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Katia Mounthault et les child killers, par Martin Lemotieu

 
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Obambé GAKOSSO
Grioonaute


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MessagePosté le: Sam 31 Juil 2010 13:18    Sujet du message: Katia Mounthault et les child killers, par Martin Lemotieu Répondre en citant

M. MARTIN LEMOTIEU est un Frère originaire du Cameroun très présent dans les divers échanges politico-culturels qui ont lieu en région parisienne. C'est dans ce contexte que j'ai fait sa connaissance et nos routes ne cessent de se croiser. Lors d'un colloque organisé par L'Harmattan il y a quelques mois, il a présenté un texte sur des travaux de Kwamé Nkrumah. Très intéressant. Il est professeur certifié de langue et littéraire française, chargé de cours à l'Université de Yaoundé 1. Actuellemnt, outre ses multiples activités, il est thésard à l'Université de Cergy-Pontoise (Ouest de la région parisienne). Le sujet de sa thèse est intitulé Roman et politique au Congo-Brazzaville: 1973-2003. Il s'invite dans votre espace pour nous présenter le roman de Katia Mounthault, paru chez L'Harmattan. Je ne connaissais ni l'auteure ni le roman. Je découvre comme vous. Bonne lecture!

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«Les child killers, l’après-guerre et ses multiples implications: un jeu macabre de marionnettes qui s’ignorent ? »

Le cri du fleuve, publié en juin 2010 à Paris aux Éditions L’Harmattan (coll. Encres noires), est le premier roman de Katia Mounthault, du Congo Brazzaville.

La narratrice du récit, Célia, en reportage pour le compte de CNN, se rend dans son pays, en compagnie de son ami Brian, pour un reportage sur une guerre civile qui vient de s'achever et qui a ravagé villes et campagnes, semé ruines, désastres et horreurs. Les child killers enrôlés malgré eux dans une folie meurtrière sont les acteurs principaux des massacres et actes de barbarie, d'une violence inouïe. Les soldats –que l’auteure préfère appeler les « troupiers », auxquels se mêlaient les jeunes miliciens, tels « des buffles en colère », ne laissaient après leur passage « qu’un cortège infernal de décrépitudes.» Ils étaient tous armés d’un arsenal destructeur qui faisait frémir : révolvers, canons, obus, kalachnikovs, bazookas et mitrailleuses PMAK, Tomawaks… Très mobiles, ils évoluaient en petites bandes, en groupes, ou en convoi à côté des chars, des « machines géantes », les lance-roquettes BM21 ou « machines monstrueuses qui allaient tout anéantir sur leur passage » (p.77). Ils avaient pour mission, comme l’explique Baudelaire, recruté par le commandant Dada, d’agir dans l’intérêt supérieur du pays ; mais de toute évidence, ce n’était qu’un endoctrinement de la milice qui les avait recrutés, et qui leur voilait la triste réalité. Au lieu de « remettre le pays sur le droit chemin » (p.80), les jeunes miliciens étaient plutôt « dressés » pour tuer toute personne et tout groupe désignée par les chefs de guerre « l’ennemi » - dont l’identité variait selon les milices au sein desquelles on évoluait. Dans ces milieux, les instincts belliqueux, cultivés à outrance, foulaient aux pieds les règles élémentaires de la vie africaine, tels le respect sacré des parents, des, frères et sœurs,le sens de l’honneur et l’honnêteté. Par exemple, après la guerre, le jeune milicien Dorcas, condamné à mort par le nouveau pouvoir pour avoir enfreint la loi martiale, ne nie pas les faits. Il « n’avait fait que suivre les consignes des chefs selon lesquelles chacun pouvait se servir à sa guise en récompense de son effort pour avoir restauré l’ordre dans le pays.»(p.119). Ainsi se mettait en place des contre-valeurs qui affranchissaient les enfants soldats de toute considération pour la vie humaine. Vols, viols, meurtres, pillages et destructions des biens passaient pour être désormais la norme des miliciens qui avaient vraiment perdu la tête.

Le mode d’action des miliciens était invariablement le même : massacres, exécution à bout portant, pillages systématiques, viols répétés des jeunes filles et des femmes cachées en un lieu soustrait à la curiosité du public, emportées comme butin de guerre à côté des biens et conservées « jalousement ligotées à l’arrière des véhicules » (p.73), bombardement ou mise à sac des habitations, dévastation des plantations pour affamer « l’ennemi »… Avant chaque action militaire, les miliciens étaient très fortement enivrés de vins et drogués par «le diamba, le chanvre indien qui rendait fort»(p.115) Aussi s’amusaient-ils, pourrait-on dire, à utiliser à leur façon le pouvoir qui avait échappé aux responsables politiques et étaient remis entre leurs mains. Comme dans un état second, ils éclataient toujours d’un rire sardonique après des actes odieux et horribles, perpétrés avec un détachement désarmant. C’est une façon sans doute pour l’auteure de souligner l’inconscience de ces jeunes qui, fort paradoxalement, «savaient manier une arme avant de savoir lire et à écrire, qui avaient déjà la mémoire pleine d’images macabres » (p.44).

Certains chefs des milices deviendront, après la guerre, comme le « commandant Dada», de « hauts gradés de la nouvelle garde républicaine» (p.120) dans le nouveau régime qui a mis en déroute l’armée régulière et les milices combattant à ses côtés. Une autre reconnaissance de l’ « effort de guerre » de ce soldat au patronyme de triste mémoire?

Tant de carnage, de tueries et d’anéantissement de la vie ont laissé des séquelles irréparables et traumatisantes. L’après-guerre est une vraie catastrophe pour le pays : la démence, les troubles mentaux incurables, les suicides, les cauchemars délirant et les automutilations se partagent une population autant victime que ses bourreaux, les milices. Les noms terrifiants de ces troupiers avaient déjà de quoi semer la panique: Pythons, Mambas, Anacondas, Cobras, Boas…Et toute une génération de jeunes sacrifiée sur l’autel des égoïsmes et de la bêtise humaine, ne peut que se livrer à des actes désespérés, incapables de soutenir le regard inquisiteur et culpabilisateur des leurs. Ils ont des destins brisés à jamais, pour reprendre les deux derniers mots –soulignés dans le texte, sur lesquels se clôt l’explicit du roman (p.172), secs et tranchants comme un couperet.

Comment endurer les calamités consécutives à cette guerre barbare ? Le seul exutoire demeure pour certains l’alcool et les plaisirs de la danse, pour d’autres le mysticisme, ou le refuge dans les lieux de culte en regain de vitalité, pour « héberger la misère des populations ». Pourvu qu’on trouve un remède, même évanescent et trompeur, permettant de « supporter autant de souffrances » (p.130).

Dans le roman, l’exhibition des « petits soldats » ou des baby killers, « endoctrinés avec une rage démentielle » et entraînés à toutes les techniques d’assassinat par des soldats de métier, est beaucoup plus manifeste. C’est eux qu’on voit, lorsqu’ils sont déversés sous la bannière des milices, engagés dans des horreurs et des barbaries inimaginables. Derrière ces véritables machines à broyer inexorablement une population apeurée et sans défense, il se cache une autre réalité plus suffocante et affolante. En effet, l’action des miliciens est sous-tendue par un discours « officiel » de légitimation, que les chefs de bandes leur inculquent, à coup de matraquage idéologique, hurlant «des ordres et des propagandes» (p.159).Ce discours, bien mémorisé, est récité par les principaux miliciens sur lesquels l’auteure focalise notre attention.

Jidel, recruté par les Mambas dit l’importance de la mission telle qu’expliquée par le commandant du camp d’entraînement de Loudima: « …il fallait protéger notre pays contre ceux qui voulaient accaparer nos ressources naturelles et tuer notre président.» (p.158). Dorcas, de son nom de guerre « Champion », a évolué aux côtés des Pythons. Il doit son nom à ses exploits guerriers et à sa « bravoure exceptionnelle » de tueur: « Dorcas avait égorgé d’un coup sec, poignardé avec précision sans fléchir du poignet.» (p.117). Lui aussi, en pillant, estime être dans son bon droit, « en récompense de son effort pour avoir restauré l’ordre dans le pays. »(p.119) Lorsque les « Grands» du quartier l’ont recruté, il avait à peine dix-sept ans. Ils l’ont invité dans un bar pour lui « parler sérieusement » :
« Ils avaient pris une voie grave; ils avaient eux aussi parlé de libérer leur peuple en voie d’extermination, et de l’importance de rétablir la démocratie pour restaurer l’ordre naturel du pouvoir. Sans vraiment comprendre, ni même pouvoir résister, Dorcas s’était retrouvé parmi eux, vêtu d’un habit militaire » (p.115). Baudelaire, de son nom de guerre « Bagdad City », a été embrigadé presque de la même manière. Un militaire, qui avait suivi sa réputation de franc combattant, lui a proposé un jour de « l’aider à remettre le pays sur le droit chemin ». Pour le convaincre et l’amener à épouser sa cause, le soldat a argumenté son discours :
« …des hommes, poussés par des puissances obscures venues de l’étranger, avaient décidé de s’accaparer des nombreuses richesses naturelles du pays pour leur seul bénéfice et allaient saccager tous les efforts de leur Chef de garantir un emploi, et l’accès gratuit à l’eau potable, à l’école et à l’hôpital pour tous les habitants du pays. Non, Baudelaire ne pouvait pas tolérer cette pagaille annoncée et se faisait un devoir d’accompagner les libérateurs, ceux avaient à cœur les destinées rayonnantes du pays.» (p.80) Ainsi, les miliciens, de quelque côté qu’ils se trouvent, ont été fortement conditionnés, et, tels les chiens de Pavlov, ont réagi instinctivement et par réflexes, sans se poser des questions. Leurs chefs à leur tour ont subi des lavages de cerveau, et ont été dressés idéologiquement et politiquement par les politiciens à les suivre dans leurs idéologies tribalistes et génocidaires. Les dirigeants politiques apparaissent, à première vue, comme les vrais responsables tapis dans l’ombre. Célia, la narratrice, est complètement décontenancée, car , elle dit, « devant ce pays que j’avais tant aimé», être devenue « une spectatrice impuissante devant le spectacle sanguinolent qu’offrait le pouvoir.» Elle s’insurge contre cet « État carnivore », qui tolère l’inadmissible en laissant s’instaurer le règne des anti-valeurs,le meurtre banalisé, le parricide et le fratricide , bref, le retour à l’état sauvage de la jungle, voie sûre vers la décrépitude et la décadence à tous les niveaux. C’est alors que monte en elle cette colère non contenue de réaliser le tabou qui entoure la guerre et ses affres : « Les gens n’évoquaient jamais la guerre. On aurait dit un complot qui avait rendu la nation amnésique. Comme s’il était naturel que des soldats épurent des quartiers entiers, que des enfants massacrent leurs parents et se fassent assassiner ensuite. On avait renversé l’ordre naturel et gagé l’avenir.» (p.49) Un avenir complètement hypothéqué par « cette fichue guerre » (94) qui a fait reculer le pays de plusieurs décennies, et « crucifié tout espoir de sortir de la misère ». L’insécurité est devenue générale, et la loi des plus forts prime, car, plus que jamais, le pouvoir se trouve au bout du fusil : « Les plus forts vivaient en dehors de la justice, ils narguaient la masse par des démonstrations spectaculaires tandis que cette dernière s’accommodait de petits plaisirs autistes» (p.50) Les provocateurs de la guerre sont mis à nu et stigmatisés dans le roman de Katia Mounthault. Les conflits armés étaient évitables, mais les dirigeants se sont montrés avides de pouvoirs personnels et se sont arc-boutés sur leurs positions, rendant tout compromis et toute négociation impossibles. Ils ont répandu des mensonges et la démagogie, et le peuple s’est laissé tromper par leurs sirènes. Ils ont surtout sorti un argument presque contraignant, par des temps de disette : l’argent : « …les Patrons ont sorti les billets de leurs manches et vous ont bernés. » [p.98] Après le marasme où le pays a été précipité, l’auteure entend, à travers ce témoignage poignant, mettre chacun devant ses responsabilités. Il faut que la population refuse de se laisser manipuler. Sa prise de position est déterminante dans la sauvegarde de ses intérêts dont ne se soucient guère les responsables, depuis « près de quarante années de combinats politico-publics » [p.38]. À un niveau plus général, la romancière attire l’attention sur la dépendance des dirigeants immuables sous le «vaste arc-en-ciel d’idéologies » aussi futiles qu’inopérantes les unes les autres : « Chez nous, les mêmes troupiers se chargeaient de négocier le recyclage idéologique, au gré des exigences internationales. Au gré de leurs ambitions personnelles. Ils nous avaient transformés en de petites balles blanches, gagées dans une interminable partie de ping-pong. » Les mêmes dirigeants qui ont dressé leurs concitoyens les uns contre les autres cherchent, après la guerre, à se donner bonne conscience, en se positionnant comme des faiseurs de paix: « …le nouveau régime cherchait à tout prix à rassurer l’opinion internationale et à documenter ses efforts de reconstruction nationale.» Nous avons souligné la dépendance des politiques africains des desiderata extérieurs. Les préoccupations du nouveau régime victorieux des guerres tribales consistent à se positionner comme interlocuteurs crédibles pour mieux capter les fonds de « reconstruction » d’un pays qu’ils ont eux-mêmes anéanti à l’arme lourde, et dont ils ont clochardisé la population. La généralisation de la réflexion sur l’Afrique abandonnée à son sort relève en même temps l’hypocrisie dont font montre l’Occident vis-à-vis de l’Afrique qui, à l’étranger, « n’avait d’intérêt que pour ce qu’elle cachait dans son sous-sol.» Ironiquement, l’auteure décrit l’émotion de l’Occident suscitée par l’embrasement de la capitale Brazzaville, en « découvrant avec stupéfaction les horreurs en cours, s’étonnant d’apprendre que celles-ci se déroulaient depuis plusieurs années sous son nez » (p.102). Cette insouciance est d’autant plus condamnable que l’Afrique continue, comme à la belle époque coloniale, cinquante ans après son indépendance, d’être surexploitée : « Et pendant que ces derniers [les Africains] s’entretuaient, les usines sur la mer continuaient leur production tandis que des bateaux entiers quittaient les côtes africaines vers les villes occidentales, emportant dans leurs voluptueux chargements tout ce que le continent comptait de minéraux et de ressources précieuses. »(p.102) De là, parler d’ « un complot dûment organisé à l’échelle planétaire. », il n’y a qu’un pas à franchir, que la romancière permet à son personnage, le vieux Albert Mpouata. Celui-ci pense que les conflits meurtriers en Afrique ne sont point la continuité des guerres tribales ancestrales, mais « du fabriqué », pour mettre au pas ou neutraliser les Africains qui luttent pour instaurer de meilleures conditions dans une population appauvrie qu’on éreinte chaque jour un peu plus, que l’on affaiblit et affame. Les « Grands » du monde occidental, dans cet imbroglio, s’allient à la couche privilégiée africaine, complice du statu quo; il s’agit bel et bien d’un problème de classes, et non de races ou de tribus, au niveau planétaire et africain. De même qu’à l’échelle continentale et locale, la guerre qui ensanglante les masses innocentes n’est que la face visible des batailles que les politiciens se livrent au sommet de l’État pour garder le pouvoir et le monopole de la jouissance des richesses nationales: « Tant que les mines et les puits sont actifs et que l’argent circule parmi les Grands, les Petits que nous sommes devenons tous unis dans la pauvreté. C’est ça la citoyenneté appauvrie du continent le plus pauvre. Et dès que nous réclamons plus de justice et de meilleures conditions de vie,certains d’entre nous sont armés, nous prennent en otage –voilà comment on construit des tribus conflictuelles -, et se mettent à nous massacrer (P97) L'intérêt du roman est multiple. Il vient d’abord de l'appréhension de la guerre civile par une voie féminine, à la sensibilité poétique et à la plume acérée. Elle ajoute au roman de la guerre du Congo Brazzaville sa touche particulière: un réalisme dépouillé et pudique, avec toutefois le parti d'élucider les multiples responsabilités de l'engrenage de la violence, situées à un triple niveau: local (les chefs de milices endoctrinés), national (la soif de pouvoir et le machiavélisme primaire des politiques), et international (le silence complice des puissances étrangères sur l'inadmissible). Le roman de Katia Mounthault a ensuite la particularité d'être le premier écrit par une femme congolaise sur la guerre civile qui a embrasé le Congo Brazza en 1992/93 et 1997, et avec une association de problématiques complexes autour du sujet. On connaît surtout les fictions de Dongala, Johnny Chien Méchant (Paris, Le Serpent à Plumes, 2002), popularisé par le film Johnny Mad Dog, le roman du Renaudot 2006, Alain Mabanckou, Les Petits-Fils nègres de Vercingétorix (Paris, Le Serpent à Plumes, 2002), celui de Tati Loutard, Le Masque de Chacal (2005), ou le roman de Henri Djombo, La Traversée (Brazzaville, Hemar, 2005), pour citer quelques noms et quelques titres. Mais à notre connaissance, aucune écrivaine congolaise n'avait encore choisi, comme trame narrative exclusive à sa fiction, les guerres fratricides entre 'tribus', souvent fabriquées par des politiciens congolais, sûrs de l'appui de certaines puissances mondiales qui couvriraient leurs forfaits du voile du silence des media internationaux. Au pays, la presse locale n’en parle point ; les habitants sous le choc et encore terrorisés, se terrent, occupés qu’ils sont « à sauver leurs frêles existences » (p.128). D'une écriture aérée et limpide, ce récit de 172 pages se lit facilement, car on est tenu en haleine par les suspenses, le pittoresque ainsi que la variété des tons et des genres utilisés (lettre, reportage, autobiographie, journal, satire, lyrisme, pathétique et tragi-comique, etc.). La distance instaurée par la narration au second, voire au troisième degré fait de cette fiction un roman d’après-guerre. La narratrice en est réduite à chercher à ordonner son récit à partir de multiples autres récits variés aux tons et perspectives variés. De là viennent aussi la richesse et la variété des « vérités » sur cette guerre qui sont loin de l’épuiser. La polyphonie du roman est une marque de sa modernité, déjà inscrite dans l’actualité brûlante des sujets traités. L’histoire est agrémentée d’expressions en langues locales, traduites ou rendues dans le contexte, comme dans Dossier classé de Henri Lopes. En outre, les lettres de Frédéric (pp.37, 75-78,121-124), resté au pays pendant les affrontements des milices, brisent le rythme narratif et lui impriment un aspect plus vivant et une touche plus réaliste. Le recours à la vision euphorisante de l’enfance, de la présence rassurante de la figure maternelle ou des tantes et oncles bienveillants, adoucit quelque peu le climat irrespirable et étouffant des tonnerres d’obus, rafales de kalachnikovs ou des sifflements d’armes de tous calibres. Un espoir malgré la conflagration générale et l’atmosphère nauséeuse ? Donnons plutôt la parole à l’auteure, qui s’est confiée, dans une interview à Quentin Loubou pour Les Dépêches Congolaises, réalisée le20/07/2010 : « Il y a toujours un espoir ; celui de la paix, du respect de l'autre. Ce sont des socles sur lesquels doivent reposer nos sociétés. Quand vous parcourez l'Afrique, vous lisez la joie de vivre malgré les souffrances et la pauvreté. C'est cette joie de vivre, cette force de se battre pour de meilleurs lendemains qu'il faut capitaliser. Dans le roman, Baudelaire en est l'illustration. Il continue à croire en son avenir malgré l'environnement dans lequel il vit et malgré la guerre à laquelle il a participé. Il s'accroche à Célia parce qu'il veut saisir l'opportunité de vivre autrement.» Le roman se lit comme un poignant témoignage sur l'une des tragédies délirantes d'un pays à la dérive et en pleine décadence morale et sociale. L’explicit reste ouvert. C'est aussi une interpellation aux Africains lucides. Que tous lancent à l'unisson, en ce cinquantenaire des Indépendances, un cri et un défi:”Halte à l'horreur et cap sur la renaissance africaine!

LEMOTIEU Martin, Enseignant chercheur, le 26/07/2010
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