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L'Islam et les autres réligions monothéistes...

 
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Auteur Message
maharaz
Grioonaute


Inscrit le: 16 Sep 2005
Messages: 12

MessagePosté le: Ven 16 Sep 2005 14:11    Sujet du message: L'Islam et les autres réligions monothéistes... Répondre en citant

I. Le dialogue interreligieux

Un débat important


La rencontre et le dialogue deviennent plus que jamais fondamentaux si l’on veut apporter une analyse du monde actuel qui soit la plus objective possible. Le partage de la réflexion détermine également l'avenir de nos sociétés européennes puisque, à l’heure des nouveaux défis, nous ne pouvons plus nous isoler dans une bulle en ignorant l’autre. Bon gré, mal gré, nous sommes destinés à vivre ensemble et à construire nos sociétés. Notre devoir est d’optimiser ce vivre ensemble et d’en faire le sens d’une richesse pour notre société, plutôt que l’expression d’un enfermement et d’un appauvrissement.
Je ne peux donc que saluer et encourager de telles rencontres et mettre en exergue leur nécessité et leur apport.

Le débat qui nous réunit aujourd'hui n’a pas pour but de confronter les communautés religieuses avec la société civile ou la laïcité, loin s’en faut. Il a pour ambition, avant de mettre en dialogue les représentants des différentes traditions religieuses, de faire se rencontrer nos expériences et nos références religieuses, mais aussi –puisque c’est le thème de la rencontre- de parler de "l'avenir" des musulmans en Europe, question lancinante et fondamentale, notamment à la lumière de l’actualité.


Après une brève introduction, j'aimerais vous proposer une réflexion autour de trois points essentiels. Avant tout, je vous présenterai les références musulmanes qui sont en elles-mêmes le cadre de notre vision et de notre réflexion en tant que musulmans. Personne ne peut prétendre comprendre une religion ou une pensée sans chercher à connaître et à saisir le cadre de référence à partit duquel il établit sa réflexion. Nous en évoquerons donc les éléments essentiels pour bien saisir toute la réflexion de notre propos. Je continuerai en faisant l’exposé de la perception que l’islam et les musulmans ont des autres traditions religieuses –principalement des religion juive et chrétienne-, du dialogue que nous avons et que nous espérons, de l’engagement commun et de la reconnaissance mutuelle que nous voulons entretenir. Nous ne cherchons pas à faire de notre propos et de notre rencontre un enjolivement des relations inter-religieuses, ni à fuir les différences, raison pour laquelle nous ne ferons pas l’économie de tout ce qui, en matière de référence ou de divergence, peut poser problème entre l’islam et les différentes religions. Il existe au sein des références musulmanes des textes dont l’interprétation peut orienter totalement la relation qui existe entre l’islam et les religions du Livre. Aujourd'hui, on ne peut faire le détour de ces textes ni les ignorer. Leur étude permettra de voir s’il est possible de vivre dans une attitude de respect et d’échange ou si l’islam porte en son sein réellement des textes porteurs de rejet envers les autres religions. Cela nous permettra en outre de voir combien est primordiale la place de l’interprétation dans la science de l’étude des sources, combien les débats sont foisonnants et les interprétations diverses dans le monde musulman.

La bonne volonté ne suffit pas à construire le dialogue, il nous faut aussi savoir faire preuve de clarté et d’honnêteté, de franchise et de transparence, quelles que soient les divergences. Tels sont les ponts du respect, de l’échange et du savoir-vivre ensemble.
Le troisième et dernier point sera plus personnel étant donné qu’il se concentrera sur ce qui m'apparaît être, au vu de ma formation et de mon expérience personnelle, l'avenir de ce regard que nous portons les uns sur les autres.


1. Les principes fondamentaux.


Pour l’unanimité des musulmans, le Coran et la Sunna représentent les références. Le Coran est la parole de Dieu révélée à l’humanité entière par l’intermédiaire de Son messager Muhammad. Il est la source principale des Textes de référence et se trouve complété par la Sunna qui comporte tout ce que le Prophète (PBSL) a pu dire, faire ou approuver .. Ce corpus de Textes que sont le Coran et la Sunna déterminent les orientations, les réflexions que les musulmans portent sur leur foi, sur leur vie, sur les relations sociales, politiques, économiques, et aussi sur ce qui nous intéresse : la relation de l’islam avec les autres traditions.

Les principes de la foi, appelés « arkân al-îman », les piliers de la foi, sont directement issus de ces deux références que sont le Coran et la Sunna. Il existe en islam une catégorisation spécifique dans le dogme, catégorisation qu’il faut comprendre afin d’être à même de pouvoir saisir tout ce qui en découlera. On ne peut entrer dans l’étude d’une tradition religieuse par une logique autre. Ainsi, on ne peut comprendre le christianisme à travers les bases dogmatiques du judaïsme et on ne pourra saisir l’islam par le biais des fondements chrétiens. Il faut aborder une vision de l’intérieur, une vision qui puisse saisir l’ensemble de la religion, dans ses fondements comme dans ses dynamiques. Comprendre l’autre exige d’entrer dans sa logique, dans son mode de réflexion. Par ailleurs, il s’agit de bien comprendre qu’au-delà de la logique de l’autre, il y a aussi un positionnement spécifique de la personne qui parle. Ainsi, l’orateur musulman ne parle pas forcément au nom de tous les musulmans. Il exprime une interprétation, une réflexion, un positionnement spécifique qui peut être partagé ou non. Comme dans toute religion, l’islam peut prêter à des lectures interprétatives même au niveau exégétique parfois, comme sur l'herméneutique (nous aurons l’occasion de le voir tout au long de notre propos).

En ce qui concerne les principes de la foi, je me concentrerai, toujours par souci de temps, sur trois aspects essentiels de la foi musulmane qui nous intéressent directement quant au regard que l’islam porte sur les deux autres traditions.


a) L'Unicité de Dieu.

Le pilier sur lequel repose l’ensemble de la foi musulmane est celui du tawhîd. Principe premier, il est l’expression de l’unicité de Dieu : Il est l’Unique et n’a pas d’associés. Le tawhîd est la base fondamentale de la croyance musulmane et on saisit aisément la divergence qui peut séparer christianisme et islam à ce niveau. La croyance en la trinité n’est aucunement admise dans la tradition musulmane, nous y reviendrons.
Nul ne peut faire la représentation de Dieu car rien ne Lui ressemble. Notre intelligence et notre imagination ne peuvent que se trouver limitées face à ce qu’Il est. Les noms qu’Il nous a donnés nous permettent de percevoir une intuition de ce qu’Il peut faire ou de ce qu’Il est, mais ne nous suffisent pas pour L’appréhender totalement. Notre humanité nous limite face à son caractère divin. On ne le définit pas, on ne fait que s’approcher de Sa proximité, sans jamais L’atteindre. La formule biblique « Je suis Celui qui est » épouse totalement le tawhîd tel qu’il est compris par les musulmans par Son aspect à la fois infini et imperceptible. Seul le Texte nous permet de dire ce qu’est Dieu car on ne peut dire de Lui que ce que Lui-même a dit de Lui. Notre humilité de ce point de vue doit être totale.

En somme, l’unicité Divine est, au niveau des trois grandes religions, la première et véritable convergence –mis à part peut-être pour le christianisme et la trinité mais nous y reviendrons plus loin. Dans la tradition musulmane, les adeptes des deux autres religions, judaïsme et christianisme , sont nommés "Les gens du Livre", c'est-à-dire ceux qui ont reçu un message, une révélation.
Le sens du « Livre » révèle la présence d’un Dieu unique, quelle que soit son appellation dans les différentes langues. Chateaubriand pensait que "Allah" était le Dieu spécifique au peuple arabe, comme beaucoup le pensent encore. Or, le mot « Allah » n’est que la traduction arabe du mot Dieu, tout comme on dirait "God" en anglais ou "Dios" en espagnol. Preuve en est que les arabes chrétiens disent Allah pour évoquer Dieu.

Il me semble important de détailler ce point pour mettre en exergue avec force l’unicité divine à travers les différentes religions du Livre. Un verset coranique dit : "Notre Dieu et votre Dieu sont un Dieu Unique" pour réaffirmer le principe fondamental du monothéisme transmis par tous les messages révélés aux différents Prophètes. Dans cette optique, on ne comprendra que mieux la signification du terme "Islam".

Si le mot "Islam" est le nom de la religion musulmane, sa signification a une vocation plus universelle, car elle véhicule avant tout un acte de foi. Islâm en arabe signifie se soumettre; ce terme induit la présence d’un Dieu créateur auquel on se soumet. Ici encore, l’interprétation prend une place importante car si certains savants considèrent que l’islam est la religion des musulmans, d’autres affirment que le mot muslim (musulman) signifie « celui qui se soumet », celui qui reconnaît la présence de Dieu.

Ainsi, le verset du coran qui dit : "La religion auprès de Dieu est l'Islam" peut être sujet à interprétation selon que l’on considère l’islam comme la religion des musulmans ou si l’islam est en soit l’acte de soumission au Créateur, ce qui changerait la perception que nous pouvons porter aux autres religions. Henri Babel disait justement, à l’aune de cette explication, qu’il se considérait comme un protestant soumis (« muslim » en arabe).
Avec cette compréhension d'un Dieu Unique, l’idée de l’islam tend à soumettre sa conscience au sens de la création de Dieu, aspect que le judaïsme et le christianisme ne peuvent que partager. Acte de soumission, la tradition musulmane ne suit donc pas un homme mais se détermine par l'expression d'un acte : la reconnaissance du Dieu Unique.



b) Les cycles de la prophétie.

Le second pilier de la foi se révèle à travers la croyance dans le cycle de la Prophétie. D’Adam à Muhammad, en passant par Noé, Ibrahim, Moïse, Jésus et tant d’autres, Dieu s’est révélé aux peuples et aux époques, à travers ces hommes empreints de piété et de sagesse, depuis le début de l’humanité jusqu’au VIIè siècle avec Muhammad, sceau des Prophètes, venant ainsi clore le cycle de la révélation. Bon nombre de prophètes sont cités dans le Coran, principalement ceux que nous avons mentionnés, mais bien d’autres ont eu la même mission de transmettre la parole de Dieu aux hommes. La croyance en ce cycle incarne le second principe fondamental de la foi. Il s’agit de croire en tous les Prophètes, sans retirer leur statut à ces élus de Dieu reconnus en tant que tels, sans douter du fait qu’ils aient accompli la mission pour laquelle ils ont été envoyés, croyant fermement en un Dieu unique.

Si certains Prophètes ont été affiliés à une tradition spécifique, ils doivent tous être reconnus comme faisant partie du même cycle, de la même mission. Nul besoin de s’approprier spécifiquement un Prophète s’ils sont reconnus par toutes les traditions. Ils appartiennent à la même volonté divine et ont été envoyés dans le même but : celui de transmettre le message. Or, certaines traditions tendent à vouloir s’approprier des Prophètes spécifiquement, en opposition parfois avec les autres traditions. C’est le cas du Patriarche Abraham reconnu par les trois religions. Dieu nous dit dans le Coran :
« O gens du Livre, pourquoi vous-disputez-vous au sujet d’Abraham alors que la Thora et l’Évangile ne sont descendus qu’après lui? … Abraham n’était ni juif ni chrétien. Il était entièrement soumis à Dieu et n’était point du nombre des associateurs. »

Par ces paroles, Dieu se réapproprie avant tout Son serviteur et messager, seul homme à avoir la qualification d’ami de Dieu (khalîl Allah), pour faire comprendre aux uns et aux autres qu’Abraham participe avant tout d’un principe essentiel et commun à toutes les traditions : l’unicité de Dieu. Son monothéisme pur et exclusif est devenu la référence dans laquelle s’inscrivent les musulmans. Il est d’ailleurs le premier prophète à avoir utilisé la qualification de musulman, de « muslim » au sens de soumission. Reconnaître Abraham, c’est donc adhérer à ce monothéisme sincère et sans faille.

Après Abraham, Il a fait parvenir la Thora à travers Moïse, et l’Évangile à travers Jésus. Il est à noter que Dieu parle d’évangile au singulier dans le Coran et non des évangiles, ce qui est non négligeable dans le débat entre l’islam et le christianisme, puisque cela induit l’existence d’un seul texte provenant de Dieu et transmis aux hommes. Jamais, selon la tradition musulmane, Dieu n’a demandé aux hommes, fussent-ils des Prophètes, d’écrire Sa parole.

Dieu a révélé un texte empli de lumière, de sagesse et de guidance pour l’humanité, une orientation pour les mondes –et je parle des mondes au pluriel car Dieu ne s’est pas contenté de se révéler aux êtres humains mais aux différents mondes qui constituent l’univers- à travers un cycle de révélations qui se complètent et qui ont évolué. Ici encore, il s’agit de bien comprendre ce que l’on entend par « révélation », notamment dans le cadre du dialogue inter-religieux. Si d’aucuns y voient un message, la tradition musulmane traduirait la révélation à la fois comme un message et un événement. Événement parce qu’il porte et confirme l’histoire, message parce que l’application de son éthique se fonde sur le comportement d’un homme, le Prophète. Si bien que lorsque l’on demanda à son épouse comment était le Prophète, celle-ci répondit qu’il était tel un Coran qui marchait, c'est-à-dire qu’il était l’application même du message avec lequel il avait été envoyé.

La révélation tient donc une place centrale car elle porte en son sein les fondements de la vie intérieure, spirituelle, et ceux qui fondent la relation à la société et aux autres traditions. En même temps, elle relie les différentes phases du message, en s’affiliant à la source d’Abraham.



c) Le sens de l’histoire.


Un des aspects déterminants dans la foi est le fait de comprendre que l’histoire a un sens, que Dieu a décidé une succession de révélations en vue d’une finalité. L’homme, tout au long de sa vie, a un but, celui d’évoluer au mieux, de trouver l’apaisement et la sérénité du cœur en fidélité avec ce que Dieu attend de lui. De même, l’histoire de l’humanité a un sens, une définition que nous ne sommes pas en mesure de saisir étant donné le fait que nous soyons limités par notre humanité, mais qui est réelle. Cela n’est pas propre à la tradition musulmane puisque toute tradition religieuse exprime la réalité d’un but dans la marche de l’histoire.
La vision que nous pouvons avoir des autres sera toujours déterminée plus ou moins directement par ce sens de l’histoire qui nous habite. La religion musulmane insiste beaucoup sur le fait que tout a un sens, que rien n’est dû au hasard, que toute chose qui arrive au niveau individuel aussi bien qu’au niveau collectif contient une signification, un sens bien plus profond que celui que nous percevons.
A partir de ces éléments, nous pouvons à partir des sources scripturaires nous poser une question qui nous permettra d’avoir une représentation plus claire de ce que sont et de ce que doivent être ces "regards croisés".


Que disent les textes scripturaires au niveau de leur littéralité et quel type d’interprétation pouvons-nus leur porter?
Je laisserai la seconde partie pour un développement ultérieur. En ce qui concerne le Texte en lui-même, nous ne pouvons faire l’économie de son étude car il est le fondement même de toute la religion musulmane. Ce n’est qu’en ayant étudié et compris ces Textes que nous pourrons en déterminer la latitude d’interprétation. Si d’aucuns tentent de renier l’existence de certains textes ou de les ignorer dans l’optique d’ « édulcorer » la tradition musulmane, de cacher certains aspects « gênants », nous ne pouvons aujourd'hui faire preuve d’hypocrisie. L’honnêteté et la transparence doivent nous animer continuellement, tel est le prix de la confiance et de l’échange sincère. Ainsi, nous devons avant tout nous référer au Texte pour comprendre ce qu’il signifie et l’adapter à notre réalité si besoin est, mais nous ne pouvons partir de ce que nous voulons en terme d’idée ou de vision et de ne prendre du texte que ce qui nous intéresse en occultant le reste.


2. Les points de convergence.

À partir des références et des fondements que nous venons de citer va se dégager un principe très important dans le type de rencontres entre l’islam et les traditions juive et chrétienne. Dans la troisième sourate du Coran, Dieu dit :

"Ô vous les gens du Livre! Venez à une parole commune entre vous et nous. Que nous n'adorions qu'un Dieu, que nous ne Lui associions rien et que nous n'établissions pas entre Lui et nous d'associés (ou d'intermédiaire)"
A travers ce verset, Dieu nous demande de chercher l’union, la convergence, les points communs, avant de chercher ce qui peut être source de divergence. Or, ce qui unit les religions du Livre s’inscrit avant tout dans la reconnaissance de Dieu, dans Son unicité et dans Sa proximité avec l’homme. Nul besoin de dieux inventés servants d’intermédiaires (comme le faisaient les arabes avant le Prophète) pour Lui parler, pour L’adorer, pour être avec Lui. La relation entre l’homme et Dieu se veut immédiate, exclusive, sans accepter ni intermédiaire ni associé. Les trois religions contiennent en leur sein ces éléments –même s’il peut y avoir divergence au niveau de certaines lectures dans la tradition chrétienne- et les reconnaissent. Ainsi, Dieu nous invite à nous unir ensemble dans ce qui peut être commun, et si refus il y a alors "témoignez que nous sommes soumis au Dieu Unique" , nous intime-t-Il.
Cette formule coranique est très importante parce qu'elle comporte le prisme à travers lequel la tradition musulmane s'exprime sur les points de convergence et de divergence, avec l’idée continuelle et commune de reconnaissance de Dieu et de soumission à Sa volonté. Telle est la première convergence.

Ensuite, parallèlement à ce qui a été dit au préalable, et toujours à partir du fondement du monothéisme, par le cycle de la prophétie, il nous faut prendre en compte l’idée commune de l’envoi de messagers. Dieu, à travers les âges et les différentes traditions, a choisi les porteurs de Son message : Moïse pour la Thora, reconnu comme porteur du message au peuple juif. L’islam reconnaît cette histoire puisque Moïse est mentionné à maintes reprises dans le Coran :
« Ô vous les enfants d'Israël, souvenez-vous des bienfaits que Dieu à fait descendre sur vous quand Il vous a choisis. »

Dieu a donc choisi et élevé Moïse et le peuple juif, comme Il l’a fait pour Jésus, 'Issa, le verbe de Dieu, mentionné 33 fois dans le Coran. L’islam reconnaît donc avec une grande force ces Prophètes puisqu’ils sont mentionnés dans le Texte bien plus que le Prophète Muhammad ne l’est lui-même. Reconnaissance du fait que le message de Dieu a été transmis et porté par ces peuples, que ces derniers ont été, à un moment de l’histoire, élevés et élus par Dieu. Le principe d’élection existe donc en islam cependant il n’a pas du tout la même valeur et la même signification que pour les autres traditions, point que je reprendrai plus loin.
Certes, Dieu a élu des hommes –les messagers et les Prophètes, d’Adam à Muhammad-, il a élu aussi des peuples –du peuple juif aux musulmans, si on peut les considérer comme des peuples. Mais le principe d’élection ne prend pas sa valeur dans le sang que l’on porte mais dans l’éthique et la morale que nous vivons. L’élection n’est donc pas en soi un don exclusif et définitif; il s’acquiert, se mérite au fil du temps, individuellement et collectivement. La distinction n'est donc pas dans le sang, mais dans le geste.
Le message divin reçu au sein d’une communauté n’élève que s’il est appliqué, raison pour laquelle il ne faut pas se confondre en erreur. Quand le Coran dit aux musulmans :
"Vous êtes la meilleure communauté érigée parmi les hommes",
cela ne prétend nullement que les musulmans soient un peuple définitivement élu, au-delà de leurs actes et leur moralité, loin s’en faut. Le texte lui-même l’explique puisque ce verset se termine en disant :
"Vous commandez le bien, vous résistez au mal et vous portez foi en Dieu"

L’ordre des prescriptions dans ce verset se veut révélateur. Les musulmans ne sont et ne seront la meilleure communauté qu’à partir du moment où ils sont porteurs d’une éthique, d’un comportement de foi. Il appartient à Dieu de constater l’intention de leurs actes, de voir s’ils agissent en vue de leur foi ou non. Lui Seul sait la foi qu’ils portent et qui les pousse. Le principe d’élection s’incarne avant tout dans l’éthique que nous portons, dans le comportement que nous avons, et dans la foi que Dieu sait.



3. Les éléments de divergence.


Après avoir évoqué les fondements de convergence, nous allons nous intéresser aux éléments de divergence, qui sont en soi aussi importants. On ne peut prétendre à un dialogue, à l’échange sans faire un travail d’analyse profond de part et d’autre, ensemble, non pour mettre en évidence ce qui nous oppose mais pour voir ce qui nous différencie. J’ai utilisé le terme divergence de manière volontaire, car la divergence enrichit et ne nuit que si l’un désire avoir la prééminence sur l’autre. Notre but, au contraire, est de trouver un terrain d’expression dans lequel chacun puisse dire qui il est sans crainte et sans complexe.



a) Le Coran : confirmation et rectification des messages précédents.

Nous avons mis en évidence la continuité du message à travers les siècles dans le cycle d’une prophétie décidée par Dieu. Trois livres, Thora, Évangile, Coran. Dans un ordre établi par Dieu, chaque message vient confirmer le précédent, mais il le rectifie et le fait évoluer en fonction de l’époque. Ainsi, le Coran, sceau de la Révélation vient confirmer l’Évangile et la Thora et modifie ce que Dieu a voulu changer dans Ses prescriptions. Il paraît important de comprendre la position du Coran par rapport aux Livres précédents. Jamais il ne les nie : au contraire, il les confirme et, en tant que message divin, apporte le complément que Dieu décide, ainsi que les rectifications qu’Il ordonne.



b) Tradition juive et tradition musulmane.

D’un point de vue dogmatique, les deux traditions ont un rapprochement déterminant qui est le monothéisme absolu. Pour toutes deux, jamais Dieu ne peut et ne doit être représenté, sous quelque forme que ce soit, Il n’a jamais eu de "qualité" humaine.

Ce point est extrêmement fort dans la relation qui peut exister entre les deux traditions et il ne faut pas faire l’économie de le citer car il détermine une posture d’un point de vue religieux très important. Néanmoins, force est de constater que les divergences sont tout aussi réelles. Dans la tradition musulmane, la Thora, telle qu'elle existe à l'heure actuelle, et son interprétation talmudique posent problème par rapport à la conception de la Thora telle qu’elle est déterminée dans le Coran. Si sur le plan du monothéisme et de "la loi", il n’y a pas de réelle divergence, la question de la pratique proprement dite se révèle fondamentalement différente. Par ailleurs, la conception d’Abraham selon le judaïsme diffère de celle que l’on conçoit dans la tradition musulmane.


La foi d’Abraham.

Les deux traditions évoquent et se réclament d'Abraham pourtant, la vie et l’œuvre de ce dernier diffèrent selon que l’on s’attache une tradition ou à l’autre. L’histoire même de ce messager ne possède pas la même teneur et ne se réclame pas de la même pédagogie. L’expérience de la foi telle que l’a vécue Abraham ne promulgue pas les mêmes enseignements.

Sans revenir sur l’histoire d’Abraham, je vais en dire l’essentiel : Dieu éprouve le Patriarche à un moment de sa vie, en exigeant de celui-ci de sacrifier son fils unique et tant attendu, lui disant : « Dieu saura reconnaître qui saura sacrifier ». Et Abraham se soumet à la volonté divine en s’apprêtant à sacrifier son fils Isaac sans que celui-ci ne soit au courant. Abraham va donc vivre cette épreuve dans la douleur et dans la solitude. La dimension tragique prend une ampleur considérable dans cette conception, d’ailleurs un certain nombre de philosophes dans les traditions juive et chrétienne ont écrit sur l'expérience "tragique" de la foi dans la solitude.

La tradition musulmane aborde l’histoire sous un angle différent. Avant tout, l’enfant sacrifié n’est pas Isaac mais Ismaël, le premier né. Mais surtout –et c’est de ce point de vue que les deux traditions divergent sur l’expérience d’Abraham- nous trouvons le fait qu’Abraham n’a pas vécu cette épreuve seul. Lorsqu’il a reçu en rêve l’ordre divin de sacrifier son fils, il en a informé ce dernier, en cherchant conseil et aide auprès de son fils :
« Mon petit! Je me vois en rêve en train de t’égorger. Vois ce qu’il y a lieu de faire! » .
Ce dernier de répondre : « Père! Fais ce qui t’a été ordonné; tu me trouveras, si Dieu le veut, parmi ce qui font preuve de patience. »
Abraham ne réfugie pas son obéissance dans la souffrance et la solitude, il concerte son fils et lui fait partager l’épreuve, dans la reconnaissance de l’ordre divin. La dimension tragique ne trouve pas d’écho dans la tradition musulmane et cela porte des conséquences très importantes sur le regard que l’on peut porter à la notion de communauté de foi.

Sans pouvoir approfondir, il faut comprendre une notion fondamentale qui se révèle dans la tradition musulmane : la notion de communauté de foi est très persistante à travers les expériences des différents Prophètes. Tous ont eu à transmettre un message à leur peuple, mais surtout ils devaient partager ce message, échanger des réflexions, rester dans la communauté le plus possible, même si celle-ci les avait exclus.

Comprendre l’expérience de la foi d’Abraham se veut fondamentale pour les musulmans. Elle révèle des enseignements non négligeables et exige une compréhension de foi intérieure profonde mais aussi l’exigence d’un partage dans l’expérience avec les siens. La foi ne se vit pas seul, elle se transmet et se partage au sein d’une communauté d’hommes et de femmes qui portent des valeurs semblables.


La question de l’élection.

J’ai évoqué préalablement la question de l’élection cependant elle mérite un développement tant il est vrai qu’elle suscite un débat déterminant entre les différentes communautés religieuses. Selon la considération judaïque, le peuple juif est un peuple élu par Dieu pour porter Sa parole et Son message et il est la communauté qui a reçu le plus grand nombre de Prophètes. Dans une telle conception, on ne devient pas juif, on l’est dès la naissance. C’est une filiation par le sang avant d’être un héritage de foi. Or, la tradition musulmane réfute totalement une telle vision car un attachement au sang plus important qu’un attachement à la foi autoriserait toutes sortes de dérives. L’ici-bas prévaudrait sur l’au-delà, ce qui dans une tradition religieuse se veut difficilement concevable.
Edmond Kayser, lors d’une discussion, me disait qu’il était juif athée. Lui expliquant qu’en tant que musulman, il m’était difficile de concevoir comment on pouvait se définir d’une tradition religieuse sans en porter la foi, il me répondit qu’il était juif par le sang et athée de conviction. Ainsi, il existerait une filiation de la judaïté par le sang, au-delà du principe de foi, ce que la tradition musulmane ne peut concevoir.
A l’aune de certaines réflexions et de l’étude de l’histoire des juifs, un certain nombre de théologiens juifs ont relativisé le sens de cette élection, allant même parfois jusqu’à la réfutation d’une élection par le sang pour favoriser une élection par la foi.

La tradition musulmane accepte l’idée d’une élection historique du peuple juif, non pour leur identité ou pour leur sang mais pour la foi qu’ils portaient. Le problème est donc déplacé : il ne s’agit pas de savoir qui est hébreux mais de constater qui porte la foi, qui a accepté l’héritage spirituel de Moïse. La réflexion se pose de la même façon pour l’islam. Il n’existe pas de peuple musulman élu par Dieu. Aucune filiation, aucun héritage ne peut être accepté si ce n’est celui de la foi portée et vécue. L’exclusivité n’incombe jamais à une race mais à des cœurs qui se sont soumis, qui ont accepté le message divin et qui vivent selon ses préceptes. Tel est le principe d’élection et jamais il n’est définitivement acquis, il nécessite un entretien continu et exigeant, au niveau individuel aussi bien que collectif.



c) Christianisme et islam : de Dieu à l’homme.


A travers ce que j’ai pu succinctement expliquer en amont au sujet de l’islam, nous retiendrons, parmi les plus importants, trois points de divergence sur lesquels nous allons nous arrêter.


Le péché originel ou la conception de l’homme.

La conception de l’homme en tant qu’être humain est fondamentale dans toute tradition religieuse car il incarne le rôle de celui qui va se positionner par rapport à ce que Dieu attend de lui. Mais l’homme pour s’insérer dans le cadre d’une tradition religieuse a besoin de comprendre qui il est et comment il est perçu par la religion qu’il porte. Or, à ce niveau l’unanimité n’est pas de mise au sein des religions du Livre, notamment en ce qui nous concerne, entre la tradition musulmane et chrétienne.
Vous le savez, la tradition chrétienne attribue à l’homme la notion de péché avant même qu’il n’évolue. Adam et Ève, premiers êtres humains créés, ont renoncé au paradis sur terre par leur faiblesse et leur soumission au diable, en mangeant le fruit interdit.
Depuis, les hommes portent le péché originel en eux et sont considérés comme pécheurs dès leur naissance et ont à se faire absoudre de ce péché. La mission même de Jésus est remise en question étant donné qu’il vient dans la tradition chrétienne pour porter les fautes de l’humanité.
L’islam ne reconnaît pas cette conception de l’humain. Tout enfant naît innocent et n’a pas à se faire pardonner les erreurs de ses prédécesseurs, fussent-ils des négateurs. S’il meurt durant son jeune âge, le paradis lui est promis car il n’a à son actif aucun péché. On ne peut le juger pour autre chose que ce qu’il est, c'est-à-dire un enfant.
Néanmoins, il ne faut pas se limiter à savoir si les enfants portent en eux les germes de l’innocence ou de la culpabilité, mais il faut véritablement approfondir le débat sur la conception de l’homme d’un point de vue religieux et philosophique.
Si effectivement l’homme naît innocent et ne porte pas les fautes de ses anciens, chaque homme en islam porte ses propres fautes et Dieu ne comptabilise pour chacun que ses propres actes. La responsabilité est donc en soi individuelle dans le sens de l’humanité. L’homme est créé avec une propension à faire le bien et à faire le mal. Dieu ne reproche pas à l’homme d’être un homme, de contenir en lui cette part d’instinct qui le pousse à des sentiments tels que la colère, l’envie, le désir, la vengeance, la haine, etc. L’homme en soi est porteur de cela et il ne lui sera pas demandé de s’en justifier. Par contre, il devra répondre de la gestion de ses défauts, de ses excès, de ses manques. Sa responsabilité à lutter contre ce qui l’anime est en ce sens exigeante. Ainsi, il n’est pas jugé pour ce qu’il porte en son for intérieur mais pour ce qu’il en fait.
Définir une tradition religieuse revient donc à traduire ce qu’il en est de Dieu, des Prophètes, des messages, mais aussi de ce qu’est l’homme au sein de cette tradition, de ce que sont ses responsabilités, ses devoirs, son identité, ses droits, etc. La conception de l’homme doit donc faire l’objet d’une étude minutieuse et rigoureuse, il s’agit de replacer l’homme au centre d’un système philosophique et religieux, ce qui est en soi fondamental si l’homme veut vivre sa religion avec épanouissement et sérénité.


La trinité.

La question de la trinité a suscité et suscite encore des réactions très prononcées de la part des musulmans. Comment peut-on se considérer comme monothéiste tout en prétendant l’existence d’un Dieu incarné en trois entités différentes, avec l’idée d’une affiliation parentale entre Dieu le père et Jésus le fils? Bon nombre de musulmans ne comprennent pas; Dieu est Un, Il n’a pas d’associé et jamais ne se manifeste sous forme humaine.

Qu’en est-il? Font-ils partie des gens du Livre (ahl al-kitâb) ou ont-ils dévié? Ces questions font l’objet de nombreux débats et certains peuvent aller à des interprétations tranchées n’hésitant pas à taxer les chrétiens de négateurs (kufâr) , ne sachant pas toujours exactement ce que le terme signifie réellement.


Que dit le Coran de la Trinité? Dans la tradition musulmane, la trinité est considérée comme un non-sens, comme une contradiction religieuse.
« O gens du Livre! Ne sortez pas de la juste mesure dans votre religion et ne dites sur Dieu que la vérité : le Messie fils de Marie n’est que le messager de Dieu, Son verbe qu’Il a jeté à Marie et un esprit venant de Lui. Croyez donc à Dieu et à Ses messagers et ne dites points « trois ». Cessez, c’est préférable pour vous. Dieu n’est qu’un Dieu Unique. Loin de Sa gloire et de Sa pureté qu’Il ait un enfant. »
Dieu est Un; jamais il ne prend forme humaine pour Se révéler et on ne peut croire en tant que musulmans, en son incarnation en un être humain ou en l’idée d’une hypostase. De même, l’idée de Jésus en tant qu’intermédiaire perpétuel entre Dieu et les hommes ne peut trouver d’écho dans la tradition musulmane car la notion d’immédiateté dans la relation entre Dieu et les hommes y est fondamentale.
A partir de ces raisonnements, certains musulmans se questionnent sur le fait de considérer les chrétiens tels qu’ils sont perçus aujourd'hui comme des gens du Livre (ahl al-kitâb) comme il est évoqué dans le Coran; d’autres prétendent que Dieu a cité les chrétiens comme gens du Livre mais qu’il s’agit en fait des chrétiens d’antan qui ne reconnaissaient pas le statut divin de Jésus. D’autres, enfin, se rangent à ce que dit le Coran et inscrivent les chrétiens parmi la communauté des gens du Livre.
Qu’en est-il? En fait, comme nous l’avons dit pour l’islam, les analyses extérieures ne peuvent et ne doivent pas primer sur les considérations intérieures. Il s’agit de voir avant tout ce que disent les chrétiens de leur propre religion, de la trinité. Ce qui importe finalement, c’est de comprendre ce que dit un chrétien de sa trinité tout en affirmant son monothéisme. Nous ne pouvons nous permettre, ne serait-ce que par respect, d’évaluer le monothéisme d’un chrétien quand lui s’affirme attaché à cette tradition religieuse.

Nous avons un devoir d’écoute et de tentative de compréhension maximale par rapport à nos interlocuteurs. Et avant d’interpréter leurs textes, nous devons chercher à savoir ce que eux-mêmes en disent. Leur appartenance à ce texte prévaut sur l’analyse que nous pouvons en donner étant donné que nous sommes à l’extérieur alors qu’eux le vivent de l’intérieur.
Nous ne pourrons laisser de chance au dialogue que dans la mesure où l’on prendra le temps d'écouter ce que l'autre dit de ses textes avant de l'avoir jugé par nos propres textes.

Par ailleurs, beaucoup parmi nous font souvent l’économie des études réelles, profondes et rigoureuses. Nous nous bornons à piocher quelques textes ici et là, et à les opposer sans comprendre réellement leur sens, ni saisir leur degré d’interprétation. Pouvoir faire une étude comparative exige une connaissance parfaite et précise des deux textes, des interprétations diverses, de l’histoire des deux traditions religieuses, etc. Il faut donc une connaissance minimale que beaucoup n’ont pas pour réaliser un tel travail. Mais surtout, il faut comprendre profondément que le but n’est pas de mettre en opposition nos religions, mais de comprendre et d’enrichir un débat et un échange. Là où certains condamnent, nous essayons de comprendre; là où certains rejettent, nous discutons. Si la trinité pose un problème, ce n’est pas en reniant ceux qui la portent que nous réussirons à trouver une solution, loin s’en faut. Il s’agit plutôt d’entrer dans un univers de compréhension afin de voir à partir de nos valeurs et de nos convictions ce qui peut se rejoindre et ce qui nous différencie.


La personne de Jésus.

Le dernier point de divergence se situe dans la personne de Jésus. On le sait, dans la tradition chrétienne, il est le fils de Dieu, l’intermédiaire qui se place entre Dieu et les hommes. Il est le sauveur, celui qui porte les péchés de l’humanité. Sa crucifixion symbolise d’ailleurs le fait qu’il ait porté ces péchés afin d’absoudre les hommes.
La tradition musulmane réfute totalement cette vision de l’histoire en plusieurs points.
Avant tout, dans l’essence même de Jésus, il n’est ni Dieu ni fils de Dieu. Il n’est qu’un messager parmi les autres messagers, même s’il est considéré auprès de Dieu comme Son verbe et s’il est né d’un miracle, c'est-à-dire sans père.

Porteur de l’Évangile (al-injîl), il a eu à transmettre la parole divine aux hommes et à leur indiquer la voie. Jamais il n’a dans la conception musulmane une quelconque parenté avec Dieu, rien en lui n’est divin si ce n’est le fait qu’il ait été choisi par Dieu pour transmettre Son message. Le Coran pour traduire cela, pose le problème à travers un dialogue entre Dieu et Jésus (‘Îssa en arabe) :
« Et quand Dieu dit : « O Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « prenez-moi ainsi que ma mère comme deux divinités autres que Dieu? » Il dit : « Gloire et pureté à Toi! Il ne me revient pas de dire ce qui ne me revient pas de droit. Si je l’avais dit, Tu le saurais déjà…
Je ne leur ai dit que ce que Tu m’as ordonné de dire, à savoir : « Adorez Dieu mon Seigneur et Le Vôtre! ». Je fus témoin contre eux tant que je fus parmi eux et lorsque Tu as repris mon âme, Tu fus leur observateur et Tu es de toute chose Le Témoin. »


Ainsi, à l’aune de ces versets, on comprend que jamais Jésus n’a posé comme fait fondateur de la croyance de son message le fait qu’il soit Dieu ou fils de Dieu ou encore la médiation nécessaire. D’ailleurs, de ce point de vue, il semble utile de préciser que l’islam s’oppose à toute forme de médiation entre Dieu et Ses serviteurs. Les Prophètes ne sont que des messagers, ils transmettent un message mais jamais ne s’immiscent dans la gestion de la relation entre Dieu et les hommes. Le Prophète Muhammad lui-même, comme tous ses prédécesseurs d’ailleurs, ne s’est jamais présenté comme l’intermédiaire nécessaire auprès des musulmans. Dieu, par Son message, s’adresse à chaque femme et chaque homme, et Il attend d’eux qu’ils Lui parlent de la même façon, sans médiation aucune.

De même, l’idée que Jésus soit le sauveur ne trouve pas de résonance dans la tradition musulmane. Nous l’avons dit : l’innocence est première, mais la responsabilité vient immédiatement avec la conscience. Seuls notre sens de la responsabilité et notre foi traduite en lumière par notre comportement peuvent nous sauver de nous-mêmes et du mal. Le travail est en soi individuel et personne n’aura à répondre des fautes d’autrui.


Nous avons fait dans cette partie l’énumération de quelques points de divergence parmi les plus importants concernant la religion musulmane et les traditions juive et chrétienne. A partir de ceci, on est en droit d’adopter deux sortes d’attitudes. La première consiste à privilégier les fondements de convergence qui nous unissent et de faire des éléments de divergence des aspects secondaires, tant ils peuvent être minoritaires. L’autre attitude se positionnerait plutôt dans le sens d’une confrontation des vérités. Elle consisterait à affirmer qu’au nom de la dernière vérité qu’est l’islam, toutes les vérités relatives sont à rejeter et à condamner. Même si une tradition peut porter une part majoritaire de vérité, elle contient néanmoins une part de mensonge ou de négation et doit être reniée. La logique d’un tel positionnement consiste à condamner au nom de la vérité absolue toute vérité relative. Cette attitude peut se retrouver dans le monde musulman, par le biais de certains musulmans qui finalement ont une lecture extrêmement figée de leurs Textes, mais aussi du sens de l'histoire et même de la compréhension de la pluralité. En tout cas, il me paraît important d’être honnête et de mettre en évidence les différentes postures qui peuvent animer les réflexions, nous déplaisent-elles pour autant. Mais, j’aimerais y revenir lors de ma conclusion générale.


4. Regards croisés : entre les différentes traditions religieuses.

a) Du statut des gens du Livre dans le Coran
.

Nous l’avons vu au travers de notre propos mais aussi par le biais des références que nous avons citées, l’islam reconnaît la tradition juive et la tradition chrétienne comme étant les traditions des gens du Livre. Cependant, la tradition musulmane parle d’eux aussi en terme de négateurs, de "kufâr".
On est donc en droit de se demander ce qu’il en est réellement et de savoir si l’islam adopte une attitude intégratrice envers ces religions ou plutôt une attitude de dénégation.
Pour certains, ces traditions ne se réclament plus réellement et fondamentalement du monothéisme, et ont à certains moments de leur histoire, déviés de la parole qui leur a été transmise.
L’autre réflexion, qui est bien plus majoritaire, considère que le christianisme et le judaïsme font partie des gens du Livre, comme Dieu Le dit dans le Coran mais que leur défaillance est dans le fait de ne pas avoir reconnu la dernière révélation et la prophétie de Muhammad, qui s’adresse à l’humanité entière et non seulement aux arabes; il semble important de le préciser.
Si d’aucuns peuvent cesser de dialoguer à ce niveau, la majeure partie des musulmans tient compte donc de la prescription divine qui enseigne l’attitude que tout musulman doit entretenir envers les gens du Livre :
« Ne discutez avec les gens du Livre que de la meilleure des manières sauf ceux d’entre eux qui ont été injustes. Dites : « Nous croyons en ce qui nous a été révélé et en ce qui vous a été révélé. Notre Dieu et Le Vôtre ne sont qu’Un Seul et même Dieu et nous Lui sommes entièrement soumis. »
Enseignement fondamental qui nous enjoint au dialogue et à favoriser avant tout et surtout les points de convergence, les liens qui peuvent nous rassembler et nous unir. Les reconnaissances transversales s’imposent dans une telle perspective, l’appel au dialogue permanent se veut exigeant, l’ouverture large et le respect total.



b) L’interprétation des textes "sensibles".

Nous l’avons dit, l’honnêteté et la franchise sont les ponts du dialogue et de la reconnaissance totale. Nous avons évoqué les points de convergence ainsi que les divergences qui pouvaient différencier l’islam des autres traditions religieuses. Il apparaît au-delà de ces deux points clairement établis qu’il existe dans le Texte coranique des passages qui peuvent paraître "rejetants" ou "exclusifs". S’ils sont peu cités aux oreilles non musulmanes, c’est parce qu’ils peuvent gêner et prêter à confusion. Or, on ne peut accepter cette attitude de défilement, cette façon de contourner les textes pour ne faire entendre à nos interlocuteurs que ce qui serait susceptible de leur plaire. On ne peut atteindre la confiance de l’autre que lorsque cette confiance nous permet d’être transparents, même dans ce qui pourrait gêner.
On ne peut se contenter, dans la perspective d’une connaissance mutuelle réelle, de faire semblant de se parler, et d’éviter ce qui pourrait nous opposer.
Il existe au sein de la tradition musulmane des versets qui posent problème et sur lesquels les interprétations divergent. Pour ne pas être trop long, je m’attacherai à trois de ceux-ci.


« La religion auprès de Dieu est l'Islam »

Nous avons fait l’explication de ce verset lorsque nous avons évoqué la question de la reconnaissance de tous les messages. Nous l’avons dit préalablement, il existe une tendance en islam qui affirme que tous ceux qui ne sont pas musulmans sont dans l’erreur totale, fussent-ils des gens du Livre, que l’islam est exclusivement la religion de vérité. Nulle place pour les vérités relatives quand Dieu nous a permis d’accéder à la vérité absolue. Cette analyse se retrouve parmi les musulmans, il faut être clairvoyant à ce sujet. Cependant, il existe une autre lecture qui consiste à aller au bout de la traduction et qui dirait donc : « La religion auprès de Dieu est la soumission », c'est-à-dire soumission à Dieu et à Son message, ce qui ouvre le champ plus largement. Il s’agit de bien comprendre le sens que Dieu nous transmet à travers Ses propos et il ne revient jamais aux hommes de se faire une idée du message en extrayant une partie de celui-ci sans prendre en compte ce que tend à traduire l’ensemble du Texte.


« Les juifs et les chrétiens ne seront pas satisfaits de toi jusqu'à ce que tu suives leurs traditions »
De la même manière, deux sortes de regards peuvent se poser sur ce verset. Le premier consiste à prendre la lettre du texte et à dire que toute tentative de dialogue avec les juifs et les chrétiens est vaine étant donné que leur seul but consiste à convertir son interlocuteur. Un juif ou un chrétien n’octroiera sa confiance et son amitié qu’à partir du moment où son interlocuteur se soumet à sa tradition. Pas de dialogue sur des bases saines, seul le rapport de force et la volonté de convaincre priment dans ce type de regard. Certains musulmans entretiennent une telle vision à l’égard des gens du Livre et prennent ce verset comme prétexte pour refuser tout dialogue, allant même jusqu’à ne pas respecter le sens que les chrétiens ou les juifs donnent à leur vie et reniant avec force et véhémence parfois leur foi, allant à l’atteinte du respect mutuel. C’est une réalité que l’on ne peut négliger, néanmoins, cette vision n’est pas, dans le monde musulman, majoritaire. Elle tend à affirmer le refus et le rejet de ces traditions à l’égard de la tradition musulmane. On peut comprendre ce verset « Et ils ne seront pas satisfaits de toi… », au sens où les efforts, comme le dialogue, l’échange, le travail collectif, sont vains car les jugements sont déjà établis en leur for intérieur.

L’autre regard que l’on peut porter sur ce verset adopte une pédagogie inverse. L’islam en tant que religion est en soi universelle; elle a débuté dès le début avec la soumission d’Adam et des autres Prophètes; Abraham lui a, le premier, donné le nom d’islam (au sens de soumission toujours) et Muhammad a eu pour mission de la transmettre sous sa forme définitive, parachevant ainsi le message. L’islam dans cette conception abrite toute la famille des hommes et des femmes qui ont fait le choix de se soumettre au message, de reconnaître Dieu et Ses Prophètes, d’accepter Sa présence et de vivre en fonction de Ses prescriptions. Nous avons donc une vision beaucoup plus large qui met dans la "famille", dans le sens de l'Histoire, tout être qui reconnaît l'Unique, qui agit par et pour Lui et qui entre ainsi dans cette dimension de l'Islam.

Nous pourrions dire que c’est un islam, une soumission d’avant l’heure; soumission incarnée par un acte de foi.

L’islam se veut avant tout une religion naturelle car elle rallie l’homme à sa propre nature. Dieu a créé l’homme avec cette reconnaissance intime de Sa présence, avec cette soumission naturelle au Créateur, avec cette étincelle de foi qui gît en tout homme et qui ne demande qu’à s’épanouir . L’adhésion en l’islam n’est en soi qu’un retour à la nature première de l’homme dans la tradition musulmane. Elle révèle ce que l’homme contient de plus profond dans ses convictions.

Le christianisme et le judaïsme sont des messages à notre sens incomplets, qui ont parfois dévié de leur essence première. Si les similitudes sont nombreuses, étant donné que le message provient d’une seule et même Source, certains éléments diffèrent selon les différentes traditions. Ce qui semble important par rapport au verset qui nous intéresse est que chacune dit porter la Vérité et désire naturellement la transmettre. Quoi de plus naturel d’ailleurs que de chercher à sauver les hommes en fonction de nos convictions? Chacun porte sa lumière et tente d’éclairer l’autre de cette lumière et de la lui faire partager. Abû Hâmid Al-Ghazali , a adopté dès le XXIIè siècle cette interprétation. A travers un texte qu’il a écrit, il nous explique qu’un chrétien n’a pour plus beau cadeau que la transmission de sa foi. Quand il rencontre et discute avec quelqu’un, il cherche bien évidemment à transmettre la compréhension réelle du christianisme et à faire en sorte que l’autre y adhère. S’il rencontre le respect et non l’adhésion, il sentira un manque et la satisfaction ne sera pas totale. Persuadé de porter une vérité, il souhaite la partager. Et l’homme possède ce désir naturel de convaincre au sujet de ce qu’il pense être la vérité. Cela n’exclut nullement la notion de respect, mais on peut comprendre que la satisfaction pleine consiste à faire partager des convictions intérieures profondes, des sentiments spirituels intenses.

Tel est le sens de ce verset qui tend à montrer que juifs et chrétiens, tout comme les musulmans finalement, cherchent à partager la foi qui les anime, convaincus de porter la Lumière.

Nous voyons ainsi combien la lecture d’un texte peut se révéler déterminante dans la perception que l’on peut avoir de l’autre : entre le rejet et l’acceptation du dialogue, l’interprétation prend toute sa place et détermine les positions.


« Tu trouveras que les gens les plus opposés (les plus durs au sens de la relation avec les religions) sont parmi les juifs et les associateurs (qui sont les polythéistes de l'époque) et tu trouveras que les plus proches sont ceux qui ont dit: "Nous sommes chrétiens" parce qu'il y a parmi eux des prêtres (et des moines) et qu'ils ne s'enflent pas d'orgueil… »
Ce verset est par rapport au Coran l’un des meilleurs exemples en matière de révélation contextuelle. Deux attitudes ici encore : soit on peut avoir une lecture littéraliste et tirer pour enseignement le fait que finalement, en tout temps et en tout lieu, les juifs seront les éternels ennemis des musulmans, preuve en est la situation actuelle au Proche-Orient; soit on peut faire une lecture plus objective et plus proche de la réalité de l’époque. Parmi les textes de la révélation, il en est qui ont été spécifiquement envoyés pour le Prophète Muhammad et ses compagnons, qui ne s’appliquaient qu’au contexte dans lequel ils ont été révélés. C’est le cas par exemple des versets concernant la bataille de Badr. A l’époque de l’envoi de ce verset, la situation à Médine était assez particulière. Les musulmans avaient pour la première fois de leur histoire un territoire –Médine- sur lequel ils étaient maîtres et il fallait commencer à organiser la cité musulmane. Or, ils avaient à faire face à un ennemi qu’ils n’avaient jamais eu : les juifs et il existait un réel conflit entre la nouvelle présence musulmane et les tribus juives de Médine. Ces dernières ont fini par s’allier aux polythéistes de la Mecque contre le Prophète qui leur avait pourtant offert protection et soutien. D’un autre côté, le Prophète avait reçu la tribu chrétienne de Najrân qui a noué des liens avec lui tout en préservant leur religion. Le verset venait donc traduire la réalité d’un contexte afin que les musulmans de l’époque puissent prendre en compte les éléments de leur société et adopter une attitude en fonction des choix de leurs interlocuteurs.


Aujourd'hui, le dialogue inter-religieux doit véritablement passer par des analyses réelles. Il ne s’agit plus de dire ce qui plait ou ce qui serait ‘audiblement correct’ pour réussir le pari du dialogue, mais d’entamer un travail de fond, au-delà des faux-semblants et de la mise en scène.
Citer des passages comme ceux-ci permet de trouver le sens de la confiance intérieure d’abord et avec l’autre ensuite. Dire ce qui est, avec l’explication et l’interprétation qui s’imposent, en n’occultant aucun texte ‘gênant’ ou perturbateur. Il s’agit aussi de poser la question du sens de ces textes, de leur signification, des différentes interprétations qui s’offrent au chercheur.
Une telle attitude envers nos interlocuteurs permet aux musulmans de retrouver le sens du dialogue intra-religieux. Cela ne peut que nous pousser à discuter entre nous sur les significations, sur les avis et les réflexions des uns et des autres car il semblerait inutile d’entamer des dialogues avec les traditions juive et chrétienne si l’on est incapable d’entretenir un discours interne. Il ne suffit pas de faire bonne impression sur les autres si l’on est seul et si personne ne nous suit.
Le dialogue inter-religieux doit permettre en ce sens de favoriser le dialogue intra-communautaire, de stimuler la pensée et d’aller au fond des réflexions.

Cela nous amène, dans le prolongement et pour conclure, à nous intéresser à ces différentes tendances, à ces courants d’interprétation au sein de la tradition musulmane. Les textes sont une chose et ceux qui les interprètent en sont une autre. Il nous revient de les situer dans une grille d’analyse afin de connaître les éléments et les lectures d’interprétation des uns et des autres. Le "regard croisé" passe par cette démarche, mais elle est complexe. Elle demande, justement, le temps de la connaissance des postures respectives dans la tradition de l'autre.



c) Regards internes : entre les différentes interprétations.

Si d’aucuns refusent d’évoquer les divergences qui existent entre les différentes tendances de la tradition musulmane, pour ne pas montrer les divisions qui existent et faire montre d’un front uni, il me semble à plus d’un égard que loin de nous appauvrir, ces différentes grilles de lectures nous enrichissent à plus d’un point de vue. Elles permettent la stimulation intellectuelle, l’échange, le savoir et refusent l’enfermement et la stagnation d’un point de vue intellectuel. Il convient de préciser que si les divergences existent, il existe quasi-unanimité de la reconnaissance des sources et des fondements dans la tradition musulmane de ahl as-sunna, c'est-à-dire ceux qui se réclament de la sunna du Prophète.


La tradition littéraliste.

Ce courant considère que le texte doit être pris et appliqué à la lettre sans tolérer ni adaptation ni interprétation. La tradition littéraliste en islam est assez ancienne étant donné qu’on la retrouve dès l’époque du Prophète Muhammad avec plusieurs exemples dont un qui exprime particulièrement le souci de cette tradition d’être au plus près des préceptes :
Le Prophète Muhammad demanda un jour à certains compagnons de se rendre dans une ville qui se situait dans les environs de Médine. Mais il leur dit de ne pas prier la prière d’al-‘Asr –celle de l’après-midi- avant d’être arrivés sur place. Or, l’importance de cette prière est telle qu’elle doit être accomplie dans le créneau de temps qui lui est indu. Or, lorsque l’heure de cette prière est arrivée, ils n’avaient toujours pas atteints leur destination. Deux groupes se départagèrent : l’un affirma qu’il fallait privilégier la prière et que le Prophète n’avait donné cet ordre que pour qu’ils se pressent, tandis que l’autre affirma qu’il fallait strictement obéir à l’injonction de Muhammad. Un groupe pria donc alors que l’autre attendit d’arriver à destination.
De retour à Médine, ils posèrent le problème au Prophète pour les départager et celui-ci de répondre : « Les deux groupes ont eu raison! »
Cette page de l’histoire du Prophète dépasse l’anecdote car elle met en évidence le fait qu’il peut exister en islam des lectures différentes, que l’on peut chercher à comprendre le sens, mais qu’on ne peut pas nier le fait de comprendre la lettre aussi. Ces deux grilles de lecture sont acceptables et méritent toutes deux considération.
Cette tendance existe aujourd'hui dans le monde musulman, notamment dans certains mouvements comme le wahhabisme, par exemple.
Ainsi, la lecture littéraliste ne cherche pas à interpréter le texte ou à lui donner un sens autre que celui qui est clairement énoncé. Elle ne prend pas forcément en compte les notions de contexte, de particularité, d’époque, etc. La lettre prime sur toutes les autres lectures que l’on peut en tirer; ce qui peut provoquer une vision très fermée sur le sens du texte.


La tradition réformiste.

Nous l’avons dit, les Textes dans la tradition musulmane ne sont pas remis en cause. Le Coran est un pour toutes les époques et pour tous les peuples. Il ne change pas et ne tolère aucune modification. Cependant, la lecture qu’on en porte, elle, peut évoluer, s’adapter, se contextualiser. Depuis des siècles, dès le Prophète –on l’a vu avec l’exemple que nous venons de citer- des savants et des spécialistes du Coran se sont appliqué à donner l’interprétation du Texte qui épouse le mieux les réalités du contexte. Cette tradition réformiste nous dit que l’enseignement absolu du texte n'est pas dans sa lettre, il est dans le rapport entre le texte et le contexte, dans la relativité de l'histoire sur laquelle descend une révélation.
Ainsi, on observe à travers la tradition réformiste une rationalisation du Texte, des enseignements qui sont le lien entre le Texte et le contexte. Entre le Texte et les interlocuteurs, l’intelligence doit pouvoir s’exercer.
Cette tradition tient une large place : les commentaires du Coran foisonnent, les lectures se multiplient. Il existe pourtant des divergences au sein de celle-ci, divergences dues à la propension d’interprétation. Peut-on aller à interpréter un texte jusqu’à en déformer son sens? Jusqu’où peut-on se permettre l’incursion de l’interprétation? C’est en ce sens que réside la différence fondamentale entre les réformistes dits « libéraux », qui relativiser le texte de façon très importante, parfois jusqu’à en retirer le sens premier du Texte, sécularisant de sorte leur lecture. D’autre part, il y a les réformistes traditionalistes, si nous pouvons les nommer ainsi, qui cherchent à rester fidèles au Texte tout en l’adaptant à la réalité de leur contexte, lecture qui trouve une audience très importante dans le monde musulman.


La tradition soufie.

Une troisième tradition se détache et s’oriente davantage vers le spiritualisme : c’est la tradition soufi que l’on connaît assez bien en Europe et qui trouve une audience certaine chez les orientalistes notamment. La lecture soufie des textes se veut plus allégorique, plus mystique. Selon elle, le texte possède un mystère que l’intelligence comprend et que le cœur approfondit. Et l’intelligence sans le cœur trahit le texte. On entre ainsi dans une perspective où le texte stimule l’intelligence alors que le cœur éveille le Texte.
Leur sens de l’allégorie peut souvent aller très loin et développe des dimensions parfois surprenantes. Par exemple, on sait ce que disent les deux autres tendances de la Trinité chrétienne; la tradition soufie, elle, développe une vision totalement différente et interprète allégoriquement la trinité. Nous avons en tête de chaque verset une formule d’introduction : "Bismillah ar-Rahmân ar-Rahîm", qui signifie au nom de Dieu, Le Miséricordieux, Le Tout Miséricordieux. Trois noms pour évoquer Le Très-Haut : Dieu (Allah), Le Miséricordieux (ar-Rahmân), Le Tout Miséricordieux (Ar-Rahîm). De la même façon que la trinité chrétienne, les musulmans interpellent Dieu par trois noms différents. Finalement, pour la tradition soufie, les chrétiens sont, de la même façon que les musulmans, dans la conception d’un monothéisme fondamental. Sans être certains que les chrétiens adoptent cette compréhension du mystère de la trinité, la convergence s’établit naturellement dans la tradition soufie.


Le respect de la différence.

Si les textes ne changent pas, les regards peuvent différer selon les différentes traditions. Entre les regards de fusion dans les traditions mystiques, ceux de distanciation dans les traditions littéralistes et ceux de pondération dans les traditions réformistes, chacun tente d’appliquer le texte selon la compréhension et la lecture qu’il en fait. Le dialogue intra-religieux doit en ce sens être d’une exigence extrême et doit permettre de mettre en place une éthique de la divergence.
De même, il faut se rendre compte que les choses ne sont pas si simples et qu’il existe une complexité réelle par rapport à ces différentes traditions, si bien qu’on ne peut plus, dès lors qu’on a compris la réalité de ces différentes lectures, parler d’une tradition musulmane avec une seule grille de lecture, mais plutôt de lectures différentes qui portent des avis multiples sur les textes et qui développent ainsi des visions diversifiées. Il s’agit donc de connaître les dispositions avec lesquelles l'autre comprend son texte et non d’entrer en contradiction directe, chose qui n’est pas des plus aisées. Aussi bien au niveau du dialogue intra-religieux qu’inter-religieux.

Nous ne pouvons accepter le fait de toujours tout faciliter afin de rendre la compréhension plus accessible. Le respect se fait à partir de la compréhension de la complexité de l’autre, à partir du regard qu’il porte par rapport à son propre texte mais aussi par rapport à la lecture qu’il entretient vis-à-vis de son contexte.


Le rapport aux textes.

Il est des évidences qu’il faut rappeler : on ne peut entamer de dialogue sérieux sans les bases d’un respect profond. Et le sens du respect s’articule dans la compréhension exigeante de la vision de l’autre. S’entêter à limiter une tradition religieuse à un bloc monolithique qui ne connaît ni dynamisme ni réflexion limite considérablement la compréhension mutuelle.
Nous l’avons dit, nous sommes loin dans la tradition musulmane d’une conception monolithique; les avis sont multiples et les nuances nombreuses au sein même de cette religion. Aujourd'hui, il faut sortir des dialogues « embourgeoisés » qui consistent à ne dire ou à ne vouloir entendre que ce qui plait, en tout cas éviter ce qui froisserait. L’ouverture du dialogue ne se quantifie pas à ce niveau, mais pousse le dialogue à l’exigence de l’honnêteté et de la franchise. Dire les choses afin de les comprendre, confronter les problèmes et les oppositions afin de les surmonter, sur la base des textes. Comprendre la logique interne de l’autre, son rapport aux Textes, ses axes de réflexion afin d’entamer un échange véritable et conséquent. On ne peut plus se permettre, dans le défi de la construction des sociétés pluri-culturelles, d’ignorer les aspects gênants des autres traditions que nous côtoyons. Les textes en islam sont immuables, mais les lectures sont multiples : à nous de saisir les modes de réflexion et de lecture afin de relever le défi du savoir-vivre ensemble.


Les contextes sociaux.

Le second élément qui paraît déterminant, est la prise en compte des contextes sociaux.
On ne peut plus, dans un esprit d’honnêteté intellectuelle, considérer les propos d’un musulman, comme de toute autre personne d’ailleurs, sans faire l’analyse de ses références mais aussi du contexte dans lequel il vit, de la réalité politique et sociale qu’il peut subir parfois. Il ne faut pas se cantonner dans une démarche essentialiste et ne regarder que simplement la situation sans faire d’analyse approfondie. Sans chercher à l’excuser, ce que peut dire parfois un musulman de façon virulente, voire violente, s’affilie aussi foncièrement au contexte qui l’entoure et qui peut le pousser à adopter de telles démarches.
On peut citer à cet égard le positionnement que peuvent adopter les musulmans d’Égypte ou d’Indonésie à l’égard des minorités chrétiennes. Loin d’être un problème de religion, c’est avant tout un problème de discrimination d’une majorité en faveur d’une minorité qui pousse à de telles considérations. La réalité sociale et politique est donc en soi déterminante et il nous revient, dans un souci d’objectivité, de faire une analyse géopolitique pointue.
Or, l’effet médiatique nous cantonne à des analyses trop souvent simplistes et réductrices et l’on en vient à faire d’une réalité socio-politique un problème religieux. En approfondissant la réflexion, on peut aisément se rendre compte que les réalités du contexte i
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maharaz
Grioonaute


Inscrit le: 16 Sep 2005
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MessagePosté le: Ven 16 Sep 2005 14:15    Sujet du message: Répondre en citant

Le texte est en deux partie. Il a pour auteur Tariq RAMADAN.
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Franc
Bon posteur


Inscrit le: 05 Aoû 2005
Messages: 557

MessagePosté le: Dim 02 Aoû 2009 09:37    Sujet du message: Répondre en citant

Quand , sur un forum, on poste des textes si longs, c'est qu'on a nul envie qu'on quelqu'un y réponde !!!


J'ai un texte encore plus long à votre disposition :

« Le texte coranique est-il divin? » réponse chrétienne
écrite à l’intention de ceux qui seraient
tentés par l’Islam

http://evangileetcoran.unblog.fr/files/2009/07/essai.pdf

Vos commentaires sur le blog :
http://evangileetcoran.unblog.fr/2009/07/31/une-reponse-chretienne-ecrite-a-lintention-des-jeunes-catholiques-tentes-par-lislam/#comments



Fraternellement.
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Si tu manges le fruit d'un grand arbre, n'oublie pas de remercier le vent. (BARIBA)

« Le texte coranique est-il divin? » réponse chrétienne écrite à l’intention de ceux qui seraient tentés par l’Islam
http://evangileetcoran.unblog.fr/files/2009/07/essai.pdf
LES COMMENTAIRES :
http://evangileetcoran.unblog.fr/2009/07/31/une-reponse-chretienne-ecrite-a-lintention-des-jeunes-catholiques-tentes-par-lislam/#comments
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MessagePosté le: Lun 03 Aoû 2009 18:12    Sujet du message: Re: religions de merdes Répondre en citant

apophis a écrit:
VASTES CONNERIES TOUT ça !!!!!!!!!!!!!!!!MAAT POWAAAAAAAAAAAAAAA!!!!!!!!!!!!


Si tu le dis, je suis sure que t'as surement des arguments pour back-up tout ca!! Presente nous ces arguments au lieu de nous balancer des affirmations gratuites every now and then!!
J'ose esperer que c'est pas trop te demander!!
Et aussi, si je peux me permettre, evite d'utiliser des termes comme "merde", ca fait pas mimi dans une discussion entre adultes!

Peace!
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MessagePosté le: Mer 19 Aoû 2009 13:58    Sujet du message: Répondre en citant

apophis a écrit:
j'ai pas grand chose a dire ma chere linguere ,je n'ai fait que troller si j'ai choqué les croyances des autres je m'en excuse,si tu veux des informations
sur les religions voir les topos sur ces religions abrahamiques ils sauront mieux expliquer que moi...a plus...je t'invite a reagir sur le topic maat que j'ai créé et j'espere que tu pourras informer les autres merci de ton soutien


apophis a écrit:
bon autant dire les choses le christianisme c'est de la merde!!!!!!!!!!!!!!!!!!!




Si tu es aussi anal et aussi peu argumenté sur ton topic MAAT, cela ne me donne aucune envie d'y aller...
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Si tu manges le fruit d'un grand arbre, n'oublie pas de remercier le vent. (BARIBA)

« Le texte coranique est-il divin? » réponse chrétienne écrite à l’intention de ceux qui seraient tentés par l’Islam
http://evangileetcoran.unblog.fr/files/2009/07/essai.pdf
LES COMMENTAIRES :
http://evangileetcoran.unblog.fr/2009/07/31/une-reponse-chretienne-ecrite-a-lintention-des-jeunes-catholiques-tentes-par-lislam/#comments
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