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La chanson Malaïka : Une belle escroquerie

 
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Nkossi
Bon posteur


Inscrit le: 31 Mar 2005
Messages: 722

MessagePosté le: Mar 31 Jan 2006 19:42    Sujet du message: La chanson Malaïka : Une belle escroquerie Répondre en citant

J’amerais ici, faire l’itinéraire d’une chanson qui a fait le tour du monde : Malaïka. Je me base sur une enquête faite en 2002 par François Cano dans L’Autre Afrique. Une escroquerie qui illustre les problèmes liés à l'utilisation et à l'adaptation des chansons africaines.

"Malaika, nakupenda, Malaika..."Quel Africain n'a pas fredonné ce refrain ?
Reprise dans le monde entier, cette chanson d'amour swahili fera le succès de nombre de ses interprètes, et le désespoir de son compositeur, le Kényan Fadhili William.

Qu'ont en commun Myriam Makeba et Boney M ? A priori, pas grand-chose, si ce n'est d'avoir vendu quelques millions de disques. Et pourtant, la chanteuse sud-africaine et le groupe disco américain ont chacun - tout comme une liste impressionnante d'artistes - interprété "Malaika" ("Mon ange"), une très jolie chanson swahilie, devenue le "standard" international que l'on sait. Quand Fadhili William, un jeune guitariste kényan, a joué pour la première fois "Malaika, nakupenda, Malaika" ("Mon ange, je t'aime"), il ne s'attendait certainement pas à donner naissance à ce tube mondial.

A Nairobi, où il venait de s'installer avec sa mère à la fin des années 50, Fadhili tombe amoureux d'une fille. "Elle s'appelait Fanny, racontera-t-il plus tard, mais je l'avais surnommée Malaika. " Les quatre couplets qu'il compose racontent la triste histoire d'un garçon qui ne peut épouser une fille parce qu'il n'est pas assez riche pour payer sa dot. C'est un homme plus âgé qui la lui ravit. Pour se consoler et l'assurer de ses sentiments, l'infortuné décide de lui dédier ce morceau. "Ainsi, explique Fadhili, elle pouvait entendre cette chanson à la radio, même en présence de son mari. Celui-ci ne saurait jamais qui est Malaika. " Elle, si. Avec sa mélodie toute simple, accompagnée à la guitare, "Malaika" est une chanson qui dégage une certaine mélancolie. Comme le remarque le Britannique John Storm Roberts, qui a compilé et édité de nombreux morceaux kényans de cette époque, le style musical qui fleurit alors à Nairobi - et qui a pratiquement disparu aujourd'hui - n'est pas destiné d'abord à la danse, contrairement au High life du Ghana ou à la musique zaïroise. Si les musiques d'Afrique de l'Ouest sont alors très marquées par les sons cubains et de puissantes percussions, la musique kényane développe, elle, un son beaucoup plus doux qui met en avant la guitare. Au Kenya, à l'époque, les Beatles ou la country américaine constituent des influences musicales aussi marquantes que la rumba congolaise. De plus, précise Roberts, "les nuits de la capitale kényane restent trop fraîches pour permettre d'ouvrir des pistes de danses à ciel ouvert qui, ailleurs, ont tant fait pour encourager les musiciens ».

Fadhili William est l'un de ces musiciens qui contribuent le plus à forger les bases du son kényan, précurseur du fameux benga [pop musique typiquement kényane] des années 60 et 70. Sa musique, fondée sur les rythmes chakacha de la région de Mombasa, influencera nombre de groupes qui lui succéderont. Et pourtant, William est autodidacte. Adolescent, il apprend à jouer en regardant les autres. C'est l'un des premiers de son pays à lancer, en 1959, une formation électrifiée, les Jambo Boys (chez East African Records, de 1959 à 1962).

Fadhili devient ensuite membre du groupe Equator Sound Band, produit par Charles Warrod, un des pères du twist africain. Il y rencontre un autre musicien bientôt célèbre, Daudi Kabaka. Warrod, conscient du potentiel de "Malaika", la fait réinterpréter par le groupe. Fadhili William est un musicien reconnu dans son pays. Lorsque le pays accède à l'indépendance, en décembre 1963, l'honneur lui revient de jouer lors des cérémonies du Jamhuri Day, en présence de Jomo Kenyatta et en compagnie d'invités de marque Sally Davis, Myriam Makeba et Harry Belafonte. Le guitariste kényan se réjouit de partager la scène avec ces stars de renommée internationale. Les quatre répètent puis interprètent "Malaika", appuyés par les Calypso Boys. Le concert a lieu, mais la carrière de Fadhili ne s'en trouve pas propulsée pour autant. Pis : un an après, lorsqu'il obtient les nouvelles indirectes de ses anciens partenaires, c'est pour découvrir que Belafonte a enregistré une version de la chanson, en attribuant la paternité à... Myriam Makeba ! Celle-ci la chantera aussi, lançant le tube que l'on sait, tout en déclarant qu'elle l'a puisé dans le folklore tanzanien. Plus ard, Fadhili William ironisera : "Peut-être pensaient-ils que le Kenya était si loin que je n'entendrais jamais parler de leur méfait." Mais "Malaika" fera le tour du monde et contribuera autant que "Pata Pata" à asseoir la renommée de la Sud-Africaine.

Malgré les initiatives de Fadhili William pour faire reconnaître ses droits, cette injuste attribution demeurera longtemps. Pour tous ou presque, la chanson restera celle qu'a fredonnée Makeba. La chanteuse, longtemps après voir reconnu que William était le compositeur du titre, continuera même, sur certains disques, de nier ses droits.

A la suite, les nombreux interprètes (il est difficile d'en recenser la liste exhaustive) qui se sont emparés de "Malaika" feront de même, souvent en arguant qu'en Afrique, les chansons sont intemporelles et sans véritable auteur identifié.
Puiser dans la tradition, sans citer la source, ne serait donc pas scandaleux. Y compris quand la "tradition" est une création contemporaine... Résultat: d'Angleterre au Kenya, en passant par les Etats-Unis, une cascade d'intermédiaires (dont des sociétés de collecte des droits) empêche le compositeur de toucher des droits d'auteur.
Ainsi le joueur de folk américain Pete Seeger, en tournée mondiale, dans les années 60, entend également la chanson au Kenya, et s'arrange pour faire acheter les droits à Equator Sound, comme il le pratiquait pour de nombreux autres titres. Encore une fois, Fadhili William ne voit pas la couleur de l'argent. Idem avec les Hep Stars : le groupe-suédois de Benny Anderson (futur membre d'Abba) peut ainsi vendre en 1968 quelque 80 000 exemplaires du hit, sans retombées financières pour l'auteur.

Le cas de Boney M est aussi édifiant ; En 1981, le groupe disco s'arrange pour faire reverser les droits de la chanson à Frank Farian... manager et chanteur de Boney M ! Comme le signale Wolfgang Bender, auteur de La Musique africaine contemporaine, Sweet mother (L'Harmattan, 2001), Fadhili William aurait reçu 1000 livres des Etat -Unis en 1976, soit quinze ans après avoir fait reconnaître par Myriam Makeba ses droits sur la chanson, et alors même que le Kenya appartient à l'Association internationale du copyright.

Lorsqu'il meurt en février 2001, après avoir longtemps vécu aux Etats-Unis, il n'a pas le temps d'achever son autobiographie dans laquelle il entendait proclamer sa vérité. Celui qui a composé près de deux cents chansons, dont nombre de tubes dans son pays, n'aura pas connu la consécration qu'il méritait et ne s'est jamais remis de l'injustice qui lui a ait été faite. Sad


Fadhili William (à gauche) avec le guitariste Fundi Konde, qui revendiquait lui aussi la paternité du tube...

Il y a un autre standard que tout le monde connaît « M’Bube, Wimoweh» qui a donné « Le lion est mort ce soir » en français, qui a été repris par de nombreux musiciens dont Henri Salvador et a été écouté dans de multiples versions autour de la planète. Ce n’est que l’année dernière je crois que les héritiers de son compositeur Solomon Linda, un Sud-Africain mort pauvre ont obtenu gain de cause pour en toucher des royalties, face à Disney… Wink
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Nkossi
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Messages: 722

MessagePosté le: Mar 31 Jan 2006 19:53    Sujet du message: Répondre en citant

Paroles de Malaïka

N’étant pas un locuteur de swahili, je demande aux puristes de la langue de corriger les fautes.

Malaika, nakupenda Malaika Mon ange, je t'aime
Nami nifanyeje ? kijana mwenzio Que dois-je faire, moi, ton prétendant ?
Nashindwa na mali sina wee Je suis sans argent
Ningekuowa malaika Je voudrais t'épouser, ange
Nashindwa na mali sina wee Je suis sans argent
Ningekuowa malaika Je voudrais t épouser, ange
Pesa zasumbuwa roho yangu L'argent trouble mon âme (bis)
Nami nifanyeje ? kijana mwenzio Que dois-je faire, moi, ton prétendant ?
Kidege, ukuwaza kidege Petit oiseau, je rêve en permanence de toi (bis)
Nami nifanyeje ? kijana mwenzio Et moi, ton prétendant, que dois-je faire
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Nkossi
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MessagePosté le: Mar 31 Jan 2006 20:04    Sujet du message: Répondre en citant

Impossible de recenser toutes les versions'' de Malaika...

Voici les principales versions

Fadhili William and the Black Shadows, in Before Benga, vol 2: the Nairobi Sound, Original Music/ Night & Day. On la trouvera aussi plus facilement dans la compilation Grands Courants des musiques urbaines africaines, Afrique en création/Night & Day. L'original.

Fundi Konde, Retrospective vol. 1 (1947-1956), RetroAfric. Ce grand nom de la musique kényane revendique également la paternité du morceau.

Myriam Makeba, notamment dans Concert en public à Paris et à Conakry, DRG et Hits and Highlights, BMG. Makeba l'a popularisée dans le monde entier. Elle aurait rajouté un troisième couplet, "Pesa", qu'un disque plus tardif de,Fadhili William reprend également

Harrry Belafonte, dans An Evening with Belafonte Makeba ou Art of a Legend, BMG ("Malaika" devient my Angel", en duo avec Myriam Makeba).

Pete Seeger, dans Live ut Newport, Vanguard records.

Angélique Kidjo, Logozo, Mango/Island. Une version proche de celle de Makeba dont la Béninoise se réclame.

Dj Li Moussa Diawara and Bob Brozman, Ocean Blues, from Africa to Hawai ; Celluloïd. Une reprise intéressante par le joueur de kora guinéen et le bluesman américain !

Boney M, dans Boonoonoos ou Hit Collection. Un autre tube des Boney M, champion des reprises disco (" Rivers of Babylon", "Margarita", etc.).

Osibisa, Classic Highlife, AIM records. Les Guinéens donnent là une interprétation très rythmée, avec flûtes et cuivres.

Mahotella Queens, Women of the World, Gallo.
Les chanteuses sud-africaines ont changé radicalement les paroles dans cette version. "Malaika" devient ainsi un menteur ou une voleuse... Rolling Eyes Wink
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asher001
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MessagePosté le: Mar 31 Jan 2006 21:35    Sujet du message: Répondre en citant

je ne connaissais pas en détails cette histoire; mais cela est courant dans le monde de la musique......
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Farao
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MessagePosté le: Mer 01 Fév 2006 16:06    Sujet du message: Mince alors Répondre en citant

Edifiant.
Merci pour les infos.
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