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Wayenga
Grioonaute


Inscrit le: 06 Déc 2006
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MessagePosté le: Sam 16 Déc 2006 20:19    Sujet du message: Répondre en citant

Shocked pas de philosophe favori en ce qui me concerne. Ben oui c pas mon truc la philo
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Moderator-Team
Grioonaute


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Messages: 87

MessagePosté le: Dim 17 Déc 2006 00:50    Sujet du message: Répondre en citant

Wayenga a écrit:
Shocked pas de philosophe favori en ce qui me concerne. Ben oui c pas mon truc la philo

Wayenga, tes posts jusque la sont l'exemple de cette attitude qu'il faille imperativement eviter ici. C'est le seul avertissement que tu recois, en cas de recidive, tu seras prie d'aller delirer ailleurs.
Merci.
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Wayenga
Grioonaute


Inscrit le: 06 Déc 2006
Messages: 3
Localisation: 92000

MessagePosté le: Lun 18 Déc 2006 10:02    Sujet du message: la philo!! Répondre en citant

C'est quoi le truc? Donc ici à la question de savoir qui est notre philosophe préféré il faut forcément répondre un nom?
Moi je dit que la philo c pas mon truc!! Et après moderator-team? ce que j'ai ecrit le 14.12.06 et le 16.12.06 je le maintient. IL existe bien un droit a s'exprimer, non? Si votre forum n'admet pas que des avis divergent, ne faites des des sujets sous forme de questions qui supposent l'avis de chacun. je comprends que certains parle de grillé.com plutôt que de grioo.com

A bon entendeur...... Wink
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ARDIN
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Messages: 1863
Localisation: UK

MessagePosté le: Lun 18 Déc 2006 13:18    Sujet du message: Re: la philo!! Répondre en citant

Wayenga a écrit:
C'est quoi le truc? Donc ici à la question de savoir qui est notre philosophe préféré il faut forcément répondre un nom?

Oui, c’est pour cette raison que la question a ete posee de cette facon. Il ya bien d’autres sujets ici posees sous cette forme: celui ci par exemple ou ou celui la ou encore ce sujet
Il ya bien eu du monde qui a repondu, non?
Citation:
Moi je dit que la philo c pas mon truc!!

Si la philo c’est pas ton truc, laisses ceux qui souhaitent enrichir ce topic s’exprimer. Ceux que ca n’interessent pas s’abstiennent.
Citation:
Et après moderator-team? ce que j'ai ecrit le 14.12.06 et le 16.12.06 je le maintient. IL existe bien un droit a s'exprimer, non?
Si votre forum n'admet pas que des avis divergent, ne faites des des sujets sous forme de questions qui supposent l'avis de chacun.

Le droit a s’exprimer existe bel et bien sur ce forum, mais pas celui de venir entraver les echanges surtout sur un sujet aussi interessant. Ce forum existe depuis 2003, s’il a connu une ascension qui fait de lui un forum riche et enrichissant du point de vue des opinions echangees ici, c’est avant tout parce que les avis divers et divergeants se sont exprimes.
Citation:
je comprends que certains parle de grillé.com plutôt que de grioo.com

Oui, tu n’es pas le seul a le comprendre, tu n’es pas le premier et tu ne seras pas le dernier non plus.
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l'Hommage a Cheikh Anta Diop sur PER-ANKH
l'Hommage a Mongo Beti sur PER-ANKH
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LPC-U : CONSTRUIRE LE CONGO POUR L'UNITÉ DE L'AFRIQUE
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safiyya
Grioonaute


Inscrit le: 03 Juin 2006
Messages: 61
Localisation: Banlieue parisienne

MessagePosté le: Lun 15 Jan 2007 01:40    Sujet du message: Répondre en citant

Bonjour à tous,

Je n'ai jamais lu de philosophes africain car je n'en connaissais pas avnat cete excellent topic ,merci Gnata.
Ne m'en voulez pas si je ne reponds pas à la question de mon philosophe AFRICAIN préféré !

J'interviens juste à propose de l'oralité :
Citation:

Mademoiselle, qui etes localisée dans les bras de yossou ndour.
Je voudrais te dire que si aujourdh'hui nous avons perdu des traces des pensées et philosophies africaines anciennes, ceci n'est pas la faute à l'oralité. Sache que l'oralité est un mode de transmission aussi valable que l'ecriture. Si des langues existent et que des populations les parlent encore aujourd'hui, c'est bien a cause de l'oralité. Secundo: L'afrique antique avait bien un systeme d'ecriture. Bah oui ma chérie, c'est quoi les hyerogliphiques sinon un systeme d'ecriture tellement élaborés qu'encore aujourd'hui les plus grands égyptologues s'en étonnent?

Ma soeur, nous devons nous debarasser des conneries que les leuco ns ont mis ds la tete pour faire croire au monde que l'africain n'a rien et qu'il est rien. Oui il y a des philosophes africains, antiques et contemporains.


Je partage ce point de vue dans les sens où les empires africains ont bien survécu pendant des siècles sans avoir l'utilité de construire d'immenses bibliothèques.
Ceci dit, je m'interroge, dans le contexte economique et social de l'Afrique d'aujourd'hui, étant donné la fragmentation des cultures, la perte de valeurs africaines et la volonté de copier l'Occident, je crois que l'oralité est un grand handicap .

Parce que les vieux meurent les uns après les autres, les jeunes ne prennent pas la relève (pour les griots par exemple).
J'y vois une des raisons qui poussent les Afrocentristes à se reclamer souvent de l'egypte antique, parce que c'est une des seules civilisations negres qui ait laissé des traces.
Je ne veux pas dire par là qu'ils s'occidentalisent en recherchant uniquement une civlisation ecrite, mais dans l'hypothèse d'un retour massif de la Diaspora en Afrique, de la constitution d'un Etat federal africain ... je ne vois pas à quoi nous allons pouvoir nous referer comme culture panafricaine si nous laisons les choses en l'etat : dans une centaine d'année, quel jeune africain aura encore connaissance des rites d'initiation ? des contes qui y sont racontés ... ?

Je pense qu'il ya urgence en la matière : si nous ne mettons pas sur papier (voire sur internet) les differents evenemetns, rites, syboliques qui font la culture africaine d'aujourd'hui, nous nous condamnons à la perdre definitivement ?

Gnata, excuse moi pour le hors sujet ....

Arrow
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OGOTEMMELI
Super Posteur


Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Mar 16 Jan 2007 13:02    Sujet du message: Répondre en citant

safiyya a écrit:
Je partage ce point de vue dans les sens où les empires africains ont bien survécu pendant des siècles sans avoir l'utilité de construire d'immenses bibliothèques.

Ce n'est pas tout à fait excat : dans le seul cas de Tombouctou, on parle d'une centaine de milliers de manuscrits datés entre le XIè et le XVIIè siècle qui nous sont parvenus. Les tarikh (es soudan, el fettah, etc.) font état de nombreux lettrés africains possédant de volumineuses oeuvres et/ou bibliothèques. Dans toutes les régions d'Afrique (sud, nord, est, ouest), on trouve des systèmes d'écriture autochtones. c'est ainsi que l'Etat du Niger possède tout plein de document écrit en langues et écritures touaregs. Etc.
Enfin, le plus vieux système d'écriture connu, le mdw ntjr, est bien africain ; et ressemble en de nombreux aspects à d'autres écritures africaines.
Citation:
Ceci dit, je m'interroge, dans le contexte economique et social de l'Afrique d'aujourd'hui, étant donné la fragmentation des cultures, la perte de valeurs africaines et la volonté de copier l'Occident, je crois que l'oralité est un grand handicap . Parce que les vieux meurent les uns après les autres, les jeunes ne prennent pas la relève (pour les griots par exemple).

Donc le problème n'est pas une supposée absence de l'usage de l'écriture : si les Blancs n'avaient pas brûlé ou fait brûlé tant de villages et agglomérations africains, pendant tant de siècles, les ressources archivistiques endogènes du continent seraient les plus abondantes, les plus anciennes, et probablement les plus riches. C'est ce que laissent supposer les bribes qu'on a pu récuperer. Sans oublier les documents du méroéitique...
En revanche, nulle part ailleurs dans le monde on ne trouve une aussi grande expertise dans la production "oralitaire" qu'en Afrique. C'est qu'au commencement était le verbe. Le verbe en soi, pensaient les ancêtres, renferme des propriétés énergétiques, telles que sa maîtrise vous confère concrètement un pouvoir sur les choses et sur les êtres...

Bref, chère soeur, ce serait vraiment erroné et infécond d'opposer sempiternellement écriture et oraliture. Ce sont deux choses de nature différente ET intimement liées, complémentaires. Aussi n'est-il pas besoin de se délester de l'une, en croyant ainsi pouvoir se combler de l'autre...
Citation:
Je pense qu'il ya urgence en la matière : si nous ne mettons pas sur papier (voire sur internet) les differents evenemetns, rites, syboliques qui font la culture africaine d'aujourd'hui, nous nous condamnons à la perdre definitivement ?

Si nous mettons tout sur papier, et que satisfait de notre chef-d'oeuvre scripturaire, nous renoncions à vivre et partager quotidiennement ce que nous aurions ainsi conservé, alors cela mourerait tout autant, bien que différemment. Quand on est initié, on porte en soi-même et avec soi cette initiation. On peut la vivre quotidiennement, et ainsi la maintenir vivace, aussi longtemps qu'elle sera transmise, travaillée, par des lignées successives de générations d'initiés. Et alors des bibliothèques pourraient brûler, mais tant que nous aurions des descendants, notre "way of death" se perpétuerait.

En revanche, des bibliothèque construites dans des blindages anti-atomiques pourraient sauver nos archives livresques d'une guerre nucléaire. Mais lesdites archives ne serviraient à rien (et n'auraient servi à rien : pas à empêcher cette guerre...), puisque nous serions tous morts de n'avoir pas su vivre concrètement certaines belles dispositions qu'elles contiendraient : par exemple, "le siècle des Lumières" et ses Droits de l'homme, bien aux chaud dans de belles lettres, n'ont pas empêché une orgie de crimes contre l'humanité perpétrés par les auteurs mêmes de ces déclamations...dont ils continuent encore de s'enorgueillir en feignant de ne pas voir la férocité et la violence des modalités de vie qu'ils imposent...
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http://www.afrocentricite.com/
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Les Panafricanistes doivent s'unir, ou périr...
comme Um Nyobè,
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safiyya
Grioonaute


Inscrit le: 03 Juin 2006
Messages: 61
Localisation: Banlieue parisienne

MessagePosté le: Mar 16 Jan 2007 14:08    Sujet du message: Répondre en citant

Ogotemmeli,

Merci pour ces eclaircissments (je crois que je te dois 90% de ma culture ! Smile), force m'est de constater que j'ai encore beaucoup à apprendre.

Cependant, mon propos n'était pas de remplacer l'ecriture par l'oralité qui est ,comme tu le rappelles, une composante essentielles des cultures africaines.
Je ne veux en aucun cas remeplacer l'une par l'autre : il faut bien sur continuer de partager nos connaisssances à travers le Verbe.

Mon inquiétude vient de la perte de ce partage oral justement dans les societes africaines de plus en plus urbanisée.
Non seulement les jeunes africains urbains traitent la chose avec de plus en plus d'indifference, mais la Diaspora (par exemple les Afro-français dont je fais partie) , quand bien meme elle veut comprendre a de plus en plus de mal à se documenter sur cette culture.

J'ai lu recemment les "Contes initaitique peuls" de Amadou Hampate Ba et cela m'a permis de mieux comprendre certyains symboles.
Je pense juste que ce genre d'initiative pourrait aider les nombreux "expatriés" à mieux apprehender qui ils sont.

Je vais meme plus loin : ma mère me parlait recemment de plantes medicinales qui était utilisé dans sa jeunesse pour soigner certaines maladies au village.
Aujourd'hui, seuls les vieux se souviennent de la façon de preparer les decoctions et la relève ne se fait pas : COMMENT GARDER CES TRACES ?
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OGOTEMMELI
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Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Ven 19 Jan 2007 23:54    Sujet du message: Répondre en citant

safiyya a écrit:
Cependant, mon propos n'était pas de remplacer l'ecriture par l'oralité qui est ,comme tu le rappelles, une composante essentielles des cultures africaines. Je ne veux en aucun cas remeplacer l'une par l'autre : il faut bien sur continuer de partager nos connaisssances à travers le Verbe.

Disons que ta formulation donnait à comprendre autre chose :
safiyya a écrit:
Ceci dit, je m'interroge, dans le contexte economique et social de l'Afrique d'aujourd'hui, étant donné la fragmentation des cultures, la perte de valeurs africaines et la volonté de copier l'Occident, je crois que l'oralité est un grand handicap .

...et me félicite que tu l'aies précisée.

Citation:
Mon inquiétude vient de la perte de ce partage oral justement dans les societes africaines de plus en plus urbanisée.
Non seulement les jeunes africains urbains traitent la chose avec de plus en plus d'indifference, mais la Diaspora (par exemple les Afro-français dont je fais partie) , quand bien meme elle veut comprendre a de plus en plus de mal à se documenter sur cette culture.

Dans ce cas précis (de la "perte de ce partage oral"), il conviendrait plutôt de créer et développer des institutions d'enseignement et de promotion des arts du Verbe. Niangoran Porquet disait "Griotégie" : quelque chose comme lune science qui étudierait les savoirs liés à l'institution du Griot, ou Belintigui...
Citation:
J'ai lu recemment les "Contes initaitique peuls" de Amadou Hampate Ba et cela m'a permis de mieux comprendre certyains symboles.
Je pense juste que ce genre d'initiative pourrait aider les nombreux "expatriés" à mieux apprehender qui ils sont.

Donc, pour sauver l'oraliture, notamment nos contes, légendes, proverbes, etc. il faudrait encore pratiquer les arts "oralitaires" ; ce qui suppose de développer des lieux dédiés à ces pratiques et ouverts au plus grand nombre : la parole doit vivre de sa propre vie, qui n'est pas exactement celle des livres...

Pour autant, je saisis bien ta préoccupation en dernier ressort, qui consiste dans la conservation de nos ressources orales, notamment grâce à leur transfert sur des supports écrits.

Mais, même cette solution pourrait devenir rapidement obsolète avant que l'Afrique ne recouvre les moyens de la mettre en oeuvre. Peut-être vaudrait-il mieux alors envisager directement une conservation par les technologies numériques, multimédiatiques. Je suis convaincu qu'un divX d'animation des contes initiatiques peuls, avec produits dérivés scolaires, vestimentaires, gadgets, etc. intéresserait plus facilement nos enfants (ou en tout cas les générations à venir...) qu'un bon vieux livre des (futurs) papy Ogo et mamy (safiyya)...
Citation:
Je vais meme plus loin : ma mère me parlait recemment de plantes medicinales qui était utilisé dans sa jeunesse pour soigner certaines maladies au village. Aujourd'hui, seuls les vieux se souviennent de la façon de preparer les decoctions et la relève ne se fait pas : COMMENT GARDER CES TRACES ?

Si j'en avais la possibilité, je demanderais à des vieux Africains de raconter leurs histoires ; quitte dans le cadre d'un organisme (privé ou public) à les rénumérer pour ce faire. J'organiserais des cérémonies périodiques, où les témoignages jugés les plus instructifs par un jury composé de l'ensemble des contributeurs eux-mêmes serait primés en fonction des besoins réels des lauréats : prise en charge de soins, construction d'une maison, voyages en Afrique, offre d'une retraite (complémentaire), etc.

Le matériau ainsi recueilli serait traité selon divers axes :
- info médicinales
- info généalogiques, biographiques
- info sociologiques
- info d'histoire et de politique, notamment aux temps des colons et de leurs manières de faire...
- etc.
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M.O.P.
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Inscrit le: 11 Mar 2004
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MessagePosté le: Dim 04 Mar 2007 09:38    Sujet du message: Répondre en citant

A L'ECOUTE DE MARCIEN TOWA
Un entretien avec Marcien Towa, professeur et philosophe
proposé par David Ndachi Tagne
Editions du Crac


Arrow (Cet échange a eu lieu à Yaoundé en 1998)

Où en est la philosophie africaine dans l'environnement d'aujourd'hui? Le philosophe peut-il réussir le pont de la pensée à la "praxis", autrement dit à l'action, notamment politique? Deux questions qui viennent à l'esprit lorsqu'on va à la recontre du Pr Marcien Towa, philosophe, ancien recteur d'Université et maire d'une commune de village.
Marcien Towa a marqué l'université camerounaise et la pensée africaine dans les années 70 et 80. Perçu comme un iconoclaste à cause de ses prises de position, il avait pour cible privilégiée le président poète Léopold Sédar Senghor à qui il consacra un essai au titre interrogateur: "Négritude ou servitude?". Son "Essai sur la problématique philosophique dans l'Afrique actuelle" (Editions CLE, 1971) reste un ouvrage de référence pour les élèves et les étudiants, comme pour les africanistes, en Afrique et dans le monde.

Arrow
Il y a déjà quelque temps qu'on n'a plus parlé de vous. Vous qui êtes connu comme philosophe et qui avez pendant de nombreuses années enseigné à l'université, où êtes-vous? Que faites-vous?

Je suis le maire de la commune d'Elig-Mfomo dans la Lekié. Je continue à intervenir à l'université de Yaoundé I où je dirige des mémoires et des thèses.

Vous avez été pendant longtemps le porte-flambeau de la philosophie au Cameroun. Vous avez été présent dans le débat autour de la Négritude. Vous avez même écrit un livre au sujet de Léopold Sédar Senghor, intitulé "Négritude ou Servitude?". Quel regard portez-vous aujourd'hui sur Senghor et sur la négritude?

Je pense que la négritude a évolué en reculant un peu dans les préoccupations des gens. C'était une époque où les Africains voulaient affirmer leur personnalité culturelle. C'était pour eux une préoccupation profonde qui allait de pair avec la volonté de s'affirmer sur les plans politique et économique. Les Africains voulaient marquer leur différence. C'était un problème profond. La négritude a évolué. Elle a fait l'objet de beaucoup de critiques. Personnellement, j'ai critiqué la négritude et particulièrement la négritude senghorienne. Mais la négritude de Césaire et de Damas, je l'ai appréciée et j'ai contribué à la faire connaître aux Camerounais.

A la suite des critiques faites par moi-même et par certains autres Noirs, la négritude a reculé. Je pense que le recul est aussi dû à l'évolution des mentalités, car on peut se dire en voyant les sectes qui prolifèrent en ce moment que la négritude était mieux. Certaines sectes sont dix fois plus irrationnelles que la négritude. L'irrationnel qu'il y avait dans la négritude senghorienne avait quelque chose de raciste, de colonial. C'était odieux...

Fondamentalement, qu'est-ce que vous reprochiez à Senghor par rapport à sa négritude?

Senghor concevait la culture comme quelque chose de biologique et il considérait le nègre comme émotif. Ces deux thèses font que si nous sommes biologiquement plus émotifs et que nous ne pouvons pas dépasser cette émotivité, nous sommes condamnés par l'histoire. En fait Senghor n'hésitait pas à tirer ce genre de conclusion en montrant que la domination du Blanc sur le Noir était logique et naturelle.

Par la suite, Senghor entre à l'Académie française et tout récemment on a fêté ses 90 ans. Comment appréciez-vous ces événements?

Senghor s'est fait citoyen français. Personnellement, c'est quelque chose que je n'apprécie pas. Il a travaillé en grande partie pour la France, pays pour lequel il a accompli des missions, notamment à Strasbourg dans le cadre des problèmes de construction européenne. C'était un Français et s'il y avait des problèmes en Afrique, il faisait la politique de la France. C'est un Français qui est loyal à son pays. Normal qu'à la fin de sa carrière les Français le prennent à l'Académie française.

Senghor est un grand intellectuel, un poète d'envergure. Si, on m'avait demandé ma contribution à l'occasion du 90e anniversaire de Senghor, je l'aurais produite honnêtement. Je critique toujours Senghor que les Africains prennent pour l'un des leurs et qui en realité était surtout un Français.

Vous avez ce penchant pour la littérature tout en étant philosophe et vous êtes un homme d'idées. Si aujourd'hui on vous demandait d'apprécier la production des idées, la production littéraire globalement en Afrique, que diriez-vous?

La production littéraire n'est pas très animée chez nous. Je ne suis pas sûr de suivre tout ce qui se produit en Afrique dans le domaine du roman, de la poésie, du cinéma etc... étant donné que nos médias ne nous aident pas beaucoup à nous mettre au courant de ce qui se passe d'essentiel.

Sur le plan de la philosophie, il y a une baisse de production et d'intérêt. Pas nécessairement parce que les philosophes sont inexistants ou n'interviennent pas. Ils s'intéressent moins à la philosophie qui elle-même, intéresse moins le public. A l'époque des premières décennies d'indépendance, le problème était culturel. On voulait se différencier des Européens. On était encore dans la mouvance des luttes de libération et du patriotisme. L'intérêt a ensuite évolué et s'est même inversé. Les africains ont commencé à regarder l'Occident de façon extrêmement favorable. Ceux que l'on prenait pour des révolutionnaires et des progressistes allaient chercher l'appui en Occident et comptaient essentiellement sur la France, l'Allemagne, les Etats-Unis, pour prendre le pouvoir. En effet, le problème chez nous, c'est le pouvoir. Les gens voulaient le prendre ou le conserver et du coup l'on s'intéresse plutôt aux polémiques qu'on peut développer facilement dans les journaux et beaucoup moins au débat d'idées. Les problèmes philosophiques et la réflexion retiennent moins l'attention.

Et comment vous positionnez-vous dans un tel contexte?

Personnellement, je fais de temps en temps des interventions. J'animais jusqu'à récemment une revue philosophique, la revue "Zeen". La dernière édition a eu un nombre assez inquiétant d'invendus. Non pas parce que ce n'était pas intéressant, mais simplement parce que ce genre de débat n'accroche pas le grand public. Les gens sont intéressés par les scandales politiques, les stratégies pour renverser le pouvoir ou pour le conserver.

Est-ce qu'on peut dire dans ce contexte que la philosophie devient inutile en Afrique?

La philosophie devient plus importante que jamais dans la mesure où ce qui se passe maintenant c'est l'égarement. Nous nous sommes détournés des problèmes profonds et des gens qui s'en occupent: les écrivains, les penseurs... Les hommes de culture et les penseurs ont été discrédités et sont maintenant à la merci des hommes de culture et des penseurs occidentaux. On a par exemple dissout l'Institut des Sciences Humaines. C'est pourtant au sein d'un institut comme celui-là qu'on faisait des recherches approfondies sur nos cultures et que les gens pouvaient réfléchir sur nos problèmes culturels ou de pensée. Il n'y a finalement pas de recherche ici parce que les universités ne financent pas la recherche.

Je pense que quand les gens ne se préoccupent plus des problèmes profonds, la philosophie doit être vigilante et active. Les gens vont se rendre compte qu'il faut qu'ils reviennent aux problèmes essentiels, c'est-à-dire à la philosophie.

Si le débat n'existait plus faute de personnes à même de l'ouvrir. Si de l'autre côté, il n'y avait plus de public pour les écrivains et les penseurs? Qu'est ce que ceux-ci devraient faire à votre avis?

Ce n'est pas qu'il n'existe pas de gens pour le débat. Il y a des conférences et des débats importants, mais personne n'en parle dans la presse.

Les écrivains sont bel et bien là : Mongo Beti, Ferdinand Oyono, Guillaume Oyono Mbia, sont vivants et écrivent. Mais, le problème c'est le niveau du public. Les hommes de culture ne doivent cependant pas se décourager parce qu'il y a des phénomènes de mode. Il y a un certain enchantement pour la politique. Il y a aussi des déceptions et des désillusions. A partir de là, le public peut refléchir davantage et être moins tenté de sombrer dans l'irrationnel, notamment dans les sectes.

Pour revenir à la philosophie africaine, que pensez-vous être la situation de cette philosophie aujourd'hui?

Le bilan de la philosophie africaine n'est pas extraordinaire mais les philosophes ont abordé un certain nombre de problèmes africains, notamment la définition de la philosophie africaine. Cette ethnophilosophie a été dénoncée par nous-mêmes, par Houtondji et par d'autres. On a déblayé le terrain à une certaine conception plus rigoureuse de la philosophie. Ceci est un acquis. Il est difficile de faire l'ethnophilosophie tranquillement comme notre ami Hebga. Si on veut demeurer dans ce registre-là, on sombre dans l'exorcisme et dans la sorcellerie. Du point de vue philosophique, on perd toute crédibilité.

Quelle est votre position par rapport à la sorcellerie?

La sorcellerie, c'est l'irrationnel le plus répugnant...

Vous y croyez ou vous n'y croyez pas?

Je n'y crois pas; je ne crois pas du tout au surnaturel d'aucune sorte.

Depuis que vous êtes maire à Elig-Mfomo, vous n'avez pas eu à assister à des manifestations de sorcellerie?

Il y en a beaucoup et je dois dire que c'est maintenant un problème national parce que notre code pénal permet de poursuivre les gens pour cause de sorcellerie. Les résultats sont pour moi catastrophiques. D'abord, on ne peut jamais prouver que quelqu'un a vraiment fait de la sorcellerie. Cela permet à tous ceux qui interviennent dans le règlement des litiges relatifs à la sorcellerie d'arrêter qui ils veulent, de les condamner ou de les relaxer comme ils veulent. C'est le domaine de l'arbitraire. En discutant avec les responsables et en lisant les journaux, on se rend compte que la lutte contre la sorcellerie est aussi une façon de combattre les religions traditionnelles, parce que par sorcellerie, ils entendent tout ce qui est païen : le paganisme, les rites...

Que pensez-vous des religions traditionnelles?

La religion traditionnelle est pour moi une religion comme toutes les autres. Les religions traditionnelles sont moins dangereuses pour la philosophie que les religions révélées parce qu'elles sont moins dogmatiques. Je ne suis pas religieux. Je me veux philosophe. Je me situe au niveau de la pensée rationnelle. Je ne suis un adepte ni des religions traditionnelles, ni des religions modernes. Je suis un adepte de la pensée.

Nous sommes dans un monde embrouillé où il faut beaucoup de réflexion pour ne pas se faire embarquer par n'importe quelle secte plus ou moins farfelue. C'est pour celà que les intellectuels ont un devoir : celui d'indiquer des repères et de dessiner des perspectives.

Quelle est votre position par rapport à l'être transcendental. Dieu existe-t-il pour vous autres les philosophes?

Le problème de l'être transcendental ne me préoccupe plus, parce que c'est une question délicate pour laquelle certaines personnes sont prêtes à mourir. Pour la vieille femme du village ou pour d'autres gens apparemment plus sérieux, si on croit que Dieu c'est un vieillard barbu qui vit au ciel dans les nuages, comme on le voit sur certaines images, je ne vois pas comment on peut prendre cela au sérieux; on ne sait déjà pas où se situe le ciel. Les gens qui nous ont parlé de Dieu qui crée le monde ou de Jésus qui monte au ciel n'avaient pas les connaissances astronomiques qu'on a aujourd'hui. Ils croyaient que le ciel était une voûte derrière laquelle il y avait le Royaume de Dieu où ce dernier siégeait avec des êtres ailés appelés anges. Tout cela appartient à une mythologie qui n'est pas sérieuse.

En tant que philosophe, comment voyez-vous l'éthique de vie du philosophe en Afrique aujourd'hui?

Je pense que c'est un problème sérieux étant donné le triste "palmarès" des Africains actuellement dans le domaine du comportement. Je suis d'avis que dans ce domaine là, nous sommes très défaillants, très faibles devant l'argent, le pouvoir, la gloire sans efforts etc...

Notre salut ne pourra venir que d'un plus grand sérieux dans le comportement. Il laut que les responsables, les intellectuels, les penseurs africains sachent poser les vrais problèmes, élaborer les règles de jeu de la vie collective et de la conduite des individus et les respecter dans l'effort fourni pour atteindre les objectifs.

Le philosophe doit prendre le problème des comportements au sérieux parce que dans la notion de philosophie, il y a la science et la sagesse au sens éthique du terme.

A mon avis, notre situation de sous-développement est due au fait que nous ne sommes pas sérieux. Nous ne manquons pas d'argent. Si nous consacrions nos ressources financières à créer des unités de production, nous ne serions pas sous-développés. Pourquoi n'arrivons-nous pas à le faire? Il y a des milliardaires chez nous, mais ces gens préfèrent aller garder l'argent dans les banques suisses, françaises ou américaines. La défaillance des peuples africains est une défaillance éthique.

Quelle devrait être la parenté entre la philosophie et la politique en Afrique aujourd'hui?

La préoccupation de la philosophie c'est la bonne marche de la Cité. On peut le faire théoriquement mais, si on le fait aussi de façon pratique, c'est toujours la même logique.

Dans notre système, lorsque l'intellectuel bascule dans la politique, on ne lui demande pas de poursuivre son activité intellectuelle dans ce domaine. On lui demande de faire comme tout le monde. Quand il ne le fait pas, on trouve que ce n'est pas normal, qu'il n'est pas à sa place. Par conséquent, le fait de basculer dans la politique est une façon d'abandonner la vie intellectuelle. Il y a donc un conflit qui subsiste.

Pour ma part, je ne me considère pas comme un homme politique bien que je sois maire du RDC. Vu l'échelle à laquelle j'interviens, mon rôle en tant qu´ homme politique est difficile à percevoir. Je prends cette situation comme une expérience. Pour moi c'est un peu comme du temps où j'étais recteur de l'Université de Yaoundé II. J'essaie de démontrer dans différents contextes que quels que soient les moyens, on peut faire quelque chose. Les moyens d'un recteur ne sont peut-être pas suffisants, mais ils sont déjà assez consistants. Les moyens d'un maire sont complètement ridicules. Trois ou quatre millions de francs de budget... que peut-on faire avec une telle somme?

Mon souhait en ayant la responsabilité d'une commune, c'est de montrer qu'avec peu de moyens, on peut faire beaucoup de choses. Imaginez qu'au lieu de dix millions, on ait plutôt cent millions. Je ferais d'Elig-Mfomo une commune où il fait bon vivre.

Transposons la chose ailleurs, à l'Université par exemple. Il est dit généralement que les intellectuels sont de mauvais gestionnaires. Dans votre cas précis, comment jugez-vous votre gestion de l'Université de Yaoundé II qui a duré moins d'un an?

Vous pouvez poser la question à mes collègues directeurs, y compris ceux qui m'ont combattu quand j'étais là-bas. Tous ont regretté mon départ de l'Université; et les étudiants n'étaient pas en reste.

Je n'avais pas d'argent à disposition quand je suis arrivé à Yaoundé II, puisque c'était une nouvelle université. Il n'y avait pas de guichet. C'est le recteur de Yaoundé I qui devait me donner des fonds. Nous avons fait pour le mieux en terme d'équipements et de constructions en moins d'un an. Si ce n'est pas une bonne gestion, je ne sais pas ce que c'est.

Au Cameroun, quand on part d'un poste de responsabilité, il y a toujours des supputations. Aujourd'hui, et d'après tout cela, à quoi attribuez-vous votre départ précipité de la tête de l'Université de Yaoundé II?

Ces genres de postes sont essentiellement éjectables. Les recteurs qui sont passés après moi ont mis plus de temps, mais ont fini par partir...

Avec ou sans raisons...?

Parfois avec raisons, parfois sans raisons.

A 67 ans, vous continuez à exercer à l'université malgré la règlementation concernant la retraite...

En fait, je suis à la retraite depuis deux ans, tout au moins du point de vue du ministère des finances où je ne suis plus pris en charge. A l'université par contre, on ne m'a pas mis à la retraite, si bien que je continue de diriger des mémoires et des thèses. Les autorités de l'université doivent me mettre à la retraite, sinon je ne peux pas toucher ma pension. Il s'agit d'une situation difficile d'autant que je n'ai pas de salaire en tant que maire d'Elig Mfomo. Vous pouvez imaginer mes indemnités... C'est ridicule.


Qu'est ce que vous pensez de la condition et de la retraite des enseignants de l'université?

La vie intellectuelle est importante pour un pays. Il faut qu'elle soit vigoureuse. Mais chez nous, la vie intellectuelle semble plutôt se dégrader parce que les intellectuels eux-mêmes n'ont pas l'air d'y croire beaucoup, ils lorgnent vers autre chose. L'âge qu'on a retenu pour la retraite, soit 65 ans pour les enseignants de rang magistral et 60 ans pour les autres, est raisonnable.


Que pensez-vous de la gestion politique des pays africains?

Nous avons des chefs d'Etats valables comme Nelson Mandela. D'autres pays africains ont un problème de gestion politique mais cela ne concerne pas seulement les présidents et les ministres. C'est des problèmes de sociétés. Notre société a besoin d'évoluer. Il faut évacuer l'esprit polémique. Le pouvoir africain doit évoluer et se moderniser.

Merci Professeur Towa


--------------------------------------------------------------------------------

Dr. David Ndachi Tagne
Editions du Crac, Yaoundé

Source:
Mots Pluriels
No. 12. Décembre 1999.
http://motspluriels.arts.uwa.edu.au/MP1299mt.html
© Marcien Towa et David Ndachi Tagne
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MessagePosté le: Mar 06 Mar 2007 16:27    Sujet du message: Répondre en citant

M.O.P. a écrit:

Est-ce qu'on peut dire dans ce contexte que la philosophie devient inutile en Afrique?

La philosophie devient plus importante que jamais dans la mesure où ce qui se passe maintenant c'est l'égarement. Nous nous sommes détournés des problèmes profonds et des gens qui s'en occupent: les écrivains, les penseurs... Les hommes de culture et les penseurs ont été discrédités et sont maintenant à la merci des hommes de culture et des penseurs occidentaux.
Il n'y a finalement pas de recherche ici parce que les universités ne financent pas la recherche.


Si le débat n'existait plus faute de personnes à même de l'ouvrir. Si de l'autre côté, il n'y avait plus de public pour les écrivains et les penseurs? Qu'est ce que ceux-ci devraient faire à votre avis?

Ce n'est pas qu'il n'existe pas de gens pour le débat. Il y a des conférences et des débats importants, mais personne n'en parle dans la presse.


Salut MOP ,

J'ai depuis ce poste lu quand même un peu sur le sujet et j'avoue que j'ai remarqué un genre de mini-fossé entre les productions de nos philosophes et ceux de nos historiens , je suis arrivé à la conclusion que : Tout philosophe Afro devrait être instruit en Histoire et vice-versa , on y gagnerait surement beaucoup !

La quasi-majorité des références de nos philosophes Afros sont Occidentaux , mais il y a un effort très appréciable pour se référer à soi-même , dans leurs demonstrations ( travaux ) ou reflexions , est aussi présente une certaine prétérition sur des sujets assez tranchants , on dit ne pas cautionner certaines positions , mais plus loin sur des reflexions jumelles on acquiest à ces dernières .

J'ai cependant trouvé et on peut le remarquer , un effort intellectuel intense pour expliquer nos problèmes ( juste pour les expliquer , ce ne fut pas facile , et ce n'est encore pas facile ! ) si intense qu'on peut sentir que ces auteurs vivent dans leurs bulles , de fait , l'habituelle casuistique bien particulière des Philosophes se dessine rapidement , on est obligé de se relire maintes fois avant de saisir l'idée maîtresse des paragraphes , pour schématiser toute cette mouvance , je dirais que la philosophie Afro est en gésine , prête à accoucher d'Idées d'une comtemporanéité que même l'Occident ne soupconne pas ( ca c'est si Elle ne l'a pas encore fait ) , parcequ'Elle est obligée dans sa typologie de résoudre les inombrabres problèmes des sociétés de consommations et de nos civilisations aliénées avillies par des siècles d'agenouillement ...
Bref c'était ma mini-critique sur les philosophes Afros , ca vaut ce que ca vaut , c'est à dire , rien que ca ! Laughing .

Dans Savoirs Endogènes , Hountondji en collaboration avec pleins d'intellectuels Béninois ( des Mathématiciens , des hydrolgues , des anthropologues , des Historiens , des philosophes , ect...) montre qu'il faut qu'on saisisse le continuum disons philosophico-scientifique ( enfin pas toutes les sciences quand même ! ) pour nous en sortir , j'ai trouvé les résultats de toutes ces recherches dans ces domaines sur notre vécu très instructifs , toutes ces notes mises en perspectives sur le mode reflexif ( vu de l'oeil du philosophe qu'est Hountondji ) permettent de scruter notre histoire , nos sciences et savoirs carrément disparues pour les utiliser comme étendard d'une renaissance potentielle .
En fait la recherche telle que définie universellement existe en Afrique ( c'est sûr à un dégré moindre !) mais c'est juste que les résultats ne sont pas médiatisés , ils pourrissent dans les "cales" de nos Universités délabrées , je me souviens qu'à L'université de Cocody en CIV , les feuilles de nos très rares bouquins de notre pseudo-bibliothèque servaient à certains enragés de papiers hygiéniques , juste pour montrer jusqu'ou le cynisme peut aller ....
Les regards et attentes etant bien sur tournés vers l'Occident , on ne fait même pas état des trouvailles que nous-mêmes avons découverts , et pourtant ...

Citation:
Il est difficile de faire l'ethnophilosophie tranquillement comme notre ami Hebga. Si on veut demeurer dans ce registre-là, on sombre dans l'exorcisme et dans la sorcellerie. Du point de vue philosophique, on perd toute crédibilité.

Quelle est votre position par rapport à la sorcellerie?

La sorcellerie, c'est l'irrationnel le plus répugnant...

Vous y croyez ou vous n'y croyez pas?

Je n'y crois pas; je ne crois pas du tout au surnaturel d'aucune sorte.

Depuis que vous êtes maire à Elig-Mfomo, vous n'avez pas eu à assister à des manifestations de sorcellerie?

Il y en a beaucoup et je dois dire que c'est maintenant un problème national parce que notre code pénal permet de poursuivre les gens pour cause de sorcellerie. Les résultats sont pour moi catastrophiques. D'abord, on ne peut jamais prouver que quelqu'un a vraiment fait de la sorcellerie. Cela permet à tous ceux qui interviennent dans le règlement des litiges relatifs à la sorcellerie d'arrêter qui ils veulent, de les condamner ou de les relaxer comme ils veulent. C'est le domaine de l'arbitraire. En discutant avec les responsables et en lisant les journaux, on se rend compte que la lutte contre la sorcellerie est aussi une façon de combattre les religions traditionnelles, parce que par sorcellerie, ils entendent tout ce qui est païen : le paganisme, les rites...


À propros de la décadence de nos spiritualités , dans L'esclavage , la colonisation , et après ... de Patrick Weil et Stéphane Dufoix , parlant de la hiérachisation des couleurs parmis les Afros que leurs maîtres-esclaves ont initié , il a fait allusion à plusieurs reprises ( en se fiant aux registres de ces maîtres-esclaves ) non de sorcellerie , mais d'empoisonnements , là ou les Afros voyaient de la magie malicieuse , ceux qui les tenaient eux savaient que ce n'etait juste que de petits assassins qui créaient la terreur parmis les leurs ...
Si nous juxtaposons le problème plus haut on se rend compte qu'il existe autant de petits êtres verts (des martiens en l'occurence) , qu'il existe de sorciers magiciens capable de nous "manger" l'âme , malheureusement dans l'imaginaire populaire Afro ( Afrique + Caraibes ect...) cette idée a fait son chemin tant et si bien que les comportements irrationnels par la peur des sorciers ont germé pour devenir de nos jours de veritables problèmes de société .

J'ai l'impression que nous sommes les seuls à ne pas savoir ce qui se passe , en CIV aussi les tribunaux permettent de poursuivre les sorciers , on se décide à mystifier le droit , d'investir dans le culte de l'irrationnel en se jettant pieds et poings liés dans des religions aliénantes venues d'ailleurs plutôt que de creer une institution de toxicologie capable d'en finir avec ce problème .

Citation:
La religion traditionnelle est pour moi une religion comme toutes les autres. Les religions traditionnelles sont moins dangereuses pour la philosophie que les religions révélées parce qu'elles sont moins dogmatiques. Je ne suis pas religieux. Je me veux philosophe. Je me situe au niveau de la pensée rationnelle. Je ne suis un adepte ni des religions traditionnelles, ni des religions modernes. Je suis un adepte de la pensée.

Nous sommes dans un monde embrouillé où il faut beaucoup de réflexion pour ne pas se faire embarquer par n'importe quelle secte plus ou moins farfelue. C'est pour celà que les intellectuels ont un devoir : celui d'indiquer des repères et de dessiner des perspectives.

Je crois qu'il a tout dit ...

Citation:
La préoccupation de la philosophie c'est la bonne marche de la Cité. On peut le faire théoriquement mais, si on le fait aussi de façon pratique, c'est toujours la même logique.

Combien des notres ne veulent pas comprendre que réfléchir+agir , praxis+théorie ect... font parti du même continuum , l'un est aussi essentiel et complémentaire que l'autre , c'est bon qu'il le rappelle , même si c'est pas troujours accpeté .
Merci pour ce texte MOP , je n'ai jamais lu un quelqconque bouquin sur Marcien Towa ( à cause principalement de Ardin Wink , qui avait fait une critique assez acerbe de cet auteur ) , mais vu cette interview , je tenterai de reviser ma position ...
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MessagePosté le: Mer 09 Mai 2007 20:43    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:

Au procés de l'ethnophilosophie les avocats de l'Afrique etaient dans la salle

LE PROCES DE L'ETHNOPHILOSOPHIE

la réflexion intense élaborée par la jeune géneration d'intellectuels africains ces dernières années, en vue de l'émergence d'une véritable philosophie africaine dévoile l'éthnophilosophie comme une pure imposture théorique et une vulgaire entreprise idéologiqe qui détourne les consciences africaines de leurs tâches immédiates. commela libération face à la domination néocoloniale . Cette tendance s'est manifestée dans les oeuvres de penseurs comme Stanislas Adotevi dans son livre "Négritude et Négrologues"
Frantz Fanon "Peaux noires masques blancs "."Les damnés de la terre".,Marcien Towa "essai sur la problèmatique philosophique dans l'Afrique actuelle.. Léopold Sédar Senghor"Négritude ou Servitude "et enfin Paulin Hountoundji dans son livre sur la philosophie africaine .


Nous disons donc ,que sur le plan théorique ,l'éthnophilosophie n'est pas "une philosophie" ,car, elle se présente comme une vision collective et spontanée,. elle se refuse à penser les contradictions que secréte la sociéte africaine contemporaine..
et sa référence constante à la tradition vise à masquer les bases explosives de la société actuelle . l'ethnophilosophie, est un refuge idéologique. et Hountoundji précise :"à l'heure ou se creuse partout sur notre continent le fossé entre oppresseurs et opprimés,à l'heure ou se radicalisent les divergences politiques ,,l'étnophilosophie prétend que nous avons toujours été ,que nous sommes et seront toujours unanimes.....quand triomphent partout l'insolence des appareils d'Etats néocoloniaux avec leur cortége d'intimidation d'arrestation arbitraires,de tortures ,d'assasinats illégaux,,tarissent à sa source toute pensée véritable , l'idéologie officielle éructe satisfaite : nos ancetres ont pensé alléluia."

Le contraste entre la tragédie des peuples africains et la sérénité bon enfant de ll'ethnophilosophie nourrit à la source des contes, des mythes et légendes millénaires africains,traduit pour Hountondji une volonté politique de la part des idéologues officiels, de détruire l'énergie libératrice des peuples africains comme il le défend lui même :"c'est sur ce fond politique que se donne à entendre le discours éthnophilosophique ,que ce discours paraît dérisoire ,ce n'est pas seulement par son inactualité ,son indifférence, au typique quotidien de nos pays..;c'et aussi et surtout parce ce qu'il fonctionne positivement dans ce contexte comme un redoutable opium,comme une des piéces maîtresses de cette énorme machine montée contre nos consciences."

MORALITE:

Le salut de la pensée africaine n'est possible qu'a l'intérieur d'un combat qui libére les sociétés africaines de la domination coloniale. L'émergence et l'éclosion d'une philolosophie véritablement africaine . nécessite des conditions nouvelles permettant le dépassement de cette confiscation arbitraîre de la pensée opérée par l"ethnophilosophie :idéologie officielle du néocolonialisme, c'est un problème essentiellement pratique inséparable d'une lutte politique de libération nationale et Hountoundji conclue en ces termes :"la libération théorique du discours philosophique suppose une libération politique ,nous sommes aujourdh'ui au coeur d'un ce et l'éclosion d'une philolosophie véritablement africaine . nécessite des conditions nouvelles permettant le dépassement de cette confiscation arbitraîre de la pensée opérée par l"ethnophilosophie :idéologie officielle du néocolonialisme, c'est un problème essentiellement pratique inséparable d'une lutte politique de libération nationale et Hountoundji conclue en ces termes :"la libération théorique du discours philosophique suppose une libération politique ,nous sommes aujourdh'ui au coeur d'un ce et l'éclosion d'une philolosophie véritablement africaine . nécessite des conditions nouvelles permettant le dépassement de cette confiscation arbitraîre de la pensée opérée par l"ethnophilosophie :idéologie officielle du néocolonialisme, c'est un problème essentiellement pratique inséparable d'une lutte politique de libération nationale et Hountoundttre l'héritage philosohique et culturel à une critique sans complaisance .."
Il nous faut donc nécessairement une philosophie de rupture qui puisse intervenir dans le champ historique et prendre en charge les potentialités libératrices des peuples africains en brisant les forces d'inertie enfouies dans notre propre passé

Towa poursuit ." nous avons à nous affirmer dans le monde actuel ...
seulement une telle décision pour autant qu'elle veuille introduire une révolution radicale dans notre condition actuelle ,exige pour aboutir ,une rupture elle aussi radicale avec notre passé, puisque cette condition provient rigoureusement et incontestablement de ce passé."

INFERENCE :

La philosophie africaine doit conserver cette fonction polémique propre à toute philosophie, cette vertu de la contestation ,par laquelle s'opére les grands changements au niveau de la pensée et des structures sociales.. Elle doit mettre la tradition en question et orienter notre pratique en fonction des exigences humaine, ,scientifiques,techniques des societés, contemporaines comme d'ailleurs le précise Towa :"l'interrogation sur notre dessein profond ,sur la direction à donner à notre existence doit être la grande affaire de notre effort intellectuel philosophique ;c'est elle qui doit précéder et dominer toute autre question ,celle sur notre essence,sur notre originalité et notre passé, comme celle sur les positions à adopter à l'égard de la pensée européenne".

Moralité::

Pour towa ,la pensée africaine s'est longuement enlisée dans la quête de son être distinctif au mépris des réponses pratiques à apporter aux questions brûlantes de l'histoire actuelle africaine. .
A question qui suis-je ? il est temps et nécessaire de substituer, ,la question que faire ?.
pour sortir l'afrique de la crise que lui impose le capitalisme mondial décadent ,il faut sortir de ce narcissisme infantil pour aborder pratiquement les problèmes majeurs de notre époque qui hypothèquent dangeuresement les perspectives de developpement des sociétés africaines.

Et Towa conclut:" l'intérêt pour ce que nous sommes distinctivement et pour notre passé,ne disparaît pas dans la perspective içi prônée ,mais sa visée n'est plus seulement ni même d'abord de nous révéler une noblesse,,une grandeur ,une beauté méconnue et de les préserver ou les restaurer,,mais avant tout de permettre le diagnostic d'un mal à guêrir ,la délimitation d'une lacune à combler ,. la nouvelle finalité est de trouver le point de départ d'un mouvement et non plus des raisons d'auto-satisfaction et de conservation ".

Cette nouvelle phiolosophie africaine n'est pas destinée à nous isoler en exaltant notre différence.. Elle ne sera que la réflexion d'êtres particuliers et historiques sur des conditions historiques particulières en utilisant les armes théoriques les plus élaborées du patrimoine philosophique mondial et en s'inspirant de la tradition révolutionnaire et progressiste de tous les peuples qui de tout temps et partout dans le monde, souffrent et luttent . Sic ! hic! nunc!

Au sortir de ce procés, j'ai remercié le bon dieu d'être né Africain . et qu'il nous garde en vie longtemps.


Gnata,
Ce texte date de 7 ans. L'auteur? un phenomene tres complexe du nom de "diop mohamed paris v sorbonne" qui etait tres celebre dans le forum de Seneweb.

Moi avec le titre de son expose, je suis fan Embarassed
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MessagePosté le: Jeu 10 Mai 2007 02:16    Sujet du message: Répondre en citant

Linguere a écrit:
LE PROCES DE L'ETHNOPHILOSOPHIE
...() ...
Merci Sis , je vais le lire à tête reposée Wink .
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Dernière édition par Gnata le Jeu 17 Mai 2007 00:26; édité 1 fois
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MessagePosté le: Jeu 17 Mai 2007 00:24    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Princesse , mes critiques se feront dans une optique Afrocentrée , si bien que je n'ai aucun recul, mais alors aucun qu'il soit philosophique ou intellectuel , j'avoue , je ne suis pas objectif pour un cent , désolé Laughing !

diop mohamed paris v sorbonne a écrit:
Au procés de l'ethnophilosophie les avocats de l'Afrique etaient dadiop mohamed paris v sorbonnens la salle

LE PROCES DE L'ETHNOPHILOSOPHIE

la réflexion intense élaborée par la jeune géneration d'intellectuels africains ces dernières années, en vue de l'émergence d'une véritable philosophie africaine dévoile l'éthnophilosophie comme une pure imposture théorique et une vulgaire entreprise idéologiqe qui détourne les consciences africaines de leurs tâches immédiates. commela libération face à la domination néocoloniale . Cette tendance s'est manifestée dans les oeuvres de penseurs comme Stanislas Adotevi dans son livre "Négritude et Négrologues"Frantz Fanon "Peaux noires masques blancs "."Les damnés de la terre".,Marcien Towa "essai sur la problèmatique philosophique dans l'Afrique actuelle.. Léopold Sédar Senghor"Négritude ou Servitude "et enfin Paulin Hountoundji dans son livre sur la philosophie africaine .


Hypothèse : Le procès de l'Ethnophilosophie est probablement celui de nos valeurs spirituelles , et surement partant de la philosophie Africaine elle-même ( et non des philosophies ) qui en enane .
En préabule je considère que Philosopher c'est la demarche , l'action de discourir ( avoir un discours ) oubien d'avoir une reflexion cohérente sur son Vécu , ainsi donc si un peuple le fait , il fait de la philosophie de facto , il ne fait surtout pas de l'ethnophilosophie , prétendre que les uns font de ethnophilosophie et les autres font de la philosophie ( donc pratiquent quelquechose de plus noble et grand ) , est de la pure fouThèse , dans le pur style foutage de gueule .

Prétendre que le discours Bantou sur lui-même est de l'Ethnopilosophie , c'est lui denier son droit à philosopher.

Qu'est-ce que l'Ethnophilosophie ? Question à deux balles cfa dévalués , pourquoi ? et bien parceque c'est une invention qui n'est pas de nous ( Afros ) , et definir l'invention d'autrui est une perte immense de temps pour la simple raison que nous ne savons pas ( enfin nous ferons comme si nous étions ignorants de ces raisons racistes...) sur quoi cet autre s'est basé pour l'élaborer .
Mais , l'ethnophilosophie est de qui au fait ? de ceux qui n'ont aucun intérêt à nous reconnaître une Philosophie ! mais pourquoi cet intérêt assez particulier à notre egard ? Parcequ'ils nous ont civilisé disent t-ils et qu'il soit par ailleurs impossible que des semi-évolués , évolués et autres semi-civilisés que nous sommes aient pu avoir une Reflexion et un Discours cohérent sur notre vécu !
La question suivante sera donc , mais pourquoi faire le procès de quelquechose de futile , d'une invention ( comme se targue Mudimbé de l'Afrique ) , de terme qui tire de l'ethnologie ( comme le prétend [b]Eboussi-boulaga ) ?[/b] euh ... je ne sais pas ! c'est là une question qu'il serait bon de poser à tous ces philosophes Africains qui s'en sont pris à Temples ...

Pour revenir au pladoyer de diop mohamed paris v sorbonne je dirais qu'il fait un procès à une chose eparse , une idée subtile ( admirons la tautologie Laughing !) , il fait la même erreur que ses aînés qu'il cite en vain , tous ces philosophes pêchent par simple suivisme (Laughing oui l'accusation est un brin culotée hein !).

Placide Tempels n'a jamais parlé d'Ethnophilosophie , il a usé certes de pleins de termes racistes , et il a rendu le Bantou Inconnu responsable d'un discours qu'on tient pour de l'ethnophilosophie (tant et si bien que Eboussi-boulaga en a été traumatisé au point de produire son fameux le Bantou Problématique Laughing ) ect... , mais ce sont ses pairs Ethnologues , anthropologues et maintenant nos philosophes qui ont vu dans tout ce brouillamini de l'Ethnophilosophie !
Le problème avec tout ceci c'est justement que les thèmes de Tempels ( Primogeniture , L'Altérité-Ubuntu , la dynamisme des Êtres et ses différentes composantes spirituelles ) ne sont pas des créations ex-nihilo sorties de son esprit complexé , je ne le l'ai jamais cru imbu d'une intelligence hors-norme capable de produire une philosophie toute faite pour les Bantous , c'est trop de fleurs que l'on lui a lancé , que de gaspillage Crying or Very sad .

Il n'est point question de defendre Tempels ce n'est pas le but , la thématique ici est de dire que malgré ses nombreux défauts le franciscain a mis sur papier ce que nous savions déjà sur nos spiritualités , qui, elles débouchent sur une philosophie , tout simplement !
Citation:
Nous disons donc ,que sur le plan théorique ,l'éthnophilosophie n'est pas "une philosophie" ,car, elle se présente comme une vision collective et spontanée,. elle se refuse à penser les contradictions que secréte la sociéte africaine contemporaine..


Pourquoi seulement sur le plan théorique ? j'assume que l'Ethnophilosophie n'existe pas , enfin si cet auteur parle des conceptions spirituelles Bantoues et de son discours sur son vécu , je dis qu'il se trompe de cible , tout ca n'est pas de l'Ethnophilosophie , mais bien une partie d'une philosophie pleine et entièrecomme celle d'un Platon ect... tout simplement .

Je tiens que la spiritualité enfante la philosophie , voilà pourquoi je considère un Ogotemmêli aussi philosophe que l'était un Descartes , les Bantous ne sont ni les premiers à user de leurs spiritualités pour en déduire une reflexiuon cohérente sur leur vécu , ni les derniers , la tendance athée oubien laïcque de la philosohie Occidentale actuelle n'est qu'un moment parti tant , j'appelle moment philosophique le temps dans lequel un peuple essaie par un dicours coherent sur son vécu , de resoudre certaines de ses questions existentielles .

Les premiers philosophes qu'Obenga a investigué viennent d'Egypte et ils etaient religieux La philosophie Africaine de la période Pharaonique 2780 - 330 avant notre Ère, leurs suivants Aristote , Platon , Socrates ect... tous l'étaient aussi, disons-nous d'eux qu'ils faisaient de l'ethnophilosophie ? Non , pour quelles raisons serieuses la philosophie Bantoue l'est sous la plume de diop mohamed paris v sorbonne ?.

Citation:
et sa référence constante à la tradition vise à masquer les bases explosives de la société actuelle . l'ethnophilosophie, est un refuge idéologique. et Hountoundji précise :"à l'heure ou se creuse partout sur notre continent le fossé entre oppresseurs et opprimés,à l'heure ou se radicalisent les divergences politiques ,,l'étnophilosophie prétend que nous avons toujours été ,que nous sommes et seront toujours unanimes.....quand triomphent partout l'insolence des appareils d'Etats néocoloniaux avec leur cortége d'intimidation d'arrestation arbitraires,de tortures ,d'assasinats illégaux,,tarissent à sa source toute pensée véritable , l'idéologie officielle éructe satisfaite : nos ancetres ont pensé alléluia."

Ah oui Hountondji Laughing , par ou commencer ? d'abord je soupconnais que nous n'avions pas les mêmes définitions de ce qu'on nomme Philosophie , et les frangmatations qu'il fait des philosophies qui deviennent justement des Ethnophilosophies selon les peuples en Afrique ne m'ont jamais convaincu .
Hountondji a écrit:
By Africans phylosophy , I mean a set of texts , specially the sets of texts written by Africans and discribed as philosophical by their authors themselves

Paulin J Hountondji , African Philosophy Myth and reality ed Second , p 8

Mais dans ce cas Obenga n'auarait jamais fait son :La philosophie Africaine de la période Pharaonique 2780 - 330 avant notre Ère ou il use à foison du contraire de ce que dit Hountondji , et pourquoi un simple discours cohérent sur son Vécu ne serait pas philosophique ? ou est donc l'INFLUENCE de Oral dans nos traditions ? oubien est-il un vecteur impropre à la philosophie ? j'en doute ! voilà pourquoi j'irai à l'encontre de cette boutade , tout est allègrement confondu , il existe certe des problèmes de société Africaine dûs à ce que nous savons comme colonisation et esclavage , mais leurs irradiations sont aussi ces rejets que nous faisons de notre bagage philosophique , que nous ( et nos intellos philosophes ) tenons pour ethnophilosophie et que nous voulons combattre .


Citation:
Le contraste entre la tragédie des peuples africains et la sérénité bon enfant de ll'ethnophilosophie nourrit à la source des contes, des mythes et légendes millénaires africains,traduit pour Hountondji une volonté politique de la part des idéologues officiels, de détruire l'énergie libératrice des peuples africains comme il le défend lui même :"c'est sur ce fond politique que se donne à entendre le discours éthnophilosophique ,que ce discours paraît dérisoire ,ce n'est pas seulement par son inactualité ,son indifférence, au typique quotidien de nos pays..;c'et aussi et surtout parce ce qu'il fonctionne positivement dans ce contexte comme un redoutable opium,comme une des piéces maîtresses de cette énorme machine montée contre nos consciences."

Encore une fois on confond tout , les thèmes de la Philosophie Bantoue ne sont pas des mythologies Laughing , et pourquoi ce court-circuit vers la politique politicienne ? nous fuyons justement les recherches philosophiques que nous pouvions tirer de nos traditions , c'est un gâchis sans nom !
Et d'ailleurs pour avoir lu Niestche , platon , ect... est-il besoin de dire qu'ils ne se gênent pas pour user de mythologies ici et là ?
Citation:
MORALITE:

Le salut de la pensée africaine n'est possible qu'a l'intérieur d'un combat qui libére les sociétés africaines de la domination coloniale.

Nous sommes d'accord sur ce point , mais en pensant liberer cette pensée on s'en eloigne parceque nous croyons qu'elle est impropre à philosopher ...
Citation:
L'émergence et l'éclosion d'une philolosophie véritablement africaine .

Oui justement et cette emergence ne se fera pas sans l'apport de cette tradition orale qu'on tient pour non écrite donc non-philosophique de facto Evil or Very Mad !

Citation:
le dépassement de cette confiscation arbitraîre de la pensée opérée par l"ethnophilosophie :idéologie officielle du néocolonialisme, c'est un problème essentiellement pratique inséparable d'une lutte politique de libération nationale et Hountoundji conclue en ces termes :"la libération théorique du discours philosophique suppose une libération politique ,nous sommes aujourdh'ui au coeur d'un ce et l'éclosion d'une philolosophie véritablement africaine .

Personne n'a confisqué quoi que ce soit , si nous nous allions sur nos cyniques civilisateurs pour taxer notre philosophie d'ethnophilosophie , donc quelquechose à combattre , est-ce la faute de la colonisation ?
Se réapproprier sa culture c'est se donner des droits sur elle avant tout et non croire qu'on l'a confisquée à nos depends , quant au néocolonialisme la praxis de sa demarche et surtout son influence et sa réussite disparaissent dès l'instant ou nous savons qui nous sommes ...

Citation:
Il nous faut donc nécessairement une philosophie de rupture qui puisse intervenir dans le champ historique et prendre en charge les potentialités libératrices des peuples africains en brisant les forces d'inertie enfouies dans notre propre passé

Forces d'inerties enfouis dans le passé ? hum j'ai entendu ca ailleurs !
Citation:
Towa poursuit ." nous avons à nous affirmer dans le monde actuel ...
seulement une telle décision pour autant qu'elle veuille introduire une révolution radicale dans notre condition actuelle ,exige pour aboutir ,une rupture elle aussi radicale avec notre passé, puisque cette condition provient rigoureusement et incontestablement de ce passé."

Une rupture racdicale avec le passé ? on appelle ca devenir amnésique je crois , quant à Mr Towa , Ardin m'avait déjà prévenu de ses sorties , celle-ci ne m'étonne point ! Evil or Very Mad
Citation:
INFERENCE :

La philosophie africaine doit conserver cette fonction polémique propre à toute philosophie,

Le problème c'est qu'on refuse de squatter cette philososphie Africaine , comment saurait-on qu'elle contient une fonction polémique ? À Part Kwasi Wiredu ( que je lis maintenant et qui me semble moins rageux contre sa tradition Philosophique Akan que nos autres latinisés ) , j'en ai pas encore lu qui mette plus d'emphase sur les siens , même si ...

Citation:
cette vertu de la contestation ,par laquelle s'opére les grands changements au niveau de la pensée et des structures sociales.. Elle doit mettre la tradition en question et orienter notre pratique en fonction des exigences humaine, ,scientifiques,techniques des societés,

Combien de sociétés Africaines avons-nous pratiqué pour nous convaincre qu'elles soient oui ou non capables de telles prouesses ( si tant que l'on peut appeller ca des prouesses ) ?
Citation:
Pour towa ,la pensée africaine s'est longuement enlisée dans la quête de son être distinctif au mépris des réponses pratiques à apporter aux questions brûlantes de l'histoire actuelle africaine. .
Non pour Towa , il faut jeter les traditions Africaines , se departir du passé , et surtout par implication oublier l'Histoire pour avancer , ma foi , pour moi c'est sans facon !
Citation:
Cette nouvelle phiolosophie africaine n'est pas destinée à nous isoler en exaltant notre différence.. Elle ne sera que la réflexion d'êtres particuliers et historiques sur des conditions historiques particulières en utilisant les armes théoriques les plus élaborées du patrimoine philosophique mondial et en s'inspirant de la tradition révolutionnaire et progressiste de tous les peuples qui de tout temps et partout dans le monde, souffrent et luttent . Sic ! hic! nunc!

Le patrimoine philosophique mondial ? Qu'est-ce que c'est au juste ca , une genre de fast-food d'une erudition philosophique ou tout le monde peut venir se servir pour obtenir tout cuit Un discours ou reflexion cohérent sur son propre Vécu ? Ce n'est pas sérieux tout ca !

Citation:
Gnata,
Ce texte date de 7 ans. L'auteur? un phenomene tres complexe du nom de "diop mohamed paris v sorbonne" qui etait tres celebre dans le forum de Seneweb.

Well , j'espère que sa prose a changé depuis , parceque celle d'il y a 7 ans n'était pas si intéressante à mon goût !...
Cela dit , comme je l'ai indiqué , mes commentaires ne sont pas objectifs Wink !

Take care Miss .
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M.O.P.
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MessagePosté le: Dim 20 Mai 2007 13:35    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Gnata,
je suis un peu sorti du sujet ces derniers temps, car trop occupe desole de ne pouvoir participer pertinemment.

Sinon un article que j'ai pu lire sur afrikara.

L’Afrique dans la philosophie, de Yoporeka Somet : De la fin du miracle grec à la grande tradition philosophique pharaonique et subsaharienne
21/12/2005


http://www.afrikara.com/index.php?page=contenu&art=984

[Edité par la Modération : notre site frère Afrikara apprécie peu de retrouver ses articles "copiés/collés" sur d'autres espaces. Donc, par respect pour eux, j'invite les Grioonautes à aller consulter l'excellent article posté par M.O.P. directement à partir du lien fourni Wink

Merci pour votre compréhension et bonne lecture Cool ]


Lire : L’Afrique dans la philosophie. Introduction à la philosophie africaine pharaonique, de Yoporeka Somet, éditions Khepera en octobre 2005, 162P.

Ouvrage en vente dans la boutique Afrikara. :

http://www.afrikara.com/index.php?page=boutique&btqpg=fiche&btk_id=1&ryn_id=11&prd_id=67#

Plus d’informations : www.ankhonline.com
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Gnata
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MessagePosté le: Lun 21 Mai 2007 15:16    Sujet du message: Répondre en citant

M.O.P. a écrit:
Salut Gnata,
je suis un peu sorti du sujet ces derniers temps, car trop occupe desole de ne pouvoir participer pertinemment.


Salut M.O.P wah gwan , effectivement ca fait un bout , comment va ?
À propos de Somet Yéporeka , deux Grioonautes me l'ont suggéré , ne le trouvant pas dans mon coin , L'Empereur d'un Ancien Royaume Malinké exilé depuis quelques siècles en hexagone doit me le lancer de là-bas Laughing !

Il paraît qu'il est tranchant , je me suis même fait dire que ne l'ayant pas encore lu je ne pouvais pas pretendre connaître ontologiquement la philosophie Africaine , si bien que maintenant j'ai l'eau à la bouche Laughing .

Je suppose qu'il ne perd pas son temps à parler d'ethnophilosophie et autres choses du même genre , parcequ'il y a pleins d'autres choses à visiter dans la philosophie Africaine , j'en ai la preuve avec des gars comme Wiredu K ( que je trouve assez intéressant , comme quoi les Anglophones ont toujours quelques yards d'avance sur nous ) qui cherche des voies et moyens serieux directement dans nos Institutions millénaires.

Citation:
[Edité par la Modération : notre site frère Afrikara apprécie peu de retrouver ses articles "copiés/collés" sur d'autres espaces. Donc, par respect pour eux, j'invite les Grioonautes à aller consulter l'excellent article posté par M.O.P. directement à partir du lien fourni Wink

Merci pour votre compréhension et bonne lecture Cool ]


Lire : L’Afrique dans la philosophie. Introduction à la philosophie africaine pharaonique, de Yoporeka Somet, éditions Khepera en octobre 2005, 162P. Ouvrage en vente dans la boutique Afrikara. :


C'est toujours ce qui arrive avec nous on n'a pas encore compris que la coalition , la consolidation , oubien s'agrèger en un bloc ou nous pouvons faire passer le message ( dans le sens ou le savoir est une arme ) est plus important que ces disputes de clôtures improductives , et c'est aussi ce qui arrive lorsque les buts réels de nos propres entreprises n'ont rien à voir avec ceux que nous disons promouvoir , à ce jeu-là tous nous perdons , mais bon ca fait 400 ans que cette lecon nous saute aux yeux sans que nous en tirions quelquechose de bon !
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Chabine
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MessagePosté le: Jeu 02 Aoû 2007 19:01    Sujet du message: Répondre en citant

Gnata a écrit:
Chabine a écrit:
Mes amis, je ne peux que vous remercier pour ce superbe topic, depuis le temps que j'en rêvais !!!
et

En ce qui me concerne, je n'ai encore rien lu concrètement Embarassed , faute de bibliographie, mais je peux quand même considérer avoir eu une introduction à la philosophie africaine à travers ce livre de vulgarisation basique :

http://www.follmi.com/spip/article.php3?id_article=97


Salut Chab , long time , where the hell were you been , though?

La systématique différence que certains/ la plupart des européens font entre LEUR philosophie et la sagesse DES AUTRES , m'exaspères un peu , en fait beaucoup même , EUX ont une PHILOSOPHIE , mais NOUS nous ne pouvions avoir qu'une SAGESSE , sans plus !
J'ai déjà moi aussi achété un livre du même genre où était repertorié plusieurs "sages" ( faut comprendre , tous etaient non-occidentaux ) de partout sauf d'Occident , même si c'est ce genre de bidule qui a piqué en partie ma curiosité à rechercher les Philosophes Afro , je me suis juré , après coup , de ne plus me faire avoir ...
Je soupconnes ton bouquin de la même forfaiture , heureux que cela puisse être un cadeau ( personnellement je ne l'aurais pas achété ).

J'aurais du te répondre depuis loooooooooongtemps, tu as du m'attendre fatiguééééééééééé (surtout que jai d'autres chantiers en cours) Razz

Bon, je comprends tes réticences sur ce genre de livres de vulgarisation, mais dans ce cas précis, je pense qu'elles sont infondées, car ce livre est vraiment, non pas une référence, mais une introduction, une incitation à aller plus loin Smile

Gnata a écrit:
Citation:
Avec les bribes de philosophie africaine que j'ai découvert à travers ce livre, j'ai tout de suite ressenti une cohérence d'ensemble, l'individu étant placé au sein de la communauté, mais aussi comme une part du cosmos. Celà m'a parlé immédiatement, c'st exactement le type de pensée qui correspondait à ma vision du monde Smile On comprend tout de suite pourquoi ce livre s'intitule "Origines".

J'étais convaincu qu'il y avait une différence entre les philosophies , j'ai déjà pleins de noms ( grâce à vous ) et ce ne serait pas de refus si tu nous placais quelques bribes de phrases genre oppositions entre philo Afro Vs asiatique ect pour nous montrer l'affaire Wink

OK, promis, quand j'aurai passé mon agrégation de philo en candidat libre, je te fournirai cette analyse comparée Laughing Laughing Wink

Bon, revenons à nos cabris Razz Un entretien fort riche avec le philosophe camerounais Fabien Eboussi Boulaga (merci à ARDIn pour la recommendation Wink )

http://www.bonaberi.com/article.php?aid=2434

Monga-Mbembé : Rencontre avec Fabien Eboussi Boulaga
(20/07/2006)

Achille Mbembe et Célestin Monga ont eu un long échange avec le philosophe camerounais. Une conversation triangulaire dont les lecteurs apprécieront sans doute la hauteur et la qualité.


Achille Mbembe : “Il nous suffit d’avoir fait acte de pensée et de lucidité”, écriviez-vous dans la préface de votre ouvrage La crise du Muntu en 1979. À l’époque, vous étiez préoccupé, comme la plupart des penseurs africains de votre génération, par la question de la “ reprise de soi ”, c’est-à-dire d’un coté “ le désir d’attester une humanité contestée ou en danger ”, et de l’autre, “ celui d’être par et pour soi-même ”. Au vu de ce que nous sommes devenus depuis que ces lignes ont été écrites, que reste-t-il de ce projet aujourd’hui ? Que signifie, dans les conditions actuelles, faire “ acte de pensée et de lucidité ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : La crise du Muntu, achevée en 1974, a été publiée en 1977. Il serait surprenant que ce livre n’ait pris aucune ride. Mais en ce qui concerne ce que vous appelez son “ projet ”, il me semble qu’il demeure intact, n’ayant pas été réalisé ni entamé.
La raison en est qu’il est la présupposition de tout accomplissement qui se veut comme l’expression de ce que nous éprouvons spécifiquement et irréductiblement. C’est ce que visent des termes tels que “ la présence à soi ”, la responsabilité intellectuelle et morale de ce qu’on dit et que l’on fait, “ la raison libre et la liberté raisonnable ”.

Les descriptions et discussions phénoménologiques parfois obscures de l’ouvrage visent à partir de ce socle et à y revenir, comme à la pierre de touche des offres et demandes qui nous assaillent. Elles doivent passer par le crible de notre jugement et de notre vigilance tout comme ce que nous-mêmes proposons. Faire acte de pensée et de lucidité, voilà l’essentiel au-delà des étiquetages scolaires, disciplinaires et partisans.

Célestin Monga : Vos premiers travaux philosophiques ont porté sur ce que vous appeliez le “ Bantou problématique ”. Vous vous êtes ensuite appesanti sur ce que vous avez appelé la crise du Muntu. Quelle évaluation faites-vous aujourd’hui de la situation du Muntu ?

Fabien Eboussi Boulaga : Le Muntu est l’homme dans la condition africaine et qui doit s’affirmer en surmontant ce qui conteste son humanité et la met en péril. C’est à lui de faire l’évaluation de sa situation, de ce avec quoi et contre quoi il a à compter pour se faire une place, sa place dans un monde commun, dans le dialogue des lieux en quoi il consiste concrètement.

Achille Mbembe : Arrêtons-nous, un moment, sur le désir africain d’attestation d’une humanité contestée ou en danger. Où en sommes-nous aujourd’hui et où en est-on de ce désir ? Qui et qu’est-ce qui conteste notre humanité ? À vos yeux, quels types de dangers continuent de peser sur l’humanité des Africains ? Et d’ailleurs en quoi consiste-t-elle précisément, cette humanité, et de quelles promesses serait-elle porteuse ?

Fabien Eboussi Boulaga : Ce qui nous alerte, c’est d’abord ce que nous éprouvons, une auto-affection faite de souffrance, de peine, de peur, de colère, mais aussi de joie, d’exaltation. C’est dans notre relation aux autres, y compris à nous-mêmes devenus autres pour nous-mêmes, que nous faisons l’expérience d’échapper à nous-mêmes.
La nomination ou la désignation de “ qui ” et de “ quoi ” peut occulter le caractère relationnel de notre posture et de notre humanité. Celle-ci s’exerce dans et par ses altérations, ses rencontres, ses heurts avec ce qu’elle considère comme son autre, son négatif ou son positif absolu. Les promesses que recèle notre humanité sont toujours hors de nous, ailleurs. La sagesse, dit-on, découvre que “ je est un autre ”, et dans un éclair, que l’ailleurs est ici, que l’instant est dans l’éternité.

Achille Mbembe : Très souvent, les Africains ont posé la question de leur humanité, ce qui la conteste et ce qui la met en danger, en relation à l’Occident. Souvent, ce dernier a d’ailleurs été posé comme l’obstacle premier à notre désir d’“ être par nous-mêmes ” et à notre volonté “ de nous faire ”. Quelle crédibilité faut-il accorder à cet argument ? Est-il seulement productif ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’Occident joue le rôle qu’on lui prête parce qu’il est l’autre nous-mêmes comme autre. C’est une des polarités parfois seulement possible, parfois actualisée de nous-mêmes. La dénégation soit de la différence, soit de la ressemblance, fait partie d’une histoire que l’Occident connaît aussi. Cette dénégation, il la connaît sous de multiples figures de son histoire dramatique, parfois tragique, mais aussi sous la forme d’une tension créatrice permanente.

Célestin Monga : Bien avant la mort de Léopold Sédar Senghor, la négritude semblait passée de mode. Pourtant, divers mouvements politico-intellectuels comme la ‘Renaissance africaine’ qui ambitionnent la résurrection du panafricanisme, voudraient en ressusciter quelques variantes. Le postulat de base de ces nouveaux modes de mobilisation est que tous les peuples noirs sont à mettre dans le même panier, qu’ils soient d’Afrique, des Caraïbes, des Antilles ou d’Europe. Que pensez-vous de cette vision des choses ?

Fabien Eboussi Boulaga : La négritude ne pouvait pas ne pas vieillir dans ses expressions elles-mêmes liées à un contexte conjoncturel. Elle a donc plus ou moins vieilli, mais selon la solidité de l’infrastructure conceptuelle qui la soutenait et l’énergie créatrice qui la soulevait. Qui conteste efficacement Aimé Césaire aujourd’hui ? Les tenants de la créolité se provincialisent quand ils parviennent à l’oublier. Twisted Evil Les variantes actuelles de la négritude peuvent être une illusion, une sorte de retard ou d’excentricité provinciale. Elles peuvent également être dues à l’absence de sens historique, à la méconnaissance des enjeux du présent dans leur tranchant unique, sans précédent. Il est sans doute plus juste d’y voir un hommage à ce que la négritude visait, au-delà d’elle-même et de ses expressions. Quoi ? Dans l’humanité se faisant, le moment de la négation de l’autre du fait de sa race, de sa couleur, de sa différence est d’une nécessité historique a posteriori. Nous avons là les limites d’un cosmopolitisme abstrait et d’une mondialisation idéologique.

L’essence humaine est celle de “ l’être-devenu ”, comme celle de Socrate est à jamais celle du questionneur inlassable condamné à mort en buvant la ciguë. On peut ajouter que si l’histoire ne se répète pas, la persistance des formes anciennes de la négritude suggère que le contexte de leur validité n’a pas totalement changé. Le rythme de l’évolution des mentalités et des structures de base des économies qui nous régissent situe les enfants des enfants des pères de la négritude dans la même période ou le même cycle historique. A l’intérieur d’un cycle, il y a des répétitions en spirale, et ce qui se produit comme tragédie peut y revenir comme farce.

Célestin Monga : La “ créolité ” a-t-elle une quelconque validité à vos yeux ? Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau mettent en avant le postulat suivant : “ Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles ”. Cette démarche esthétique, qui vise d’abord à explorer l’antillanité d’aujourd’hui, n’est-elle pas une quête éthique ?

Fabien Eboussi Boulaga : La créolité s’impose d’elle-même comme refus d’un identitarisme qui ne s’obtient qu’en érigeant en trait exclusif, en valeur absolue, une nécessité sans choix des multiples appartenances dont nous sommes les vecteurs. Elle est précieuse comme prise en charge et valorisation des lieux et des relations denses de proximité. L’éthique se soucie du prochain antillais. Sa validité est indirecte dans les relations ténues qu’elle entretient avec moi, avec les confins où opèrent la morale et la dialectique d’Aimé Césaire.

Achille Mbembe : À vous lire attentivement, vous ne préconisez, ni un retour pur et simple à la “ tradition ”, ni un rejet pur et simple de cette dernière. Vous suggérez que nous nous situions en continuité d’humanité avec les ancêtres en faisant de “ la tradition ” une “ utopie critique et mobilisatrice au présent . C’est ce que vous appelez “ la dialectique de l’authenticité ”. Pouvez-vous repréciser le rapport entre “ tradition ” et “ utopie ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : La tradition est ce moment où nous posons que ce qui nous est transmis de valeur est marqué du sceau de l’origine insaisissable en elle-même. La tradition est l’origine différée et en différé. Elle est relation à ce qui manque, nostalgie de ce qui est sous le mode de ne plus être. Qu’est l’utopie, sinon relation à ce qui manque, mais pour “ ne pas encore ” être ? Au lieu d’être situé derrière nous comme origine, l’utopie est devant nous comme fin, renouement avec une origine perdue et retrouvée à la fin, comme fin. Tradition et utopie sont une seule et même chose ou fonction considérée de points de vue différents. Le langage métaphysique établit cette équivalence en proclamant : “ Le commencement est la fin ” et réciproquement.

Célestin Monga : Ne pourrait-on pas penser que la tradition est un “ droit de vote ” attribué aux morts ? Obnubilées par le passé, nos sociétés ne finissent-elles pas par porter ce dernier comme un lourd passif ? Beaucoup de jeunes Africains estiment, en effet, qu’il est urgent que les générations actuelles inventent de nouvelles traditions, s’ajustent à l’ici et maintenant, et produisent des cultures qui seraient plus aisément compatibles avec les exigences des temps présents.

Fabien Eboussi Boulaga : Le vote des morts et des bêtes sauvages, c’est l’Afrique de Kourouma. La “ tradition ” est de l’ordre de la dette, de la reconnaissance d’une communauté avec ceux qui sont humains avant nous, sur le même arbre généalogique qui plonge dans la nuit des temps.

Les morts ne décident, n’agissent, ni ne parlent à notre place. J’évite de parler des traditions. Je préfère les mœurs. Elles changent : “ autres temps, autres mœurs ”. Les mœurs ne sont pas créées par les générations. Elles les unissent et les séparent tout à la fois. Les mœurs disent la similarité dans la dissemblance. L’erreur philosophique de la magie est de doter la similarité de la force de la causalité. Avoir la même culture ou des cultures adéquates aux exigences du présent ? Qu’est-ce, sinon mettre la culture en cause, faire de la similarité une cause ? La culture ne se substitue ni à la morale, ni à la politique, bref à l’action. Voir la culture comme source de la Renaissance africaine, c’est prendre un heureux effet pour l’ensemble d’une stratégie avec ses buts, ses actions, ses opérations, ses conflits et ses obstacles surmontés.

Personnellement, je doute que le poids du passé joue un rôle significatif et écrasant en dehors de la préservation et de la reconduction violente des institutions et du système des relations du régime colonial. Le passé, comme tel, n’entre plus dans la structure de l’action. Il conditionne, mais il ne détermine pas. L’action se conjugue au présent.

Achille Mbembe : D’autre part, vous faites valoir que la seule philosophie qui mérite ce nom est celle qui nous permettrait de nous renoncer à nous-mêmes, de mourir à nous-mêmes pour renaître à la vérité. De quelle vérité s’agit-il et comment concilier “ tradition ” et “ renaissance ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : Je doute que je parle de la vérité en un autre sens que celui de cette reprise de soi, de cette liberté de jugement et d’action sur les investissements dans lesquels nous nous trouvons déjà captivés avant de nous y être engagés nous-mêmes. La vérité, c’est nous-mêmes, désarmés, faisant face à mains nues à ce qui se découvre à nous comme notre tâche d’homme seul ensemble avec les autres, proches et lointains. C’est ici que “ tradition ” et “ renaissance ” se concilient. La philosophie ne commence jamais, elle recommence. La vie humaine ne naît pas avec moi, mais elle renaît.

Célestin Monga : Je souhaiterais que l’on aborde un certain nombre d’obstacles politiques et épistémologiques liés aussi bien à l’acte de penser et à la notion d’ “Afrique” qu’aux fonctions mêmes de l’intellectuel. Et d’abord, l’ “Afrique ” est-elle un concept opérationnel valide en sciences sociales ou dans les humanités ? L’épistémologie s’accommode-t-elle des frontières de la géographie ou des notions raciales ? En d’autres mots, existe-t-il des comportements, des manières d’être, de faire ou de penser qui soient spécifiquement “ africains ”, voire une philosophie, une science politique ou une économie typiquement “ africaines ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : Ce que j’ai suggéré plus haut postule et/ou implique que l’Afrique est un “ construit ”. Je dis quelque part que c’est une idée neuve posée par ceux qui décident de faire de cet espace géographique le lieu de leur orientation dans le monde et où ils inscrivent leur destinée. Ce qui m’apparaît comme une exploration encore plus excitante, c’est de “ penser spatialement ”, de substituer, à titre d’expérience de pensée, en tous les cas où l’opération est possible, l’espace au temps.

Au lieu du Sein und Zeit, esquissons un Seit und Raum. Le problème du spécifiquement africain s’écroule alors de lui-même sans faire place à l’universellement abstrait qu’on lui oppose. C’est une des issues des faux dilemmes où nous nous enfermons et qui nous paralysent. Nous ne pensons plus le contraire ou l’inverse, nous pensons autrement. Nous répondons que nous comprenons ces manières de penser, mais que ce n’est pas ainsi que nous réfléchissons et nous nous posons les problèmes. Ce n’est pas ainsi qu’ils nous viennent “ à l’idée ”.

Célestin Monga : Dans l’éditorial que vous écriviez alors pour le premier numéro de la revue Terroirs en 1993, vous expliquiez déjà que les ‘élites’ et les ‘guides’ qui nous ont conduit à la famine, à l’exode, à l’abjection de la misère et de l’assistance internationale sont des gens de bonne compagnie, doués d’astuce, plein de ressources et de savoirs. Vous disiez même qu’il ne faut pas hésiter à leur accorder une intelligence supérieure qui, dans l’environnement des relations humaines, démontre leur sens de l’opportunité, leur maîtrise des tactiques offensives et défensives en vue de leur propre survie et de l’accaparement du pouvoir. Pourtant, vous affirmiez également : “ La racine du mal africain est l’absence de pensée. ” Croyez-vous que ceux qui ont suffisamment d’intelligence pour conceptualiser l’appareil répressif soient aussi allergiques à la pensée ?

Fabien Eboussi Boulaga : Il y a diverses formes d’intelligence. On rappelle ce fait d’expérience aux pédagogues comme nécessaire pour amener chaque individu à se développer jusqu’au point où il pourra collaborer de façon fructueuse avec les autres. La fin est ici d’être parvenu à reconnaître ses limites et à voir qu’elles se dépassent grâce aux autres qui sont différemment limités. Le premier déficit de pensée est la méconnaissance intellectuelle et pratique de cet horizon de totalité, où l’absence de décentration conduit à l’exaltation de son individualité et à l’absolutisation de sa particularité.

La pensée est la reconnaissance du “ Connais-toi toi-même ” comme mortel. Le moderne appréhende mieux l’absence de pensée en comprenant l’intelligence comme l’ensemble de “ ruses ” dont sont capables les prédateurs que nous avons longtemps été, que nous pourrions être, et que nous sommes encore, pour notre survie, la défense et l’attaque. Toutes les technologies dérivent de cette nécessité de parer aux agressions, d’appliquer efficacement une énergie à une adversité à transformer, à détourner ou à capter, à instrumentaliser.

La pensée est alors la faculté de l’inutile, de ce qui est poursuivi pour la beauté ou l’existence de lui-même, y compris notre existence qui ne sert à rien. La pensée est donc cette capacité à revenir à soi décentré, à être sans jalousie, comme la divinité, en paix et joie avec soi et avec les autres. Dans cette terminologie, il n’est que tautologique de dénier la pensée à l’intelligence prédatrice. Malgré sa sophistication, elle ne se dégage pas du règne reptilien paléontologique.

Célestin Monga : L’écrivain nigérian Chinua Achebe met en garde les intellectuels africains contre la tentation de se croire propriétaire d’un savoir et de vouloir légiférer au nom du continent. Quelle est, d’après vous, la fonction d’un intellectuel dans le contexte africain actuel ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’écrivain nigérian a raison. On ne s’autoproclame pas intellectuel. L’intellectualité n’est pas une propriété privée individuelle. Elle ne fonctionne que là où la connaissance est reconnue comme une valeur irréductible parmi celles qui structurent une communauté humaine, à côté de quelques autres tout aussi irréductibles comme le pouvoir, la richesse, la poésie, la ritualité ou l’étiquette. C’est dans une synergie avec ces autres valeurs que la connaissance développe une éthique et une esthétique de la pensée comme sa contribution spécifique à l’aventure commune de vivre et de mourir en humains.

On peut donc dire qu’il n’y a pas d’intellectuels opérationnels là où une société ne reconnaît pas l’intelligence comme valeur structurante irréductible. C’est là un radotage pour ceux qui me fréquentent. Le rôle de l’intellectuel est de démontrer la nécessité de la fonction de l’intelligence et son caractère irréductible face au pouvoir et à l’argent ou à la richesse.

Achille Mbembe : Vous êtes de ceux qui ont sans doute articulé la critique africaine la plus radicale du christianisme. Vous avez voulu croire qu’il était possible pour les Africains de “ croire autrement ” au sein de l’Eglise. Vous vouliez fonder une critique et reprise du christianisme qui aurait remis le dogme à sa place et qui aurait libéré un espace pour une pratique de la foi qui soit en même temps une pratique de la liberté, à l’écoute des problèmes réels de l’existence africaine. Comment, d’après vous, se pose aujourd’hui la question de Dieu et du dogme en Afrique ? Les pratiques du religieux que l’on observe ici et là semblent s’exercer dans un contexte culturel où la vieille opposition du vrai et du faux, de la vérité et de l’erreur ne joue plus les mêmes fonctions qu’auparavant. Aujourd’hui, chacun est plus ou moins libre de créer son église et de se déclarer prophète au nom de la foi et de la “ vérité ”. N’assistons-nous pas à l’implosion du dogme lui-même ? Compte tenu de la prolifération des instances de vérité, comment articuler une nouvelle critique politique du christianisme en particulier ?

Fabien Eboussi Boulaga : Premièrement, “ croire autrement ”, c’est se refuser de tenir le contraire de ce qui est cru par les autres, de se contenter de le défendre, d’en faire l’apologie ou de le maintenir grâce à un art de l’interprétation. Deuxièmement, “ croire autrement ” peut être de l’ordre de la description. Il y a des christianismes ou des façons de se comprendre chrétien autrement qu’à travers la grille des dogmes et des pratiques convenus, parfois sans églises. Qu’est-ce alors croire ? Troisièmement, quelle explication ou interprétation peut-on donner aux dogmes dans ces cas de figures ? Partir des dogmes pour se prononcer sur leur éclatement, c’est leur donner une valeur normative en vigueur dans son point de départ, mais ce n’est pas comprendre à la manière de ce qui n’est un point d’arrivée que par une pétition de principe. Dieu et les dogmes surgissent ou ne surgissent pas dans les indéfinies reconfigurations du christianisme.

Celle de l’ouvrage Christianisme sans fétiche en est une parmi d’autres et contient son propre système d’inférences et de justifications. Pour le reste, le vrai et le faux n’ont pas la même signification dans les religions ou les idéologies que dans la vie ordinaire ou les pratiques discursives scientifiques. Dans les religions, ils sont une déclaration d’appartenance, d’inclusion ou d’exclusion. Ils ont donc une valeur performative, sacramentelle puisque faisant ce qu’ils signifient. Ils ont trait à ce qui rend possible le vrai et le faux des autres régimes. La profession ou la déclaration du vrai et du faux est auto-implicative : il y va du sens de la vie et de la mort de celui qui la prononce.

Achille Mbembe : Il est de nombreux passages de votre livre Christianisme sans fétiche où vous plaidez en faveur d’une forme de spiritualité attentive à la dramatique de la mort et de la vie et aux conditions de genèse de l’homme. D’ailleurs, au détour d’une réflexion sur la puissance transfigurante du Christ, vous vous livrez à une fascinante méditation sur le thème de la mort. Je voudrais que nous nous attardions sur ce thème en particulier en examinant, non pas les rapports entre la mort et la foi, mais entre la mort et le politique. Quels sont, dans l’Afrique actuelle, les “ lieux de mort ” qui devraient nous interpeller le plus ? Quel est le type de parole qui émerge de ces lieux et à quelles conditions cette parole pourrait-elle constituer le fondement d’une pratique spirituelle pour les temps qui sont les nôtres ?

Fabien Eboussi Boulaga : Dans Christianisme sans fétiche, il y a une injonction à arracher le mythe de l’imaginaire en l’historicisant et en le politisant. C’est par là qu’on retrouve la puissance universelle de ce qui risque d’être emprisonné dans les catégories appauvrissantes de l’entendement, sans l’horizon de la pensée régulatrice et dérégulatrice des représentations et des constructions de celui-là.

Le mal propre du politique est la malemort qu’il inflige dans une configuration où le meurtre, le mensonge et le vol (l’expropriation sous toutes formes) font corps ou système et sont comme institués. Les lieux de cette mort insensée sont : a) dans la parole vidée de ses fonctions d’élucidation, de connaissance et d’engagement par la promesse, le serment. Il en résulte l’empire du faux, quand le mensonge se fait monde ; b) dans l’expropriation, la privation et la destruction des capacités humaines de se construire ensemble avec les autres.

La multiplication des morts vivants, des zombies situés en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire dans la misère, sans possibilité d’accès au répit du combat harassant contre la faim, la maladie, l’ignorance, de manière à se poser les questions “ inutiles ” de la valeur, de la différence des genres de vie possibles : voilà ce qui crée les hommes superflus et éliminables par des choix ou l’absence de choix stratégiques, par la porte grande ouverte à la corruption, à la prédation généralisée. Le meurtre chaud ou froid, direct ou indirect qui en résulte est devenu mode de gouvernement. Il est dérisoire et cruel de se gargariser de discours sur la démocratie, les droits de l’homme, dans une culture de la mort dévaluée d’hommes superflus et encombrants.

Célestin Monga : L’idée d’une dévaluation de la mort est particulièrement intrigante et nécessite quelques développements. Ne peut-on pas penser que l’équivalence générale entre la mort et la vie conduit beaucoup d’Africains de toutes les couches sociales au désespoir et au suicide par inaction ? La mort peut-elle servir d’épouvantail aux millions d’enfants que le pouvoir politique condamne à la violence et à l’errance ?

Fabien Eboussi Boulaga : Il n’a jamais été bon de se servir de la mort comme épouvantail. Il me semble que cette manière de faire malsaine n’a jamais été d’une efficacité durable. Le spectacle désolant de nos morts innombrables ne fait pas naître nécessairement le courage et la pitié. L’accumulation des statistiques des catastrophes avec leurs victimes est une abstraction qui touche seulement le petit nombre de ceux qui se croient investis d’une mission de sauver nos sociétés. L’action commence toujours par elle-même, comme la liberté, me semble-t-il. Tout le reste est une forme de résignation, devant ce bloc opaque que vous nommez le pouvoir politique.

Achille Mbembe : Un dernier mot sur votre tentative de démythologisation du christianisme. Vous semblez n’accorder – du moins dans Christianisme sans fétiche - qu’une place limitée au motif de la “ résurrection ”. Pourtant, le thème de “ la vie qui donne sens à la mort ”, et de “la mort qui transforme la vie ”, de la mort comme “nécessaire à la vérité de la vie et comme source de solidarité, de communication et de réciprocité entre les vivants ” - tout cela parcourt très profondément votre méditation. Dans le contexte actuel, quelles formes pourrait prendre une critique du politique ayant précisément pour pierre angulaire ce souci de la vie ?

Fabien Eboussi Boulaga : Cette question appelle une explicitation du rapport de la mort à la vie, du rôle transformateur de la mort, de sa fonction de solidarisation des vivants et de médiation de leur communication, d’opérateur de leur réciprocité. C’est là un vaste programme, celui d’une anthropologie de la mort revisitée. Quelques uns de ses éléments et de ses jalons sont présents dans Christianisme sans fétiche et dans quelques esquisses ultérieures, tout comme ce qui en découle : une critique du politique, avec pour critère de base sa capacité ou son incapacité à promouvoir les conditions d’une vie sensée.

L’axiome inspirateur de cette critique est qu’une communauté humaine se comprend comme constituée de vivants et de morts, de visibles et d’invisibles. Le souci de la vie devient névrotique s’il n’est pas en même temps souci de la mort et non sa dénégation. Cette loi vaut pour les peuples qui l’objectivent et pour les individus qui la subjectivisent. Les morts, sous des formes variées (les “ valeurs ” entre autres), sont les tiers invisibles et inclus, qui permettent le jeu humain de la réciprocité et de la médiation.

Célestin Monga : Les philosophes comme Daniel Dennett et certains historiens affirment que l’avènement de la religion est en réalité un phénomène relativement récent dans l’histoire de l’humanité. En fait, presque aucun chercheur ne prétend que l’homme du Cro-Magnon ou du Neandertal était particulièrement spirituel. L’on observe aussi une absence totale de corrélation entre la ferveur religieuse qui met en transe des centaines de millions d’hommes et de femmes en Afrique, dans les Amériques et en Asie, et le niveau d’exigence éthique validé par les populations de ces régions-là. Au Cameroun en particulier, j’observe par exemple que les gestionnaires de fonds publics qui ont le plus de choses à se reprocher sont aussi ceux qui se bousculent tous les dimanches au premier rang dans les églises. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Comment comprendre d’un coté le désir de Dieu qui semble inspirer tant de monde et, de l’autre, le besoin de péché et l’absence de spiritualité dans les actes de la vie quotidienne ?

Fabien Eboussi Boulaga : La définition de la religion comme communauté des vivants et des morts avec leurs relations et leurs transactions supposées est aussi vieille que l’homo sapiens ! Il ne faut pas être spirituel au sens parfois éthéré de certains modernes pour enterrer ses morts, leur réserver une place vide, leur adresser des paroles et des signes, se croire le véhicule de l’invisible ou possédé par un génie, un dieu, proférer des paroles qui tout en émanant de vous, nous dépassent et nous constituent. La religion n’est pas la décence civilisée et bourgeoise. Elle comprend la notion de sacrifice (pour le meilleur et pour le pire). En effet les raisons sacrées ou divines de vivre valent plus que la vie.

La religion est aussi crainte et tremblement. Elle n’est pas toujours synonyme de paix. Ce que vous décrivez, c’est la religion comme superstition ou névrose, scrupule qui accumule des garanties qui appellent sans fin d’autres garanties, dans un infini qui est indéfini. Les religions comportent leurs maux spécifiques. L’hypocrisie en fait partie ainsi que l’intoxication de soi et l’idolâtrie sous toutes ses formes. Voilà pourquoi il est permis de les juger, par leurs conséquences profanes, les plus petites pour l’homme du commun. Il est aussi salubre de les comprendre à partir de ce qu’en fait l’homme qui, tout en reflétant un monde sans âme, exprime dans un seul et même mouvement. Ici aussi, la religion du pauvre n’est pas celle du bourgeois et du puissant satisfait. L’équivoque frappe les mots communs qu’ils prononcent, pour le pire et, parfois, pour le meilleur.

Célestin Monga : Restons, un moment, dans le registre de l’actualité immédiate. La globalisation (mondialisation) est de plus en plus contestée, parfois par ceux-là même qui tirent profit des avancées scientifiques et des progrès technologiques qui stimulent ce processus. Comment vous situez-vous par rapport au mouvement anti-mondialiste ? Le libéralisme économique est-il un mal absolu pour les sociétés africaines ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’homme ordinaire ne rencontre pas la mondialisation, mais les individus, les objets dont il trouve l’usage intéressant en certains cas où ses tâches en sont facilitées. Il est face à des institutions dont les règles peuvent l’aider à certains égards et l’entraver à d’autres. Il n’est pas soustrait à des relations, à la gestion des proximités qui ont leur propre poids.
Les anti-mondialistes sont nos alliés quand ils éveillent notre sens critique, qu’ils nous alertent contre la croyance que le développement exhibé par les pays qu’on dit les plus avancés, les plus puissants, est devenu le dernier mot de l’histoire. Les choses sont ce qu’elles sont, dit-on. D’accord, mais elles auraient pu être autrement. Nous pouvons et devons participer à une aventure encore ouverte, sans derniers ni premiers, celle qui sera précisément une œuvre commune.

Célestin Monga : Vous avez écrit récemment à propos de ceux qui tentent de définir le “ terrorisme ” et souligné le fait que ce phénomène reflète d’abord un “ conflit d’anthropologies ”. Traitant du “ terrorisme ”, comment peut-on éviter à la fois la tyrannie de l’opinion majoritaire en Occident (“ l’émotion répulsive universelle ” comme vous le dites) et le relativisme cynique de ceux qui voudraient moraliser la violence contre les innocents au nom d’une certaine figure de la loi du Talion ?

Fabien Eboussi Boulaga : Une certaine conception voudrait que l’histoire soit une succession où les dominés d’hier deviennent les dominants d’aujourd’hui ou de demain, et où les victimes d’hier doivent se rendre capables de devenir les persécuteurs d’aujourd’hui. De cette façon de voir naît l’ambition d’arrêter l’histoire, de constituer une domination perpétuelle de ceux qui ont la puissance du moment.

Le “ terrorisme ” peut servir d’épouvantail et servir ce dessein de stabilisation par la guerre préventive. “ Terrorisme ” et “ contre-terrorisme ” participent de la même philosophie de l’histoire. La lutte pour ou contre “ la civilisation ” allègue la transcendance des fins. Selon Aristote et le bon sens, on est toujours d’accord sur les fins, le désaccord est sur les moyens de ces nobles fins.
Soucions-nous de la survie de ceux qui meurent des famines, des guerres et des maladies par millions, de la mort à bout touchant par le paludisme, le sida, les effets de la corruption de ceux qui gouvernent le monde et leurs fondés de pouvoir locaux. Alors, peut-être, le problème du “ terrorisme ” nous apparaîtra sous un autre jour.

Célestin Monga : Les formes dans lesquelles s’énoncent nos manières d’exister et d’agir évoluent constamment. Les vecteurs d’expression que nous utilisons dépendent parfois du rapport de forces sociales, des urgences et des impératifs du moment. Par tradition, l’écriture a toujours eu une longueur d’avance sur les autres modes d’expression de la pensée. Pensez-vous que la musique, les arts plastiques ou même le sport soient devenus aussi des lieux d’énonciation d’une exigence éthique et esthétique ? Vous arrive-t-il d’ailleurs de regarder des matches de football à la télévision ?

Fabien Eboussi Boulaga : Il n’est pas difficile de vous concéder que la littérature de fiction ou la poésie ont été plus loin et plus vite que les idéologues. La musique plus clairement encore, est un lieu de créativité incontestable. Je participe assidûment et avec plaisir au phénomène mondial du football. On peut en faire des lieux exemplaires et proposer en modèle la discipline et les modèles qui y ont cours. Je crains cependant que ce ne soit un moralisme facile, sans la moindre garantie d’avoir un effet d’entraînement. Le passage à l’action et au monde de la conflictualité politique, économique et sociale est passage à un autre ordre.

Achille Mbembe : Je voudrais que nous revenions sur un des aspects qui, me semble-t-il, a toujours constitué la ligne de force de votre réflexion : la question de la transformation de la vie et de la genèse de soi. C’est ainsi qu’au début des années quatre-vingt dix, vous vous êtes intéressé au phénomène des “ conférences nationales souveraines ”. À travers elles, c’est la question du possible avènement, dans l’histoire africaine, de ce que l’on pourrait appeler “ une relation de liberté ” qui préoccupait le philosophe. Qu’est-ce qui reste, aujourd’hui, de cet événement ? Pour advenir à cette relation de liberté et renaître au monde, l’Afrique ne doit-elle pas, au préalable, avoir vaincu la peur de la mort ?

Fabien Eboussi Boulaga : La banalisation de la mort est aujourd’hui notre expérience la plus quotidienne et la plus destructrice. L’Afrique s’est bâtie dans la rareté de la vie qui faisait le sérieux de la mort, d’hommes surabondants des explosions démographiques non contrôlés et de la misère des guerres barbares, avec leurs seigneurs triomphants, leurs enfants sanguinaires, massacrés et mutilés tous ensemble.

Nous méprisons la vie plus que nous ne craignons la mort. Nous tournons en dérision ou nous tenons pour rien la mort des autres.
J’ignore si ceci est un prélude clair à une renaissance, sauf si par là nous avons atteint le fond de l’abîme. Des conférences nationales, il reste un goût d’inachevé. Aucune d’elle n’a sondé les abîmes qu’elle a ouverts sur un mode de gouverner par le meurtre, la torture et la terreur. L’Afrique du Sud est-elle l’exception qui confirme la règle ? Je ne sais.

Achille Mbembe : S’agissant précisément de la culture de la dérision, l’écrivain Sony Labou Tansi avait coutume de dire qu’il avait “ la curieuse impression que l’Africain se joue la comédie à vie ”. Que cette comédie fut dramatique ou tragique, elle était, de toutes les façons, du moins à ses yeux, une comédie. Partagez-vous ce point de vue ? Si oui, comment expliquez-vous ce côté théâtral de notre vie ?

Fabien Eboussi Boulaga : À quelle expérience de l’Afrique se réfère l’écrivain Sony Labou Tansi ? À la Brazzaville qui conjugue allègrement la sape, le meurtre, la danse, un hédonisme rentier et irresponsable de ses chefs et de ses élites ? Toute société détachée du travail productif qui s’en remet à des puissances tutélaires visibles et invisibles tombe en décadence et dans le jeu tragique. L’Afrique ne survit que parce que le fond de la vie n’est pas théâtre. Mais elle engendre, dans ses marges, une classe d’esthètes, de joueurs et de jouisseurs. Enfin, elle a un mode de faire face à l’adversité qui ne répond pas aux normes attendues. Le drame de ceux qui nous veulent du bien n’est-il pas, selon vous-mêmes, qu’ils savent ce qui doit être sans savoir ce qui est ? Comment dériver l’être du devoir-être ? Pourquoi ne pas tirer légitimement son possible de son être ?

Achille Mbembe : À votre avis, à quoi est dû le fait qu’une énorme part de notre vie n’ait guère trouvé place dans nos récits, dans notre écriture et dans notre pensée ? Est-ce un problème de langage ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’art de dire ou de raconter quelque chose qui arrive à quelqu’un en fonction de la “ nature ” de ce quelque chose, de ce quelqu’un, dans le lieu et le moment indiqués, est la chose la mieux partagée. Les récits innombrables prennent en charge une partie infinie du flot continu de ce qui arrive et nous arrive. Le déficit d’expression dont vous parlez est mesuré par les normes idéales d’une performance propre à une mince couche sociale censée “ écrire ” et “ penser ”. Pour qui écrit-elle ? De qui veut-elle être reconnue ?

L’écriture est serve ou captive quand elle privilégie ce qui doit être au détriment de ce qui est ; quand elle souscrit aux exigences sournoises du “ développement ”, de la “ croissance ”, de la “ démocratie ”, du “ marché ”. Elle est sous surveillance, un procès de dénigrement de soi, de victimisation de soi, ou d’apologie. Cette condition empêche la venue au langage lettré ou savant de ce qui se raconte au quotidien et constitue son arrière-plan. Mais cette rumeur ambiante a sa propre vie. Elle n’est pas une matière première en attente d’un démiurge qui la transforme en or dans la foire des échanges et pour la bourse des valeurs d’une culture cosmopolite et néanmoins dominante.

Achille Mbembe : Arrêtons-nous, précisément, sur cette “ mince couche sociale ” censée ‘écrire’. Si vous le voulez bien, laissons de côté, du moins pour l’instant, les problèmes d’audience et de reconnaissance que vous soulevez à juste titre, ou encore ceux qui ont trait à la vie du langage et à la question des valeurs. Pendant longtemps l’acte d’écrire, en Afrique, semble avoir eu partie liée avec une certaine économie de la subversion. C’était notamment le cas pour votre génération – celle qui a produit des romanciers comme Mongo Beti. À votre avis, que subsiste-t-il de la fonction subversive de l’écriture aujourd’hui ? Le rapport de quasi-équivalence établi par votre génération entre écriture et messianisme/prophétie peut-il encore servir de point de départ à la critique esthétique dans l’Afrique contemporaine ?

Fabien Eboussi Boulaga : Dans la littérature africaine, il y a des discours prophétiques relevant de messianismes religieux ou laïcisés. Des poètes de chez nous se sont pris pour des mages à l’instar de ceux du romantisme européen. Beaucoup plus nombreux sont les écrivains qui se sont vus comme les porte-parole et les porte-étendards des souffrances, des aspirations, du génie de leurs peuples. D’autres se sont inscrits dans le sillage de l’idéologie émancipatrice de la philosophie des Lumières ou de celle des socialismes. Je doute que le rapport à l’écriture ait été dominé par le prophétisme. L’écriture a été principalement accès au cercle dominant, à certains de ses avantages et de ses immunités marginales. La critique de l’esthétique peut commencer utilement par des questions simples du genre : à quelles contraintes obéissent aujourd’hui les industries culturelles ? À quel public s’adresse l’auteur et pour qui écrit-il ? Qui achète le livre et qui le lit ? Elles pourraient conduire au cœur du problème.

Achille Mbembe : Vous vivez dans un “ lieu ” (le Cameroun) où, de l’avis des Camerounais eux-mêmes, l’impression est que la grimace fait loi. À supposer que cela soit vrai, quelles conséquences cela a-t-il sur votre corps et sur votre système nerveux ? Comment vit-on au milieu de la bêtise et de la grimace sans succomber à la tentation qui consisterait à la contempler, à se laisser fasciner par elle, ou encore à la mimer en s’y abandonnant ?

Fabien Eboussi Boulaga : Chacun peut s’inventer une hygiène mentale de sa façon. On peut se donner pour règles de conduite générale les maximes suivantes. La première emprunte à Hegel. Elle stipule que le penseur digne de ce nom n’est pas celui qui se croit meilleur que son temps. La deuxième est un pari rationnel qui se formule comme suit. Dans une situation où l’on croit que “ les fous dirigent les sages, c’est la conduite des sages qu’il faut changer pour éviter ou limiter les catastrophes, car c’est sur elle qu’il est possible d’agir ” (J.-P. Derriennic).

Achille Mbembe : Parallèlement à ce “ souci de soi ”, vous évoquiez il y a quelques années trois ou quatre piliers anthropologiques possibles d’une politique africaine de la vie et de la démocratie : la guérison et la fête, les âges de la vie, le lien des générations. Pourquoi estimez-vous que l’on dispose là des éléments pour une reprise critique de ce que l’on pourrait appeler “ l’humanisme africain de demain ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : Très brièvement et en énigme - parce que ces piliers indiquent la région de la réciprocité des vivants et des morts, celle du don sans contrepartie marchande, notamment celle de la transmissibilité de la vie humaine, dont nul n’est le père ni la mère. Bref, ces “ piliers ” sont ceux d’une anthropologie où l’on ne définit ni l’homme, ni la liberté comme celui ou ce qui est propriétaire de soi et de ses appropriations.


Entretien avec :
- Achille MBEMBE, Professeur d’histoire
et de sciences politiques à l’université du Witwatersrand (Johannesbourg) et directeur de recherche à la Witwatersrand Institute for Social and Economic Research
(WISER) – auteur de De la postcolonie (Paris, Karthala, 2000).
- Célestin MONGA, Lead Economist
et conseiller du premier vice-président de la Banque mondiale (Washington)

_________________
"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon
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Gnata
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MessagePosté le: Ven 03 Aoû 2007 02:50    Sujet du message: Répondre en citant

Chabine a écrit:
J'aurais du te répondre depuis loooooooooongtemps, tu as du m'attendre fatiguééééééééééé (surtout que jai d'autres chantiers en cours) Razz
La majeur partie du temps , on repond au moment excact où on doit repondre , ce sont les autres qui croient qu'on ne le fait pas assez vite ou qu'on le fait lentement à leur goût ...

Citation:
Bon, je comprends tes réticences sur ce genre de livres de vulgarisation, mais dans ce cas précis, je pense qu'elles sont infondées, car ce livre est vraiment, non pas une référence, mais une introduction, une incitation à aller plus loin Smile

Autant pour moi donc , je généralise , car il est commun de rencontrer des synthèses de philosophies qui à leur toute fin effleurent des sagesses venues d'autres cieux sans y prêter attention .
Citation:
Achille Mbembe et Célestin Monga ont eu un long échange avec le philosophe camerounais. Une conversation triangulaire dont les lecteurs apprécieront sans doute la hauteur et la qualité.

Achille Mbembe est encore lisible , dans le sens de saisir l'idée dans ses vadrouilles pamphlétaires , ce qui n'est pas aussi facile avec Eboussi-Boulaga , Mudimbé se gaussait royalement du fait que l'hermetisme de son fameux La Crise du Muntu a dû surement empêché nombre d'Africains de le lire ( ce que malheureusement je lui concède ) , l'oeuvre est tellement remplie d'expressions théologiques\philosophiques qu'il est quasiment impossible à déchiffrer sans dictionnaire à ses côtés , enfin ce fut mon cas ( bienheureux ceux qui l'ont lu en n'y ayant pas recours Laughing ) personnellement ( et c'est personnel ) je le compare à Kant ( sans fausse modestie ) , La Critique de la Raison pure et La crise du Muntu sont de la litérature fait par des âmes similaires .

E-Boulaga dans l'interview a écrit:
Les descriptions et discussions phénoménologiques parfois obscures de l’ouvrage visent à partir de ce socle et à y revenir, comme à la pierre de touche des offres et demandes qui nous assaillent.
Il résume bien lui-même ce que tous pensons de ses écrits .

P-e que ( surement même je dirais ) la philosophie est trop importante pour lui ( Eboussi-Boulaga ) pour se limiter à squatter des lieux trop communs , il ne fait pas dans la vulgarisation dans ses reflexions , il impose qu'on s'élève avec lui dans les cîmes de son monde , voilà pourquoi sa critique de l'ethnophilosophie et aussi comme dans ce entretien de l'incapacité à realiser le projet de son La Crise du Muntu ..., faudrait d'abord comprendre ses solutions avant de les appliquer Laughing

Avant même de lire le livre il faut savoir ce que signifie Muntu , pour un non-Africain et même un Africain non-Bantou , le terme reste vague , abstrait , alors que E-Boulaga ne perd pas son temps à l'expliquer ( voilà le philosophe ) c'est plus loin , une centaine de pages plus loin donc , étant pris dans les filets de sa bulle intelctuelle , dans ses sphères , qu'on reconnaît ce qui est supposé être à mi-chemin entre l'âme et la Personne : Le Muntu .

L'imposition ( devrait-on pourtant dire Description ) d'un discours philosophique à un Bantou lambda devient pour lui problématique , pourtant la thématique devait être vue autrement ( enfin c'est ce que je crois ) , tout comme Hountondji , sa critique contre l'ethnophilosphie comporte bien des questions ...

Merci pour le texte Chab , je vais le lire à tête reposée .
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"Always be intolerant to ignorance but understanding of illiteracy (..)in those homely sayings (mother wit) was couched the collective wisdom of generations" I know why the caged bird sings, p99, Maya Angelou
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ARDIN
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MessagePosté le: Sam 04 Aoû 2007 20:16    Sujet du message: Répondre en citant

Gnata a écrit:
Merci pour le texte Chab , je vais le lire à tête reposée .


Gnata, Chabine, nous avons eu sur Iphri, il ya plus d'une annee de cela, un debat relatif a ce sujet. Je vous invite a le decouvrir ici
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l'Hommage a Cheikh Anta Diop sur PER-ANKH
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Gnata
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MessagePosté le: Dim 05 Aoû 2007 01:54    Sujet du message: Répondre en citant

ARDIN a écrit:
Gnata a écrit:
Merci pour le texte Chab , je vais le lire à tête reposée .


Gnata, Chabine, nous avons eu sur Iphri, il ya plus d'une annee de cela, un debat relatif a ce sujet. Je vous invite a le decouvrir ici

Salut vieux Frère .

Comment vas-tu , long time .
Je fini de lire votre échange intéressant ( qui s'est mué en un autre sujet on dirait Wink ) , je ne suis pas le seul à trouver E Boulaga balèze , je comprends qu'il utilise la semantique de sa profession , perso je n'ai rien à dire la dessus , c'est juste que sur les idées je ne suis pas de son avis sur certains points ( disons un seul ) .

J'y reviendrai .

Je t'ai lancé un mp ...

A+.
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bamiléké
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MessagePosté le: Dim 05 Aoû 2007 15:37    Sujet du message: Répondre en citant

Chabine a écrit:
Gnata a écrit:
Chabine a écrit:
Mes amis, je ne peux que vous remercier pour ce superbe topic, depuis le temps que j'en rêvais !!!
et

En ce qui me concerne, je n'ai encore rien lu concrètement Embarassed , faute de bibliographie, mais je peux quand même considérer avoir eu une introduction à la philosophie africaine à travers ce livre de vulgarisation basique :

http://www.follmi.com/spip/article.php3?id_article=97


Salut Chab , long time , where the hell were you been , though?

La systématique différence que certains/ la plupart des européens font entre LEUR philosophie et la sagesse DES AUTRES , m'exaspères un peu , en fait beaucoup même , EUX ont une PHILOSOPHIE , mais NOUS nous ne pouvions avoir qu'une SAGESSE , sans plus !
J'ai déjà moi aussi achété un livre du même genre où était repertorié plusieurs "sages" ( faut comprendre , tous etaient non-occidentaux ) de partout sauf d'Occident , même si c'est ce genre de bidule qui a piqué en partie ma curiosité à rechercher les Philosophes Afro , je me suis juré , après coup , de ne plus me faire avoir ...
Je soupconnes ton bouquin de la même forfaiture , heureux que cela puisse être un cadeau ( personnellement je ne l'aurais pas achété ).

J'aurais du te répondre depuis loooooooooongtemps, tu as du m'attendre fatiguééééééééééé (surtout que jai d'autres chantiers en cours) Razz

Bon, je comprends tes réticences sur ce genre de livres de vulgarisation, mais dans ce cas précis, je pense qu'elles sont infondées, car ce livre est vraiment, non pas une référence, mais une introduction, une incitation à aller plus loin Smile

Gnata a écrit:
Citation:
Avec les bribes de philosophie africaine que j'ai découvert à travers ce livre, j'ai tout de suite ressenti une cohérence d'ensemble, l'individu étant placé au sein de la communauté, mais aussi comme une part du cosmos. Celà m'a parlé immédiatement, c'st exactement le type de pensée qui correspondait à ma vision du monde Smile On comprend tout de suite pourquoi ce livre s'intitule "Origines".

J'étais convaincu qu'il y avait une différence entre les philosophies , j'ai déjà pleins de noms ( grâce à vous ) et ce ne serait pas de refus si tu nous placais quelques bribes de phrases genre oppositions entre philo Afro Vs asiatique ect pour nous montrer l'affaire Wink

OK, promis, quand j'aurai passé mon agrégation de philo en candidat libre, je te fournirai cette analyse comparée Laughing Laughing Wink

Bon, revenons à nos cabris Razz Un entretien fort riche avec le philosophe camerounais Fabien Eboussi Boulaga (merci à ARDIn pour la recommendation Wink )

http://www.bonaberi.com/article.php?aid=2434

Monga-Mbembé : Rencontre avec Fabien Eboussi Boulaga
(20/07/2006)

Achille Mbembe et Célestin Monga ont eu un long échange avec le philosophe camerounais. Une conversation triangulaire dont les lecteurs apprécieront sans doute la hauteur et la qualité.


Achille Mbembe : “Il nous suffit d’avoir fait acte de pensée et de lucidité”, écriviez-vous dans la préface de votre ouvrage La crise du Muntu en 1979. À l’époque, vous étiez préoccupé, comme la plupart des penseurs africains de votre génération, par la question de la “ reprise de soi ”, c’est-à-dire d’un coté “ le désir d’attester une humanité contestée ou en danger ”, et de l’autre, “ celui d’être par et pour soi-même ”. Au vu de ce que nous sommes devenus depuis que ces lignes ont été écrites, que reste-t-il de ce projet aujourd’hui ? Que signifie, dans les conditions actuelles, faire “ acte de pensée et de lucidité ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : La crise du Muntu, achevée en 1974, a été publiée en 1977. Il serait surprenant que ce livre n’ait pris aucune ride. Mais en ce qui concerne ce que vous appelez son “ projet ”, il me semble qu’il demeure intact, n’ayant pas été réalisé ni entamé.
La raison en est qu’il est la présupposition de tout accomplissement qui se veut comme l’expression de ce que nous éprouvons spécifiquement et irréductiblement. C’est ce que visent des termes tels que “ la présence à soi ”, la responsabilité intellectuelle et morale de ce qu’on dit et que l’on fait, “ la raison libre et la liberté raisonnable ”.

Les descriptions et discussions phénoménologiques parfois obscures de l’ouvrage visent à partir de ce socle et à y revenir, comme à la pierre de touche des offres et demandes qui nous assaillent. Elles doivent passer par le crible de notre jugement et de notre vigilance tout comme ce que nous-mêmes proposons. Faire acte de pensée et de lucidité, voilà l’essentiel au-delà des étiquetages scolaires, disciplinaires et partisans.

Célestin Monga : Vos premiers travaux philosophiques ont porté sur ce que vous appeliez le “ Bantou problématique ”. Vous vous êtes ensuite appesanti sur ce que vous avez appelé la crise du Muntu. Quelle évaluation faites-vous aujourd’hui de la situation du Muntu ?

Fabien Eboussi Boulaga : Le Muntu est l’homme dans la condition africaine et qui doit s’affirmer en surmontant ce qui conteste son humanité et la met en péril. C’est à lui de faire l’évaluation de sa situation, de ce avec quoi et contre quoi il a à compter pour se faire une place, sa place dans un monde commun, dans le dialogue des lieux en quoi il consiste concrètement.

Achille Mbembe : Arrêtons-nous, un moment, sur le désir africain d’attestation d’une humanité contestée ou en danger. Où en sommes-nous aujourd’hui et où en est-on de ce désir ? Qui et qu’est-ce qui conteste notre humanité ? À vos yeux, quels types de dangers continuent de peser sur l’humanité des Africains ? Et d’ailleurs en quoi consiste-t-elle précisément, cette humanité, et de quelles promesses serait-elle porteuse ?

Fabien Eboussi Boulaga : Ce qui nous alerte, c’est d’abord ce que nous éprouvons, une auto-affection faite de souffrance, de peine, de peur, de colère, mais aussi de joie, d’exaltation. C’est dans notre relation aux autres, y compris à nous-mêmes devenus autres pour nous-mêmes, que nous faisons l’expérience d’échapper à nous-mêmes.
La nomination ou la désignation de “ qui ” et de “ quoi ” peut occulter le caractère relationnel de notre posture et de notre humanité. Celle-ci s’exerce dans et par ses altérations, ses rencontres, ses heurts avec ce qu’elle considère comme son autre, son négatif ou son positif absolu. Les promesses que recèle notre humanité sont toujours hors de nous, ailleurs. La sagesse, dit-on, découvre que “ je est un autre ”, et dans un éclair, que l’ailleurs est ici, que l’instant est dans l’éternité.

Achille Mbembe : Très souvent, les Africains ont posé la question de leur humanité, ce qui la conteste et ce qui la met en danger, en relation à l’Occident. Souvent, ce dernier a d’ailleurs été posé comme l’obstacle premier à notre désir d’“ être par nous-mêmes ” et à notre volonté “ de nous faire ”. Quelle crédibilité faut-il accorder à cet argument ? Est-il seulement productif ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’Occident joue le rôle qu’on lui prête parce qu’il est l’autre nous-mêmes comme autre. C’est une des polarités parfois seulement possible, parfois actualisée de nous-mêmes. La dénégation soit de la différence, soit de la ressemblance, fait partie d’une histoire que l’Occident connaît aussi. Cette dénégation, il la connaît sous de multiples figures de son histoire dramatique, parfois tragique, mais aussi sous la forme d’une tension créatrice permanente.

Célestin Monga : Bien avant la mort de Léopold Sédar Senghor, la négritude semblait passée de mode. Pourtant, divers mouvements politico-intellectuels comme la ‘Renaissance africaine’ qui ambitionnent la résurrection du panafricanisme, voudraient en ressusciter quelques variantes. Le postulat de base de ces nouveaux modes de mobilisation est que tous les peuples noirs sont à mettre dans le même panier, qu’ils soient d’Afrique, des Caraïbes, des Antilles ou d’Europe. Que pensez-vous de cette vision des choses ?

Fabien Eboussi Boulaga : La négritude ne pouvait pas ne pas vieillir dans ses expressions elles-mêmes liées à un contexte conjoncturel. Elle a donc plus ou moins vieilli, mais selon la solidité de l’infrastructure conceptuelle qui la soutenait et l’énergie créatrice qui la soulevait. Qui conteste efficacement Aimé Césaire aujourd’hui ? Les tenants de la créolité se provincialisent quand ils parviennent à l’oublier. Twisted Evil Les variantes actuelles de la négritude peuvent être une illusion, une sorte de retard ou d’excentricité provinciale. Elles peuvent également être dues à l’absence de sens historique, à la méconnaissance des enjeux du présent dans leur tranchant unique, sans précédent. Il est sans doute plus juste d’y voir un hommage à ce que la négritude visait, au-delà d’elle-même et de ses expressions. Quoi ? Dans l’humanité se faisant, le moment de la négation de l’autre du fait de sa race, de sa couleur, de sa différence est d’une nécessité historique a posteriori. Nous avons là les limites d’un cosmopolitisme abstrait et d’une mondialisation idéologique.

L’essence humaine est celle de “ l’être-devenu ”, comme celle de Socrate est à jamais celle du questionneur inlassable condamné à mort en buvant la ciguë. On peut ajouter que si l’histoire ne se répète pas, la persistance des formes anciennes de la négritude suggère que le contexte de leur validité n’a pas totalement changé. Le rythme de l’évolution des mentalités et des structures de base des économies qui nous régissent situe les enfants des enfants des pères de la négritude dans la même période ou le même cycle historique. A l’intérieur d’un cycle, il y a des répétitions en spirale, et ce qui se produit comme tragédie peut y revenir comme farce.

Célestin Monga : La “ créolité ” a-t-elle une quelconque validité à vos yeux ? Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau mettent en avant le postulat suivant : “ Ni Européens, ni Africains, ni Asiatiques, nous nous proclamons Créoles ”. Cette démarche esthétique, qui vise d’abord à explorer l’antillanité d’aujourd’hui, n’est-elle pas une quête éthique ?

Fabien Eboussi Boulaga : La créolité s’impose d’elle-même comme refus d’un identitarisme qui ne s’obtient qu’en érigeant en trait exclusif, en valeur absolue, une nécessité sans choix des multiples appartenances dont nous sommes les vecteurs. Elle est précieuse comme prise en charge et valorisation des lieux et des relations denses de proximité. L’éthique se soucie du prochain antillais. Sa validité est indirecte dans les relations ténues qu’elle entretient avec moi, avec les confins où opèrent la morale et la dialectique d’Aimé Césaire.

Achille Mbembe : À vous lire attentivement, vous ne préconisez, ni un retour pur et simple à la “ tradition ”, ni un rejet pur et simple de cette dernière. Vous suggérez que nous nous situions en continuité d’humanité avec les ancêtres en faisant de “ la tradition ” une “ utopie critique et mobilisatrice au présent . C’est ce que vous appelez “ la dialectique de l’authenticité ”. Pouvez-vous repréciser le rapport entre “ tradition ” et “ utopie ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : La tradition est ce moment où nous posons que ce qui nous est transmis de valeur est marqué du sceau de l’origine insaisissable en elle-même. La tradition est l’origine différée et en différé. Elle est relation à ce qui manque, nostalgie de ce qui est sous le mode de ne plus être. Qu’est l’utopie, sinon relation à ce qui manque, mais pour “ ne pas encore ” être ? Au lieu d’être situé derrière nous comme origine, l’utopie est devant nous comme fin, renouement avec une origine perdue et retrouvée à la fin, comme fin. Tradition et utopie sont une seule et même chose ou fonction considérée de points de vue différents. Le langage métaphysique établit cette équivalence en proclamant : “ Le commencement est la fin ” et réciproquement.

Célestin Monga : Ne pourrait-on pas penser que la tradition est un “ droit de vote ” attribué aux morts ? Obnubilées par le passé, nos sociétés ne finissent-elles pas par porter ce dernier comme un lourd passif ? Beaucoup de jeunes Africains estiment, en effet, qu’il est urgent que les générations actuelles inventent de nouvelles traditions, s’ajustent à l’ici et maintenant, et produisent des cultures qui seraient plus aisément compatibles avec les exigences des temps présents.

Fabien Eboussi Boulaga : Le vote des morts et des bêtes sauvages, c’est l’Afrique de Kourouma. La “ tradition ” est de l’ordre de la dette, de la reconnaissance d’une communauté avec ceux qui sont humains avant nous, sur le même arbre généalogique qui plonge dans la nuit des temps.

Les morts ne décident, n’agissent, ni ne parlent à notre place. J’évite de parler des traditions. Je préfère les mœurs. Elles changent : “ autres temps, autres mœurs ”. Les mœurs ne sont pas créées par les générations. Elles les unissent et les séparent tout à la fois. Les mœurs disent la similarité dans la dissemblance. L’erreur philosophique de la magie est de doter la similarité de la force de la causalité. Avoir la même culture ou des cultures adéquates aux exigences du présent ? Qu’est-ce, sinon mettre la culture en cause, faire de la similarité une cause ? La culture ne se substitue ni à la morale, ni à la politique, bref à l’action. Voir la culture comme source de la Renaissance africaine, c’est prendre un heureux effet pour l’ensemble d’une stratégie avec ses buts, ses actions, ses opérations, ses conflits et ses obstacles surmontés.

Personnellement, je doute que le poids du passé joue un rôle significatif et écrasant en dehors de la préservation et de la reconduction violente des institutions et du système des relations du régime colonial. Le passé, comme tel, n’entre plus dans la structure de l’action. Il conditionne, mais il ne détermine pas. L’action se conjugue au présent.

Achille Mbembe : D’autre part, vous faites valoir que la seule philosophie qui mérite ce nom est celle qui nous permettrait de nous renoncer à nous-mêmes, de mourir à nous-mêmes pour renaître à la vérité. De quelle vérité s’agit-il et comment concilier “ tradition ” et “ renaissance ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : Je doute que je parle de la vérité en un autre sens que celui de cette reprise de soi, de cette liberté de jugement et d’action sur les investissements dans lesquels nous nous trouvons déjà captivés avant de nous y être engagés nous-mêmes. La vérité, c’est nous-mêmes, désarmés, faisant face à mains nues à ce qui se découvre à nous comme notre tâche d’homme seul ensemble avec les autres, proches et lointains. C’est ici que “ tradition ” et “ renaissance ” se concilient. La philosophie ne commence jamais, elle recommence. La vie humaine ne naît pas avec moi, mais elle renaît.

Célestin Monga : Je souhaiterais que l’on aborde un certain nombre d’obstacles politiques et épistémologiques liés aussi bien à l’acte de penser et à la notion d’ “Afrique” qu’aux fonctions mêmes de l’intellectuel. Et d’abord, l’ “Afrique ” est-elle un concept opérationnel valide en sciences sociales ou dans les humanités ? L’épistémologie s’accommode-t-elle des frontières de la géographie ou des notions raciales ? En d’autres mots, existe-t-il des comportements, des manières d’être, de faire ou de penser qui soient spécifiquement “ africains ”, voire une philosophie, une science politique ou une économie typiquement “ africaines ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : Ce que j’ai suggéré plus haut postule et/ou implique que l’Afrique est un “ construit ”. Je dis quelque part que c’est une idée neuve posée par ceux qui décident de faire de cet espace géographique le lieu de leur orientation dans le monde et où ils inscrivent leur destinée. Ce qui m’apparaît comme une exploration encore plus excitante, c’est de “ penser spatialement ”, de substituer, à titre d’expérience de pensée, en tous les cas où l’opération est possible, l’espace au temps.

Au lieu du Sein und Zeit, esquissons un Seit und Raum. Le problème du spécifiquement africain s’écroule alors de lui-même sans faire place à l’universellement abstrait qu’on lui oppose. C’est une des issues des faux dilemmes où nous nous enfermons et qui nous paralysent. Nous ne pensons plus le contraire ou l’inverse, nous pensons autrement. Nous répondons que nous comprenons ces manières de penser, mais que ce n’est pas ainsi que nous réfléchissons et nous nous posons les problèmes. Ce n’est pas ainsi qu’ils nous viennent “ à l’idée ”.

Célestin Monga : Dans l’éditorial que vous écriviez alors pour le premier numéro de la revue Terroirs en 1993, vous expliquiez déjà que les ‘élites’ et les ‘guides’ qui nous ont conduit à la famine, à l’exode, à l’abjection de la misère et de l’assistance internationale sont des gens de bonne compagnie, doués d’astuce, plein de ressources et de savoirs. Vous disiez même qu’il ne faut pas hésiter à leur accorder une intelligence supérieure qui, dans l’environnement des relations humaines, démontre leur sens de l’opportunité, leur maîtrise des tactiques offensives et défensives en vue de leur propre survie et de l’accaparement du pouvoir. Pourtant, vous affirmiez également : “ La racine du mal africain est l’absence de pensée. ” Croyez-vous que ceux qui ont suffisamment d’intelligence pour conceptualiser l’appareil répressif soient aussi allergiques à la pensée ?

Fabien Eboussi Boulaga : Il y a diverses formes d’intelligence. On rappelle ce fait d’expérience aux pédagogues comme nécessaire pour amener chaque individu à se développer jusqu’au point où il pourra collaborer de façon fructueuse avec les autres. La fin est ici d’être parvenu à reconnaître ses limites et à voir qu’elles se dépassent grâce aux autres qui sont différemment limités. Le premier déficit de pensée est la méconnaissance intellectuelle et pratique de cet horizon de totalité, où l’absence de décentration conduit à l’exaltation de son individualité et à l’absolutisation de sa particularité.

La pensée est la reconnaissance du “ Connais-toi toi-même ” comme mortel. Le moderne appréhende mieux l’absence de pensée en comprenant l’intelligence comme l’ensemble de “ ruses ” dont sont capables les prédateurs que nous avons longtemps été, que nous pourrions être, et que nous sommes encore, pour notre survie, la défense et l’attaque. Toutes les technologies dérivent de cette nécessité de parer aux agressions, d’appliquer efficacement une énergie à une adversité à transformer, à détourner ou à capter, à instrumentaliser.

La pensée est alors la faculté de l’inutile, de ce qui est poursuivi pour la beauté ou l’existence de lui-même, y compris notre existence qui ne sert à rien. La pensée est donc cette capacité à revenir à soi décentré, à être sans jalousie, comme la divinité, en paix et joie avec soi et avec les autres. Dans cette terminologie, il n’est que tautologique de dénier la pensée à l’intelligence prédatrice. Malgré sa sophistication, elle ne se dégage pas du règne reptilien paléontologique.

Célestin Monga : L’écrivain nigérian Chinua Achebe met en garde les intellectuels africains contre la tentation de se croire propriétaire d’un savoir et de vouloir légiférer au nom du continent. Quelle est, d’après vous, la fonction d’un intellectuel dans le contexte africain actuel ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’écrivain nigérian a raison. On ne s’autoproclame pas intellectuel. L’intellectualité n’est pas une propriété privée individuelle. Elle ne fonctionne que là où la connaissance est reconnue comme une valeur irréductible parmi celles qui structurent une communauté humaine, à côté de quelques autres tout aussi irréductibles comme le pouvoir, la richesse, la poésie, la ritualité ou l’étiquette. C’est dans une synergie avec ces autres valeurs que la connaissance développe une éthique et une esthétique de la pensée comme sa contribution spécifique à l’aventure commune de vivre et de mourir en humains.

On peut donc dire qu’il n’y a pas d’intellectuels opérationnels là où une société ne reconnaît pas l’intelligence comme valeur structurante irréductible. C’est là un radotage pour ceux qui me fréquentent. Le rôle de l’intellectuel est de démontrer la nécessité de la fonction de l’intelligence et son caractère irréductible face au pouvoir et à l’argent ou à la richesse.

Achille Mbembe : Vous êtes de ceux qui ont sans doute articulé la critique africaine la plus radicale du christianisme. Vous avez voulu croire qu’il était possible pour les Africains de “ croire autrement ” au sein de l’Eglise. Vous vouliez fonder une critique et reprise du christianisme qui aurait remis le dogme à sa place et qui aurait libéré un espace pour une pratique de la foi qui soit en même temps une pratique de la liberté, à l’écoute des problèmes réels de l’existence africaine. Comment, d’après vous, se pose aujourd’hui la question de Dieu et du dogme en Afrique ? Les pratiques du religieux que l’on observe ici et là semblent s’exercer dans un contexte culturel où la vieille opposition du vrai et du faux, de la vérité et de l’erreur ne joue plus les mêmes fonctions qu’auparavant. Aujourd’hui, chacun est plus ou moins libre de créer son église et de se déclarer prophète au nom de la foi et de la “ vérité ”. N’assistons-nous pas à l’implosion du dogme lui-même ? Compte tenu de la prolifération des instances de vérité, comment articuler une nouvelle critique politique du christianisme en particulier ?

Fabien Eboussi Boulaga : Premièrement, “ croire autrement ”, c’est se refuser de tenir le contraire de ce qui est cru par les autres, de se contenter de le défendre, d’en faire l’apologie ou de le maintenir grâce à un art de l’interprétation. Deuxièmement, “ croire autrement ” peut être de l’ordre de la description. Il y a des christianismes ou des façons de se comprendre chrétien autrement qu’à travers la grille des dogmes et des pratiques convenus, parfois sans églises. Qu’est-ce alors croire ? Troisièmement, quelle explication ou interprétation peut-on donner aux dogmes dans ces cas de figures ? Partir des dogmes pour se prononcer sur leur éclatement, c’est leur donner une valeur normative en vigueur dans son point de départ, mais ce n’est pas comprendre à la manière de ce qui n’est un point d’arrivée que par une pétition de principe. Dieu et les dogmes surgissent ou ne surgissent pas dans les indéfinies reconfigurations du christianisme.

Celle de l’ouvrage Christianisme sans fétiche en est une parmi d’autres et contient son propre système d’inférences et de justifications. Pour le reste, le vrai et le faux n’ont pas la même signification dans les religions ou les idéologies que dans la vie ordinaire ou les pratiques discursives scientifiques. Dans les religions, ils sont une déclaration d’appartenance, d’inclusion ou d’exclusion. Ils ont donc une valeur performative, sacramentelle puisque faisant ce qu’ils signifient. Ils ont trait à ce qui rend possible le vrai et le faux des autres régimes. La profession ou la déclaration du vrai et du faux est auto-implicative : il y va du sens de la vie et de la mort de celui qui la prononce.

Achille Mbembe : Il est de nombreux passages de votre livre Christianisme sans fétiche où vous plaidez en faveur d’une forme de spiritualité attentive à la dramatique de la mort et de la vie et aux conditions de genèse de l’homme. D’ailleurs, au détour d’une réflexion sur la puissance transfigurante du Christ, vous vous livrez à une fascinante méditation sur le thème de la mort. Je voudrais que nous nous attardions sur ce thème en particulier en examinant, non pas les rapports entre la mort et la foi, mais entre la mort et le politique. Quels sont, dans l’Afrique actuelle, les “ lieux de mort ” qui devraient nous interpeller le plus ? Quel est le type de parole qui émerge de ces lieux et à quelles conditions cette parole pourrait-elle constituer le fondement d’une pratique spirituelle pour les temps qui sont les nôtres ?

Fabien Eboussi Boulaga : Dans Christianisme sans fétiche, il y a une injonction à arracher le mythe de l’imaginaire en l’historicisant et en le politisant. C’est par là qu’on retrouve la puissance universelle de ce qui risque d’être emprisonné dans les catégories appauvrissantes de l’entendement, sans l’horizon de la pensée régulatrice et dérégulatrice des représentations et des constructions de celui-là.

Le mal propre du politique est la malemort qu’il inflige dans une configuration où le meurtre, le mensonge et le vol (l’expropriation sous toutes formes) font corps ou système et sont comme institués. Les lieux de cette mort insensée sont : a) dans la parole vidée de ses fonctions d’élucidation, de connaissance et d’engagement par la promesse, le serment. Il en résulte l’empire du faux, quand le mensonge se fait monde ; b) dans l’expropriation, la privation et la destruction des capacités humaines de se construire ensemble avec les autres.

La multiplication des morts vivants, des zombies situés en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire dans la misère, sans possibilité d’accès au répit du combat harassant contre la faim, la maladie, l’ignorance, de manière à se poser les questions “ inutiles ” de la valeur, de la différence des genres de vie possibles : voilà ce qui crée les hommes superflus et éliminables par des choix ou l’absence de choix stratégiques, par la porte grande ouverte à la corruption, à la prédation généralisée. Le meurtre chaud ou froid, direct ou indirect qui en résulte est devenu mode de gouvernement. Il est dérisoire et cruel de se gargariser de discours sur la démocratie, les droits de l’homme, dans une culture de la mort dévaluée d’hommes superflus et encombrants.

Célestin Monga : L’idée d’une dévaluation de la mort est particulièrement intrigante et nécessite quelques développements. Ne peut-on pas penser que l’équivalence générale entre la mort et la vie conduit beaucoup d’Africains de toutes les couches sociales au désespoir et au suicide par inaction ? La mort peut-elle servir d’épouvantail aux millions d’enfants que le pouvoir politique condamne à la violence et à l’errance ?

Fabien Eboussi Boulaga : Il n’a jamais été bon de se servir de la mort comme épouvantail. Il me semble que cette manière de faire malsaine n’a jamais été d’une efficacité durable. Le spectacle désolant de nos morts innombrables ne fait pas naître nécessairement le courage et la pitié. L’accumulation des statistiques des catastrophes avec leurs victimes est une abstraction qui touche seulement le petit nombre de ceux qui se croient investis d’une mission de sauver nos sociétés. L’action commence toujours par elle-même, comme la liberté, me semble-t-il. Tout le reste est une forme de résignation, devant ce bloc opaque que vous nommez le pouvoir politique.

Achille Mbembe : Un dernier mot sur votre tentative de démythologisation du christianisme. Vous semblez n’accorder – du moins dans Christianisme sans fétiche - qu’une place limitée au motif de la “ résurrection ”. Pourtant, le thème de “ la vie qui donne sens à la mort ”, et de “la mort qui transforme la vie ”, de la mort comme “nécessaire à la vérité de la vie et comme source de solidarité, de communication et de réciprocité entre les vivants ” - tout cela parcourt très profondément votre méditation. Dans le contexte actuel, quelles formes pourrait prendre une critique du politique ayant précisément pour pierre angulaire ce souci de la vie ?

Fabien Eboussi Boulaga : Cette question appelle une explicitation du rapport de la mort à la vie, du rôle transformateur de la mort, de sa fonction de solidarisation des vivants et de médiation de leur communication, d’opérateur de leur réciprocité. C’est là un vaste programme, celui d’une anthropologie de la mort revisitée. Quelques uns de ses éléments et de ses jalons sont présents dans Christianisme sans fétiche et dans quelques esquisses ultérieures, tout comme ce qui en découle : une critique du politique, avec pour critère de base sa capacité ou son incapacité à promouvoir les conditions d’une vie sensée.

L’axiome inspirateur de cette critique est qu’une communauté humaine se comprend comme constituée de vivants et de morts, de visibles et d’invisibles. Le souci de la vie devient névrotique s’il n’est pas en même temps souci de la mort et non sa dénégation. Cette loi vaut pour les peuples qui l’objectivent et pour les individus qui la subjectivisent. Les morts, sous des formes variées (les “ valeurs ” entre autres), sont les tiers invisibles et inclus, qui permettent le jeu humain de la réciprocité et de la médiation.

Célestin Monga : Les philosophes comme Daniel Dennett et certains historiens affirment que l’avènement de la religion est en réalité un phénomène relativement récent dans l’histoire de l’humanité. En fait, presque aucun chercheur ne prétend que l’homme du Cro-Magnon ou du Neandertal était particulièrement spirituel. L’on observe aussi une absence totale de corrélation entre la ferveur religieuse qui met en transe des centaines de millions d’hommes et de femmes en Afrique, dans les Amériques et en Asie, et le niveau d’exigence éthique validé par les populations de ces régions-là. Au Cameroun en particulier, j’observe par exemple que les gestionnaires de fonds publics qui ont le plus de choses à se reprocher sont aussi ceux qui se bousculent tous les dimanches au premier rang dans les églises. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Comment comprendre d’un coté le désir de Dieu qui semble inspirer tant de monde et, de l’autre, le besoin de péché et l’absence de spiritualité dans les actes de la vie quotidienne ?

Fabien Eboussi Boulaga : La définition de la religion comme communauté des vivants et des morts avec leurs relations et leurs transactions supposées est aussi vieille que l’homo sapiens ! Il ne faut pas être spirituel au sens parfois éthéré de certains modernes pour enterrer ses morts, leur réserver une place vide, leur adresser des paroles et des signes, se croire le véhicule de l’invisible ou possédé par un génie, un dieu, proférer des paroles qui tout en émanant de vous, nous dépassent et nous constituent. La religion n’est pas la décence civilisée et bourgeoise. Elle comprend la notion de sacrifice (pour le meilleur et pour le pire). En effet les raisons sacrées ou divines de vivre valent plus que la vie.

La religion est aussi crainte et tremblement. Elle n’est pas toujours synonyme de paix. Ce que vous décrivez, c’est la religion comme superstition ou névrose, scrupule qui accumule des garanties qui appellent sans fin d’autres garanties, dans un infini qui est indéfini. Les religions comportent leurs maux spécifiques. L’hypocrisie en fait partie ainsi que l’intoxication de soi et l’idolâtrie sous toutes ses formes. Voilà pourquoi il est permis de les juger, par leurs conséquences profanes, les plus petites pour l’homme du commun. Il est aussi salubre de les comprendre à partir de ce qu’en fait l’homme qui, tout en reflétant un monde sans âme, exprime dans un seul et même mouvement. Ici aussi, la religion du pauvre n’est pas celle du bourgeois et du puissant satisfait. L’équivoque frappe les mots communs qu’ils prononcent, pour le pire et, parfois, pour le meilleur.

Célestin Monga : Restons, un moment, dans le registre de l’actualité immédiate. La globalisation (mondialisation) est de plus en plus contestée, parfois par ceux-là même qui tirent profit des avancées scientifiques et des progrès technologiques qui stimulent ce processus. Comment vous situez-vous par rapport au mouvement anti-mondialiste ? Le libéralisme économique est-il un mal absolu pour les sociétés africaines ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’homme ordinaire ne rencontre pas la mondialisation, mais les individus, les objets dont il trouve l’usage intéressant en certains cas où ses tâches en sont facilitées. Il est face à des institutions dont les règles peuvent l’aider à certains égards et l’entraver à d’autres. Il n’est pas soustrait à des relations, à la gestion des proximités qui ont leur propre poids.
Les anti-mondialistes sont nos alliés quand ils éveillent notre sens critique, qu’ils nous alertent contre la croyance que le développement exhibé par les pays qu’on dit les plus avancés, les plus puissants, est devenu le dernier mot de l’histoire. Les choses sont ce qu’elles sont, dit-on. D’accord, mais elles auraient pu être autrement. Nous pouvons et devons participer à une aventure encore ouverte, sans derniers ni premiers, celle qui sera précisément une œuvre commune.

Célestin Monga : Vous avez écrit récemment à propos de ceux qui tentent de définir le “ terrorisme ” et souligné le fait que ce phénomène reflète d’abord un “ conflit d’anthropologies ”. Traitant du “ terrorisme ”, comment peut-on éviter à la fois la tyrannie de l’opinion majoritaire en Occident (“ l’émotion répulsive universelle ” comme vous le dites) et le relativisme cynique de ceux qui voudraient moraliser la violence contre les innocents au nom d’une certaine figure de la loi du Talion ?

Fabien Eboussi Boulaga : Une certaine conception voudrait que l’histoire soit une succession où les dominés d’hier deviennent les dominants d’aujourd’hui ou de demain, et où les victimes d’hier doivent se rendre capables de devenir les persécuteurs d’aujourd’hui. De cette façon de voir naît l’ambition d’arrêter l’histoire, de constituer une domination perpétuelle de ceux qui ont la puissance du moment.

Le “ terrorisme ” peut servir d’épouvantail et servir ce dessein de stabilisation par la guerre préventive. “ Terrorisme ” et “ contre-terrorisme ” participent de la même philosophie de l’histoire. La lutte pour ou contre “ la civilisation ” allègue la transcendance des fins. Selon Aristote et le bon sens, on est toujours d’accord sur les fins, le désaccord est sur les moyens de ces nobles fins.
Soucions-nous de la survie de ceux qui meurent des famines, des guerres et des maladies par millions, de la mort à bout touchant par le paludisme, le sida, les effets de la corruption de ceux qui gouvernent le monde et leurs fondés de pouvoir locaux. Alors, peut-être, le problème du “ terrorisme ” nous apparaîtra sous un autre jour.

Célestin Monga : Les formes dans lesquelles s’énoncent nos manières d’exister et d’agir évoluent constamment. Les vecteurs d’expression que nous utilisons dépendent parfois du rapport de forces sociales, des urgences et des impératifs du moment. Par tradition, l’écriture a toujours eu une longueur d’avance sur les autres modes d’expression de la pensée. Pensez-vous que la musique, les arts plastiques ou même le sport soient devenus aussi des lieux d’énonciation d’une exigence éthique et esthétique ? Vous arrive-t-il d’ailleurs de regarder des matches de football à la télévision ?

Fabien Eboussi Boulaga : Il n’est pas difficile de vous concéder que la littérature de fiction ou la poésie ont été plus loin et plus vite que les idéologues. La musique plus clairement encore, est un lieu de créativité incontestable. Je participe assidûment et avec plaisir au phénomène mondial du football. On peut en faire des lieux exemplaires et proposer en modèle la discipline et les modèles qui y ont cours. Je crains cependant que ce ne soit un moralisme facile, sans la moindre garantie d’avoir un effet d’entraînement. Le passage à l’action et au monde de la conflictualité politique, économique et sociale est passage à un autre ordre.

Achille Mbembe : Je voudrais que nous revenions sur un des aspects qui, me semble-t-il, a toujours constitué la ligne de force de votre réflexion : la question de la transformation de la vie et de la genèse de soi. C’est ainsi qu’au début des années quatre-vingt dix, vous vous êtes intéressé au phénomène des “ conférences nationales souveraines ”. À travers elles, c’est la question du possible avènement, dans l’histoire africaine, de ce que l’on pourrait appeler “ une relation de liberté ” qui préoccupait le philosophe. Qu’est-ce qui reste, aujourd’hui, de cet événement ? Pour advenir à cette relation de liberté et renaître au monde, l’Afrique ne doit-elle pas, au préalable, avoir vaincu la peur de la mort ?

Fabien Eboussi Boulaga : La banalisation de la mort est aujourd’hui notre expérience la plus quotidienne et la plus destructrice. L’Afrique s’est bâtie dans la rareté de la vie qui faisait le sérieux de la mort, d’hommes surabondants des explosions démographiques non contrôlés et de la misère des guerres barbares, avec leurs seigneurs triomphants, leurs enfants sanguinaires, massacrés et mutilés tous ensemble.

Nous méprisons la vie plus que nous ne craignons la mort. Nous tournons en dérision ou nous tenons pour rien la mort des autres.
J’ignore si ceci est un prélude clair à une renaissance, sauf si par là nous avons atteint le fond de l’abîme. Des conférences nationales, il reste un goût d’inachevé. Aucune d’elle n’a sondé les abîmes qu’elle a ouverts sur un mode de gouverner par le meurtre, la torture et la terreur. L’Afrique du Sud est-elle l’exception qui confirme la règle ? Je ne sais.

Achille Mbembe : S’agissant précisément de la culture de la dérision, l’écrivain Sony Labou Tansi avait coutume de dire qu’il avait “ la curieuse impression que l’Africain se joue la comédie à vie ”. Que cette comédie fut dramatique ou tragique, elle était, de toutes les façons, du moins à ses yeux, une comédie. Partagez-vous ce point de vue ? Si oui, comment expliquez-vous ce côté théâtral de notre vie ?

Fabien Eboussi Boulaga : À quelle expérience de l’Afrique se réfère l’écrivain Sony Labou Tansi ? À la Brazzaville qui conjugue allègrement la sape, le meurtre, la danse, un hédonisme rentier et irresponsable de ses chefs et de ses élites ? Toute société détachée du travail productif qui s’en remet à des puissances tutélaires visibles et invisibles tombe en décadence et dans le jeu tragique. L’Afrique ne survit que parce que le fond de la vie n’est pas théâtre. Mais elle engendre, dans ses marges, une classe d’esthètes, de joueurs et de jouisseurs. Enfin, elle a un mode de faire face à l’adversité qui ne répond pas aux normes attendues. Le drame de ceux qui nous veulent du bien n’est-il pas, selon vous-mêmes, qu’ils savent ce qui doit être sans savoir ce qui est ? Comment dériver l’être du devoir-être ? Pourquoi ne pas tirer légitimement son possible de son être ?

Achille Mbembe : À votre avis, à quoi est dû le fait qu’une énorme part de notre vie n’ait guère trouvé place dans nos récits, dans notre écriture et dans notre pensée ? Est-ce un problème de langage ?

Fabien Eboussi Boulaga : L’art de dire ou de raconter quelque chose qui arrive à quelqu’un en fonction de la “ nature ” de ce quelque chose, de ce quelqu’un, dans le lieu et le moment indiqués, est la chose la mieux partagée. Les récits innombrables prennent en charge une partie infinie du flot continu de ce qui arrive et nous arrive. Le déficit d’expression dont vous parlez est mesuré par les normes idéales d’une performance propre à une mince couche sociale censée “ écrire ” et “ penser ”. Pour qui écrit-elle ? De qui veut-elle être reconnue ?

L’écriture est serve ou captive quand elle privilégie ce qui doit être au détriment de ce qui est ; quand elle souscrit aux exigences sournoises du “ développement ”, de la “ croissance ”, de la “ démocratie ”, du “ marché ”. Elle est sous surveillance, un procès de dénigrement de soi, de victimisation de soi, ou d’apologie. Cette condition empêche la venue au langage lettré ou savant de ce qui se raconte au quotidien et constitue son arrière-plan. Mais cette rumeur ambiante a sa propre vie. Elle n’est pas une matière première en attente d’un démiurge qui la transforme en or dans la foire des échanges et pour la bourse des valeurs d’une culture cosmopolite et néanmoins dominante.

Achille Mbembe : Arrêtons-nous, précisément, sur cette “ mince couche sociale ” censée ‘écrire’. Si vous le voulez bien, laissons de côté, du moins pour l’instant, les problèmes d’audience et de reconnaissance que vous soulevez à juste titre, ou encore ceux qui ont trait à la vie du langage et à la question des valeurs. Pendant longtemps l’acte d’écrire, en Afrique, semble avoir eu partie liée avec une certaine économie de la subversion. C’était notamment le cas pour votre génération – celle qui a produit des romanciers comme Mongo Beti. À votre avis, que subsiste-t-il de la fonction subversive de l’écriture aujourd’hui ? Le rapport de quasi-équivalence établi par votre génération entre écriture et messianisme/prophétie peut-il encore servir de point de départ à la critique esthétique dans l’Afrique contemporaine ?

Fabien Eboussi Boulaga : Dans la littérature africaine, il y a des discours prophétiques relevant de messianismes religieux ou laïcisés. Des poètes de chez nous se sont pris pour des mages à l’instar de ceux du romantisme européen. Beaucoup plus nombreux sont les écrivains qui se sont vus comme les porte-parole et les porte-étendards des souffrances, des aspirations, du génie de leurs peuples. D’autres se sont inscrits dans le sillage de l’idéologie émancipatrice de la philosophie des Lumières ou de celle des socialismes. Je doute que le rapport à l’écriture ait été dominé par le prophétisme. L’écriture a été principalement accès au cercle dominant, à certains de ses avantages et de ses immunités marginales. La critique de l’esthétique peut commencer utilement par des questions simples du genre : à quelles contraintes obéissent aujourd’hui les industries culturelles ? À quel public s’adresse l’auteur et pour qui écrit-il ? Qui achète le livre et qui le lit ? Elles pourraient conduire au cœur du problème.

Achille Mbembe : Vous vivez dans un “ lieu ” (le Cameroun) où, de l’avis des Camerounais eux-mêmes, l’impression est que la grimace fait loi. À supposer que cela soit vrai, quelles conséquences cela a-t-il sur votre corps et sur votre système nerveux ? Comment vit-on au milieu de la bêtise et de la grimace sans succomber à la tentation qui consisterait à la contempler, à se laisser fasciner par elle, ou encore à la mimer en s’y abandonnant ?

Fabien Eboussi Boulaga : Chacun peut s’inventer une hygiène mentale de sa façon. On peut se donner pour règles de conduite générale les maximes suivantes. La première emprunte à Hegel. Elle stipule que le penseur digne de ce nom n’est pas celui qui se croit meilleur que son temps. La deuxième est un pari rationnel qui se formule comme suit. Dans une situation où l’on croit que “ les fous dirigent les sages, c’est la conduite des sages qu’il faut changer pour éviter ou limiter les catastrophes, car c’est sur elle qu’il est possible d’agir ” (J.-P. Derriennic).

Achille Mbembe : Parallèlement à ce “ souci de soi ”, vous évoquiez il y a quelques années trois ou quatre piliers anthropologiques possibles d’une politique africaine de la vie et de la démocratie : la guérison et la fête, les âges de la vie, le lien des générations. Pourquoi estimez-vous que l’on dispose là des éléments pour une reprise critique de ce que l’on pourrait appeler “ l’humanisme africain de demain ” ?

Fabien Eboussi Boulaga : Très brièvement et en énigme - parce que ces piliers indiquent la région de la réciprocité des vivants et des morts, celle du don sans contrepartie marchande, notamment celle de la transmissibilité de la vie humaine, dont nul n’est le père ni la mère. Bref, ces “ piliers ” sont ceux d’une anthropologie où l’on ne définit ni l’homme, ni la liberté comme celui ou ce qui est propriétaire de soi et de ses appropriations.


Entretien avec :
- Achille MBEMBE, Professeur d’histoire
et de sciences politiques à l’université du Witwatersrand (Johannesbourg) et directeur de recherche à la Witwatersrand Institute for Social and Economic Research
(WISER) – auteur de De la postcolonie (Paris, Karthala, 2000).
- Célestin MONGA, Lead Economist
et conseiller du premier vice-président de la Banque mondiale (Washington)



Merci,si Sarko et ses amis savaient que l'Afrique possédait de tels penseurs, il n'oserait pas venir déblatérer cranemant ses insanités sur le continent !

Citation:
À quelle expérience de l’Afrique se réfère l’écrivain Sony Labou Tansi ? À la Brazzaville qui conjugue allègrement la sape, le meurtre, la danse, un hédonisme rentier et irresponsable de ses chefs et de ses élites ? Toute société détachée du travail productif qui s’en remet à des puissances tutélaires visibles et invisibles tombe en décadence et dans le jeu tragique. L’Afrique ne survit que parce que le fond de la vie n’est pas théâtre. Mais elle engendre, dans ses marges, une classe d’esthètes, de joueurs et de jouisseurs. Enfin, elle a un mode de faire face à l’adversité qui ne répond pas aux normes attendues.


Voilci une belle synthèse de nos "réalités" en Afrique!

Citation:
l’écrivain Sony Labou Tansi avait coutume de dire qu’il avait “ la curieuse impression que l’Africain se joue la comédie à vie ”. Que cette comédie fut dramatique ou tragique, elle était, de toutes les façons, du moins à ses yeux, une comédie.


Je crois que cette constatation est tragiquement réelle...au moins au Cameroun.

Citation:
"les fous dirigent les sages, c’est la conduite des sages qu’il faut changer pour éviter ou limiter les catastrophes, car c’est sur elle qu’il est possible d’agir"


Toute personne qui rève d'un véritable changement salvateur dans la plupart des pays d'Afrique, devrai s'approprier cette phrase et renoncer aux analyses sans fin et improductives sur les "fous" qui nous dirigent et se concentrer sur ce qu'il conviendrait de faire afin que les "sages" aient toujours plus d'influence dans nos sociétes...
Je crois que je vais m'enlever pas mal de "prises de tète quotidiennes" Wink

PS: Comment C Monga peut allier une lucidité exacerbée sur l'Afrique , les africains , les noirs et leurs problèmes ...et travailler pour l'un des instruments essentiels de domination de l'Occident dans le monde??? Shocked
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bamiléké
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MessagePosté le: Dim 05 Aoû 2007 15:43    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Chabine de nous avoir permis de prendre connaissance de cet échange triangulaire, ( mème si leur discour m'est hermétique de temps en temps) Embarassed
Si Sarko et ses amis savaient que l'Afrique possédait de tels penseurs, il n'oserait pas venir déblatérer cranemant ses insanités sur le continent !

Citation:
À quelle expérience de l’Afrique se réfère l’écrivain Sony Labou Tansi ? À la Brazzaville qui conjugue allègrement la sape, le meurtre, la danse, un hédonisme rentier et irresponsable de ses chefs et de ses élites ? Toute société détachée du travail productif qui s’en remet à des puissances tutélaires visibles et invisibles tombe en décadence et dans le jeu tragique. L’Afrique ne survit que parce que le fond de la vie n’est pas théâtre. Mais elle engendre, dans ses marges, une classe d’esthètes, de joueurs et de jouisseurs. Enfin, elle a un mode de faire face à l’adversité qui ne répond pas aux normes attendues.


Voilci une belle synthèse de nos "réalités" en Afrique!

Citation:
l’écrivain Sony Labou Tansi avait coutume de dire qu’il avait “ la curieuse impression que l’Africain se joue la comédie à vie ”. Que cette comédie fut dramatique ou tragique, elle était, de toutes les façons, du moins à ses yeux, une comédie.


Je crois que cette constatation est tragiquement réelle...au moins au Cameroun.

Citation:
"les fous dirigent les sages, c’est la conduite des sages qu’il faut changer pour éviter ou limiter les catastrophes, car c’est sur elle qu’il est possible d’agir"


Toute personne qui rève d'un véritable changement salvateur dans la plupart des pays d'Afrique, devrai s'approprier cette phrase et renoncer aux analyses sans fin et improductives sur les "fous" qui nous dirigent et se concentrer sur ce qu'il conviendrait de faire afin que les "sages" aient toujours plus d'influence dans nos sociétes...
Je crois que je vais m'enlever pas mal de "prises de tète quotidiennes" Wink

PS: Comment C Monga peut allier une lucidité exacerbée sur l'Afrique , les africains , les noirs et leurs problèmes ...et travailler pour l'un des instruments essentiels de domination de l'Occident dans le monde??? Shocked
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bamiléké
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MessagePosté le: Dim 05 Aoû 2007 15:46    Sujet du message: Répondre en citant

Ooops ,j'ai fait une boulette. modos, retirez ma première intervention SVP Embarassed
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Gnata
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MessagePosté le: Mar 01 Juil 2008 12:35    Sujet du message: Répondre en citant

A Companion To African Philosophy de Kwasi Wiredu ...hum par ou commercer avec ce materiau monumental ?

Quelque soit l'endroit ou vous ouvrez le bouquin vous tombez sur du "manger" pour l'âme , il fait près de 590 pages mais il est facile à lire parce que subdivisé en plusieurs petits chapitres animés par plusieurs auteurs aussi eminents les uns que les autres .

J'ai déjà lu Cultural Universal and Particulars an African perspective du même auteur , il y était plus "intime" , de fait , il developpait une vision Akan ( Ashanti ) de ce qu'il entendait par Universel et Particulier en culture , par des démonstrations soient par l'absurde ( reductio ad absurdum ) , soient par sa compréhension des philosophies Occidentales et Ashanties ( oui il comprend impéccablement l'Ashanti , l'Anglais et le Latin ) il exhumait que si la communication interculturelle existe entre humains c'est parce que implicitement nous avons une culture qui nous est commune , et qu'en définitive elle ne pouvait traduire forcément que quelquechose à caractère universel , bref la différence entre ses autres bouquins et celui-ci est surement les nombreuses invitations et particpations de ces nombreux philosophes africains , en commencant par Théophile Obenga , john Tundé Isola Bewaji , Kofi Agwu ,Souleyman Bachir Diagne , Segun Gbadegesin ( probablement le plus grand penseur Africain du moment ) , Paulin Hounondji , D.A Masolo ect... sans oublier les philosophes qu'il a commenté comme Amo anton ( qui a fait une critique magistrale de la philosophie de l'Esprit de Descartes ) , Frantz Fanon , Kwame N'krumah , Alexis Kagamé , Père Placide Temple ( oui lui aussi Laughing ) ect...mais surtout Oruka Odera Henry qui est probablement celui qui demanderait à être lu ne serait-ce que par l'ampleur de ce qu'il a voulu montrer , les grands partent trop vite ! .

Pour résumer donc , 40 philosophes africains ( Wiredu compris ) ont contribué à ce materiau de reflexion et une dizaine a été commentée ( à titre posthume ) , une brochette de penseurs qu'on ne trouvera probablement plus jamais réunie en même temps dans un même ouvrage .

Je ne pense pas que la démarche de Wiredu de s'entourer de tellement de cerveaux soit fortuite , non ! , l'homme est trop imprégné de culture Akan pour faire dans le sur-place , selon moi il a vu son oeuvre comme le pagne Akan Kente ( lire Kenté ), un assemblage de petites parcelles de tissus de couleurs et de positions ( perspectives ) différentes qui imbriquées entre elles forment un plaisir visuel mais surtout un habit de cérémonie , le Kente se porte pour magnifier la vie lors des fêtes , pour aussi montrer son opulence et la beauté de ce qu'on possede , on est riche de par la granduer et la somputuosité de son Kente , comme pour nous rappeller que nous sommes aussi riches de nos visions philosophiques , magnifions-les !

Je soupconne aussi ( juste une impression ) que cette oeuvre soit la dernière K. Wiredu , vous savez lorsque certains sages savent leur fin proche , ils decident en guise de cadeau aux générations futures de leur laisser leurs dernières pensées , leurs dernières instructions , de manières paraboliques , enfouies dans les nombreuses pages , et lignes de leurs écrits , saurions-nous les voir ?!...

En prélude il écrit : To the memory of Cheihk Anta Diop and Alexis Kagame , departed leaders of comtemporary African Philosophy , and our lamented colleagues John Arthur , Peter Bodunrin, Didier Kaphagawani , Benjamin Oguah, Henry Odera Oruka , and John Olu Sodipo .
À la différence de V. Y. Mudimbé ( qui a participé aussi à cet ouvrage ) Wiredu sait à quel point CAD a ouvert le chemin , cette manière de n'être inféodé à personne intellectuellement suinte dans la philosophie de Wiredu , il a déjà réglé ses comptes à plusieurs Africanistes Anglais qui non-Ashantiphones voulaient lui démontrer ( ou pousser l'outrecuidance jusqu'à le contredire ) le sens des concepts philosophiques Akan dans lesquels il est né et qu'il a étudié en profondeur .
Si nous suivons patiemment le fil du bouquin nous nous apercevrons qu'il ( Wiredu) nous mène par la main du début à la fin , de l'Égypte jusqu'aux thématiques comme le féminisme en Afrique en scrutant l'avenir , donc d'hier à demain en passant par maintenant !
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Dernière édition par Gnata le Mar 01 Juil 2008 19:13; édité 1 fois
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Gnata
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MessagePosté le: Mar 01 Juil 2008 18:34    Sujet du message: Répondre en citant

Celui qui a ouvert le bal est Obenga T. quoi de plus normal ? n'est-il pas le reflet de CAD ? de fait , si Obenga inaugure cette oeuvre c'est pour fixer dans l'Histoire la philosophie Africaine 3400-343 BC , d'aussi loin que les hommes savent penser et prier , il y a eu une reflexion contemplative de la pensée.

Il n'y a pas de débat-opposition entre ce qui tient de l'expérience et de la contemplation , de l'oral et de l'écrit , du moment que la pensée est spéculative il y a Philosophie. Cette definition de Obenga semble simple et contredit à certains niveaux celle des Hountondji & Cies mais elle devient plus claire avec le commentaire de Wiredu sur l'oeuvre du grand Oruka !
Obenga a écrit:
Undoubtedly , speculative thought transcends experience . But it always attemps to explain , interpret and unify it in order to systemaze it .
Speculative thought using aphorisme , allusions , methaphors , negatives or positive methods , and dialectics , can be oral or written , and it necessarily connected with the problems of life . Thus philosophy can be define as systematic reflexive thinking on life . p 31


La contribution de Obenga est un résumé de son fameux La Philosophie africaine de la période pharaonique 2700-330 avant notre ère , c'est fait exprès je crois car Wiredu bat d'abord en brèche le mythe Hégelien de l'Africain hors de la philosophie pour entrer dans le vif du sujet , rappelons-nous à travers tous ces philosophes que c'est Wiredu qui parle , il nous dit simplement que Hegel ment ...

Les contributions de Masolo et de Bachir nous indiquent que dans l'élaboration des civilisations chrétienne et musulmane il y a avait aussi des Africains ,mais on comprend après que Wiredu veut nous faire voir les concepts qui dans les philosophies chrétiennes et musulmanes sont originellement africaines , en passant par Origen , Tertullian , St-augustine ect... du côté chrétien et , par Abd al-Qâdir al-Mustafâ al-Tûrûdû , Mutawakhal Kâati , Ahmed Baba ou le maître falsafa Dioula Muhammad Baghayogo mentor de A Baba .

Wiredu subdivise les philosophes africains en 3 parties , les professionnels ceux qui ont fait des études dans ce domaine comme lui-même , Oruka , Masolo ect... Ceux qui pour des raisons ou d'autres ont crée des reflexions dans la lutte et dans la souffrance des oppressions comme NKrumah , Blyden , Fanon , Ruben U. Nyobé ect...et il y a Ceux que Oruka a nommé les Sages Philosophes ( qui sont aussi de 2 catégories différentes ) dans le style de ceux qui n'ont jamais mis pied dans une école Occidentale mais qui ont une reflexion soutenue sur leur vécu .

Pour revenir sur les Sages philosophes de feu H. Odera Oruka , le commentaire de Wiredu par Kalumba interposé est judicieux ,
Kibujjo M. Kalumba a écrit:
Most people will agree a sage is a person who is exceptionally wise . In additional to exceptional wisdom , Henry Odera Oruka suggests a second criterion for sagaciousness. A true sage , he urges , must habitually use the gift of wisdom for the ethical betterment of his or her community . Consequently , he or she has to be consistently concerned with the intention of finding insightful solutions to them . In Oruka's view , the second criterion is what distinguishes a sage from a sophist (XVII-XVIII) . I agree p 274


On a discuté de la methodologie de séparer le sophiste du VARI SAGE , elle a été mise en place par Oruka et c'est sur celle-ci qu'il s'est basé pour faire Sage Philosophy , qui est de l'avis de beaucoup de philosophes professionnels africains un fabuleux outil de connaissance , enfin , Wiredu nous le conseille fortement !

Il est evident que pour Oruka , l'on peut être philosophe professionnel et ne pas être Sage philosophe , alors qu'un Sage philosophe peut être un philosophe professionnel , pour résumer parmi les 3 definitions de philosophes definies plus haut , seul le Sage Philosophe est le plus à même de porter l'image du garant de ce qu'il y a de sacré dans la sagesse .

Oruka fini l'oeuvre entamée par Marcel Griaule , pourquoi ? car ce que Griaule s'est juste limité à faire c'est de retranscrire un savoir sur papier sans pour autant aller au-delà de ce que pensait son interlocuteur sur le monde qui l'entourait, on peut arguer que Griaule n'étant point philosophe et qu'il ne fallait pas s'attendre à autre chose , mais pour un philosophe de la trempe de Oruka , c'est une bibliothèque inexploitée tout simplement car pour lui la philosophie est la fille de la Cosmogonie , et que les Conversations auraient été bien plus prolifiques que ça , quoique ce qu'elles ont donné soient déjà un must , un acte manqué que Oruka s'est permis de retablir , personnellement j'avoue que j'avais aussi la même appréhension sans avoir les arguments pour le montrer .

Evidemment les professionnels de la philosophie sont servis car le bouquin couvre la totalité du champs philosophique qu'on connaît ainsi L'histoire , La méthodologie , La Logique , l'Epistemologie , La métaphysique , La religion , L'ethique , L'esthétique , La politique et des sujets connexes ( d'intérêt africains ) sont discutés longuement .

S'il y a un sujet sur lequel il y a eu des clashs entre philosophes professionnels c'est dans la définition de la Personne en afrique Wiredu , Gyekye , Temple , Hountondji , A. Menkiti , D. N. Kaphagawani ect... tous ou presque ont tenté de donner une définition de celle-ci , mais toutes ces interventions sont faites de telle sorte que le lecteur comprenne l'unicité de toutes ces définitions , de fait , les composantes de cette entité chez les Zoulou , Luba , Igbo , Akan , Yoruba , bambara ect ... sont à des moment p-e contradictoire dûe à la complexité de la traduction des différents concepts la composant mais procède d'une même logique , celle selon laquelle la personne en Afrique est un "animal" communautaire par essence qui doit son existence à l'autre , à toute comme sa communauté , par simple équivalence aussi , celle-ci ( la communauté ) existe de par elle ...

Pour conclure , parce que résumer un tel bouquin serait une folie dont je ne me sens pas capable , il faudrait ajouter que l'eternel problématique de l'Ethnophilosophie fut discutée ( par Hountondji bien-sûr qui d'autre ) sans pour autant être une affaire d'état , de fait , il semble que pour Wiredu et la plupart des philosophes dits anglophones ce soit un non-evènement , car tous ou presque utilisent volontier les connaissances de leurs cultures ( Yoruba ' Ashanti , Igbo , Massaï ect...) pour philosopher ,pour comprendre ce qui les entoure , comme CAD , Wiredu préconise l'usage des langues africaines pour mieux philosopher car la majorité des concepts se perdent ou se diluent dans le transfert d'une langue à une autre en l'occurence des langues africaines aux langues occidentales , mais aussi pour nos cultures elles-mêmes , il assure qu'il est sage de penser à user de nos langues pour philosopher , convaincu qu'il ne vivra pas assez longtemps pour voir ce jour , il urge ses suivants de le faire ! .

Je terminerai par une ébauche d'un sujet Politique discuté par Wiredu dans cet ouvrage et aussi dans Cultural Universals and Particulars , celui de la Démocratie qu'il a nommé Democracy and Consensus , a plea for a non-party Polity , Plaidoyer pour une politique sans partis politique ... un travail à finir , oui un fromidable défi à relever , car je crois que c'est l'avenir en matière de philosophie politique Africaine , ainsi parla Wiredu ! ...
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Joseleñ
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MessagePosté le: Mar 01 Juil 2008 22:45    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Revenons à la question proprement dite, moi je citerais le duo Senghor-Césaire qui, dans leur étude sur la négritude ont établi un certain rapport de l'ETRE en temps qu'expression du soi, brèf une revalorisation métaphysique du MOI comme sujet pensant. Une continuité que nous retrouverons chez Cheick Anta Diop, qui lui aussi opère à une revalorisation de l'être, mais bien plus de l'individu par le travail.

Vous me demanderez la différence entre l'être et l'individu, pas si vite, l'aventure continue les amis...


Un début de réponse "trouble", mais réponse quand même.

Citation:
Sans être généticien, mais s’il est vrai que le comportement social a un rapport avec l’information génétique, il n’en démeurre pas moins que ce comportement régit les habitudes qui prévalent dans un système éducatif. Prenez un de ces diplômés, confortablement assis derrière un écran d’ordinateur. Habituellement, nous dirons qu’il travaille autant que son ancêtre géniteur, mais socialement nous dirons qu’il ne fout rien, en comparaison avec l’autre qui fournit un effort et dont la réalité du travail est plus palpable et mesurable dans l’espace temps. Pour ma part les ETRES puisque c’est de çà qu’il s’agit modifient ou acquièrent des comportements habituels dans leur environnement le plus proche…Celui qui fournit un effort présentera des gènes différents au contraire de l'autre qui dit travailler derrière son bureau…Et si les deux cas distincts prospèrent, nous nous retrouverons avec des gènes complètement modifiés après quelques générations. Nous en déduisons que ces comportements ne sont pas spécifiques à l’individu en tant que ETRE, mais l’ETRE en tant individu dans la société…

Conclusion, il faut donner des bonnes habitudes aux enfants qui deviendront comme des gènes, sans être génétiquement scientifique


Joseleñ, grioo, octobre 2007

En fait ce qui caractérise l'être est sa pensée et c'est ce qui fait de lui un individu. Ignorer l'individu dans n'importe quelle société contemporaine n'est que le refus de réalisation de sa pensée...
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Joseleñ
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MessagePosté le: Mar 10 Avr 2012 11:53    Sujet du message: Répondre en citant

Quatre ans plus tard et je n'ai toujours pas de réponse à la question...Je crois néanmoins que mon philosophe afro préféré est le proverbe africain.

Une petite dégustation ?

"Si tu arrives dans un village où les habitants mangent avec les mains...mange avec tes mains"...Pensée bulu!

Décryptage ?
Imaginons que tu sors ta grande cuillère. Ils vont t'arrêter et te dire franchement: "tu prendras ta cuillère le jour où nous serons tes invités..."

à bon entendeur
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