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A propos du roi d'Abomey Adandozan

 
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owambo
Grioonaute 1


Inscrit le: 10 Oct 2005
Messages: 208

MessagePosté le: Mar 18 Sep 2007 15:51    Sujet du message: A propos du roi d'Abomey Adandozan Répondre en citant

Adandozan contre Béhanzin? Les vérités qui fâchent
décembre 24th, 2006

Conversations sur la guerre : de l’histoire et de son enseignement

Par Camille Amouro

Une question est de plus en plus évoquée depuis une vingtaine d’années par certains groupes panafricanistes, mais un peu plus explicitement depuis la parution du récit de voyage de Bruce Chatwin Le Vice-Roi de Ouidah (1980, rééd. Grasset, 2003), ou du film de Werner Herzog Cobra Verde en 1987. Il s’agit, à travers l’anecdote du roi Adandozan d’Abomey, de la question de la place de l’individu et de l’interprétation des faits dans l’histoire qu’on enseigne.

Adandozan a régné sur Abomey pendant vingt et un ans avant d’être débarqué en 1818 par Chacha Félix de Souza, négrier brésilien, et remplacé par son neveu Ghézo. Son nom, ses emblèmes et symboles furent ensuite effacés de la tradition historique du royaume. Aujourd’hui encore, dans la généalogie des dynasties d’Abomey représentée sur les bas-reliefs et autres tentures, on est surpris par un grand vide de vingt et un ans. L’ironie de l’histoire, c’est que tous ceux qui sont concernés par cette tradition connaissent le contenu de ce vide qui suscite la curiosité des autres.

Ainsi, paradoxalement, Adandozan semble être beaucoup plus connu que les autres rois. Les traditions historiques le décrivent comme un homme cruel et son bannissement apparaîtrait comme une punition posthume. On nous a enseigné que cette cruauté se traduisait entre autres par l’assassinat de son propre peuple. Je ne me souviens pas que d’autres termes (en dehors du champ lexical des technologies d’armement) aient été utilisés pour peindre le portrait d’Adandozan que les termes utilisés aujourd’hui pour décrire Saddam Hussein, le président de l’Irak, en Occident. Cette histoire qu’on nous a enseignée très jeune (je devais avoir une dizaine d’années) éveilla en moi dès ce moment un intérêt pour l’Histoire. Car dans les programmes, après Adandozan à qui on ne consacre guère que cette allusion, la leçon suivante s’intitulait « Ghézo le Grand ». Celui-ci régna deux fois plus longtemps et nous étudiions les détails des symboles de ce règne. À commencer par son trône qui reposait sur quatre crânes humains.

Dans un contexte de révolution anti-impérialiste, dans une société où la curiosité est considérée comme un vilain défaut et où le Français reste une langue de travail, on trimbale longtemps les contradictions contenues dans ce genre d’acquisitions. On a beau demander aux adultes le sens des mots, fouiller dans des dictionnaires, on finit par se résoudre à un doute qu’on s’explique par sa propre tare dans la compréhension du mot de « cruel ». Enfant, on a du mal à comprendre qu’un individu qui s’assied sur des crânes de personnes assassinées par lui ne soit pas cruel et qu’un autre qui n’a même pas de symbole le soit. L’alternative est soit de se désintéresser de la chose, soit de chercher encore et encore.

Il me plaît d’ouvrir une parenthèse pour conter une des répercussions de ce traumatisme. Au cours de littérature africaine à l’université, lorsque le professeur aborda le chapitre sur la littérature colonialiste, il nous dit quelque chose dans cet ordre : « Ces auteurs considéraient nos rois comme des sanguinaires. » J’eus une réaction de colère et pris la parole sans qu’elle me fut accordée en disant : « Mais ils l’étaient, sanguinaires ! Tous les rois, de partout, étaient sanguinaires. » Je venais ainsi de me libérer d’une dizaine d’années de frustrations qui me revenaient à chaque leçon d’histoire, sans que personne ne s’en doute. Le professeur, calmement, me mit en garde contre les choses que je dis et les répercussions qu’elles peuvent avoir sur moi-même quand je suis en position de leader. J’entendrai à plusieurs reprises cette même phrase, dans plusieurs pays sur des sujets divers et venant de personnalités diverses.

Pour en revenir à Adandozan, le récit de Bruce Chatwin (il vient d’être réédité) se garde de l’aborder. Il faut avouer que le succès de ce livre m’a toujours étonné tant il passe à côté de l’essentiel pour s’appesantir sur des règlements de compte personnels dont l’intérêt relève beaucoup plus du commérage que de la littérature, au regard d’autres récits sur le même type de sujets, dont les auteurs n’auraient jamais envisagé une carrière littéraire. Ni littérature ni histoire donc. Ce récit s’est donné comme mission de focaliser sur la vie de Chacha Félix de Souza. Or le destin de ce négrier était lié à celui d’Adandozan. Ils étaient tous les deux les facettes d’une pièce de l’histoire. L’auteur a préféré ne pas se mouiller et a ainsi laissé des espèces de vides que le film de Herzog comblera à peine. Cobra Verde a, en effet, été plus explicite sur la conspiration contre Adandozan. Malheureusement, il n’a pas su trancher entre le dynamisme des séquences et le besoin documentaire, entre la narration et la description narrative, ce qui engendre, de mon point de vue, des lourdeurs…

Or, pour certains mouvements panafricanistes, Adandozan représente tout un symbole de modernité difficile à cacher d’ailleurs par ses propres détracteurs. Il fut le premier souverain dans le monde entier à abolir, par le refus de vendre, la traite négrière ; ce qui constituait, en 1800, sinon une folie au vu des intérêts en jeu, du moins une vaillance sur laquelle ces mouvements pensent tout aussi innocemment qu’il faut prendre exemple. Bien entendu, cette version de l’histoire n’est pas celle qui transparaît dans le récit et le film que je viens d’évoquer ni dans l’histoire qu’on enseigne. La conspiration contre Adandozan et sa déchéance qui introduisirent la notion de coup d’État dans une nation du golfe du Bénin précolonial avait pour unique motif, non de libérer le peuple aboméen de la cruauté d’un roi, mais de remettre en danger permanent tous les peuples de la région précédemment soumis aux razzias des chefs aboméens qui s’illustrèrent comme les plus grands chasseurs d’esclaves de toute l’Afrique de l’Ouest.

La témérité d’Adandozan, contrairement à Saddam Hussein qui fit détruire son propre armement par l’ONU avant d’être attaqué par les Américains (et leur appendice du Royaume-uni), est non seulement d’avoir mis fin unilatéralement à la traite, mais d’avoir emprisonné le plus grand négrier de l’époque qui, après son évasion, constatera que la position d’Adandozan était entérinée par les « nations civilisées », une situation qui inquiéta sa propre carrière. Dès lors, Chacha n’avait que deux choix : ou retourner en Amérique pour devenir un simple citoyen en perdant la puissance et le prestige que lui conférait sa carrière, ou s’imposer sur Abomey en renversant son ennemi juré qui n’aurait dû être que son vassal au regard des rapports des force de l’époque. Il choisit la deuxième solution en prenant un grand risque, l’armée étant entièrement dévouée à Adandozan. Ainsi naquit, près de Grand-Popo, la première armée de femmes que Chacha entraîna dans la plus grande sévérité et qui sera maintenue par les rois d’Abomey en tant qu’elle représente une véritable machine à tuer.

Et pour aborder les questions qui divisent, certains panafricanistes attribuent à Adandozan le mariage avec une femme blanche, européenne, et affirment qu’il s’agissait d’une imprudence qui lui aura été fatale là où d’autres voient une preuve de son ouverture.

[url]Source : http://www.lemague.net/dyn/article.php3?id_article=230[/url]
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owambo
Grioonaute 1


Inscrit le: 10 Oct 2005
Messages: 208

MessagePosté le: Mar 18 Sep 2007 16:02    Sujet du message: Répondre en citant

Les leçons que je retire de cet article:

1. Il a existé des rois africains qui ont resisté aux Occidentaux.

2. Tous les rois africains n'ont pas participé à la traite négrière et certains l'ont même combattue férocement.

3. En tant qu'Afro-caribéen, je me réjouis de cette preuve supplémentaire apportée qui démontre que les africains ne nous ont pas vendu aux blancs mais ce sont les complices mis en place par les blancs après le renversement des monarques récalcitrants.

4. Enfin, cet article confirme à l'exemple du roi Adandozan ce que j'avais déjà lu dans un livre de Kangni Alem qui montrait comment les blancs se sont ingéniés à décrire tous les rois ou dirigeants récalcitrants à leurs projets, tels que Samory Touré, comme des êtres sanguinaires et cruels.

5. Cet article démontre l'impérieuse NECCESSITE DE L'ECRITURE D'UNE HISTOIRE DE L'AFRIQUE ECRITE PAR LES AFRICAINS.
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Gnata
Super Posteur


Inscrit le: 14 Juil 2005
Messages: 1127

MessagePosté le: Jeu 20 Sep 2007 18:48    Sujet du message: Répondre en citant

owambo a écrit:
Les leçons que je retire de cet article:

1. Il a existé des rois africains qui ont resisté aux Occidentaux.

2. Tous les rois africains n'ont pas participé à la traite négrière et certains l'ont même combattue férocement.


Salut Owambo , personnellement je dirais que la particularité d'Adandozan n'est pas tant qu'il ait résisté tout bonnement à un système réprésenté par Felix de Souza dit .Chacha' , mais bien d'y être né ( si je puis dire ) et d'en comprendre la matrice , constater qu'il est nauséeux et d'aller contre toutes ces choses , actions que je trouve plus courageux et plus entreprenant encore .

La force de pouvoir se déconstruire , de se détacher de l'idéologie selon lequelle la vente d'êtres humains est normal pour un état est un exploit , surtout pour son temps ...

La majorité des royaumes côtiers du golfe de guinée que nous connaissons ( Ashanti , Abomey , Abéokuta ect...) sont des émanations du système esclavagiste , c'est à dire qu'ils ont été crées pour cette seule besogne , il etait donc 'normal' qu'ils faisaient ce pour quoi ils avaient été crées .
Les Royaumes contemporains comme le Gabon , le Sénégal , la Côte-d'Ivoire d'Houphouet ect... pratiquaient ou pratiquent encore l'idéologie de la fameuse conférence de berlin , ceteris paribus ( toutes choses etant égales ) il ne faut pas être surpris de tout ce qui peut suivre comme abus et incohérences ...Le seul fait donc d'aller à l'encontre de sa propre nature est un exploit , c'est en cela que Adandozan est géant ...

Les forts à esclaves de la côte de guinée ( qui étaient au nombre d'une vingtaine sinon plus ) ont précedés l'avènement ( la création ) par exemple du Royaume Ashanti de près de 200 ans ( aux environs de 1700 ) c'est dire avant 1700 , pas d'Ashanti , ni de D'Abomey seulement que des forts européens planqués de lancados experts en razzias et autres brigands du style de Jenken ... , créer des rois et royaumes pour les besoins de leur commerce aura surement été la plus ingénieuse des trouvailles ... C'est evidemment plus pratique pour des gens comme Pétré-grenouilleau aujourd'hui de se dédouaner , les créatures Africaines des européens sont subitement devenues des entités indépendantes détachées de leurs créateurs comme par miracle , édifiant en effet !
_________________
"Always be intolerant to ignorance but understanding of illiteracy (..)in those homely sayings (mother wit) was couched the collective wisdom of generations" I know why the caged bird sings, p99, Maya Angelou
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Teo Van
Grioonaute régulier


Inscrit le: 24 Sep 2005
Messages: 495
Localisation: Afrique Sub Saharienne.

MessagePosté le: Jeu 20 Sep 2007 19:59    Sujet du message: Répondre en citant

TABLEAU RECAPITULATIF DES TREIZE ROIS D'ABOMEY



Rois Règnes Symboles Devises Images
Gangnihessou
1600- (?) Oiseau ou tambour l'oiseau chef se fait entendre comme le tambour.
Dako 1620-1645 Jarre ou massue de guerre Dakodonou tue et la jarre roule et se brise "et" le briquet ne va pas dans l'étui.
Houébadja
1645-1685 Poisson et nasse ou houe en forme de massue Le poisson qui a échappé à la nasse n'y retourne pas.
Akaba
1685-1708 Phacochère ou sabre ou caméléon Le sanglier qui regarde le ciel est égorgé" et "l'arme inventée par le roi pour trancher la tête des ennemis.
Agadja
1708-1732 Caravelle Personne ne peut mettre le feu à un grand arbre abattu avec toutes ses branches, il faut d'abord le couper.
Tégbéssou
1732-1774 Buffle portant une tunique Rien ne peut forcer le buffle à retirer sa tunique.
Kpingla
1774-1789 Oiseau ou fusil L'oiseau agité attaque les autres oiseaux.
Agonglo
1789-1797 Ananas La foudre tombe sur le palmier mais pas sur l'ananas.
Adandozan
1797-1818 Grand parasol Le roi fait de l'ombre à ses ennemis. Exclu de la lignée royale,

Ghézo
1818-1858 Jarre trouée ou buffle Si chacun de vous, fils de cette nation, peut boucher un trou avec son doigt, la jarre retiendra l'eau ou Le buffle puissant traverse le pays et rien ne peut l'arrêter ou s'opposer à lui.
Glèlè
1858-1889 Lion Le petit lion devenu puissant est la terreur de ses ennemis" et "le couteau de Gou frappe les rebelles.
Béhanzin
1889-1894 Œuf ou requin Le monde tient l'œuf que désire la terre.ou Je suis un requin. Je n'abandonnerai pas un pouce de mon royaume.
Agoli-Agbo
1894-1900 Pied trébuchant contre un rocher ou balai ou arc Prenez garde ! la dynastie des rois du Danhomé a trébuché mais n'est pas tombée ou Le roi est comme un balai qui repousse ses ennemis.
_________________
Nicolas Sarkozy « La France, économiquement, n’a pas besoin de l’Afrique. Les flux entre la France et l’Afrique représentent 2% de notre économie ».
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Gnata
Super Posteur


Inscrit le: 14 Juil 2005
Messages: 1127

MessagePosté le: Ven 21 Sep 2007 00:29    Sujet du message: Répondre en citant

Teo Van a écrit:
TABLEAU RECAPITULATIF DES TREIZE ROIS D'ABOMEY
Rois Règnes Symboles Devises Images
Gangnihessou 1600- (?)

Oui d'ou j'étais je ne pouvais pas courir et joindre ma biblio , sinon il fallait lire ou plutôt comprendre que c'est aux env. des années 1700 que les francais dans le cas précis d'Abomey ont "légalisé" leur alliance avec ce royaume pour en faire un comptoir à esclaves devolu à eux seuls avec "tentative de pleins pouvois sur leurs voisins et environs" ( armements et soutien militaire massif ect...) , le concurrent directe Abéokuta était de ce fait devenu un enemi juré .

Ceci dit , bien avant la France ce royaume dont on ne sait excatement rien de la naissance si ce n'est une légende ( puisqu'il semble être apparut subitement de la côte dit des esclaves ) servait surtout les gens du style de De Sousa , qui y faisait la pluie et le beau temps en mettant au pouvoir qui bon leur semblait qui etait capable de faire "le travail"...
Quant au royaume Ashanti c'est aussi à cette date ( à un ou deux annnée(s) près ) qu'il a commencé son expansion , ses randonnées autour de lui avec des ...fusils et autres armements non-africains ,le Baoulé et les Denkyra en savent long sur cet épisode ...!
_________________
"Always be intolerant to ignorance but understanding of illiteracy (..)in those homely sayings (mother wit) was couched the collective wisdom of generations" I know why the caged bird sings, p99, Maya Angelou
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owambo
Grioonaute 1


Inscrit le: 10 Oct 2005
Messages: 208

MessagePosté le: Ven 21 Sep 2007 09:32    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Messieurs pour ces précisions utiles et édifiantes.
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sang froid
Grioonaute 1


Inscrit le: 18 Juin 2006
Messages: 203

MessagePosté le: Mar 25 Déc 2007 22:44    Sujet du message: Un documentaire Répondre en citant

Longtemps annoncé, l’ouvrage de Kangni Alem sur la destinée des Afro-brésiliens du Golfe du Bénin est sorti en mai dernier.



Pour en savoir plus sur cette « communauté », voir par exemple

http://afiavi.free.fr/e_magazine/spip.php?article773
ou
http://www.lusotopie.sciencespobordeaux.fr/yai97.rtf

Le roman de 260 pages divisé en trois parties que l’auteur a intitulées « Temps anciens » (avant déportation), « Nouveaux mondes » (période d’esclavage) et « Temps mêlés » (phase retour des Amériques).
Dans les « Temps anciens », l’auteur réhabilite le roi Adandozan, reprenant la thèse de Camille Amouro et autres historiens.

http://togopages.net/blog/?p=684

http://www.togoforum.com/Ap/Interviews/Alem050309.htm

La philosophie du roi se trouve résumée aux pages 55, 56 et 64 de l’ouvrage. Extraits


Citation:
… La traite négrière n’est une bénédiction ni pour les peuples d’ici, ni pour les acheteurs d’êtres humains. Le roi dit avoir vu, tout petit, les sujets les plus humains de son peuple se transformer en gredins, en bêtes sauvages capables de parcourir des kilomètres dans la brousse pour razzier hommes et femmes dans les tribus voisines, afin de les livrer aux négriers anglais, portugais et français …
L’esclave n’a pas rendu son peuple meilleur, dit le roi, au contraire, le goût du luxe et des richesses faciles a perverti pour longtemps, croit-il, la mentalité de son peuple…
A croire que le destin des Noirs est de construire la prospérité des autres, tandis que chez eux s’installent le chaos, les campagnes désertées, les champs non labourées par défaut de main-d’œuvre…
Pourquoi donc au lieu de continuer à mettre en esclavage une partie de l’humanité, les hommes d’affaires d’au-delà des mers ne viendraient-ils pas créer sur nos terres, les mêmes plantations que nos hommes et femmes laboureront ?
Aidés de ses amis danois, des gens dont il partageait la philosophie abolitionniste, mais pas toujours la vision horrifiée de l’esclavage, il avait expérimenté sur les terres du royaume plusieurs cultures. Tout avait poussé, nourri par l’effet conjugué du soleil, du limon et des pluies : le maïs, l’ananas, le coton, la canne à sucre, l’arachide,…
Il proposait donc que l’esclavage soit maintenu, mais localement, comme cela a toujours existé, de façon à ce que le royaume profite aussi des richesses engendrées par la main-d’œuvre servile. Puis un jour, poursuivant sa logique, il avait tenté de le convaincre, lui Chacha, de l’aider à construire une usine dans la capitale du royaume. Une usine, et pas n’importe laquelle, une usine pour transformer les noix de palme en huile de palme dont on raffolait à Bahia, c’est vrai, et de fabriquer des savons !


Quelles aient été les influences étrangères, c’était plutôt révolutionnaire pour l’époque et surtout audacieux pour un roi, pur produit du système esclavagiste. Kangni Alem reprend à son compte la thèse qui prétend que c’est pour cette raison que le roi Adandozan a été destitué. Comment ? D’une part, une campagne de diabolisation du roi auprès de son peuple et dont certains éléments figurent encore dans les manuels d’histoire. Extrait page 103

Citation:
Subtilement, avant même d’en arriver à l’histoire de sa malédiction, ses hommes de main [ceux de Gankpè, conspirateur et futur roi] avaient fait propager la réputation que le roi pouvait être d’un sadisme inouï, racontant par exemple qu’à la vue d’une femme en grossesse, il pouvait jour à deviner le sexe de l’enfant, et pour finir, faire ouvrir le ventre à la femme pour montrer à ses interlocuteurs qui de lui ou d’eux avait raison.


D’autres part la constitution d’une armée de femmes, les Amazones, financée par Francisco Félix de Souza et la fourniture d’armes par ce dernier aux putschistes. Le soutien de Francisco Félix de Souza au renversement d’Adandozan n’est pas contesté par les descendants du Chacha 1er même s’ils le justifient par d’autres motifs.

http://desouza-af.com/html/roi_adandozan.html

La balle est dans le camp des historiens qui devraient essayer d’établir les faits et éviter de faire le procès de telle ou telle famille.

Dans les « Nouveaux mondes », j’ai retenu le rôle joué par la religion musulmane et plus particulièrement l’écrire arabe qui a permis aux esclaves de communiquer secrètement et d’organiser des révoltes comme celle dite des Malês en 1835 à Bahia. C’est ainsi que beaucoup de « retornados » comme le narrateur, partis animistes, sont rentrés musulmans.

Dans les « Temps mêlés » et plus globalement dans l’ouvrage, l’auteur parle de l’apport des Afro-brésiliens aux sociétés du Golfe du Bénin. De nombreux travaux existent sur ce sujet.

http://www.afroasia.ufba.br/pdf/afroasia_n12_p193.pdf

http://www.paris-sorbonne.fr/fr/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=9578

Je complèterai par cette histoire (vraie ou fausse ?) que l’on raconte dans les milieux béninois de France. A l’occasion du mariage d’un béninois et d’une portugaise, un membre de la famille du marié s’adresse à ce dernier en langue fon et tendant la main. Le frère de la mariée réagit tout de suite et dit : tu lui demandes la clé de la voiture ? Il avait compris deux mots essentiels dans les propos : mↄto et chavi.


Quelques remarques personnelles pour terminer :

- L’auteur a introduit dans son ouvrage quelques phrases en mina comme les propos de l’amazone Nansica à la page 125 Laughing Laughing Laughing Parfois on dirait plutôt de l’éwé comme à la page 249. Je ne maîtrise pas cette dernière, j’ai juste le souvenir d’une dame qui présentait le journal parlé en éwé sur Radio Lomé dans les années 70, un vrai régal ! Je regrette que l’auteur n’ait pas adopté l’alphabet approprié pour écrire ces phrases. J’en connais beaucoup qui lisent très bien la Bible en éwé et qui savent pas lire le français. Voir par exemple la déclaration universelle des droits de l’homme en éwé

http://www.ohchr.org/EN/UDHR/Documents/UDHR_Translations/ewe.pdf

- L’auteur est précis sur le nom des lieux lorsqu’il parle du Bénin mais pour désigner Lomé (ou Togoville ?), il parle de TiBrava, je ne sais pour quelle raison. Mais ce qui me choque le plus c’est cet extrait de la page 27

Citation:
Du lointain territoire des Ashanti à celui des Yoruba d’Oyo, en passant par les enclaves éwé, baoulé, mina et fon, le fléau de l’esclavage a détruit les liens de respect et d’amitié entre les populations côtières autrefois vendeurs des peuples à l’intérieur des terres.


Situer les Baoulé entre les Ashanti et les Yoruba même s’il s’agit d’un roman ! La Reine Pokou, qui a jeté son fils unique dans les eaux tumultueuses de la Comoé pour apaiser les dieux et conduire son peuple en Eburnie doit se retourner dans sa tombe.

Malgré ces quelques piques, le roman de Kangni Alem est agréable à lire et montre comment l’histoire de cette partie du continent est très tourmentée et que les peuples qui y habitent en gardent encore des séquelles.
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sang froid
Grioonaute 1


Inscrit le: 18 Juin 2006
Messages: 203

MessagePosté le: Ven 21 Aoû 2009 21:03    Sujet du message: Re: Un documentaire Répondre en citant

Longtemps annoncé, l’ouvrage de Kangni Alem sur la destinée des Afro-brésiliens du Golfe du Bénin est sorti en mai dernier.



Pour en savoir plus sur cette « communauté », voir par exemple

http://afiavi.free.fr/e_magazine/spip.php?article773
ou
http://www.lusotopie.sciencespobordeaux.fr/yai97.rtf

Le roman de 260 pages divisé en trois parties que l’auteur a intitulées « Temps anciens » (avant déportation), « Nouveaux mondes » (période d’esclavage) et « Temps mêlés » (phase retour des Amériques).
Dans les « Temps anciens », l’auteur réhabilite le roi Adandozan, reprenant la thèse de Camille Amouro et autres historiens.

http://togopages.net/blog/?p=684

http://www.togoforum.com/Ap/Interviews/Alem050309.htm

La philosophie du roi se trouve résumée aux pages 55, 56 et 64 de l’ouvrage. Extraits


Citation:
… La traite négrière n’est une bénédiction ni pour les peuples d’ici, ni pour les acheteurs d’êtres humains. Le roi dit avoir vu, tout petit, les sujets les plus humains de son peuple se transformer en gredins, en bêtes sauvages capables de parcourir des kilomètres dans la brousse pour razzier hommes et femmes dans les tribus voisines, afin de les livrer aux négriers anglais, portugais et français …
L’esclave n’a pas rendu son peuple meilleur, dit le roi, au contraire, le goût du luxe et des richesses faciles a perverti pour longtemps, croit-il, la mentalité de son peuple…
A croire que le destin des Noirs est de construire la prospérité des autres, tandis que chez eux s’installent le chaos, les campagnes désertées, les champs non labourées par défaut de main-d’œuvre…
Pourquoi donc au lieu de continuer à mettre en esclavage une partie de l’humanité, les hommes d’affaires d’au-delà des mers ne viendraient-ils pas créer sur nos terres, les mêmes plantations que nos hommes et femmes laboureront ?
Aidés de ses amis danois, des gens dont il partageait la philosophie abolitionniste, mais pas toujours la vision horrifiée de l’esclavage, il avait expérimenté sur les terres du royaume plusieurs cultures. Tout avait poussé, nourri par l’effet conjugué du soleil, du limon et des pluies : le maïs, l’ananas, le coton, la canne à sucre, l’arachide,…
Il proposait donc que l’esclavage soit maintenu, mais localement, comme cela a toujours existé, de façon à ce que le royaume profite aussi des richesses engendrées par la main-d’œuvre servile. Puis un jour, poursuivant sa logique, il avait tenté de le convaincre, lui Chacha, de l’aider à construire une usine dans la capitale du royaume. Une usine, et pas n’importe laquelle, une usine pour transformer les noix de palme en huile de palme dont on raffolait à Bahia, c’est vrai, et de fabriquer des savons !


Quelles aient été les influences étrangères, c’était plutôt révolutionnaire pour l’époque et surtout audacieux pour un roi, pur produit du système esclavagiste. Kangni Alem reprend à son compte la thèse qui prétend que c’est pour cette raison que le roi Adandozan a été destitué. Comment ? D’une part, une campagne de diabolisation du roi auprès de son peuple et dont certains éléments figurent encore dans les manuels d’histoire. Extrait page 103

Citation:
Subtilement, avant même d’en arriver à l’histoire de sa malédiction, ses hommes de main [ceux de Gankpè, conspirateur et futur roi] avaient fait propager la réputation que le roi pouvait être d’un sadisme inouï, racontant par exemple qu’à la vue d’une femme en grossesse, il pouvait jour à deviner le sexe de l’enfant, et pour finir, faire ouvrir le ventre à la femme pour montrer à ses interlocuteurs qui de lui ou d’eux avait raison.


D’autres part la constitution d’une armée de femmes, les Amazones, financée par Francisco Félix de Souza et la fourniture d’armes par ce dernier aux putschistes. Le soutien de Francisco Félix de Souza au renversement d’Adandozan n’est pas contesté par les descendants du Chacha 1er même s’ils le justifient par d’autres motifs.

http://desouza-af.com/html/roi_adandozan.html

La balle est dans le camp des historiens qui devraient essayer d’établir les faits et éviter de faire le procès de telle ou telle famille.

Dans les « Nouveaux mondes », j’ai retenu le rôle joué par la religion musulmane et plus particulièrement l’écrire arabe qui a permis aux esclaves de communiquer secrètement et d’organiser des révoltes comme celle dite des Malês en 1835 à Bahia. C’est ainsi que beaucoup de « retornados » comme le narrateur, partis animistes, sont rentrés musulmans.

Dans les « Temps mêlés » et plus globalement dans l’ouvrage, l’auteur parle de l’apport des Afro-brésiliens aux sociétés du Golfe du Bénin. De nombreux travaux existent sur ce sujet.

http://www.afroasia.ufba.br/pdf/afroasia_n12_p193.pdf

http://www.paris-sorbonne.fr/fr/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=9578

Je complèterai par cette histoire (vraie ou fausse ?) que l’on raconte dans les milieux béninois de France. A l’occasion du mariage d’un béninois et d’une portugaise, un membre de la famille du marié s’adresse à ce dernier en langue fon et tendant la main. Le frère de la mariée réagit tout de suite et dit : tu lui demandes la clé de la voiture ? Il avait compris deux mots essentiels dans les propos : mↄto et chavi.


Quelques remarques personnelles pour terminer :

- L’auteur a introduit dans son ouvrage quelques phrases en mina comme les propos de l’amazone Nansica à la page 125 Laughing Laughing Laughing Parfois on dirait plutôt de l’éwé comme à la page 249. Je ne maîtrise pas cette dernière, j’ai juste le souvenir d’une dame qui présentait le journal parlé en éwé sur Radio Lomé dans les années 70, un vrai régal ! Je regrette que l’auteur n’ait pas adopté l’alphabet approprié pour écrire ces phrases. J’en connais beaucoup qui lisent très bien la Bible en éwé et qui savent pas lire le français. Voir par exemple la déclaration universelle des droits de l’homme en éwé

http://www.ohchr.org/EN/UDHR/Documents/UDHR_Translations/ewe.pdf

- L’auteur est précis sur le nom des lieux lorsqu’il parle du Bénin mais pour désigner Lomé (ou Togoville ?), il parle de TiBrava, je ne sais pour quelle raison. Mais ce qui me choque le plus c’est cet extrait de la page 27

Citation:
Du lointain territoire des Ashanti à celui des Yoruba d’Oyo, en passant par les enclaves éwé, baoulé, mina et fon, le fléau de l’esclavage a détruit les liens de respect et d’amitié entre les populations côtières autrefois vendeurs des peuples à l’intérieur des terres.


Situer les Baoulé entre les Ashanti et les Yoruba même s’il s’agit d’un roman ! La Reine Pokou, qui a jeté son fils unique dans les eaux tumultueuses de la Comoé pour apaiser les dieux et conduire son peuple en Eburnie doit se retourner dans sa tombe.

Malgré ces quelques piques, le roman de Kangni Alem est agréable à lire et montre comment l’histoire de cette partie du continent est très tourmentée et que les peuples qui y habitent en gardent encore des séquelles.
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