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Les Antilles après 1848: Résistances et oppression coloniale

 
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Chabine
Super Posteur


Inscrit le: 02 Mar 2005
Messages: 3040

MessagePosté le: Mar 10 Juil 2007 05:33    Sujet du message: Les Antilles après 1848: Résistances et oppression coloniale Répondre en citant

Depuis quelques années, un fort mouvement des historiens et intellectuels antillais tend à valoriser la réappropriation de notre histoire nationale, trop souvent occultée par le rouleau compresseur de l'Education "Nationale"/Coloniale.

Un des aspects important de cette réécriture de l'histoire a été le retour sur la période esclavagiste, mouvement très perceptible hors des Antiles, en France aussi, depuis le 10 mai 2006, et juste avant, dans la contestation de la loi de la honte (article 4 de la loi du 23 février 2005).

Un autre mouvement vise à nous restituer l'histoire, bien plus récente, des Antilles depuis l'abolition de l'esclavage en 1848, en particulier à travers les grandes luttes ouvrières, et la violence de la répression coloniale qui a suivi. Ce réveil de la mémoire est très présent actuellement, et est porté par nombre d'historiens antillais en activité, bien qu'il y ait eu d'illustres prédécesseurs.

Je vous propose de consacrer ce topic à l'histoire des Antilles de 1848 à nos jours, sous l'angle des luttes ouvrières, politiques et sociales, ainsi que des grandes dates de la répression coloniale.

Je vais tâcher de suivre l'ordre chronologique, mais il se peut que ça dérape un peu. La chronologie du post initial sera mise à jour au fur et à mesure des contributions (les autres Grioonautes sont cordialement invités à contribuer Wink ). Je compte en particulier sur mes frères guadeloupéens, pour m'indiquer les dates clefs, car déjà que j'essaie de maîtriser celles de la Martinique, pour l'île soeur, j'en suis encore au débrouissaillage Embarassed Merci d'avance pour le coup de main Smile


Chronologie

1848 : Abolition de l'esclavage aux Antilles (mai), en Guyane (juin) et à la Réunion (décembre)

1853-1861 : Arrivée massive de travailleurs hindous et congolais recrutés comme ouvriers agricoles

1870 : Grande Insurrection du Sud, en Martinique

1900 : Grève des ouvriers agricoles

1934 : Meurtre d'André Aliker

mars 1948 : Fusillade du Carbet, 3 ouvriers agricoles tués

juillet 1948 : Affaire des 16 de Basse-Pointe

décembre 1959 : Emeutes de Fort-de-France, 3 jeunes étudiants martiniquais tués

octobre 1960 : ordonnance gouvernementale expulsant de Martinique les fonctionnaires attentant à la sureté de l'Etat

mars 1961 : Fusillade du Lamentin, 3 martiniquais tués par les gardes mobiles ; discours sur les 3 tombes, de Georges Gratiant

1963 : Affaire de l'OJAM (Organisation de la Jeunesse Anti-Colonialiste Martiniquaise)

septembre 1965 : Affaire MARNY, en Martinique

mars 1967 : émeutes de Basse-Terre, en Guadeloupe

mai 1967 : MASSACRE de Pointe-à-Pitre (fusillade ayant fait 7 morts officielement, plusieurs dizaines selon les estimations) Evil or Very Mad

1968 : Procès du GONG (Groupement des Organisations Nationalistes Guadeloupéennes)

mai 1971 : assassinat du lycéen Gérard Nouvet, par un garde-mobile français, à Fort-de-France

février 1974 : Fusillade de Chalvet à Basse-Pointe, Martinique. 2 ouvriers agricoles tués

1981 : moratoire sur l'indépendance, par le Parti Progessiste Martiniquais d'Aimé Césaire, après l'élection de François Mitterrand

années 80 : attentats à la bombe en Guadeloupe, perpétrés par le GLA (Groupe de Libération Armée, puis par l’ARC (Alliance révolutionnaire caraïbe).

juillet 1985 : affaire Faisans, en Guadeloupe


2 liens sur l'histoire du XXè siècle :

Arrow en Guadeloupe : http://www.karaibes.com/histoire10.htm

Arrow en Martinique : http://karaibes.free.fr/historique.html


Bon, je me lance Confused
_________________
"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon


Dernière édition par Chabine le Mer 11 Juil 2007 15:32; édité 1 fois
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Chabine
Super Posteur


Inscrit le: 02 Mar 2005
Messages: 3040

MessagePosté le: Mar 10 Juil 2007 07:18    Sujet du message: Répondre en citant

MARTINIQUE : LA GRANDE INSURRECTION DU SUD DE 1870


http://www.pkls.org/pajlistwa/sept1870.htm

L'INSURRECTION DU SUD A LA MARTINIQUE
Septembre 1870




Chronologie des évènements

Arrow 21 janvier 1870
Propriétaire de l'habitation La Mauny à Rivière-Pilote, Codé fait hisser sur son habitation un drapeau blanc (NDLR : pavillon royaliste)

Arrow 19 février 1870
Sur la route impériale reliant Rivière-Pilote au Marin, Léopold Lubin est cravaché par Augier de Maintenon, aide commissaire de la Marine.

Arrow 25 avril 1870
Au bourg du Marin, Léopold Lubin inflige à son agresseur des coups et blessures « ayant entraîné plus de vingt jours d'incapacité de travail ».

Arrow 19 août 1870
La cour d'Assises de Fort-de-France condamne Léopold Lubin à cinq ans de bagne et mille cinq cent francs de dommages et intérêts. Parmi les jurés du procès figure Codé, le propriétaire de La Mauny. La lourde condamnation infligée à Lubin est mal accueillie dans les localités du Sud.

Arrow 2 septembre 70
Défaite de Sedan. Cet épisode majeur de la guerre franco-prussienne provoque la chute du Second Empire et la proclamation à Paris de la République.

Arrow 22 septembre 70
Le gouverneur Menche de Loisne proclame la République à Fort-de-France, à 7 heures du matin. A Rivière-Pilote, vers 10 heures, le maire de la commune (de Venancourt) proclame la République en réunissant la population « sous l'arbre de la Liberté ». Dans l'après-midi, la foule s'amasse au bourg. Elle réclame le désarmement des blancs du bourg, la tête de Codé et la libération de Léopold Lubin. Vers 9 heures du soir, l'habitation Mauny est incendiée.

Arrow 22 au 24 septembre 70
Extension de l'insurrection. 25 habitations sont incendiées : 14 à Rivière-Pilote, 3 à Rivière-Salée, 3 à Sainte-Luce et 7 au Saint-Esprit. Le 24 septembre, Codé est arrêté et mis à mort. A partir du 24 septembre se forme le camp de la Régale , où se trouvent 600 insurgés commandés par Louis Telgard et Eugène Lacaille.
Dans les nuits des 24 et 25 septembre, les incendies d'habitations s'étendent au Marin, au Vauclin et à Sainte-Anne.

Arrow 26 septembre 70
Début de la contre-offensive des troupes coloniales. Les insurgés sont encerclés et pourchassés. La répression 0se prolonge jusqu'au procès de l'année 1871. Parmi les chefs de l'insurrection, seuls Louis Telgard échappa à toutes les recherches. 5 des condamnés à mort furent exécutés au polygone Desclieux, en décembre 1871.



Les évènements


Il y a 130 ans, une importante révolte embrasa le sud du pays : des milliers d'ouvriers et de paysans se soulevèrent le coutelas et la torche à la main contre le régime qui les oppressaient.

22 ans après la Révolution antiesclavagiste de 1848, c'est toujours le Second Empire en France avec Napoléon.III. Les anciens maîtres, les békés sont confortés dans leur domination malgré l'apparition d'une paysannerie composée pour l'essentiel de petits planteurs vivriers. Ils sont nombreux dans le Sud. Au lendemain de l'abolition, face au refus des anciens esclaves de se laisser exploiter, le travail obligatoire est instauré par le décret du 13 février 1852. En 1955, le gouverneur De Gueydon aggrave les conditions de travail par un nouvel arrêté.

Le travail est obligatoire à partir de 12 ans. Tout individu doit tenir un livret où sont consignés, entre autres, les conventions de travail, la régularité du travail… Ceux qui n'ont pas d'employeurs doivent s'inscrire au bureau de police. Mêmes les travailleurs indépendants subissent ces contrôles. Ils doivent pouvoir prouver en permanence qu'ils exercent une profession. A partir de 16 ans, tout individu doit payer un impôt personnel équivalent au salaire de 5 jours. Il doit avoir un passeport comportant un visa (payant) signifiant que l'impôt est payé.

Manifestement, tout est fait pour contraindre les nouveaux libres à aller travailler sur les habitations. Les békés avec l'appui de la monarchie française mettent en place un régime de servitudes avec son appareil répressif : amendes, prison, atelier de discipline…Les femmes aussi subissent ce régime.

A côté de ces mesures coercitives, le système organise l'immigration. De 1857 à 1861, 9000 africains (appelés Congo) sont introduits suivis ensuite par les immigrants de l'Inde. Les immigrants sont liés par un contrat de travail en principe renouvelable. En fait, ils viennent gonfler la masse des exploités dans les habitations. On estime qu'entre 1853 et 1870, la Martinique a reçu 30 000 immigrants (La population de la Martinique est d'environ 150 000 h). En 17 ans, 1 tiers des immigrants meurent !

Toutes les libertés publiques sont supprimées. Seuls les riches peuvent voter. La presse est censurée. L'école est plus chère. Cette politique permet de diminuer considérablement les salaires. C'était l'objectif. Inexorablement la misère grandit alors que les békés et l'Etat français s'enrichissent. Les premières usines modernes voient le jour. Le gouverneur Lapalin écrit « La Martinique est une poule aux œufs d'or que la Métropole a tout intérêt à ménager ». Le pays est contrôlé par un régime dictatorial et raciste : 10% de la population, les blancs maintiennent les noirs dans un quasi esclavagisme. C'est dans ce contexte qu'éclate l'affaire Lubin.

En février 1870, Léopold Lubin, jeune agriculteur, noir est sauvagement par blanc Augier de Maintenon, au Marin. Lubin ne leur aurait pas céder le passage. Ce dernier devant le refus de la justice coloniale de punir les coupables, décide de rendre justice lui-même. Il corrige de sa cravache Augier de Maintenon. Arrêté, il est condamné à 5 ans de bagne et à une lourde amende par un jury de blancs : justice de classe et de race.

Immédiatement après la condamnation, le soulèvement se prépare, à Rivière-Pilote. Dès le 2 septembre, des incidents sont signalés. Parmi les organisateurs on trouve Louis Telgard, Eugène Lacaille, Auguste Villard et Daniel Bolivard. Ils veulent infliger un châtiment aux blancs racistes, confisquer les grandes propriétés, instaurer un République Martiniquaise… Le 22 septembre, Telgard et Lacaille sont au bourg avec plusieurs centaines de personnes scandant « Mort aux blancs, mort à Codé ». Codé est un grand propriétaire blanc, un de ceux qui a fait condamné lourdement Lubin. Dans la soirée, ils se rendent sur l'habitation Codé. Elle est incendiée. C'est le début de l'insurrection. Dès le lendemain, elle se propage à tout le Sud. Ouvriers agricoles, ouvriers des bourgs, immigrants participent massivement à la révolte.

Les habitions flambent. Codé sera tué le 24. Pendant ce temps les blancs s'organisent. On fait appel aux troupes (1500 hommes), aux volontaires pour mater la révolte. La répression est terrible. Des dizaines de travailleurs sont massacrés. Il y a plus de 500 arrestations. Un climat de terreur s'installe à la mesure de la peur qu'on eue les blancs. Une parodie de justice condamna lourdement les insurgés. Les principaux chefs furent exécutés, sauf Telgard qui réussit à fuir à Ste Lucie. D'autres furent condamnés aux travaux forcés à perpétuité, à la déportation…


Analyse du mouvement

Les évènements de septembre 1870 se situent à un moment charnière de l'histoire de notre pays. Cette insurrection a des caractéristiques particulières qu'on ne retrouve ni dans les luttes anti-serviles d'avant 1848, ni dans les luttes ouvrières qui apparaîtront à compter de 1900.

On peut considérer qu'il y a trois caractéristiques essentielles à cette insurrection qui en font un évènement majeur de notre histoire.

Premièrement, les éléments historiques en notre possession, en dépit des difficultés à connaître l'exacte vérité vu l'absence d'écrits émanant des insurgés eux-mêmes, permettent de penser que cette insurrection a été pensée, réfléchie par un groupe d'hommes et de femmes sachant parfaitement ce qu'ils faisaient et voulaient. Nous ne sommes pas en présence d'une simple révolte spontanée contre la misère et l'exploitation. S'il est vrai par exemple que l'affaire Lubin (ce jeune nègre incarcéré après avoir tenté de se venger de l'agression d'un blanc) a un rôle mobilisateur dans l'insurrection, il reste indéniable que même sans cela, un mouvement insurrectionnel était en préparation.


Deuxièmement , pour la première fois est posée la question essentielle de la possession de la terre. Il faut bien voir que l'insurrection du Sud a lieu 22 ans après l'abolition de l'esclavage et suite au régime impérial de Napoléon III. Si les esclaves avaient arraché leur liberté, celle-ci était formelle. Il n'existait pour eux pratiquement aucune possibilité de pouvoir échapper au travail sur les habitations des anciens maîtres. Les grands moyens de production (terres, usines à sucre) étaient toujours aux mains de la caste blanche. Dans le sud du pays, une petite classe de petits paysans avait réussi à se constituer, elle sera le fer de lance et le moteur de l'insurrection. On retrouvera aussi parmi les insurgés une partie des « Congos » qui avait été déportés après l'abolition de l'esclavage. Leur revendication est celle de la terre. D'ailleurs dans le peu de jours où l'insurrection dominera, on a assisté à un début de partage des terres des békés. Les insurgés ne se battent donc pas pour obtenir une simple amélioration de leurs conditions de vie mais avant tout pour avoir à leur disposition un outil de travail essentiel, la terre. En cela, le mouvement insurrectionnel se distingue de tout ce qui va suivre car il faudra attendre un siècle, pour que soit remise à l'ordre du jour la question d'une authentique réforme agraire qui ne peut passer que par l'expropriation de la terre aux mains des descendants des esclavagistes.


Troisièmement, cette révolte a un caractère nationaliste. Les insurgés ne s'opposent pas seulement à la caste béké pour la terre mais aussi au colonialisme. C'est une révolte frontale et pas simplement une lutte contre les conséquences du colonialisme. C'est la présence française, alliée des békés, qui est directement remise en cause. On sait que les insurgés vont se réjouir de la défaite française à Sedan contre la Prusse et qu' ils allèrent brandir un drapeau (rouge et noir) ou (rouge-vert-noir). Ainsi, c'est la première fois depuis la résistance des Caraïbes au début du XVII siècle que la présence française est remise ainsi en cause. Là encore, il faudra attendre près d'un siècle pour que cette question soit à nouveau posée.

Cette insurrection a par la suite été reléguée aux oubliettes de l'histoire. Comme pour la révolution abolitionniste, le colonialisme, aidé en cela par le mouvement assimilationiste, a voulu ôter de la mémoire de notre peuple que ses ancêtres avaient résisté à l'oppression.

Se rappeler l'Insurrection du Sud n'est donc pas une simple commémoration. Il s'agit avant tout d'une part de voir que notre peuple a une histoire (avec ses héros, ses défaites, ses victoires) qui lui est propre et différente de celle de la France et d'autre part de constater que les questions posées en 1870, celles de la terre et du contrôle de notre destin, sont toujours d'actualité.


__________________________________________________________

http://www.combat-ouvrier.net/co868/868_2.htm


MARTINIQUE
L'INSURRECTION DU SUD, UNE PAGE DE LA LUTTE DES CLASSES PAUVRES CONTRE L'OPPRESSION.



L'insurrection du Sud qui sest déroulée en septembre 1870 est une page dhistoire qui fait partie intégrante des débuts du mouvement ouvrier à la Martinique.
En effet, contrairement au 22 mai 1848, ce ne sont plus des esclaves, mais c'est la nouvelle classe des salariés et des masses de travailleurs indépendants pauvres qui se mettent en mouvement contre la férocité du pouvoir colonial et des exploiteurs békés.

Quelle était la situation sociale à la Martinique en 1870?

Après 1848, pendant une courte période, seront mises en places des mesures démocratiques en faveur des nouveaux hommes libres: élections au suffrage universel, possibilité de travail libre, soit sur des lopins de terres achetés, soit en tant que salarié dans des ateliers à la ville. Mais très rapidement après le coup d'état du 2 décembre 1852 de la bourgeoisie conservatrice, et l'avènement en France du régime du Second Empire de Napoléon III, les masses laborieuses vont se retrouver sous le fer de leurs anciens maîtres békés.
En 1852, pour soumettre les anciens esclaves et les ramener de force vers les habitations, une nouvelle législation du travail est instituée en Martinique avec la mise en place du livret du travail exigé pour contrôler chaque individu. Un impôt personnel d'une valeur de cinq jours de travail est également institué et le paiement de cet impôt est contrôlé par la présentation d'un passeport intérieur délivré par les propriétaires. Les individus qui ne sont pas en règle sont frappés d'amendes, de prison ou se retrouvent dans les ateliers de disciplines.
De 1853 à 1870, à la demande des anciens colons, le pouvoir central a fait rentrer en Martinique environ 40 000 immigrants d'Inde surtout, les Coolies, mais aussi des Africains, les Congos. Les conditions de ces travailleurs, liés par un contrat d'engagement aux propriétaires, sont épouvantables et proches de la période de l'esclavage.
A l'opposé de ces masses laborieuses, la population blanche, békée ou métropolitaine. Ce sont les gros propriétaires, les négociants installés à Saint Pierre et Fort de France, les industriels et l'appareil administratif. Très rapidement, ils ont retrouvé leur prospérité. Avec les indemnités reçues du pouvoir pour la perte des esclaves, des banques furent créées (Banque de la Martinique, Crédit Foncier colonial). L'agriculture fut équipée de moyens modernes. Le pouvoir réalisa des infrastructures permettant le développement industriel (réseau routier, bassin de radoub, extension du port de Fort de France).
Leur puissance retrouvée avec le soutien du pouvoir impérial, cette classe de possédants békés retrouva toute son arrogance et son mépris vis-à-vis de la population laborieuse noire, dans le but de continuer à en tirer les profits maximums.

La situation politique en France

En août 1870, Napoléon III entre en guerre contre l'Allemagne. En un mois, l'accumulation des défaites va faire chanceler le second empire. Le 4 septembre 1870 un gouvernement républicain de défense nationale prend le pouvoir. Il fut remplacé en mars 1871 par le pouvoir de la Commune de Paris, dirigée durant 90 jours par les travailleurs et le petit peuple de Paris.
En Martinique, le début de la guerre entraîna la raréfaction des marchandises et des augmentations de prix. De plus les propriétaires n'obtinrent plus les avances d'argent leur permettant de payer les salaires. C'est dans ce contexte que se déclencha l'insurrection du Sud.

http://www.combat-ouvrier.net/co869/869_2.htm
(deuxième partie)

Les évènements de Septembre 1870

Depuis plusieurs mois, la colère grondait sur les lieux de travail. L’affaire Lubin mit le feu aux poudres.
Elle débuta en février 1870. Un jeune Noir, Léopold Lubin, fut cravaché violemment par un Blanc parce qu’il ne l’avait pas salué et ce dernier voulait lui «apprendre à respecter les Blancs». N’ayant pu trouver réparation auprès des tribunaux, après plusieurs mois, Lubin décida de remettre au Blanc arrogant sa correction. Lui, sera arrêté sur-le-champ, emprisonné. Le 19 Août, il fut condamné par la cour d’assises de Fort de France à cinq ans de bagne et à payer une forte somme d’argent à titre de dommages et intérêts.
L’arrestation de Lubin puis sa condamnation par un tribunal à la solde des békés (parmi les assesseurs figurent un gros propriétaire de Rivière-Pilote, le dénommé Codé) porta la colère de la population à son comble.
Dès le lendemain du procès, ses amis organisèrent une collecte pour payer les frais du pourvoi en cassation. Ce fut l’occasion d’établir des liens entre les mécontents.
Les noms de dirigeants de l’agitation et du mouvement : Louis Telgard, Eugène Lacaille, Daniel Bolivard ou Auguste Villard.
Au début du mois de septembre, les premiers incidents éclatèrent à Rivière Pilote. Les chefs du mouvement prirent la décision de passer à l’action à l’occasion de la proclamation de la République à la Martinique. Le paquebot «La Louisiane» amenant le décret arriva le 21 septembre 1870. Le 22 septembre à 7H, la République fut proclamée à Fort de France. Lacaille et Telgard rassemblèrent plus d’un millier d’hommes sur la place de la mairie de Rivière- Pilote pour exiger que les Blancs soient désarmés. Mais devant l’indécision du maire, les masses s’impatientèrent et prirent la direction de l’habitation de Codé, l’assesseur virulent au procès de Lubin, aux cris de «Vive la République, Mort à Codé». Dans la nuit, l’habitation fut incendiée.
Le lendemain, malgré les tentatives de compromis du maire avec certains chefs, la masse des insurgés se répandit dans les communes du Sud. La première fusillade avec les soldats fit deux morts. Ils se préparèrent alors à affronter les soldats avec détermination.
Des milliers d’hommes, de femmes s’engagèrent dans la lutte durant plusieurs jours. C’était des ouvriers agricoles, des petits cultivateurs, des ouvriers des bourgs, des artisans. Parmi eux on trouvait une majorité de jeunes et un grand nombre de femmes. L’une d’entre elles, Lumina Sophie, prit la tête du mouvement parcourant les mornes et les campagnes pour soulever les masses de Rivière –Pilote. Elle fut, par la suite, châtiée sans pitié et exilée au bagne.
Pendant deux jours, les insurgés contrôlèrent la situation dans le Sud. Le mouvement s’étendit dans plus de quinze communes. Une cinquantaine d’habitations furent incendiées.
La journée du 24 fut le point culminant de l’insurrection. Les insurgés mirent la main sur Codé et l’exécutèrent. Partant du quartier de Rivière- Pilote, la Régale, ils incendièrent de nombreuses plantations.
La plupart des insurgés n’étaient armés que de piques, de coutelas et de bambous effilés et de torches enflammées. Bien que se regroupant, ils n’étaient pas vraiment organisés. Ils se déplaçaient et agissaient en bandes de façon très déterminée. Ils voulaient se venger des exactions et brimades exercées par les Blancs et se débarrasser de l’exploitation des Békés. Les chefs parlaient semble-t-il de saisir les grandes propriétés et de partager les terres entre les agriculteurs et les ouvriers agricoles. Certains de ces chefs parlaient aussi -semble-t-il- d’une république martiniquaise, sans Blancs, comme à Saint Domingue.

http://www.combat-ouvrier.net/co870/870_2.htm#7
(troisième et dernière partie)

La Répression cruelle de l’insurrection

Dès le 23 septembre, le gouverneur de l’île prépara son plan pour écraser la révolte. Il réunit 1500 hommes et 500 volontaires. Les Blancs eurent peur. Ils appelèrent à l’aide les gouverneurs anglophones des îles voisines. Les bourgeois blancs et de couleur de Saint – Pierre et de Fort de France constituèrent plusieurs détachements de volontaires à pied ou à cheval.
L’assaut fut donné le 26 septembre à 4H du matin sur l’habitation Aubermesnil ( La Aubert). Puis un deuxième à 6H à la Régale où Telgard organisa la défense.
Pendant plusieurs jours des combats se déroulèrent un peu partout dans le Sud. Mais l’insurrection fut étouffée.
Une véritable chasse à l’homme eut lieu pour réprimer les insurgés. Des dizaines de travailleurs furent massacrés. Plus de 500 furent emprisonnés dans les forts de la ville. Un conseil de guerre fonctionna pendant plusieurs mois. 75 condamnations furent prononcées. Plusieurs des chefs furent exécutés au fort de Desclieux, d’autres furent envoyés au bagne, jusqu’en Nouvelle-Calédonie.
Durant de longs mois, la tension resta très vive dans l’île. La population cacha le chef des insurgés Telgard qui réussit à s’échapper de l’île.
Cette révolte provoqua une grande peur chez les possédants. Mais après la répression sanglante exercée contre les insurgés et ceux qui les soutenaient, la bourgeoisie blanche retrouva son arrogance et continua l’exploitation sans borne des travailleurs. Mais lors des grandes luttes des ouvriers de la canne et des sucreries du début du 20ème siècle, les travailleurs en lutte retrouvèrent dans leur histoire la forme de lutte de la grève marchante, allant, comme en 1870 de plantations en plantations pour entraîner les ouvriers dans la grève.


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Quelques liens complémentaires :

http://madjoumbev2.free.fr/telga.html

http://www.jodila.com/article_887.html

http://www.suzannedracius.com/spip.php?article39
_________________
"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon
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Chabine
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MessagePosté le: Mar 10 Juil 2007 15:36    Sujet du message: Répondre en citant

http://www-peda.ac-martinique.fr/histgeo/fev1900-1.shtml

AUX ORIGINES DU MOUVEMENT OUVRIER MARTINIQUAIS :
LA GREVE DE FEVRIER 1900 ET LA FUSILLADE DU FRANCOIS
.
compte-rendu de la conférence tenue par Jacques ADELAIDE-MERLANDE,
à l'Atrium, Fort de France, février 2000, par C. JOLY




I. La genèse de la grève.

Pour comprendre la genèse de la grève de février 1900, son originalité, il faut remonter aux années 1880.

Le contexte économique et social.

La vie économique et sociale dépend de la canne à sucre.

Sur les 33 000 hectares cultivés à la fin des années 1870, la canne couvre 18 000 hectares alors que les cultures vivrières ne couvrent que 14 000 hectares et les cultures d’exportation secondaires (café, cacao) quelques centaines d’hectares. La valeur des produits tirés de la canne (sucre, mélasse, tafia) représentent 80% de la production agricole totale.

La structure de la propriété.

Les habitations-sucreries connaissent des mutations depuis le second empire avec la création des usines centrales. Ainsi au début des années 1880 la structure est duale avec des habitations-sucreries qui fabriquent le sucre roux et des habitations sous contrat avec l’usine qui lui livrent de la canne. Un afflux de capitaux avait permis la création de ces usines. Les dividendes sont élevés et atteignent presque 40 % dans beaucoup d’usines. Ces capitaux proviennent en partie des prêts du Crédit Foncier Colonial.

Le traitement des 318 000 tonnes de canne sur les 200 habitations-sucreries produit 19 000 tonnes de sucre brut à destination des États-Unis surtout et les 308 000 tonnes de canne manipulées dans les 16 usines donnent 23 000 tonnes de sucre à destination de la métropole.

La main d’œuvre est constituée aux 2/3 de travailleurs créoles, indigènes. Ils vivent hors des habitations et sont souvent des petits propriétaires qui deviennent des salariés au moment de la plantation et de la coupe de la canne. Ils vivent sur les hauteurs et cet emploi salarié est un complément indispensable. Ce sont eux qu’on appelle des « gens étrangers ».

Il y a aussi des gens casés (ils vivent sur les habitations dans des cases et ont passé un contrat avec le propriétaire). Ces cases sont souvent occupées par des immigrants indiens. L’immigration fut subventionnée de 1852 jusqu’en 1885 : dans les années 1870 par exemple on compte 12 000 Indiens.

La forme de travail sur l’habitation, c’est le travail à la tâche. Une tâche dans les années 1850 c’est 300 pieds de canne tant pour le sarclage que pour la coupe : elle correspond à 4/5 heures de travail. A la fin des années 1870 et au début des années 1880 le travailleur perçoit pour la tâche un salaire de 2 francs. En 1848, 2 francs c’était le salaire moyen d’un ouvrier non qualifié. Quant aux Indiens, ils sont en principe sous contrat (nourriture plus salaire sur 26 jours mensuels de travail). Le salaire plus la ration sont équivalents à environ 0,80 franc.

Tout ces travailleurs vivent dans des conditions difficiles : leur espérance de vie est d’à peine 30 ans. Pour les Indiens soumis à l’arbitraire des engagistes, c’est pire. Eugène Desgrottes, un des rares propriétaires contre lequel l’administration n’a relevé aucune infraction au contrat d’engagement n’a pas d’infirmerie : elle n’était obligatoire que pour les propriétaires possédant plus de 20 engagés.

Dans les années 1884/85 débute la crise sucrière due à la rivalité sucre de canne/sucre de betterave dans un contexte de surproduction mondiale et de concurrence entre pays producteurs de sucre. Elle dure une vingtaine d’années (malgré un léger mieux 1896/1901) et affecte l’ensemble de la vie économique et sociale. Les prix du sucre baissent d’environ 30 %. La surproduction de sucre entraîne une baisse de la valeur des exportations.

En 1882 la valeur en francs des exportations est environ de 24 millions de francs, en 1890 elle a chuté à 12 millions de francs. La valeur des exportations de sucre a donc chuté de moitié tandis que le volume lui n’a chuté que d’un tiers. En gros un kilo de sucre est passé de 1,06 francs à 0,39/0,48 franc. La crise sucrière a mis fin à la belle époque des producteurs de sucre. On ne retrouve plus le niveau de rentabilité des exportations comme dans la période qui a précédé 1884.

Les conséquences de la crise sucrière :

une concentration de la propriété.

Les propriétés lourdement hypothéquées, sont saisies et rachetées par le Conseil Général ou rentrent dans le domaine foncier des usines. Le domaine de l’usine du Galion à Trinité passe de 900 à 3210 hectares. Le domaine des usines de Rivière Salée et de Petit Bourg administrées par la famille Hayot s’accroissent aussi considérablement. Pour la grève de 1900, les ouvriers vont aussi dans les usines qui sont désormais le centre de l’activité sucrière de la Martinique.

La condition des cultivateurs s’aggrave car les producteurs cherchent à baisser les coûts de production.

· Le salaire en 1900 pour la coupe de la canne est passé à un franc et même moins alors que la tâche a augmenté. Elle est en effet souvent passée à 700 /900 pieds de canne (on est loin des 300 pieds de 1850).

· Il y a aussi le système de la demi-journée institué pour contrer l’absentéisme. Toute personne qui ne fournit pas une journée complète de travail n’est rémunérée que pour une demi-journée.

· Le système du « piquant » aggrave les conditions de travail : si le géreur pense qu’il y a une malfaçon, il pique une barre dans le paquet et le travailleur n’est pas payé. Le piquant donnait lieu à de nombreux abus.

· Le caïdon (mot indien) : c’est un morceau de métal gravé aux initiales du propriétaire, bon que donne le propriétaire à ses cultivateurs : il ne peut acheter que sur les boutiques de l’habitation appartenant à son employeur ou à son prête-nom. L’ouvrier au moment de la paye ne perçoit que la différence entre ses dettes et son salaire si le solde est positif.

Deux autres éléments aggravent les conditions de travail du salarié :

La loi douanière de 1892 ou loi d’assimilation douanière.

Les colonies sont désormais soumises au même régime douanier que la métropole. Cette loi d’assimilation est en fait une loi protectionniste destinée à défendre les produits agricoles et industriels français contre la concurrence étrangère. Les conséquences sont la chute du commerce entre la Martinique et l’étranger et la très forte hausse du coût de la vie avec la cherté des produits français et le renchérissement du prix des marchandises venues des États-Unis.

Le change.

Il sert à compenser les bas prix du sucre et à rétablir l’équilibre entre importation et exportation. Le change c’est la différence entre les francs émis par les banques des Antilles et ceux émis par la Banque de France. Il y a une sorte de dévaluation du franc martiniquais. Une traite de 1000 francs de la métropole sera payée 1150 francs en Martinique. L’élévation du taux de change profite aux usiniers mais pénalise la masse des consommateurs dont le niveau de vie est bas car les marchandises importées de France coûtent plus cher.

Des réactions

Dès 1882, un mouvement de grève sporadique éclate dans la région de Sainte-Marie. Un autre mouvement, plus original, car il touche les usines, voit le jour aux usines du François et du Robert en 1885 : les travailleurs protestaient contre la baisse des salaires. Et, en 1900, éclate la « grande grève ».




Contexte politique

La misère des travailleurs est décisive pour expliquer leurs revendications salariales. Mais on peut aussi noter l’exploitation de ce sort difficile pour des raisons politiques (le suffrage universel existe en Martinique depuis les années 1870) tant par les usiniers et propriétaires que par la bourgeoisie de couleur.

En 1885 scission au sein des Républicains qui sont des notables de couleur (les Républicains avec ce que cela suppose à l’époque : liberté de la presse, syndicalisme, laïcité et obligation scolaire…). D’un côté les Hurardistes, partisans de Marius Hurard. De l’autre, les Deprogistes partisans d’Ernest Deproge. Le point de discorde c’est l’assimilation, que les premiers refusent car ils ont des tendances autonomistes, et que les seconds revendiquent.

Un des principaux administrateurs de l’usine du François, Fernand Clerc a décidé d’entrer en politique ouvertement en créant le « parti nouveau » ou parti républicain progressiste. Jusqu’alors les Blancs créoles, par refus de la République avaient déserté l’arène politique. Fernand Clerc pensait attirer à lui une partie des Hurardistes. La propagande électorale incitait les cultivateurs à voter pour le parti nouveau, parti qui promettait d’améliorer la situation de l’économie sucrière et par là même les salaires. Aux élections législatives de 1898, les deux élus pour la Martinique sont les deux candidats du parti nouveau : un métropolitain Denis Guibert (journaliste parisien qui passe pour être un personnage bien en cour auprès des ministres) dans le Nord, et Osman Duquesnay, ancien maire de Fort-de-France, dans le Sud. Or, aucune amélioration ne se produit, aucun relèvement de salaire. Donc il y a un contexte de mécontentement face à des promesses non tenues.

Les adversaires du parti nouveau, les Deprogistes, républicains radicaux qui dominent le conseil général, ont décidé de défendre la « classe prolétarienne » (avec des revendications modérées cependant ). Peut-être ont-ils laissé entendre qu’il y avait une relative amélioration de l’économie sucrière. On constate alors que les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté : pour l’usine de Petit Bourg : 8 % en 1897, 18,55 % en 1898 et 23,83 % en 1899. Même chose à l’usine de Rivière-Salée, du François, de Sainte-marie et de Basse-Pointe.

Les Deprogistes seront tenus pour responsables de la grève par certains. Les Blancs créoles vont expliquer les événements de février 1900 comme une tentative de reconquête démagogique par la bourgeoisie de couleur et ses politiciens.




II. La grève dans le temps et l’espace


Le 6 février 1900 le gouverneur Gabrié envoie un télégramme au ministère des Colonies pour dire qu’il y a une grève à Sainte-Marie, Marigot, Lorrain depuis le 5 février. Des groupes de cultivateurs étrangers ainsi que des gens casés se présentent sur l’habitation Saint-Jacques. Ils revendiquent 2 francs pour 300 pieds. Ils vont à l’habitation Pain de Sucre puis à l’habitation Charpentier. Des usines de Trinité sont aussi concernées. Le rapport d’un juge d’instruction qui résume les événements insiste sur le fait que les travailleurs parcourent les habitations et vont dans les usines. C’est la grève marchante. Les rangs des grévistes grossissent peu à peu. Les ouvriers d’usine ne semblent pas avoir pris part à la grève sauf l’exception mentionnée ci-après.

La revendication donc est salariale : 1,50 francs puis 2 francs (voir la chanson « Missié Michel pa lé baye dé francs » Very Happy ). On connaît des noms de grévistes : Paul Clerc, Siméon, Médouze. Il n’y a pas d’organisation à proprement parler.

Le 6 février c’est l’extension sur la côte Est. Le travail cesse à Trinité, Lorrain, Bassignac puis dans la plaine du Lamentin. Le 7 la grève continue dans les régions mentionnées. Le mouvement gagne des habitations au Robert.

Une femme déclare que la reine avait envoyé un papier dans lequel elle ordonnait la mise de la tâche à 2 francs. Quelle reine ? Victoria ? Rumeur fondée sur le fait que les immigrants indiens étaient pour la plupart sujets britanniques ou confusion avec la Marianne des mairies ?

Au Robert l’usine est envahie puis évacuée

Le 8 février extension de la grève dans le Nord à Basse Pointe et Macouba. A l’usine Gradis (Basse Pointe) les ouvriers d’usine paraissent prendre les rênes de la grève (les turbineurs réclament 7 francs au lieu de 2,50 francs). Des grévistes du Robert font mouvement vers l’usine du Galion à Trinité et celle du François.

Certains grévistes demandent une conciliation et réclament 1,50 francs pour 300 pieds. Ils disent qu’ils veulent profiter de l’amélioration de la situation des sucreries. Sont-ils influencés par les Deprogistes de la région comme Agricole, maire de Sainte-Marie et ami du sénateur Knight ? C’est possible. Les propriétaires donnent leur accord à la réunion de conciliation à 8 heures 35 c’est-à-dire après la fusillade qui a eu lieu au François dans l’après-midi.

En effet le 8 février à 17 heures 15 le lieutenant Kahn envoie un télégramme disant « je suis attaqué dans l’usine, des gens du pays sont blessés ». La fusillade ne met pas fin à la grève. Les coups de feu ont fait 10 morts et 12 blessés graves. Evil or Very Mad

La grève débute à Rivière-Monsieur le 12 février. Le 13, progrès de la grève à Acajou, La Favorite. Grèves sur les terres des usines de Petit Bourg et Rivière-Salée exploitées par la famille Hayot. Le directeur de l’usine de Rivière Salée était Michel Hayot. Extension sur les habitations dépendant de Trois Rivières.

Echecs des négociations entre le 10 et le 13 février. Mais le 13 arbitrage à Sainte-Marie grâce à la médiation des Deprogistes avec Eugène Agricole maire de Sainte-Marie et conseiller général qui appelle au calme et à la modération. Pour les travaux autres que la coupe et l’amarrage de la canne :
25 % de hausse. Pour la coupe et l’amarrage la tâche n’est pas explicitement fixée à 300 pieds. Rémunération de la coupe et de l’amarrage : 2,50 francs pour le couple (soit 1,25 francs pour le mari coupeur et 1,25 francs pour la femme amarreuse ). Cet arbitrage concerne les ouvriers de Sainte-Marie, Marigot et pose donc le problème de la généralisation de cet accord.

Un autre accord est signé à Rivière-Salée. Les négociations commencent le 14 février avec Jean Hayot et 10 délégués des travailleurs des champs et de l’usine en présence du sénateur Knight, notable de couleur qui avait pris parti pour les grévistes. Il y a 2000 grévistes qui entourent les négociateurs. Les Hayot jouent les alarmistes et se réfugient sur un navire italien en rade de Fort-de-France. Les pourparlers aboutissent cependant le 15 grâce à Merlin le Secrétaire Général du gouverneur. Augmentation de 50 % des salaires ; la tâche est fixée à 20 piles de 20 paquets de 10 bouts. On ne parle pas des 300 pieds. Les fiches sont supprimées (à Rivière-salée on ne parle pas de caïdon mais de fiche) ainsi que le piquant. Mais le principe de la demi-journée est maintenu. Pas de renvoi pour fait de grève. L’accord est signé avec Jean Hayot.

La reprise est difficile surtout dans le Nord. Le patronat préférait l’accord de Sainte-Marie. La reprise se fait lentement entre le 13 février et la fin du mois. A Rivière-Salée les patrons pratiquent le lock-out : réduction des travaux et diminution d’un tiers du personnel. Parmi les lock-outés on reconnaît deux des signataires de l’accord de Rivière-Salée. Sur la côte Est la reprise se fait par lassitude.



III. La répression

Durant la grève, un certain nombre de patrons multiplient les informations alarmistes en direction de l’administration locale et centrale. La grève est présentée comme une insurrection. Il est question à un certain moment d’une mystérieuse bande de 300 hommes au Morne-des-Esses. Le gouverneur répond avec zèle aux demandes de protection. Des magistrats sont envoyés en mission. Des détachements d’infanterie de marine (c’est la troupe des expéditions coloniales) sont envoyés un peu partout. En principe, ils ne doivent pas stationner dans les usines.

Le 7 février à 7 heures du soir un détachement d’infanterie est envoyé au Lamentin. A 7 heures 45 Liottier le directeur de l’usine du François téléphone au gouverneur Gabrié et demande des renforts pour barrer une bande armée. A 8 heures 30 on demande à un officier de la troupe du Lamentin d’envoyer 25 hommes au François. Le lieutenant du détachement demande où il doit aller, le secrétaire du gouverneur lui aurait dit à l’usine, ordre du gouverneur.

Deux thèses s’affrontent au sujet de la fusillade qui a eu lieu le 8 février. Celle du lieutenant Kahn. Une bande armée de coutelas s’est avancée sur la troupe qui tire sur les émeutiers qui avaient saisi leur baïonnette. Ce rapport reconnaît cependant que le maire du François, le docteur Clément a tenté d’apaiser la foule.


La version du docteur Clément est différente. Il aurait convaincu les grévistes de reculer. C’est alors qu’un premier coup de feu part suivi d’une salve de mousqueterie. Lui-même a failli être tué. Le commissaire de police qui est avec lui confirme le fait. La troupe a fait feu sans sommation alors que des pourparlers étaient en cours. Le procureur remarque que la première tâche de sang se trouve à 7 mètres de la bande de grévistes. Il apparaît nettement qu’on a tiré à distance sur les grévistes. Dans une correspondance du 22 février le docteur Clément parle « de l’exécution du 8 février ».

Le gouverneur et le procureur général furent présents aux obsèques des victimes pour lesquelles un crédit de 7000 francs fut voté.

La question des incendies a souvent été majorée : 43 hectares en tout furent incendiés (et éteints avec l’aide des travailleurs) dans la seconde partie de février. Jamais un gréviste arrêté ne le fut pour incendie. Ces incendies furent minimes. Pas une maison de maître, pas un équipement n’ont brûlé.

Au niveau du pouvoir central se fait sentir la pression d’un lobby répercutant les vœux du patronat (les chambres de commerce des ports par exemple). Celle de Bordeaux réclame l’envoi de troupes pour « éviter le massacre des blancs ». Le gouvernement envoie 30 gendarmes et 2 navires de guerre qui restent jusqu’en mai 1900. Le gouvernement était sensible aux pressions du lobby sucrier dans une certaine mesure car la loi du 13 avril 1900 réduit les attributions du conseil général qui perd son autonomie pour délibérer et statuer sur les taxes (comme l’octroi de mer, taxe perçue sur toutes les marchandises importées et sur les sorties de sucre). Il y a donc une tentative de recentralisation. Le gouverneur Gabrié est rappelé car jugé trop mou.

A la Chambre des députés, les socialistes indignés s’expriment par la voix de Jaurès qui stigmatise le massacre. Ils posent à nouveau le problème de leur participation au gouvernement (le ministre des Colonies en effet était un socialiste).



Conclusion

Le mouvement ouvrier martiniquais amène des évolutions sur le plan syndical et sur la naissance du mouvement socialiste.

Le mouvement ouvrier martiniquais est né hors toute organisation syndicale. Cette organisation, timide jusqu’en 1900 se consolidera par la suite avec des groupements très liés géographiquement à telle ou telle commune.

Un courant socialiste naît avec des journaux comme Le Prolétaire ou L’Echo de la Martinique. Mais l’éruption de 1902 réduit l’émergence de la presse socialiste qui était basée à Saint-Pierre.
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"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 05:46    Sujet du message: Répondre en citant

http://www.combat-ouvrier.net/co925/925_2.htm

Martinique
La soldatesque coloniale assassine Des Etages, Zizine et commet la tuerie du Diamant



Il y a 80 ans, le 24 mai 1925, Louis Des Etages, maire de Rivière-Salée et Charles Zizine étaient abattus par un gendarme dans une habitation de Ducos.
Cet assassinat et les événements qui l’ont suivi ont été commémorés dans la commune de Rivière Salée par une exposition organisée du 24 au 31 mai au centre culturel de la commune et une conférence – débat animée par l’historien Georges Mauvois.
Les faits se déroulent dans une période marquée par un pouvoir colonial féroce au service sans faille des possédants des terres Békés et des sociétés possédant les usines à sucre.
En effet, au début du 20è siècle, la concentration des terres s’est accrue par rapport à celle qui existait à la veille de l’abolition de l’esclavage. «Dix familles» de Békés possèdent ou contrôlent plus de 75% des terres et dominent la production de sucre. Il y a désormais également de grandes usines à sucre. La puissance des possédants békés n’a d’égal que leur arrogance. Désormais ils veulent affirmer leur puissance et la garantir par une domination politique sans partage. Pour cela, ils utilisent la fraude au grand jour avec l’aide du pouvoir. Ils sont confrontés à ceux qui depuis l’abolition de l’esclavage, s’opposent à eux pour acquérir des droits et l’égalité pour les anciens esclaves.
Face à la forte concentration des biens, les conditions des ouvriers et des ouvrières des usines et des champs se sont aggravées. En effet les possédants ne veulent pas subir les conséquences des difficultés économiques venant des fluctuations du marché du sucre, ou de celles venant du contingentement du rhum. Les salaires notamment sont bloqués.
La riposte ouvrière s’organise et depuis le début du siècle, incendies sur les habitations, grèves importantes, révoltes ouvrières ont eu lieu. Cela a été le cas lors de la grève générale de 1900, la grève de l’usine de Sainte Marie en 1910, ou encore la grève de Bassignac dans la commune du Robert en février 1923.
A chaque fois, les usiniers et les planteurs en appellent au gouverneur et aux forces de l’ordre. Les grévistes sont durement réprimés. Des fusillades éclatent comme au François, à l’usine Bassignac ou au Morne Pitault, faisant chaque fois plusieurs morts parmi les ouvriers et la population.
Louis Des Etages et Charles Zizine, étaient des hommes politiques de la fédération socialiste de la Martinique, proches du député Joseph Louis Lagrosillère, surnommé Lagros.
Ce dernier contribue à répandre les idées socialistes au sein des travailleurs opprimés et est élu député en 1910 contre les représentants des usiniers. Mais en 1919, pour être sûr de reconquérir son siège de député, Lagrosillère trahit la cause ouvrière et signe un accord avec ses anciens ennemis, choisissant «de faire un bout de chemin» avec des «capitalistes éclairés». «Lagros» reste néanmoins populaire et obtient des succès électoraux face aux Békés mais aussi face aux autres partis des gens de couleur, notamment les radicaux de Victor Sévère, utilisant parfois la force du mécontentement ouvrier. Ainsi Lagrosillère garde une grande influence dans de nombreuses communes agricoles de la Martinique, celles du François, du Lamentin, de Robert, de Trinité, du Lorrain.
C’est dans ce contexte, de luttes ouvrières et sociales souvent radicales et de luttes électorales, dominées par la puissance des possédants békés liés au pouvoir du gouverneur Richard que, lors des élections municipales, Des Etages et Zizine, furent tués par un gendarme le 24 mai 1925.
Cet événement n’a pas été isolé puisque dans la commune du Diamant le même soir du 24 mai 1925, les gendarmes ouvrent le feu contre une foule mécontente du déroulement des élections et font une dizaine de morts. Evil or Very Mad
Mais la férocité avec laquelle le pouvoir colonial a réprimé les manifestations, n’a pas empêché la population et les travailleurs de continuer à revendiquer leurs droits démocratiques.
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 06:11    Sujet du message: Répondre en citant



http://www.atypiksound.org/assos/france_antilles/main.php

11 JANVIER 1934 : André ALIKER, mystère autour d'un assassinat



André Aliker, le responsable du journal du mouvement communiste est assassiné en janvier 1934 pour avoir révélé les dessous d'une sombre affaire de fraude fiscale supposée.
Les Habitants de fond Bourlet, paisible quartier de pêcheurs entre Case-P'ilote et Bellefontaine, se souviendront longtemps de ce funeste jour du 11 janvier 1934.. Ils découvrent sur la plage le corps d'un homme vêtu de son costume de ville, les avant-bras ligotés par une cordelette et maintenu, dans le dos. L'homme, plutôt jeune, est déposé sur une feuille de tôle.
Les premières constatations sont formelles : il s'agit d' André Aliker, 34 ans, mystérieusement disparu depuis l'avant-veille. Le gérant du journal Justice, l'organe du mouvement communiste a été tué.
La thèse du suicide est aussitôt troquée par certains cercles farouchement opposés aux idées défendues par Aliker. Une piste qui ne tient pas à l'examen des faits. Rapidement le rapprochement est fait avec l'enlèvement d'André Aliker, le matin du 1er janvier, en plein Fort-de-France, par deux inconnus. Bâillonné, ligoté et jeté à la mer, Le responsable du journal du mouvement communiste échappe de peu à la mort . La seconde tentative sera la bonne pour ses bourreaux et leurs éventuels commanditaires.

Très vite, les gendarmes arrêtent deux émigrés sainte-Luciens, Moffat et Mellon ainsi qu'une martiniquaise soupçonnée d'avoir acheté la corde, Elle sera mise hors de cause, mais ses compères seront traduit, devant la cour d'assises, de Bordeaux qui les acquittera, faute de preuves et d'aveux.

Sur la foi de documents obligeamment fournis par un fondé de pouvoir d'une grosse usine de l'Île, le Journal d'Aliker avait enquêté , sur l'attribution par l'administration des Impôts à un important contribuable martiniquais d'une indemnité de 8 millions de traites de l'époque, en réparation de poursuites menées, semble-t-il injustement, pour fraude fiscale sur ce même contribuable dans les années vingt. Le scandale retentit jusqu'en France. Le Gouvernement est interpellé à la Chambre des, députés. Mais les menaces et les pressions laissèrent ALIKER inflexible dont le journal Justice publie l'enquête par épisodes à partir se Juillet 1933.


Outrée du sort réservé à l'affaire ALIKER par la justice taxée de complaisance, l'opinion publique, attend réparation. La famille s'impatiente. Marcel Aliker finit par se résigner à devenir celui par qui l'injustice sera effacée.
Il tente de venger son frère à l'occasion des obsèques du maire du Lamentin, André Dubuc, le 31 janvier 1936. Sa cible : Eugène Aubéry qu'il soupçonne d'être mêlé au meurtre de son frère. Il fend la foule, parvient jusqu'à lui, pointe son revolver. L'arme s'enraye. Marcel ALIKER est arrêté passera en jugement et sera acquitté. Une nouvelle fois au cours de son second procès,, aucune explication officielle ne sera donnée à l'assassinat du Journaliste engagé.


Il reste que l'affaire Aliker sera exploité par les dirigeants communistes qui eurent tôt fait de convaincre les ouvriers agricoles et ceux des villes de s'organiser. Les dockers, les employés de commerce, les ouvriers boulangers et ceux du bâtiments sont très actifs. De même que les charbonnières, qui, accueilleront au siège de leur société mutualiste, aux terres Sainville, les délégués au congrès constitutif de la Confédération générale du travail, en octobre 1935. Les groupes politiques Front Commun et Jean Jaurès fusionneront plus tard pour créer le Parti communiste.




" Je n'oublierai jamais çà "



Membre du Parti Communiste Martiniquais depuis 1944, Philibert Duféal entre à la CGTM l'année suivante, en gravit les échelons jusqu'à en devenir le secrétaire général de 1982 à 1990. Il se souvient des obsèques d'Aliker à Fort-de-France.
« J'avais 9 ans cette année là. De ces cinq enfants, j'ai été le seul que mon père a emmené à l'enterrement d'Aliker, deux ou trois jours après la découverte du corps. Je ne comprenais pas bien ce qui se passait à la maison, mais j'ai su après que mon père- Auguste Démétrius Duféal, [i]an boug ki pa té ka rigolé- était membre du mouvement communiste depuis onze ans. Quand on a appris ce qui était arrivé à Aliker, les dirigeants comme le maître ébéniste Portel, Henri Bardin, Bissol ont préparé la riposte et les obsèques. C'était un va-et vient permanent à la maison.

On habitait au 60 rue Émile Zola, aux Terres Sainville. Le cortège funèbre a emprunté la rue Brithmer (l'actuelle avenue Jean-Jaurès), puis le boulevard de la levée et enfin la rue Schoecher, jusqu'à la maison d'André Aliker. Il y avait des milliers de gens tout le long du parcours une foule endeuillée et silencieuse . On lisait la tristesse ou la colère sur les visages de ces ouvriers, de ces employés, de ces jeunes. La femme d'Aliker était infirme des jambes. Elle avait du mal à marcher. Ce jour là, mon père m'avait particulièrement présenté à Victor Lamon et à Juvénal Linval. La mort d'ALIKER a servi de détonateur à l'organisation du mouvement ouvrier. L'effervescence que ce drame a suscité a facilité le travail des Monnerot, Bissot, Lamon, Gratiant, qui ont rédigé les statuts de la C.G.T.. Je n'oublierai jamais ça».[/i]



http://perso.orange.fr/case.pilote/personnes/Aliker.htm

Le 12 janvier 1934, on retrouve sur la plage de Fonds-Bourlet, commune de Case-Pilote, le corps ligoté de ce journaliste communiste... Cet assassinat suscita une grande émotion du peuple martiniquais...
Cet évènement est rapporté par André Breton dans Martinique charmeuse de serpents :
"Aliker, dans un journal communiste qu'il dirige, se livre à une série de révélations. Il disparait le 11 janvier 1934 et l'on retire de l'eau son cadavre, les mains liées derrière le dos. Les assassins présumés, Darcy-Moffat et son chauffeur Melon, sont acquités le 22 janvier 1936 par la Cour d'assises de la Gironde. Au lendemain du crime, de Lavigne, gendre d'Aubéry, quitte la Martinique pour Paris où les magistrats instructeurs se déclarent dans l'impossibilité de découvrir son adresse. - Tenant Aubéry pour responsable du meurtre, le frère d'Aliker tire sur lui pusieurs coups de revolver. Cette seconde affaire est jugée en Cour d'assises de la Martinique où pour Aubéry plaide Jean-Charles Legrand, fasciste notoire, depuis lors rayé publiquement du barreau de Paris.[--] la grande effervescence de l'opinion impose un verdict d'acquittement."
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 06:21    Sujet du message: Répondre en citant

http://www.combat-ouvrier.net/co921/921_2.htm


Février 1935 à la Martinique: la marche sur Fort de France


Lors des journées de février 1935, les travailleurs de la canne marchèrent sur Fort de France et occupèrent la ville. Les travailleurs demandaient une augmentation du salaire des coupeurs et des arrimeurs, une diminution de la tâche, et que le prix des denrées de base soit abordable. Ces revendications essentielles pour les travailleurs de la canne, touchaient aux bases du système d’exploitation de l’époque.
En 1935 dans la colonie de la Martinique les békés sont les maîtres de l’économie qui repose sur la production de sucre et de rhum. Dix familles dont les Hayot, Aubéry, Despointes, Delaguarrigue, possèdent les terres, les usines à sucre, le commerce import-export, la banque du Crédit Martiniquais. Leurs intérêts sont parfois en contradiction avec les intérêts des bourgeois de la métropole qui fabriquent aussi du sucre de betterave, mais ils ont en commun de tirer leur profit de l’exploitation des masses travailleuses noires.
Elles suent leur sang dans les champs de canne, les distilleries, les usines à sucre, comme celle du Lareinty au Lamentin, de Petit Bourg, du Galion, de Bassignac ou de Basse Pointe. Les travailleurs sont payés à la tâche : la tâche est fixée en 1934 à 20 piles de 25 paquets de 10 tronçons de canne de 1 mètre de long. Pour la réalisation d’une tâche, le salaire du coupeur est de 8 à 10 francs selon les habitations et il travaille en moyenne 4 jours par semaine.
Face à ce salaire de misère, les travailleurs de la canne ont répliqué par des grèves qui ont été durement réprimées. En 1900 lors de la grève du François, les planteurs font tirer sur les ouvriers agricoles qui manifestent et réclament de meilleurs salaires. Une dizaine d’ouvriers sont tués, il y a de nombreux blessés. En février 1923 lors de la grève à l'usine de Bassignac, 2 ouvriers sont tués plusieurs blessés par les tirs des gendarmes.
En 1927, la Commission Consultative du Travail et de l'Agriculture est créée et fixe le prix de la canne avant les récoltes. Pour les usiniers il fallait préserver leur capital, le sucre de canne, le rhum. Ils ont été le fer de lance des usiniers martiniquais dans les années 1900 et durant la guerre qui leur a permis de faire des profits colossaux. Après la guerre, la betterave redevint plus rentable alors que le prix du sucre chutait sur le marché mondial.
Le krach boursier de l’année 1929 frappa l’économie américaine puis européenne, ses effets sont arrivés dans la Caraïbe et la Martinique a été touchée. Le marché du sucre faiblissant, les usiniers ne voulaient pas perdre sur les profits, et ils entendaient faire payer aux travailleurs le prix de la crise. C’est dans ce contexte que le béké Aubéry avait commandité l’assassinat de André Aliker, le dirigeant communiste, rédacteur du Journal «Justice» en janvier1934 car il avait dénoncé les magouilles, le détournement d’argent qu’Aubéry pratiquait dans l’usine du Lareinty.
Depuis le début de l’année 1935, les prix flambent et les salaires ne suivent pas, les travailleurs souffrent. Avant le début de la campagne sucrière, les planteurs, les usiniers, le gouverneur réunis, le 21 janvier, dans la Commission Consultative du travail décident une réduction du salaire des coupeurs de canne de 20 à 30%. Ils appliquent leur grille de salaire selon laquelle quand les profits des usiniers chutent, les salaires doivent baisser. Ils prétextent que le coût de la vie va baisser puisqu’ils vont baisser le prix du rhum de 20%. Rolling Eyes
Les coupeurs de canne débrayent sur les plantations d’abord dans les plantations du Sud de l’île puis celle de Sainte Marie. Le maire de la ville, Lagrosillière dirigeant du Parti Socialiste, a abandonné la cause des ouvriers, il «fait un bout de chemin avec l’Usine» depuis qu’il a signé un pacte avec les usiniers en 1919 pour accéder au poste de député et qu’il l’a renouvelé en 1932. Lagrosillière répond donc aux ordres de Raymond Huygues Despointes le directeur de l’usine de Sainte Marie quand celui-ci lui interdit de tenir un meeting de soutien aux ouvriers dans sa commune.
Du coup les ouvriers se chargent de propager les nouvelles de la grève en marchant d’usines en plantations, de Basse Pointe, Sainte Marie, elle atteint Rivière Salée, le Lamentin.
Les événements s’accélèrent le 10 février quand le syndicaliste Irénée Suréna est arrêté. Le 11 février, après s’être retrouvés au Lamentin, plusieurs milliers de grévistes marchent sur Fort-de-France. Cette «marche de la faim» a pour but de forcer le gouverneur à revenir sur la décision de la Commission.
Les coupeurs de cannes, hommes, femmes, enfants occupent la ville, campent devant la Préfecture, sur la Savane, devant la prison, demandant de libérer Suréna. Le gouverneur et le maire Victor Sévère cèdent à la pression, malgré les avertissements des békés et libèrent Suréna.
L’ampleur du mouvement surprit le gouverneur des colonies d’alors, Alfassa, de même que les békés qui ne s’attendaient pas à ce que le mouvement de grève aille aussi loin. Le télégramme que le béké De Laguarrigue expédie, le 13 février 1935, au sénateur Lémery à Paris, le montre : « Toutes usines arrêtées par intervention bandes armées parcourant l’île. Marche bandes lundi sur Fort-de-France. Tentative lynchage Aubéry. Prison assaillie, meneurs relaxés crainte émeute, carence autorité. Clame depuis retour ancien salaire. Situation très grave. Avisez Ministère ».
Les négociations aboutissent le 12 février à un accord où la tâche est payée 20 francs pour coupeur et amarreuse elle comporte 20 piles de 25 paquets de 10 tronçons de 1 mètre de long, comme en 1934. Mais ces conditions ne s’appliquent que pour les ouvriers qui ont travaillé 5 jours. Ceux qui travaillent 6 jours recevront une gratification de 3 francs et ceux qui n’auront pas rempli ces conditions perdront 15% de leur salaire par jour de travail en moins. Le prix du rhum est ramené au prix antérieur.
Les représentants des ouvriers agricoles se sont fait prendre au piège, les conditions sont moins bonnes qu’auparavant. Aussi dès le 13 février les groupes de grévistes réapparaissent sur les routes, les habitations et les usines, les coupeurs refusent les conditions de l’accord. Des affrontements surviennent avec les gendarmes, la population soutient les grévistes, comme au Lamentin. Les usiniers espèrent que le bateau «La Jeanne» arrivera rapidement pour appuyer les gendarmes contre les grévistes.
Après une semaine d’agitation, la Préfecture recule et autorise le retour aux dispositions antérieures de 1934. Les travailleurs refusent les clauses du cinquième jour et reprennent le travail la tête haute, bien déterminés à se faire respecter.
Les usiniers sont contraints d’accepter, tout en critiquant la mollesse des Autorités de la métropole qui n’ont pas osé réprimer plus fort avec la gendarmerie ou l’armée. Evil or Very Mad
Les manifestations des ouvriers agricoles auront des prolongements avec le déclenchement de mouvements dans le bâtiment à Saint Pierre.
En une journée les ouvriers obtiennent satisfaction de leurs revendications. A Fort de France, les dockers se mettent en grève, mais les patrons se dépêchent de faire décharger le bateau par les marins.
Pendant le mouvement de février, les ouvriers agricoles ont dû compter sur eux-mêmes, sur leur mobilisation grâce à la grève marchante, leur nombre, leur capacité à s’organiser avec le syndicat. Ils ont été trahis par les socialistes de Lagrosillière, principal parti ouvrier à l’époque et ont reçu un appui du groupe communiste Jean Jaurès qui n’était pas encore solidement implanté parmi les travailleurs.
La mobilisation des travailleurs de la canne a été assez forte pour obliger, les planteurs, la Préfecture à reculer. Ils ont flanqué la trouille aux békés, mais le mouvement n’a pas été assez ample pour entraîner d’autres secteurs dans la lutte et s’étendre à toute l’île.
Cette révolte n’est pas isolée pourtant, dans les autres îles de la Caraïbes des mouvements de défense des travailleurs vont se dérouler durant ces années trente face aux attaques des Usiniers. Elles aboutiront à la création de syndicats à la Jamaïque, Trinidad, Cuba, St Lucie sur lesquels les partis politiques s’appuieront pour prendre le pouvoir lors de la décolonisation de ces territoires.
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"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 15:49    Sujet du message: Répondre en citant

http://www.pkls.org/pajlistwa/kawbe1948.htm

MARTINIQUE : LES EVENEMENTS DU CARBET Mars 1948

«MONSIEUR TROUILLE, AGENT DU FASCISME USINIER,
A FAIT ASSASSINER DES OUVRIERS AU CARBET !

TROIS MORTS, PLUSIEURS BLES$ES GRAVES...


«Le lundi 1er mars (1948), les coupeurs de canne . demandent l'application des dispositions dès conventions de l'année dernière, :en ce qui concerne la coupe dans les pièces encombrées d'herbes hautes et de lignes. Monsieur Bally, propriétaire de l'usine et des terres, refuse tout accord. Il ne paiera que le prix officiel de la tâche, sans accepter la moindre diminution de travail. Grève générale de tous les ouvriers agricoles de l'habitation; le 2 mars, on entame des pourparlers.

Le patron refuse de parlementer, la grève se poursuit. Le mercredi 3, l'habitation Lajus est déserte toute la journée. Le jeudi 4, personne ne va à l'embauche. Le fils Bally fait du racolage en auto. Le patron invite les ouvriers à monter à Lajus pour toucher le montant du rappel du mois de janvier, qu'ils avaient réclamé. Le syndicat se concerte, pense à un piège, mais, devant la nécessité de toucher cet argent, on monte, on touche, on est sourd aux provocations et muet; 18 heures, tout le monde a touché, ou presque, on se retire vers le bourg.

En route, ils apprennent qu'un des leurs est retenu par les gendarmes et qu'ils lui font "un mauvais parti",.ils font volte-face, Mais leur camarade revient déjà, ils prennent La direction du bourg; une jeep de gendarmes va de Saint-Pierre vers Lajus, elle dépasse le groupe, s'arête et cerne un retardataire déjà brutalisé par les gendarmes du Carbet. Ils frappent André Jacques à coups de crosse redoublés. Ils sont à dix ou douze contre un Evil or Very Mad , Jacques s'effondre. Yvonne Jacques s'élance... Elle est atteinte à la jambe droite. Henri Jacques tente d'ôter le fusil des mains du gendarme, il est visé et tué.» La fusillade a entraîné: la dispersion des ouvriers et des badauds. «A terre, il y a une femme, deux morts: André Jacques et Mathurin Dalin; deux blessés: . Yvonne Jacques et André Balmer.» (Journal Justice.)

«Trouille, allez-vous-en! », demande Justice.

Un peu plus tard, dans la soirée du 4 mars, on apprenait qu'il y avait trois morts, les deux frères Jacques et Mathurin Dalin.

Ces événements ont alimenté toute une polémique entre Justice et M. Trouille, préfet à l'époque. Le 8 mars, celui-ci fait une déclaration radiodiffusée; il affirme que les gendarmes du Carbet ont fait feu pour se défendre et parer les coups de pierres que les grévistes leur lançaient.

Le préfet intente un. procès au journal Justice pour son article du samedi 6 mars. Justice continue à poser des questions.

Le jeudi 11 mars: «Au Carbet, la gendarmerie a porté plainte, mais n'est pas dessaisie de l'enquête, pourquoi?»

Le jeudi 18 mars: «Monsieur Trouille a peur de la vérité! »

Le jeudi 22 avril, Marie-Joseph et Cadrot, auteurs des articles considérés diffamatoires, sont condamnés à six mois de prison et 100000francs d'amende.

L'affaire prend des proportions considérables. le numéro du 22 présente à ses lecteurs deux poèmes d'Aimé Césaire à la mémoire des tués du Carbet.

Lundi 26 avril: «Six mois de prison n'effacent pas les taches de sang», et Justice fait appel. La cour condamnera néanmoins les journalistes à six mois de prison avec sursis et 1O0000francs d'amende.

Les autres journaux ont été peu prolixes sur le sujet. (Désintérêt, manque de renseignements ou soumis­sion à l'autorité préfectorale 7) L'Echo des Antilles titre «AU CARBET GRAVES INCIDENTS». La Voix socialiste se contente de faire un rapport des différentes versions.

(In Histoire des communes Antilles-Guyane)
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 16:13    Sujet du message: Répondre en citant

http://madjoumbev2.free.fr/LES%2016%20DE%20BASSE%20POINTE.html

(allez voir le lien, y'a une photo des inculpés et de leurs avocats, Mes Marcel MANVILLE, Georges GRATIANT et Gerty ARCHIMEDE Smile )

LES SEIZE DE BASSE-POINTE


Vers le mois de juillet 1948, un conflit éclate entre le syndicat agricole de Basse-Pointe et M. Despointes à propos du prix de la tâche de sarclage. Au cours de ce conflit, M. Guy de Fabrique trouve la mort, sans qu'on ait jamais pu en éclaircir les circonstances.

Le samedi 5 février 1949, en une audience spéciale, vingt-quatre inculpés dans "affaire Guy de Fabrique répondent, devant le tribunal correctionnel, de délit d'atteinte à la liberté du travail et de violences. Parmi eux se trouvent le secrétaire du syndicat agricole, Louis Blèzes, et le frère du maire de Basse-Pointe, le jeune Crétinoir.

En 1950, seize militants syndicaux ouvriers sont privés de liberté, sans être jugés. Basse-Pointe est en état de siège; la grève des ouvriers va durer huit mois . Les revendications portent sur le retrait des travailleurs briseurs de grève recrutés à Saint-Pierre grâce à la complicité de dirigeants socialistes, la normalisation de la tâche de chacun, l'emploi des sarcleurs en lieu et place des machines après la coupe. A la même époque, M. Adonis est arrêté à la distillerie Pécoul.

En 1951, la grève des travailleurs agricoles se poursuit. La presse annonce que seize emprisonnés seront jugés à Bordeaux en juillet. La plupart d'entre eux sont dans le dénuement le plus complet. Le jeudi 17 mai, un comité de secours aux emprisonnés de Basse-Pointe organise, sous la présidence du député-maire Aimé Césaire, un meeting d'information au sujet de leur départ prochain.

Lors de l'arrivée au Havre des seize de Basse-Pointe, plus de cinq cents personnes sont groupées sur un quai de débarquement pour les accueillir, malgré la présence de CRS et de gendarmes. Les dockers, refusant de décharger l'lie d'Aix qui avait transporté les prisonniers, déclenchent une grève de 24 heures.

Le procès des seize Martiniquais de Basse-Pointe commence le 9 août. Il s'agit de

MM. Blèzes, Surbon, Crescent, Moutoussamy, Goidaman, Erard, Rosemac, Nelar, Robin, Julina, Rovela, Bastel,
Jean de Dieu, Poloma, Roure et Clio
.

Huit d'entre eux sont accusés d'homicide volontaire. Par solidarité, la population bordelaise réclame l'acquittement des seize, «Ils sont acquittés, l'assassin de M. Guy de Fabrique n'ayant pu être retrouvé », relèvent les Nouvelles de Bordeaux du 5 juillet 1951.

(In Histoire des communes Antilles-Guyane)
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 16:29    Sujet du message: Répondre en citant

http://www.atypiksound.org/assos/france_antilles/main.php

DEC 1959 : Les événement de décembre ou les "Trois Glorieuses"


Alors que la Martinique s'apprête à fêter Noël 1959, Fort-de-France est le théâtre d'une révolte populaire née d'un banal accident de la circulation. Trois jeunes manifestants sont tués.

En ce dimanche ensoleillé du 20 décembre 1959, les habituels promeneurs arpentent l'allée des Soupirs, place de la Savane. Sous le kiosque, un orchestre répète. Devant le bar du Central Hôtel, Frantz Moffat, un docker, revient du stade où il a assisté à un match du Club Colonial. Avant de rejoindre ses amis, il gare son scooter, une belle Vespa. Par une fausse manoeuvre, un automobiliste, récemment arrivé de France, renverse l'engin. Il ne s'arrête pas, mais le docker est alerté par un passant. Le motocycliste à le temps d'agripper le volant de la voiture du fautif. Deux ou trois coups de poing plus tard, les deux hommes se réconcilient et scellent l'incident au bar. Entre-temps, un imposant groupe de promeneurs, dont de nombreux appelés martiniquais du contingent, en permission, commentent l'incident sur un ton vif. Un consommateur du bar, témoin de l'incident, se montre inquiet devant ce rassemblement. C'est le trésorier de l'Association des anciens d'Afrique du nord. II alerte les C.R.S.. Lorsqu'elles arrivent, les forces de l'ordre dispersent la foule sans, ménagement, avant d'âtre rappelés dans leur caserne du Fort Saint-Louis. La foule s'en prend alors à l'hôtel de l'Europe, où se réunissent les rares Pieds-noirs du Maroc et de Tunisie. L'étincelle a été allumée, le feu a pris.

A la tombée de la nuit, la savane est un champ d'affrontements entre policiers martiniquais et promeneurs, rejoints par de nombreux jeunes. Le lendemain les C.R.S. en patrouille sont pris à partie dans les rues de la ville. Fort-de-France vit une nuit d'affrontements


Face à face, plusieurs dizaines de jeunes des quartiers populaires et les policiers locaux, renforcés par gendarmes. Les commissariats de Pont Démosthène et de la levée sont incendiés. Le calme revient à l'aube, mais deux jeunes de 16 et 21 ans, Marajo et Rosile, tombent sous les balles des policiers de corps urbain. Mardi 22, les autorités, jusque là discrètes, réagissent. Mais les appels au calme lancés par l'évêque, Mr Varin de la Brunelière, le premier adjoint au maire de la ville, le Dr. Pierre Aliker, et le conseiller général du canton, le Dr. Camille Petit, restent sans effet. Le Parti communiste tient un meeting le soir au Morne Pichevin. Il y dénonce "la passivité" de la municipalité. L'effervescence redouble d'intensité dans la nuit du mardi 22. A la spontanéité des manifestants succède une relative organisation. Des cocktails molotov sont lancés contre des édifices publics, les forces de l'ordre sont harcelées par de petits groupes mobiles. Un troisième jeune homme, Betzi, 20 ans, est tué au pied des 44 marches menant au morne Pichevin. La journée de mercredi 23 sera électrique. Une dizaine de personnes sont arrêtées. Les C.R.S. et les gendarmes quadrillent le centre-ville et tirent en l'air des coups de semonce, comme pour intimider. Les commerçants baissent leurs rideaux. Jeudi 24 au matin, le Conseil général se réunit en session extraordinaire. Une motion présentée par le groupe communiste est adoptée à l'unanimité des 33 élus présents. Si aucun autre incident n'est à déplorer, le Noël 1959 s'annonce triste à Fort-de-France. Les émeutiers ont prouvé que l'ordre établi peut vaciller. Du coup, le gouvernement va prendre des mesures pour éviter une nouvelle explosion de violence.

Une nouvelle donne

Le courant nationaliste s'affirme à partir des événements de décembre 1959 dans une Martinique dont les structures économiques et sociales seront profondément remaniées par une série de mesures gouverne mentales visant à éviter une nouvelle explosion

"Les Trois Glorieuses de Décembre 59". L'expression est du vice-recteur Alain Plenel*. Des mots prononcés lors d'une allocution officielle au Morne-Rouge, qui lui vaudront d'être rappelé à Paris avant la fin de son terme. On ne remet pas en cause impunément les errements de l'administration quand on est l'un de ses plus éminents représentants. L'une des leçons politiques majeures des événements de décembre 1959 aura été l'émergence du mouvement nationaliste qui revendique dans un premier temps "l'émancipation de la Martinique", comme le prône l'Organisation de la jeunesse Anticolonialiste de la Martinique, l'OJAM en 1962. Sans compter la nouvelle brouille entre communistes et césairistes. Les uns tenteront de canaliser le mouvement populaire , sans succès certes, quand les autres dénonceront " les petits malins sanglants".

L'État met en place une batterie de mesures visant à empêcher une autre révolte. Deux instruments sont mis en place: le service militaire adapté (SMA), pour former sur place une main oeuvre disponible; le BUMIDOM, pour envoyer en Métropole les chômeurs sans perspectives.

La seconde phase de la Départementalisation se met en route, qui va se traduire par la modernisation des infrastructures et l'élévation du niveau de vie de la population. Avec comme revers de la médaille: la désarticulation du tissu productif.


_______________________________________________________

NDLR : *Alain PLENEL est aussi le père d'EDWY PLENEL, ancien rédacteur en chef du journal Le Monde, qui a grandi en Martinique


http://www.pkls.org/pajlistwa/desanm1959.htm

DESANM 1959

Suite à un incident de circulation ayant conduit à une altercation entre un Martiniquais et un Français, non loin de la Savane , des CRS interviennent violemment, lançant des gaz lacrymogènes, dispersant sans ménagement la population présente. Des badauds et des militaires permissionnaires ripostent. Et 3 jours durant, des groupes venus en grande partie des quartiers populaires de Fort-de-France affrontent les CRS puis, une fois ceux-ci consignés au Fort Saint-Louis, les gendarmes et les policiers. Lors de ces émeutes, les forces de l'ordre tuent 3 jeunes martiniquais :

Edmond Eloi dit Rosile (20 ans), le lundi 21, rue Villaret-Joyeuse, derrière l'Olympia,

Christian Marajo (15 ans), le lundi 21, rue Ernest Renan appelée maintenant Moreau de Jones, près du Palais de Justice,

Julien Betzi (19 ans), le mardi 22, au niveau de la Place Stalingrad , actuellement appelée François Mitterrand.



Les causes réelles de ces émeutes sont profondes. Cette fin des années 50 s'inscrit, en effet, dans un contexte de mutations socio-économiques avec :

la restructuration de l'économie sucrière ; 14 usines sucrières en 1949, et 11 en 1959 ; 90 distilleries en 1950, et 33 en 1959,

un important chômage et un exode massif vers les quartiers populaires de Fort-de-France,

l'accélération de la mise en place de la départementalisation (loi de mars 1946) qui induit le développement du secteur tertiaire. Les créations d'emplois dans les services et le commerce ne répondent pas à la croissance démographique ; un excédent naturel d'environ 30 ‰, et près de la moitié de la population a moins de 20 ans.

la multiplication d'incidents racistes, du fait des CRS et des fonctionnaires français qui sévissent dans les administrations. Du fait également de Pieds Noirs venus d'Afrique du Nord.


Le dimanche soir (20 décembre), 3 cibles sont principalement visées par les émeutiers : le Fort Saint-Louis où sont casernés les CRS, l'hôtel de l'Europe, siège des anciens d'Afrique du Nord, et divers magasins du centre-ville. Dès le lendemain, les émeutes cessent d'être localisées à la Savane et au centre-ville, alors que les premiers acteurs laissent place à des groupes à forte proportion de jeunes, venus des quartiers populaires de Fort-de-France.


Décembre 59, c'est un bilan tragique du colonialisme, sous sa forme départementale. Pourquoi ces jours d'émeutes prennent-ils une symbolique si forte?

Surpris, les partis politiques, les syndicats, les organisations maçonniques et religieuses, toutes les forces structurées de la Martinique appellent au calme, à partir du mardi 22. Les combats de rue les obligent au constat de faillite. Faillite économique. Faillite sociale. Faillite d'une société sans réponse à l'angoisse de sa jeunesse. Faillite, dans une bonne mesure, des partis politiques, défenseurs ou adversaires de la départementalisation. Lors d'une session extraordinaire (jeudi 24 décembre), le Conseil Général unanime réclame :

• le retrait immédiat des CRS et des éléments racistes indésirables,

• une série de mesures socio-économiques, comme la réduction des impôts, la création d'une caisse de secours pour les chômeurs, l'extension de la Sécurité Sociale , l'application intégrale des prestations et allocations familiales.

• une évolution statutaire « en vue d'obtenir une plus grande participation à la gestion des affaires martiniquaises », etc….


A ces revendications, l'état colonial répond par une volonté répressive :

• Sur le plan politique, une ordonnance scélérate du 15 octobre 1960 qui permet au préfet de muter en France tout fonctionnaire « dont le comportement est de nature à troubler l'ordre public » ; un exceptionnel quadrillage de Fort-de-France par implantation de gendarmeries sur les axes routiers les plus importants ; un plan Némo avec son SMA (Service Militaire Adapté -1960) qui, sous couvert de formation professionnelle, éloigne les soldats martiniquais (en Décembre 59, ils ont sympathisé avec les manifestants).

• Sur le plan économique, l'exil de milliers de jeunes martiniquais, avec un négrier BUMIDOM (Bureau des Migrations des Départements d'Outre-Mer -1963) ; celui-ci gère le flux de main-d'œuvre dont a besoin la métropole, pour certains emplois.

• Sur le plan social : avec le SMA ou le BUMIDOM, l'objectif est de vider le pays de ses forces vives.

Décembre 59 constitue une date essentielle de l'histoire de la Martinique : l'idée de résistance à l'oppression coloniale s'exprime dans la rue, avant de se formaliser, de se structurer. Et du PC autonomiste aux groupes de libération nationale qui apparaissent à partir des années 60, notamment l'OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste Martiniquaise), chacun se réclame de ces 3 jours, dans une appropriation militante. Désanm 59 c'est un élan nouveau donné à la conscience anticolonialiste, dans un contexte international de décolonisation et d'accession des peuples à l'indépendance.


Notre devoir de mémoire nous impose de ne pas oublier, après Mai 1848 et Septembre 1870, Décembre 1959. Sonjé Rosile, Marajo, Betzi, victimes du colonialisme. Honneur aux combattants de Désanm 59 .
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 19:59    Sujet du message: Répondre en citant

Chabine, j'ai lu dans l'un des textes que tu as publié que le suffrage universel avait été rétabli en Martinique dès 1870. Y avait-il un revers à cette médaille ? Les descendants d'esclaves étaient-ils des sous-citoyens du point de vue de leurs droits civils et politiques ? Existait-il une forme déguisée de statut de l'indigénat comme dans les colonies françaises ?
_________________
"Qui a peur de peuples noirs développés ?"
(Mongo BETI, La France contre l'Afrique)


Pour éviter tout malentendu, je précise que je suis blanc.
Pour les "anciens" du Forum, mon prénom n'est pas François. Enfin, je ne suis pas lié à l'association "Tjenbé Rèd".[/color]


Dernière édition par TjenbeRed le Mer 11 Juil 2007 23:11; édité 1 fois
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MessagePosté le: Mer 11 Juil 2007 22:19    Sujet du message: Répondre en citant

formidable Chabine pour toute cette lecture que je vais imprimer pour la lire à tete reposée, d'autant que ma famille maternelle est originaire de Rivière Pilote,
lors de ma petite enfance je me suis toujours demandé pourquoi y avait t'il autan de Pilotins si clairs de peau???
la légende voulait que les plus belles femmes de la martinique se trouvent à Rivière Pilote, mais qu'elles étaient aussi bete qu'elles étaient belles......

est ce que tu connais l'anecdocte de Yo coupé Coco Codé???
(on 'a coupé le coco de Codé) légende ou vérité??? Confused
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Chabine
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MessagePosté le: Jeu 12 Juil 2007 17:58    Sujet du message: Répondre en citant

TjenbeRed a écrit:
Chabine, j'ai lu dans l'un des textes que tu as publié que le suffrage universel avait été rétabli en Martinique dès 1870. Y avait-il un revers à cette médaille ? Les descendants d'esclaves étaient-ils des sous-citoyens du point de vue de leurs droits civils et politiques ? Existait-il une forme déguisée de statut de l'indigénat comme dans les colonies françaises ?


Pour te répondre en détail, il me faut consulter des sources bibliographiques, donc je te demanderai un peu de temps Confused

Néanmoins, je pense qu'au vu des moeurs politiques (assassinats politiques : Antoine SIGER -j'y reviendrai - ZIZINE et DES ETAGES, André ALIKER ; fraudes électorales jusqu'à l'après guerre) et sociales (fusillades casi- systématiques lors des grandes grèves ouvrieres et agricoles), on peut parler de traitement colonial de la situation. A mettre cependant en parallèle avec le traitement de la question ouvrière en France aux mêmes époques (pas tellement plus reluisant), mais ici, les inégalités coloniales (raciales) exacerbent les tensions. Les émeutes de décembre 1959 à F-de-F en sont le symbole, car elles n'ont été déclenchées ni par une grève ni par un événement politique, mais par un simple incident de circulation, impliquant un Européen et un Antillais. J'allais dire un incident raciste, mais ce n'était pas le cas, car les 2 sont allés faire la paix dans un bar, avant que la situation ne dégénère pour d'autres raisons Confused

Cette situation inégalitaire n'a pas vraiment changé, elle s'est juste transformée, donc l'étincelle peut jaillir de nouveau, à tout moment Confused


melbamoor a écrit:
formidable Chabine pour toute cette lecture que je vais imprimer pour la lire à tete reposée, d'autant que ma famille maternelle est originaire de Rivière Pilote,

De rien, ma fille, mets-toi à l'aise, c'est pour tout le monde Cool
Je vais compléter le topic d'une bonne bibliographie, parce qu'Internet,c 'est bien pratique, mais l'info elle est dans les livres, et il y en a sur la question.

melbamoor a écrit:
lors de ma petite enfance je me suis toujours demandé pourquoi y avait t'il autan de Pilotins si clairs de peau???

Alors LA, tu me poses une colle ! Confused
melbamoor a écrit:
la légende voulait que les plus belles femmes de la martinique se trouvent à Rivière Pilote, mais qu'elles étaient aussi bete qu'elles étaient belles......

Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing Laughing
Moi aussi j'ai déjà entendu ça une fois, mais si c'est corrélé au fait qu'il y avait beaucoup de "peaux claires" là-bas, c'est amusant un moment, mais c'est le genre d'anecdotes qui m'agacent vite... Rolling Eyes

On disait la même chose à St-Pierre (voire la chanson "Fanm' St-Piè dou") mais c'était la capitale, donc contexte différent. Les clichés visant à faire de la mulâtresse (mule-à-tresses... Laughing ) LE seul canon de beauté suprême ici m'agacent passablement... Pareil pour les chabines, ça va sans dire... Je n'aime pas ce genre de "hiérarchies" Mad

Par contre, pour la bêtise Laughing , St-Pierre n'a pas le même problème, car l'éruption est passée par là, et l'adage dit : "tout' kouyon mô St-Piè" Laughing (tous les idiots sont morts à St-Pierre). Quoique... bon, je me tais... Twisted Evil

melbamoor a écrit:
est ce que tu connais l'anecdocte de Yo coupé Coco Codé???
(on 'a coupé le coco de Codé) légende ou vérité??? Confused


*NDLR : le COCO désigne le fruit du cocotier, mais également le sexe masculin, en créole, pour les non initiés Mr. Green

Oui, le béké CODE qui est cité dans tous les récits de la grande Insurrection du Sud de 1870 aurait été castré lors de sa mise à mort. Je ne peux rien te certifier, je vais consulter la bibliographie correspondante, mais c'est clairement ce que la mémoire populaire a retenu.

Bon, je reprends le fil du topic Razz
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"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
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Chabine
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MessagePosté le: Jeu 12 Juil 2007 20:58    Sujet du message: Répondre en citant

TjenbeRed a écrit:
Chabine, j'ai lu dans l'un des textes que tu as publié que le suffrage universel avait été rétabli en Martinique dès 1870. Y avait-il un revers à cette médaille ? Les descendants d'esclaves étaient-ils des sous-citoyens du point de vue de leurs droits civils et politiques ? Existait-il une forme déguisée de statut de l'indigénat comme dans les colonies françaises ?


En attendant les sources livresques, j'ai trouvé un élément de réponse sur ce lien (forum excellent sur l'histoire des Antilles Wink )

http://www.noulove.com/forum/viewtopic.php?t=1429

Citation:
Les antilles avant la départementalisation


Les attentes des populations
Les bidonvilles, les hospices aux conditions sanitaires des plus douteuses et la multitude de cas d’éléphantiasis dans les ruelles des bourgs-capitale de la France Outre-mer, au début du XXème siècle ont marqué la mémoire des Anciens. L’exigence d’une égalité de traitements entre la Métropole et les colonies s’inscrira très vite dans la conscience collective, dès la fin de la guerre en Guadeloupe, Guyane, Martinique et à la Réunion.

Le système avant la départementalisation
Après l’abolition de l’esclavage, au combat contre la ségrégation raciale et institutionnelle s’ajoute désormais le combat pour l’égalité sociale. Les hommes de couleur libres peuvent certes se présenter aux élections et être élus, mais cette citoyenneté toute relative a un coût. Avant la Départementalisation l’organisation des pouvoirs publics fixée en Métropole ne s’applique pas dans les colonies. Sur les quatre colonies, un gouverneur veille à l’application des lois définies par la Métropole et se charge du commandement général et de la haute administration.


Le droit de vote
Il n’appartient qu’à ceux qui paient un montant d’impôt précis, correspondant à leurs revenus. Tout ceux qui ne gagnent pas suffisamment d’argent pour avoir le droit de voter, sont exclus de l’expression citoyenne. Elle demeure donc l’apanage des colons et de quelques mulâtres et métis. S’appuyant sur le climat de la Libération, de la domination politique du Conseil national de la Résistance, les élus à la députation de ces « 4 vieilles » colonies voient dans la départementalisation envisageable, une possibilité d’accès à un traitement égalitaire avec les français de la Métropole.

L’air du temps
Le destin des Antilles-Guyane et de la Réunion se joue à San Francisco le 26 juin 1945. l’Allemagne nazie vient de capituler. Le Japon est en train de perdre face aux Etats-Unis. Cinquante-et-un pays, dont la France, signent la charte de l’Organisation des Nations unies (Onu). L’Onu a pour mission d’éviter des conflits tels que celui qui vient d’ensanglanter la planète. Les Nations s’engagent alors à écouter les revendications des peuples colonisés et à leur attribuer plus d’autonomie, à : « développer leurs capacités à s’administrer elles-mêmes, à tenir compte des aspirations politiques des populations et à les aider dans le développement de leurs libres institutions politiques ». Extrait de la Charte de San Francisco de l’Onu en 1945

La position des élus de l’Outre-mer
A cette époque Césaire est convaincu du fait que la Départementalisation est un moyen direct de mettre fin au « chaos social ». Ce « mandaté du peuple » et ses collègues Léopold Bissol pour la Martinique, Raymond Vergès et Léon de Lepervanche pour La Réunion, Rosan Girard et Gerty Archimède pour la Guadeloupe, élus communiste, participent à la première Assemblée constituante de la 4ème République. Leur proposition de loi et celle du Guyanais Gaston Monnerville, déposée le 17 janvier 1945, trouvera un écho unanime au sein de l’Assemblé nationale et donnera naissance à la loi de Départementalisation.


En fait, j'ai omis une date importante dans ma chronologie, c'est la Loi de Départementalisation de 1946. Je pense que c'est un sujet qui devrait faire l'objet d'un topic en entier (tout comme les "Indépendances" africaines de 1958, du reste), mais il fallait au moins l'évoquer Confused

A pistache Cool Arrow
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TjenbeRed
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MessagePosté le: Ven 13 Juil 2007 10:01    Sujet du message: Répondre en citant

Chabine a écrit:
TjenbeRed a écrit:
Chabine, j'ai lu dans l'un des textes que tu as publié que le suffrage universel avait été rétabli en Martinique dès 1870. Y avait-il un revers à cette médaille ? Les descendants d'esclaves étaient-ils des sous-citoyens du point de vue de leurs droits civils et politiques ? Existait-il une forme déguisée de statut de l'indigénat comme dans les colonies françaises ?


En attendant les sources livresques, j'ai trouvé un élément de réponse sur ce lien (forum excellent sur l'histoire des Antilles Wink )

http://www.noulove.com/forum/viewtopic.php?t=1429

Citation:
Les antilles avant la départementalisation


Le droit de vote
Il n’appartient qu’à ceux qui paient un montant d’impôt précis, correspondant à leurs revenus. Tout ceux qui ne gagnent pas suffisamment d’argent pour avoir le droit de voter, sont exclus de l’expression citoyenne. Elle demeure donc l’apanage des colons et de quelques mulâtres et métis. S’appuyant sur le climat de la Libération, de la domination politique du Conseil national de la Résistance, les élus à la députation de ces « 4 vieilles » colonies voient dans la départementalisation envisageable, une possibilité d’accès à un traitement égalitaire avec les français de la Métropole.

Donc le suffrage universel n'était pas en vigueur aux Antilles, qui étaient alors des colonies. C'est quand même fou de penser que le suffrage censitaire s'appliquait. Si je te comprends bien, tu préfères vérifier...

Quelle bande d'hypocrites faisons-nous quand nous nous contentons de dire que les Antillais sont français depuis plusieurs siècles ! Cette affirmation n'a vraiment aucun sens.

Je vais tenter de mon côté de me plonger dans mes ouvrages de droit constitutionnel et de sciences politiques, mais je m'attends à un silence prude.

Le maître-mot (officiel) de la période antérieure à la départementalisation de 1946 semble décidément être "colonies" : avec des colons minoritaires et des colonisés majoritaires.

Mille mercis Chabine.
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"Qui a peur de peuples noirs développés ?"
(Mongo BETI, La France contre l'Afrique)


Pour éviter tout malentendu, je précise que je suis blanc.
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Ven 13 Juil 2007 13:49    Sujet du message: Répondre en citant

Tjenbered a écrit:
Je vais tenter de mon côté de me plonger dans mes ouvrages de droit constitutionnel et de sciences politiques, mais je m'attends à un silence prude.

Le maître-mot (officiel) de la période antérieure à la départementalisation de 1946 semble décidément être "colonies" : avec des colons minoritaires et des colonisés majoritaires.

Je te suggèrerais d'aller directement aux travaux concernant le Code de l'Indigénat : adopté en 1881, il a été appliqué quasiment à toutes les colonies françaises jusqu'à son abrogation en 1946.

D'ailleurs, la Départementalisation aux Antilles est à mettre en parallèle avec les communautés franco-africaines en Afrique. Tandis que le Code de l'Indigénat est le fils du Code Noir...
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http://www.afrocentricite.com/
Umoja Ni Nguvu !!!

Les Panafricanistes doivent s'unir, ou périr...
comme Um Nyobè,
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MessagePosté le: Ven 13 Juil 2007 21:34    Sujet du message: Répondre en citant

OGOTEMMELI a écrit:
Tjenbered a écrit:
Je vais tenter de mon côté de me plonger dans mes ouvrages de droit constitutionnel et de sciences politiques, mais je m'attends à un silence prude.

Le maître-mot (officiel) de la période antérieure à la départementalisation de 1946 semble décidément être "colonies" : avec des colons minoritaires et des colonisés majoritaires.

Je te suggèrerais d'aller directement aux travaux concernant le Code de l'Indigénat : adopté en 1881, il a été appliqué quasiment à toutes les colonies françaises jusqu'à son abrogation en 1946.

D'ailleurs, la Départementalisation aux Antilles est à mettre en parallèle avec les communautés franco-africaines en Afrique. Tandis que le Code de l'Indigénat est le fils du Code Noir...

Merci OGOTEMMELI de cette suggestion, fort pertinente (le contraire m'eût étonné).

J'étais loin de penser que le code de l'indigénat ait pu s'appliquer aux Antilles, comme le prouve l'un de mes messages ci-dessus où j'envisage un système quelque peu analogue. Et je ne comprends pas de ne ne jamais l'avoir entendu dire par un Antillais militant.

Cela étant, je suis en plein dedans et je ne suis pas arrivé au terme de mon exploration...

mais je suis tombé sur ceci :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_fran%C3%A7ais#Bilan_.C3.A9conomique_de_la_colonisation_fran.C3.A7aise_en_Afrique

Je ne suis pas un grand connaisseur de Wikipédia, mais comment se fait-il que cette présentation colonialiste n'ait pas été corrigée par des rédacteurs moins luganesques ????

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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Ven 13 Juil 2007 23:19    Sujet du message: Répondre en citant

TjenbeRed a écrit:
mais je suis tombé sur ceci :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_colonial_fran%C3%A7ais#Bilan_.C3.A9conomique_de_la_colonisation_fran.C3.A7aise_en_Afrique
Je ne suis pas un grand connaisseur de Wikipédia, mais comment se fait-il que cette présentation colonialiste n'ait pas été corrigée par des rédacteurs moins luganesques ????

J'ai pourtant réagit contre ces élucubrations "luganesques", mais également sorties tout droit de la thèse de doctorat de Jacques Marseille : un des spin doctors de NS...

Tu peux regarder ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bilan_%C3%A9conomique_de_la_colonisation_en_Afrique
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MessagePosté le: Sam 14 Juil 2007 01:34    Sujet du message: Répondre en citant

OGOTEMMELI a écrit:
Tu peux regarder ici :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Bilan_%C3%A9conomique_de_la_colonisation_en_Afrique

Brillant exposé, OGOTEMMELI, qui renvoie les pseudo-spécialistes à leurs études.
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TjenbeRed
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MessagePosté le: Dim 22 Juil 2007 11:53    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai trouvé des éléments qui me paraissent contradictoires, relativement à l'application du Code de l'Indigénat aux Antilles.

D'après certaines sources (quid de leur fiabilité ?), je crois comprendre que le code de l'indigénat a été appliqué puis peu à peu abrogé aux Antilles. D'après d'autres sources (même question), je crois comprendre qu'il a été appliqué jusqu'à la départementalisation.
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Chabine
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MessagePosté le: Dim 30 Mar 2008 00:05    Sujet du message: Répondre en citant

Salut à tous Smile

Message très rapide pour vous dire qu'il s'en passe des choses, autour de la mémoire collective, en Martinique Razz

Côté ciné, un documentaire vient de sortir, sur l'affaire des 16 de Basse-Pointe, réalisé par la martiniquaise Camille Mauduech :

http://www.africultures.com/index.asp?menu=affiche_film&no=5831

Citation:
16 de Basse-Pointe (Les)
de Camille Mauduech
Bagoe Productions
MP Productions
Films du Dorlis (Les)
durée : 108'
documentaire
2006

Le 6 septembre 1948, en Martinique, dans le cadre d'une grève sur une habitation sucrière, l'Habitation Leyritz, à Basse-Pointe, un géreur, blanc créole, est assassiné de 36 coups de coutelas et retrouvé mort dans un champ de cannes de la plantation qu'il administre. Après une chasse à l'homme, 16 coupeurs de cannes syndiqués sont arrêtés et maintenus en détention préventive pendant trois ans...

En Août 1951, le procès de ceux qu'on appelle "les 16 de Basse-Pointe, renvoyé à Bordeaux, ancien port négrier, deviendra le premier procès du colonialisme français jugé devant ses pères.

Le meurtre de Guy de Fabrique reste aujourd'hui non élucidé et un secret vieux de presque 60 ans entoure cette affaire exemplaire dans l'histoire de la Martinique.

Que se passe-t-il le 6 septembre 1948, sur un chemin isolé, à l'abri de tous les regards ?

Comment en est-on arrivé à un tel degré de violence ?

Pourquoi ce meurtre et le procès qui en découle, une "victoire" contre le colonialisme, sont-ils passés sous silence ?

Durée : 1 h 48



SORTIE EN SALLE LE JEUDI 20 MARS 2008


http://gensdelacaraibe.org/index.php?option=com_content&task=view&id=3085&Itemid=80

Coté livres, l'écrivain Georges E. MAUVOIS vient de publier une bombe, sous la forme d'un court récit historique : "Château Aubéry", sur l'affaire ALIKER. TOUT Y EST DIT, EXPLIQUE, DECORTIQUE Shocked

300 personnes ont assisté hier soir à la présentation du livre, on se l'arrache déjà.

Un monument de talent (alternance de récit d'investigation et de passages romancés, en français et en créole) au service de la vérité et de la justice.

Tout ce que j'ai sur info là-dessus c'est ça pour l'instant :
http://www.bondamanjak.com/content/view/4573/66/

Mais je reviendrai Wink

Ca bouge au pays, ça me donne l'occasion de relancer ce topic, je sais qu'il y a pas mal d'amateurs en la matière Very Happy Arrow
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Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
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melbamoor
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MessagePosté le: Dim 30 Mar 2008 09:17    Sujet du message: Répondre en citant

Au fait j'aimerai savoir s'il sera programmé dans l'hexagone, dans combien de salles et combien de temps Crying or Very sad Embarassed
je connais la réponse , ce film pourrait aux yeux de certains, réveiller des consciences on ne sait jamais.....

En tous les cas je constate que ce petit pays, mon petit pays, bouge,bouge, bouge, ouf il était tant!!!
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Chabine
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MessagePosté le: Mer 16 Avr 2008 00:56    Sujet du message: Répondre en citant

melbamoor a écrit:
Au fait j'aimerai savoir s'il sera programmé dans l'hexagone, dans combien de salles et combien de temps Crying or Very sad Embarassed
je connais la réponse , ce film pourrait aux yeux de certains, réveiller des consciences on ne sait jamais.....

En tous les cas je constate que ce petit pays, mon petit pays, bouge,bouge, bouge, ouf il était tant!!!


Ma fi, véyé bagay'ou pass film'la an zafè'y ! Razz Et c'est pas fini : la sortie du film sur la vie d'André Aliker (avec le beau mais surtout militant Stomy Bugsy dans le rôle principal) est attendue pour la fin de l'année Twisted Evil

Bon, je reprends le fil de ce topic.

NB : je commence mes recherches sur l'histoire de la Guadeloupe, donc patience, les frères de Gwada, ça viendra Wink

http://www.pkls.org/pajlistwa/24maws1961.htm

Citation:
24 MARS 1961

Un peu plus d'un an après les émeutes de Décembre 1959 qui avaient fait 3 morts et de nombreux blessés à Fort de France, c'est au Lamentin que le 24 mars 1961, 3 Martiniquais sont tués et plus d'une vingtaine blessés par les balles des mitraillettes des forces de répression coloniale française.

Il faut rappeler que cette période était celle de la décolonisation surtout en Afrique où nombre de pays sous domination coloniale française accèdent à l'indépendance. C'est la période où courageusement, les Algériens luttent les armes à la main pour recouvrer leur souveraineté.

Le pouvoir colonial a peur que la Martinique aussi ne s'émancipe de cette tutelle coloniale. D'autant que la revendication nationale commence à s'exprimer ici et dans l'émigration.

Ainsi a-t-il pris l'ordonnance d'Octobre 1960 visant à museler ceux qu'il considère comme dangereux pour son système, qu'il va appliquer à Dufond, Guitteaud, Mauvois, Nicolas .

En Mars 61, les ouvriers agricoles étaient en grève pour réclamer des augmentations du salaire de misère qui leur était versé, ainsi que des améliorations des conditions de travail et de paiement des salaires.

Ce 24 Mars, comme à l'habitude les travailleurs se rassemblent au bourg du Lamentin, qui était à l'époque un centre important de culture de canne et de production de sucre. Ils allaient aussi d'habitation en habitation pour convaincre les ouvriers de suivre le mouvement de grève, ce que les autorités coloniales et les békés essayaient d'empêcher. Durant la matinée les gendarmes arrêtent 3 responsables syndicaux qu'ils emmènent à Fort de France, les travailleurs restent mobilisés toute la journée réclamant la libération de leurs camarades.

Un des membres de la famille Aubéry, responsable de l'assassinat d'André ALIKER en 1934, détentrice de la majeure partie des plantations de canne du Lamentin, vient provoquer à plusieurs reprises les travailleurs là où ils sont rassemblés.

Arrive un moment où les grévistes réagissent. Se croyant menacé, Aubéry se réfugie dans une maison voisine. Les ouvriers prennent position devant la maison dénonçant l'arrogance béké et exigeant la libération de leurs camarades qui n'avaient commis aucun délit.

En début de soirée alors que les syndicalistes qui avaient été conduits à Fort de France étaient de retour vers le Lamentin, les gardes mobiles postés près de l'église, sans que rien ne le justifie, décident de tirer sans sommation sur la foule formée essentiellement de personnes sortant de la prière du carême à l'église.

Tous ceux qui sont tombés ont été atteints de balles dans le dos car ils s'éloignaient de l'église pour rejoindre leur domicile. On compta 3 morts : MARIE-CALIXTE, LAURENCINE, VALIDE. Il s'agit d'un véritable massacre perpétré par ceux qui ne voulaient tolérer aucune résistance face à la féroce exploitation capitaliste exercée par les békés, aucune contestation du totalitarisme colonial en vigueur, qui voulaient faire peur à la population pour qu'elle ne revendique pas.

Dans le discours prononcé lors des obsèques des victimes, « sur trois tombes » Georges GRATIANT , maire communiste, fustigea le comportement des autorités coloniales, ainsi que la férocité de la répression contre des ouvriers qui réclamaient du pain et à qui on a donné du plomb.

Pour ce discours, il a été poursuivi par le gouvernement français et frappé de suspension de ses fonctions par la justice coloniale à son service. Evil or Very Mad

40 ans après, nous devons nous rappeler cet épisode de l'histoire du mouvement ouvrier, cette triste page de notre histoire, trop souvent cachée, ignorée, falsifiée dans l'intérêt du colonisateur.

Oui nous devons faire connaître à nos enfants ce que furent les luttes menées par les travailleurs, quelles sont les victimes de la violence coloniale toujours perpétrée dans notre pays.


Je ne peux vous laisser sans vous faire profiter de ce monument militant, ce joyau brut qu'est le Discours sur trois tombes, de Me Georges Gratiant. Lonnè épi Respé Surprised

SUR TROIS TOMBES
(Georges GRATIANT)


Discours prononcé par Georges GRATIANT, maire du Lamentin, aux obsèques de :
- Suzanne Eulalie MARIE-CALIXTE, 24 ans, couturière, quartier "Floride" ;
- Marcelin Alexandre LAURENCINE, 21 ans, ouvrier agricole à "Roches Carrées" ;
- Edouard VALIDE, 26 ans, ouvrier agricole à "Roches Carrées", tués au Lamentin, le vendredi 24 mars 1961, par les forces de répression.


Au nom de l'ordre et de la force publique, au nom de l'autorité qui nous régente, au nom de la loi et au nom de la France, une poignée d'assassins en armes vient de creuser trois tombes, d'un coup, dans notre sol Lamentinois.

Crime plein de lâcheté et plein d'horreur !

Crime policier, crime raciste, crime politique ; policier, certes, parce que pas une main civile n'a commis, en cette nuit du vendredi 24 mars 1961, le moindre geste meurtrier ; crime raciste, certes, même quand les valets de notre sang, de notre race, au service à la fois de la force et de l'argent, trahissent leur sang, trahissent leur race, pour se faire vils et dociles assassins ; crime politique, certes, parce qu'ils fut organisé pour et par les forces d'oppression capitalistes et colonialistes et qu'ils s'est commis au grand détriment de familles ouvrières des plus humbles mais des plus dignes.

Vingt et un blessés et trois cadavres, voici le bilan de cette nuit tragique, de ces minutes de rage policière. Nous mesurons alors tout le poids du mépris des meurtriers en uniformes et nous savons aujourd'hui, encore mieux qu'hier, le peu de poids que pèsent dans la balance de l'Etat français, les vies humaines, lorsque ces vies-là sont celles des nègres de chez nous. Le plus féroce des meurtriers, fût-il fusil au poing, mitraillette au côté, chasse de la voix le chien qui, devant sa porte approche, pour l'avertir des sévices qu'il encourt.

Ici, les assassins officiels - sans crier gare - couchent sur le sol, en deux salves sanglantes, des hommes, des femmes, qui ont commis la faute de ne pas être contents d'avoir été si longtemps trompés, abusés, exploités.

Qui veut du pain aura du plomb

Au nom de la loi, au nom de la force, au nom de la France,

An nom de la force de la loi qui vient de France ;

Pour nous le pain n'est qu'un droit,

Pour eux le plomb c'est un devoir,

Et dans l'histoire des peuples noirs,

Toujours a tort qui veut du pain

Et a raison qui donne du plomb.

Ainsi vont les choses pour nous, les noirs.

De mal en pis elles vont les choses.

Pour que les cris des peuples noirs,

Ceux de l'Afrique, ceux du Congo,

Ceux de Cayenne et ceux d'ici,

Ne puissent s'unir en une seule voix dont les échos feront un jour éclater l'avenir en gros morceaux de joie, de tendresse et d'amour, feront s'évaporer la haine, la domination et la servilité,

Feront pleuvoir du bonheur pour les pauvres.

Pour que les échos de cette immense voix des travailleurs de toutes les races, unis, égaux en droit, ne puisse résonner à l'unisson,

on l'étrangle, on enferme et l'on tue.

Dans les lambeaux de quel drapeau vont se cacher, pour palpiter, les principes humains de la morale Française ?

Sous les plis de quelle bannière va se tapir la charité chrétienne ?

Répondez, citoyens, camarades, répondez, vous que le plomb tient aux entrailles et qui râlez à l'hôpital.

Répondez vous que les balles assassines ont couché dans le silence.

Répondez vous trois qui avez passé vos brèves années dans le culte du travail et de Dieu.


Répondez-moi, Suzanne MARIE-CALIXTE, belle et forte camarade, toi qui pendant tes 24 années passées sur terre, as cultivé l'amour de ta mère et de ta grand-mère, l'amour des tiens, l'amour de Dieu, de tes prochains.

Dis-moi quelle dernière prière tu venais d'adresser à ton Seigneur dans son église que tu quittais à peine, quand les gendarmes firent entrer la mort par un grand trou dans ton aisselle, à coups de mitrailleuse. Et si ton Dieu t'accueille au ciel, tu lui diras comment les choses se sont passées.

Tu lui diras qu' Alexandre LAURENCINE, ici présent avait seulement vingt et un ans,

Qu'il s'est couché sur le pavé

et que c'est là, face contre terre

qu'il fut tiré et qu'il fut tué,

déjà couché, prêt au tombeau ;

tu lui diras que son papa

s'était baissé pour l'embrasser

et qu'à la main il fut blessé ;

tu lui diras, jeune fille, qu' Edouard VALIDE

garçon tranquille de vingt six ans,

donnait le dos aux assaillants,

et qu'à la nuque il fut atteint

et que sa tête, de part en part, fut traversée ;

tu lui diras que les Français forment

ici une gestapo

qui assassine dans le dos,

au nom de la loi, au nom de la force,

au nom de l'ordre, au nom de la France,

au nom de l'ordre qui vient de France
,

Vous trois, amis, dont la police et la gendarmerie ont cru utile et agréable d'ouvrir les tombes à coups de fusils,

Vous trois dont les mains étaient vides comme vos poches et votre ventre,

Vous trois dont la tête était pleine de tracasseries et de soucis, de manque d'argent et de malheur,

Vous trois dont le coeur était plein d'espoir et d'amour,

Sachez que votre sang a fécondé le sol de votre ville pour que lèvent des milliers de bras qui sauront un jour honorer votre martyre, dans la paix, dans la raison et dans la liberté.

Vos noms rejoignent glorieusement ceux du François de 1900,

ceux du Carbet de 48.

Et tous ceux qui, pour les mêmes raisons sont

les victimes du plus fort

et de la trahison.


Au nom de l'Edilité de votre ville, au nom de tout un peuple de travailleurs, je m'incline avec piété devant vos trois cercueils et je salue affectueusement vos familles dans la douleur.

Puisse votre avenir illuminer nos luttes à venir, qui seront dures, certes - ici, vos bières nous l'indiquent à suffire - mais qui seront nos luttes, assurément, victorieuses.

Car, nous sommes tous avec vous trois par votre sang, par notre honneur,

liés, pour la raison contre la trahison,

dans le courage contre la lâcheté,

dans l'amour contre la haine,

pour la liberté contre la servilité,

pour la fraternité des peuples contre le racisme,

pour la paix et le bonheur universels,

contre l'égoïsme cruel de quelques-uns.


FIERS ET CHERS CAMARADES, ADIEU !


_________________
"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon
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