issues desdites alliances, ils ont envisagé des solutions "économiques" nouvelles, au fil de siècles, en vue de "nourrir tant de bouches"


Je ne crois pas non plus que cette explication ''demograpique'' soit juste. Ce n'est pas ''en raison de l'accroissement du nombre des progénitures issues desdites alliances'' que les hommes ont ''envisage des solutions economiques nouvelles''. Comme je l'ai rappele plus haut, il n'y avait de pas de pression demographique avant l'invention de la production agricole et la production d'un surplus. Au stade des cueilleurs/chasseurs/pecheurs toute la surface entiere de la terre ne comptait que quelques dizaines de milliers d'individus. C'est avec l'agriculture que la production de la nourriture va devenir abondante et que les societes vont connaitre une croissance demographique importante. Tu prends donc ici l'effet pour la cause.

Les hommes ont invente l'agriculture pour faire face aux changements climatiques qui ont rendu le gibier et les plantes rares et insuffisantes. Concernant l'Afrique plus particulierement, nous savons que les communautes humaines d'alors qui pour la plupart y etaient concentrees, ont commence avec enigrer vers d'autres contrees avec l'assechement du Sahara. Certaines se sont dirigees vers le Nord-Est et vont former plus tard les grandes civilisations de l'Egypte, de Koush, de Meroee... D'autres ont constitue ce qu'on appelle aujourd'hui les populations d'Afrique sub-saharienne. Les migrations bantoues elles-memes y trouvent leurs origines bien que pour l'essentiel elles soient plus recentes et issues de la region du benoue-Cross (Nigeria, Cameroun). Cette explication ''environnementaliste'' est a mon avis plus juste que celle que tu donnes car il n'y a eu accroissement demographique qu'apres l'invention de l'agriculture.

Citation:
Ce que dit Anselin, et qu'illustre ci-dessus Delafosse, c'est qu'en Afrique Noire ("chez les Nègres") les stratégies d'échanges matrimoniaux surdéterminent les conditions générales d'évolution de la société, et notamment la configuration des rapports politiques. Ce, au moins autant que les fameux rapports de production qui ont acquis un caractère si crucial lors des révolutions industrielles, dont Marx fut contemporain d'une des plus importantes. Ces échanges matrimoniaux et leurs ramifications ou expansions dans l'espace-temps font/défont société...


Grande idee en feffet, qui est toutefois a distinguer de celle que j'ai critiquee plus haut. Nous tous Africains savons que nous tendons a accorder plus d'importance aux rapports de parente qu'aux interets economiques. Et de ce point de vue le ''politique'' peut meme s'entendre comme la facon dont nous gerons quotidiennement les rapports entre nous. On ne peut contester qu'ils se trouvent le plus souvent subordonnes aux imperatifs ''parentaux''. Mais, sans verser dans la vulgate marxiste, on peut dire que ceci est bien plus la marque de toute societe ''pre-industrielle'' ou ''pre-capitaliste'' (je veux dire toute societe ou les rapports capitalistes ne sont pas dominants) qu'un aspect de la vie propre a l'Afrique. Car c'est bien ce type de rapports que Marx lui-meme voyait dans les societes feodales europeennes avant que le capitalisme n'introduise ''le froid interet'' et ''le calcul egoiste''. Ne dit-il pas de la bourgeoisie que...

Citation:
Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l'homme féodal à ses "supérieurs naturels", elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d'autre lien, entre l'homme et l'homme, que le froid intérêt, les dures exigences du "paiement au comptant". Elle a noyé les frissons sacrés de l'extase religieuse, de l'enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d'échange;...
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Ven 22 Juin 2007 14:31    Sujet du message: Répondre en citant

Chabine a écrit:
OGO, grand sage dogon, merci pour ce rayon de soleil, dans cette ère bien triste ! Smile

Je vais prendre le temps de bien lire ce topic, ça me fera le plus grand bien de me pencher sur des alternatives afrocentrées au formatage ultra-capitaliste actuel. Quelques grammes d'oxygène dans ce monde de brutes, merci ! Wink Razz Cool

Ya foye, Chabine Wink
On attend juste, quoique impatiemment, que tu viennes mettre ton grain de sel.
A bientôt?
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Ven 22 Juin 2007 15:03    Sujet du message: Répondre en citant

samuel a écrit:
Merci Ogo. Je vais continuer a te provoquer pour en savoir plus.

Ya na pa de problème : il vaut mieux que l'on soit au moins deux pour qu'il y ait échanges. Donc ça gâte pas la sauce. Au contraire, on est là pour ça...


Samuel a écrit:
Toutefois, je pense que tu te trompes quand tu nous fais croire que la reproduction (par exemple des enfants) etait au coeur de la vie des bandes de cueilleurs/chasseurs/pecheurs. Faut-il te rappeler que c'etait des bandes composees de seulement quelques individus (le plu souvent moins de cent personnes et parfois moins de cinquante dans les zones les plus arides)? Que c'etait des bandes mobiles, au sein desquelles les femmes ne disposaient pas du temps necessaire pour s'occuper des enfants et qu'en consequence la natalite etait nettement moins elevee (comme d'ailleurs elle l'est encore aujourd'hui au sein des societes nomades en comparaison des sedentaires) qu'avec l'invention de l'agriculture et la sedentarisation des populations?

Je ne voulais pas dire que la reproduction était au coeur des préoccupations des sociétés pré-néolithiques. Sauf, si je me suis fais mal comprendre. Je dis simplement que les problèmes posés par la reproduction ont dû être antérieurs à ceux de la production, qui comme tu l'indiques prend une grande ampleur à partir du Néolithique. Et j'ajoute surtout à partir des révolutions industrielles.

L'urgence la plus immédaite des premiers groupes humains consistait dans la survie "by any mean necessary", en ramassant ou cueillant pour bouffer d'abord. Longtemps avant de penser "Reproduction" ou encore plus longtemps avant "Production", et d'élaober des stratégies à ces effets...

Quant à l'invention de l'agriculture : c'est un peu l'histoire de l'oeuf et de la poule. Tu considères que c'est la péjoration des conditions climatiques qui va amené les hommes à inventer l'agriculture. S'il suffisait qu'un besoin advienne naturellement pour qu'aussitôt une solution socialement efficace y réponde...

Je crois qu'on ne peut pas être catégorique sur ce sujet.
Voici une alternative que j'aime bien : les femmes régulièrement immobilisées dans des campements de fortune pendant la parturition (soit jusqu'à 9 mois de congés forcés...), ont pu observer le miracle de la germination en voyant que certaines graines des plantes qu'elles consommaient repoussaient ( sous quelques conditions climatiques). Parturition et germination étant analogues, on peut imaginer que ce sont les femmes qui les premières comprirent les mécanismes de l'agriculture, et a fortiori de la domestication ; puisque la manière dont les bovins font des bébés est quasiment la même que celle des humains...

En tout cas, les mythes de la création sont remplis de ces analogies entre reproduction et production agricole. Je ne vois pas trop d'où viendrait cette hiostoire de matriarcat, de transmition utérine de l'autorité, de conception quasiment religieuse de la féminité, dans les mythes anciens : ce n'est certainement pas la force physique des femmes qui leur a conféré tant "d'emprise idéologique" sur ces machos maous costauds. Elles ont probablement accédé les premières à certains mystères de la vie, à certaines connaissances prodigieuses des plantes et des bêtes, connaissances si profitables et si vitales. Ce sont certainement les premières nganga. Et le fait qu'elles enfantent (Reproduction...) accentuant cette position nodale lors de la sédentarisation.

L'accroissement de la position des hommes (re)viendra avec la prolifération des guerre, et le développement de la métallurgie (du fer) permettant, entre autres, d'acquérir des armes encore plus efficaces : c'est le temps des forgerons et des guerriers. Sous l'oeil toujours prégnant des Reines-Mères et des Epouses-Royales, qui font et défont les carrières...

Par ailleurs, il n'est pas complètement illogique de considérer que les mécanismes de production seront d'autant plus perfectionnés que la population humaine croît grâce à l'expansion des échanges matrimoniaux. Le raisonnement inverse que tu proposes étant évidemment tout aussi concevable.

En réalité, c'est bien des interactions Reproduction/Production dans un espace-temps que procèdent les évolutions sociétales. Par conséquent, il est épistémologiquement hasardeux de considérer quasi exclusivement la Production, et si rarement la Reproduction. En tout cas, aux temps historiques, les analyses d'Anselin et de Delafosse me confirment qu'en Afrique noire tout au moins, l'on manquerait de comprendre les phénomènes sociétaux, politiques, si l'on évacuait les paramètres de reproduction. Notes bien que dans Reproduction il y a nécessairement Production, et que le modèle explicatif d'Anselin prend évidemment en considération les questions matérielles d'existence ; sa valeur ajoutée étant qu'il ne leur accorde par plus de poids que les questions matrimoniales d'existence. Ce qui est aux antipodes de ses petits camarades chez qui ces dernières questions sont ignorées...
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Dim 08 Juil 2007 21:13    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
En conséquence, plus on à affaire avec des sociétés anciennes, plus l'on devrait prêter davantage attention aux questions matrimoniales, sans évidemment évacuer les questions économiques. Plus on a affaire avec des sociétés négro-africaines, plus ces questions matrimoniales devraient être suivies avec grande attention, dans l'analyse de leurs évolutions...

Extrait d'un des ouvrages (avec ceux d'Anselin) qui ont attiré mon attention particulièrement sur ces questions de Reproduction/Production :
Ferràn Inesta a écrit:
A partir de l'étude des récits des traditionnistes (Vansina 1961, Kagame 1959, Perrot 1985), il se dégage nettement que les transformations les plus éclatantes de l'histoire africaine ont lieu normalement dans la sphère institutionnelle, les modifications dans les comportements économiques étant,par contre, moins visibles et beaucoup plus lentes.

Des systèmes politiques et de pensée africains très éloignés se rapprochent d'ordinaire dans leurs modèles de fonctionnement économique. A l'exception des Swahili classiques, qui sont organisés en petites cités-Etats gouvernées par une classe d'aristocrates marchands, la relation économique est généralement l'un des déterminants mais non pas le déterminant du mouvement social.

[...] On pourrait considérer que, soit d'un point de vue musulman, soit d'un point de vue chrétien, les peuples du Nord ont toujours fait porter leur intérêt vers l'économie, surtout dans ses aspects tributaire et mercantile, ceci bien avant l'apparition du capitalisme en tant que tel [...].

C'est précisément parce que les Occidentaux ont perçu de façon insistante cette caractéristique sociale, que l'idéologie coloniale et aujourd'hui la néo-colonialiste ont souligné l'improductivité africaine dans des termes économiques, péché mortel du point de vue du capitalisme triomphant. Etant donné que l'unité de valeur fondamentale dans le capitalisme est l'essor de la production et des relations productives, l'idéologie libérale et les écoles qui en découlent ont classé la société africaine sur la base de son retard dans le développement des forces productives.

Pourtant, le trait le plus caractéristique des sociétés africaines observées n'était peut-être pas tant leur organisation économique que leurs pensée et hiérarchisation politique qui surprirent tellement C. Monteil (1924) et qui firent même s'exclamer Frobenius : "Les Africains ? Civilisés jusqu'à la moelle des os! (1919).
[Cf. L'univers africain. Approche historique des cultures noires, éd. L'Harmattan, 1995, pp. 22-26]


P.S. L'auteur est un universitaire espagnol qui a enseigné en Afrique : université d'Antananarivo, et à l'université de Dakar où il a eu comme collègue Cheikh Anta Diop. D'abord ils se sont bien "frittés", dans des débats houleux ; avant que progressivement le Blanc (un catalan) ne "change his mind" dans sa manière d'appréhender les Etudes Africaines. De retour dans son pays, il fonde les Estudis Africans de l'université de Barcelone. C'est ce département d'Estudis Africans qui a organisé le Colloque de Barcelone de 1996, intitulé en substances "Egypte ancienne, une civilisation africaine"...
Le professeur Inesta prône un rapprochement de l'africanisme avec l'afrocentricité. L'un des tenors des Etudis Africans est Cervello Autuori, celui qui (avec Anselin) étudie l'institution du Pharaon comme un "Roi Sacré" africain...
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