Grioo.com   Grioo Pour Elle     Village   TV   Musique Forums   Agenda   Blogs  



grioo.com
Espace de discussion
 
RSS  FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des MembresListe des Membres   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

Du baobab au mapou: la survivance du conte haïtien

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet       grioo.com Index du Forum -> Littérature Négro-africaine
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Cathy
Super Posteur


Inscrit le: 18 Juil 2005
Messages: 1281
Localisation: première à gauche

MessagePosté le: Jeu 23 Mar 2006 00:18    Sujet du message: Du baobab au mapou: la survivance du conte haïtien Répondre en citant

Du baobab au mapou: la survivance du conte haïtien

Le conte est connu comme un élément intrinsèque du patrimoine culturel haïtien, et démontre par le caractère unique de certaines des ses personnalités les plus populaires, la nature extraordinaire de l’imaginaire haïtien. Bien qu’unique dans son contenu, le conte haïtien participe bien sûr d’un phénomène ethnologique et culturel bien plus vaste: d’une part la transmission d’une pratique récréationelle traditionnelle et d’autre part, la transmission de la mémoire d’une civilisation (africaine) à sa descendance transplantée à des centaines de milliers de kilomètres. Bien qu’en Haïti le terme “griot” ne soit pas nécessairement utilisé pour désigner les conteurs, il est évident que ces conteurs sont les progénitures culturelles des “griots” africains, qui de génération en génération recueillent et transmettent l’histoire, le patrimoine culturel, les mœurs et coutumes ainsi que l’imagination collective de leurs ancêtres. Il va sans dire que dans ce processus de mise en scène de l’histoire, chez le griot, et le fait historique, et l’imaginaire viennent s’harmoniser sans efforts dans sa bouche.

En Haïti, perçu comme un phénomène ethnologique rural, le conte cependant, grâce aux mouvements démographiques migratoires, a fait dans le temps son chemin dans les milieux urbains. Les servantes et les domestiques, souvent de souche paysanne, transplantés dans les familles urbaines, se retrouvent le soir, parfois sous l’œil des enfants de la famille, à se raconter des histoires (les contes) et à s’amuser à “tire kont” (tirer des contes, dires des devinettes) pour la délectation de tous. Les paysans, fuyant la campagne ingrate pour s’établir en ville, apportent également avec eux leur bagage d’histoires qu’ils continuent à transmettre.

Le conte a également pénétré l’espace de la conversation courante pour enrichir la langue avec des expressions sorties tout droit des histoires folkloriques. Dans la conversation courante, les expressions “sòt tankou bouki” (« sot comme Bouki »), “kijan ou fè Bouki konsa” (« Comment se fait-il que tu sois aussi sot ? ») ont fait leur chemin, pour qualifier un personnage perçu comme mentalement ou intellectuellement déficient.

Une certaine prépondérance de la dichotomie des caractères dans le conte haïtien force à soulever la question: serait-il le reflet d’une société qui historiquement s’est retrouvée le terrain permanent d’une dialectique de la contradiction? « Nèg la vil ak nèg nan mòn” (« le nègre des villes et le nègre des mornes »); « langue française et langue créole »; « noirs contre mulâtre », etc. Les caractères les plus populaires du conte haïtien se retrouvent en effet toujours de pair, mais dans des situations conflictuelles qui viennent exacerber certains traits psychologiques ou intellectuels, pour la délectation de l’audience: “Jean sot” et “Jean L’esprit”, “Bouki” et “Malice”, “Compère Chien” et “Compère Chat”, etc.

Le conte tel que connu reste bien sur l’apanage des conteurs ou conteuses traditionnel(le)s, qui se réunissent le soir avec les membres de la famille et les voisins, adultes et enfants compris, parfois à la lueur d’un feu où boucanent les victuailles (patates, viande, mais, labapen…) qui devront agrémenter la soirée, avant de lancer les fameux “Tim-Tim? Krik? Et Krak!”, annonciateurs de devinettes et d’histoires merveilleuses, formidables, humoristiques ou terrifiantes. Sous le boabab africain, ou sous le mapou (arbre géant) haïtien, le concept demeure le même…

L’évolution de la technologie partage sans doute une part de responsabilité dans l’attention déclinante accordée au conte ces derniers temps. L’avènement ou la popularité des dernières inventions technologiques –télévision, jeux électroniques- ont sévèrement réduit la disponibilité des familles en général et des enfants en particulier, l’un des auditoires privilégiés du conte traditionnel.

Entre les années 1920-30, l’ethnologie, l’anthropologie, la littérature et la linguistique, en partie en réaction à l’arrogance culturelle de l’occupation américaine (1915-1934) ont étendu leur champ d’investigation scientifique dans le domaine du conte, en vue de répertorier et de préserver cet héritage africain. Jean-Price Mars (Ainsi parla l’oncle) et le mouvement indigéniste fondé autour de la Revue indigène (1927) avec Emile Roumer et Carl Brouard, Jacques Roumain en fondant la Faculté d’ethnologie (1941), l’ethnologue Emmanuel Paul, la linguiste Sylvane Sylvain Comhair, le romancier Jacques Stephen Alexis (Compère général soleil, Les arbres musiciens ), les membres du mouvement indigéniste des Griots au cours des années 1930 sont autant d’auteurs que l’on doit saluer pour leurs contributions dans ce sens. Il faudrait sans doute mentioner un mouvement parallèle entrepris par Aimé Césaire à la Martinique en fondant la Revue Tropiques (1941), et qui allait passer six mois en Haïti peu de temps après, poursuivant les mêmes démarches.

Plus près de nous, parmi tant d’autres, les auteures Mimi Barthélémy (Contes diaboliques d’Haïti) et Odette Roy Fombrun (L‘Ayiti des Indiens), Diane Wolkstein (Magic Orange Tree), Liliane Nérette Louis (When Night Falls, Kric! Krac!), ont effectué un travail de compilation extraordinaire des contes du terroir, soulevant pour une audience plus large, (le public lettré, francophone et anglophone) un pan du voile sur l’âme et la culture haïtienne. Notons que si le contenu des histoires se retrouve disponible par le texte, le concept du conte lui même ne saurait être transmis par le biais livresque. Le conte implique la participation active du conteur, qui doit impressionner son auditoire par la richesse de sa mémoire, ses capacités musicales parfois, ses expressions faciales (“twaze”, “koupe kout je”, un regard de profond mépris) et ses onomatopées (“tuipe” une moue de dédain accompagné d’un chuintement prolongé) qui demeurent l’apanage d’une interaction antagoniste orale à l’haïtienne.

La tradition orale est riche dans sa multiplicité: contes, histoires, ballades, paraboles, proverbes, fables, l’audience, chansons troubadour, etc. Le patrimoine folklorique haïtien reflète cette richesse à travers les chanteurs de ballades, feu Canjo (père d’Emerantes de Pradine), feu Ti Paris, feu Altieri Dorival, Boulot Valcourt, Carole Maroule (une “griotte”), Grifrants, les conteurs ou audienceurs Maurice Sixto, Jean-Claude Martineau (Koralen), et à travers les efforts entrepris à travers les derniers CD que j’ai produits, “ti Oma” et “Ti Cyprien”.

L’assaut –qu’on pourrait qualifier de passif- de la technologie ne devrait pas mettre en péril le conte haïtien. Sixto est mort, mais a donné à l’oralité haïtienne un stimulus extraordinaire en utilisant la technologie audio pour transmettre ses histoires. Il est vrai qu’en même temps il a plutôt abondé dans le sens des raconteurs d’histoires des romanciers haïtiens de la Ronde: Justin Lhérisson (Zoune chez sa nainaine, 1906), Fernand Hibbert (Les Simulacres, 1923), ou Fréderic Marcelin (Thémistocle-Epaminondas Labasterre, 1901).
Jean-Claude Martineau (Koralen) a versé dans le même sens dans certains de ses histoires, évoquant l’histoire des marginalisés (Twa pa, Flèdizè), mais avec une touche de poésie et une solennité qui le classe dans une catégorie à part.

Par delà les travaux de vulgarisation des ethnologues, par delà les approches innovatrices des Sixto, des Martineau ou des Charlot, l’urgence d’une approche institutionnelle systématique de la question de la sauvegarde du conte demeure le vrai dilemme. Lorsqu’il sera déterminé la nécessité d’intégrer le conte comme élément clef dans le curriculum littéraire haïtien–ou africain ou caraibéen pourquoi pas ?- et méthode et stratégie didactique de première importance, on pourra sans doute s’attendre à une relance vigoureuse de ce genre. Il demeure après tout, avec la peinture haïtienne dite naïve et sa cohorte de jungles fantastiques et de fauves, l’un des témoignages les plus évidents et les plus tangibles qui nous reste de cette liaison spirituelle avec l’Afrique et fait notre originalité de peuple.

Pour en savoir plus sur l'auteur : http://www.mioch.net/html/lucien.html
_________________


"- A quoi est due la chute d'Adam et Eve ?
- C'était une erreur de Genèse."
(Boris Vian / 1920-1959)

http://alliance-haiti.com/
http://lacuisinedumonde.free.fr/
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Cathy
Super Posteur


Inscrit le: 18 Juil 2005
Messages: 1281
Localisation: première à gauche

MessagePosté le: Dim 26 Mar 2006 18:02    Sujet du message: Répondre en citant

Charlot Lucien est également peintre et a réalisé de sublimes toiles :

ArrowLe danseur au tambour



Grand admirateur de Toussaint, il a réalisé deux peintures de lui

ArrowToussaint Louverture sur son cheval Bel Argent :


Arrow Toussaint Louverture au fort de Joux



ArrowLe poids de l'esclavage :



Source : http://www.mioch.net/html/lucien_poids.html
_________________


"- A quoi est due la chute d'Adam et Eve ?
- C'était une erreur de Genèse."
(Boris Vian / 1920-1959)

http://alliance-haiti.com/
http://lacuisinedumonde.free.fr/
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Cathy
Super Posteur


Inscrit le: 18 Juil 2005
Messages: 1281
Localisation: première à gauche

MessagePosté le: Lun 03 Avr 2006 10:06    Sujet du message: Répondre en citant


_________________


"- A quoi est due la chute d'Adam et Eve ?
- C'était une erreur de Genèse."
(Boris Vian / 1920-1959)

http://alliance-haiti.com/
http://lacuisinedumonde.free.fr/
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Diali
Bon posteur


Inscrit le: 13 Juil 2005
Messages: 550

MessagePosté le: Lun 03 Avr 2006 18:47    Sujet du message: Répondre en citant

salut Cathy
c'est très intéressant tout ça !
tu peux nous préciser sur quoi va porter la discussion samedi (sur le conte haitien a priori) ?
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Cathy
Super Posteur


Inscrit le: 18 Juil 2005
Messages: 1281
Localisation: première à gauche

MessagePosté le: Mar 04 Avr 2006 00:10    Sujet du message: Répondre en citant

Salut Diali,
Charlot Lucien est avant tout conteur. Cette conférence en effet va tourner autour du conte haïtien (il présentera quelques un de ces célèbres conte historique) mais également des caricatures politique car Charlot Lucien est également caricaturiste.



Ci-dessous une jolie tête d''Aristide. Artiste Complet, il est aussi poète :

Citation:
Voici venir la paix





Voici venir la Paix, la Paix des cimetières.

Murailles calcinées, arbres déracinés,

Fleuves ensanglantés, ossements blanchis,

Lapés par les chiens dressés,

Et sucés par la vermine ambiante.

Espace rouge et irrespirable,

De ces émanations puantes que seules les narines

Des vautours et des chacals apprécient l’extase.



Voici donc la Paix venue.

Les loups, leurs gueules encore chaudes et fumantes,

Leurs crocs encombrés de quelques lambeaux de chairs,

Contemplent l’oeil avide,

L’enfer de feu, de fumée, de sang et de ruines,

Qu’ils ont peint sur la nature...



Et voici, ils se jettent aux alentours, battant la campagne.

Ce qui reste de bois et de mornes,

Est écartelé, fouillé, haché, violé.

Mais les bois, les mornes n’ont plus de victimes,

Ni à cacher, ni à livrer.

Les victimes anticipées,

Ont longtemps pris la mer,

Préférant exposer leurs chairs

Au tranchant des mâchoires de requins,

Qu’à celui des loups enragés.



Les loups ont couru en vain, excités et furieux.

Alors, haletants de haine et de dépit,

Ils laissent glisser leurs regards jaunes et glauques,

Les uns sur les autres, se soupesant discrètement...

Le spectacle final fut soudain et brutal,

Vacillant entre l’horreur et le grotesque.



Les loups dans une formidable mêlée,

De chairs sanglantes, de crocs baveux, et de halètements,

Les loups se jetèrent les uns contre les autres.

Cela ne prit que le temps

D’un cillement,

De quelques grognements,

Mais voici,

Voici, la Paix est venue...





Poème de Charlot Lucien
Source : http://www.mioch.net/html/lucien_poemes.html

_________________


"- A quoi est due la chute d'Adam et Eve ?
- C'était une erreur de Genèse."
(Boris Vian / 1920-1959)

http://alliance-haiti.com/
http://lacuisinedumonde.free.fr/
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Visiter le site web de l'utilisateur
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet       grioo.com Index du Forum -> Littérature Négro-africaine Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum



Powered by phpBB © 2001 phpBB Group