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Esclavage : Violences et Résistances
08/08/2004
 

Cette semaine, Contrôle social et mental de l’esclave; Violences; Resistances
 
Par Belinda Tshibwabwa Mwa Bay
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Chap 1. Contrôle social et mental de l’esclave
Le Code Noir a connu 2 versions, celle de 1685 et 1724  
Le Code Noir a connu 2 versions, celle de 1685 et 1724
 

" Déclarons les esclaves être meubles " Tel est le principe que le Code Noir entend définir et justifier tout au long de ses 60 articles, en prenant à témoin Louis XIV Roi de France et de Navarre, l’Eglise catholique et Dieu lui-même. Ce principe est celui de toutes les sociétés esclavagistes, mais la France est la première puissance des temps modernes à l’avoir codifié. Le statut social, juridique et économique de l’esclave est celui d’un objet, d’un bien, et en tant que tel, une entité sans volonté ni identité propre. La législation brésilienne de l’esclavage est en ce sens la plus explicite, car elle considère les esclaves comme : « articles de propriété, qui entrent dans l’ordre des biens, sans volonté ni personnalité juridique, ayant comme seuls uniques représentants leurs propres maîtres. »


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La plantation hermitage, Georgie, 1889 (photo). La maison de maître et les quartiers d'esclaves.  
La plantation hermitage, Georgie, 1889 (photo). La maison de maître et les quartiers d'esclaves.
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

L’esclave est celui qui se trouve sous le pouvoir et la dépendance absolus d’un maître, celui qui n’est pas libre et qui vit dans un état de servitude totale. Il diffère du serf ou du serviteur, car il n’est pas considéré comme une personne, mais comme une chose ; car il ne tire aucun bénéfice ni profit de son travail ; car sa vie est à la merci de la volonté de son maître, qui a le droit de vie et de mort sur sa personne ; car il n’a aucun droit face aux personnes et aux choses. " Etre une propriété ", est le statut premier d’un esclave. De ce postulat découle deux prédicats corollaires : ceux de la perpétuité et de l’hérédité. Un esclave est esclave à vie, et transmet sa condition sociale à ses enfants. L’esclave n’a pas de " personnalité juridique ", il n’a pas non plus de statut " moral", ce qui veut dire que la société ne lui reconnaît pas de dignité, de valeurs, de principes, ni même de sentiments. Dans la plupart des sociétés coloniales il lui est interdit d’apprendre à lire et à écrire, de posséder des biens ou un pécule, de s’attrouper, de se déplacer sans l’autorisation écrite de son maître, de porter des chaussures, de parler une langue africaine ou le créole. Si la législation veille à ce que l'esclave n'ait aucun recours juridique, elle lui confère à contrario un statut " pénal" très riche. Le Code Noir Français, puis espagnol, les textes de loi émis par les états du sud des Etats Unis, par les pays d'Amérique latine et les îles de la Caraïbe, à travers leurs Constitutions ou à travers leur Code pénal pour réglementer l'esclavage, ne sont qu'une suite d'interdits, de sentences, de châtiments, promis aux esclaves qui se rendraient coupables de vol de nourriture, de bétail, de fuite, de désobéissance, de port d'arme ou de meurtre. Le système esclavagiste est avant tout un système répressif, autoritaire et totalitaire dans sa définition formelle, même si les pratiques sociales ont pu s'avérer être moins rigides. Le contrôle social et mental de l'esclave est au centre de ce dispositif, car l'organisation et le fonctionnement des sociétés coloniales reposent sur cette population esclave, qui dans la majorité des cas, est supérieure numériquement à la population blanche. C'était d'ailleurs pour prévenir toute insurrection massive d'esclaves que les recensements effectués dans des pays comme le Brésil 19ième siècle, n'étaient jamais rendus publics.

Maison de correction, Jamaïque, 1837  
Maison de correction, Jamaïque, 1837
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

Le contrôle mental de l'esclave passe par des mécanismes de " déshumanisation". Il n'est pas un "objet" uniquement sur le papier, il l'est dans la vie courante.
La ségrégation sociale et spatiale. Il était de coutume dans les plantations de réunir tous les matins, tous les esclaves du domaine dans l'enclos à bétail pour être compter, afin de s'assurer qu'aucun ne s'était enfui durant la nuit. Les journées de travail commençaient dès 6 heure du matin et s'achevait souvent après minuit. Les esclaves des plantations étaient parqués dans un espace qui leur était réservé (les cases nègres aux Antilles françaises, les slaves quarter aux Etats unis, les senzala au Brésil), à la fois suffisamment loin de la maison du maître pour marquer visuellement la hiérarchie de la condition, et suffisamment près pour que leurs faits et gestes soient surveillés. Un commandeur ou feitor, chargé de contrôler, le fouet à la main, le travail des esclaves, avait souvent son propre logis à proximité de leurs cases, afin d'exercer sur eux une surveillance constante. Les esclaves des villes, qui pour la plupart dormaient dans les rues et les parcs, étaient surveillés par la police. Ceux à qui leurs maîtres avaient trouvé une place dans l'étroitesse de leurs maisons de ville, dormaient soit à même le sol de la cuisine, des couloirs ou dans les escaliers, soit dans les petites remises étouffantes avec des sacs de vivres et des animaux domestiques. Cette ségrégation était instituée dans l'espace, dans les conditions de vie et dans l'apparence. Dans l'alimentation par exemple, les esclaves ne mangeaient que les restes, les abats ou les aliments que leurs maîtres ne consommaient pas. Il leur était interdit de se parer d'étoffes riches, de porter des chaussures, car dans la société coloniale s'était l'attribut symbolique de la condition. Seuls les hommes libres devaient en porter.

L'esclave devait donc être " identifiable" par cet ostracisme permanent. Il était symboliquement, matériellement, institutionnellement, économiquement et socialement exclu de la compagnie des " hommes". La pression sociale pesait sur lui comme une épée de Damoclès à chaque instant, car le moindre écart, la moindre révolte était réprimée avec la sévérité démesurée d'un châtiment que l'on utilise comme exemple et comme instrument de terreur pour neutraliser le reste de la population esclave.

Chap. 2. Violences
Collier et masque de fer, 18ième siècle,  
Collier et masque de fer, 18ième siècle,
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

Une barbarie juste. La violence, sous toutes ses formes, était le bras armé du système esclavagiste. La violence physique était légitimée par la violence symbolique de l'esclavage, et la violence symbolique servait à justifier la violence physique. Mais cette violence, qui la plupart du temps n'était que pur sadisme, se parait volontiers des habits de la justice et de la charité chrétienne. La pensée esclavagiste est une pensée fondamentalement paternaliste et se veut une mission chrétienne et civilisatrice. Donc la violence infligée aux esclaves est une chose juste. La législation brésilienne explique ce principe sans fard ni " langue de bois". Elle explique que : « les châtiments infligés par un maître à son esclave sont légitimes car ils sont comme ceux qu'un père inflige à son enfant ». Sous couvert de ce principe, toutes les atrocités étaient permises sous le régime esclavagiste. Avec la bénédiction du Code Noir, on pouvait brûler son esclave, lui couper les oreilles ou la jambe, le tué tout simplement. Même les horreurs auxquelles ce texte n'avait pas pensé, il les excusait de fait car il déclarait les esclaves " être meubles".

Les instruments de torture se divisaient en trois grandes catégories : les fouets, les chicotes et les bâtons, de toutes les longueurs, à une ou plusieurs lanières, dans des matières comme le cuir cru ou le bois ; les " colliers" et les entraves, les " troncs", dont la principale fonction était de limiter les mouvements de l’esclave ; les tenailles, qui étaient des instruments de torture au sens propre du terme. La plupart de ces objets étaient l'œuvre ferronniers et ils étaient d'un usage très courant. Tous ces instruments existaient dans plusieurs versions, des plus légères et plus pratiques, aux plus sophistiqués et plus tortueux. Parmi les plus répandus ou les plus "originaux", on trouvait le masque de fer ou máscara. Il s’agit d’un masque fait de zinc ou de fer qui couvrait tout le visage, auquel il était attaché à l’aide de prolongements qui se fermaient le plus souvent à l’aide d’un cadenas. Il portait de petits trous permettant uniquement de voir et de respirer. Il était surtout utilisé pour empêcher aux esclaves de boire de l’alcool, de voler des aliments ou de manger de la terre. La tesoura était un instrument coupant, constitué de deux lames mobiles réunies par la milieu, et qui s’ouvre en croix à la manière d’un ciseau. Il était utilisé pour couper les oreilles et les doigts, formes de mutilations également très courantes durant le 19ième siècle, particulièrement au Brésil. Les Fers ou ferrete et carimbo, étaient des instruments en métal, servant à marquer les esclaves au fer chaud. On les utilisait surtout pour marquer d’un "F" ou d'une " fleur de lys" les esclaves fugitifs récidivistes. Mais certains propriétaires, parmi les plus riches, s’en servaient surtout pour imprimer leurs noms sur leurs " propriétés". Il circulait ainsi dans la ville de Rio de Janeiro, un grand nombre d’esclaves dit "particuliers", portant à même la peau les emblèmes ou les initiales de leurs maîtres. La chicote, fouet le plus ordinaire, mais dont il existait toute une gamme, était constitué de deux lanières de cuir qui arrachaient la peau dès le premier coup, rendant ainsi le châtiment encore plus douloureux.

Le supplice du tronc, Trinidad, 1830. L'esclave devait  rester immobilisé dans cette position de jour comme de nuit, pendant plusieurs jours.  
Le supplice du tronc, Trinidad, 1830. L'esclave devait rester immobilisé dans cette position de jour comme de nuit, pendant plusieurs jours.
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

Le collier de fer a été décrit par Jean-baptiste DEBRET, qui a visité la ville de Rio de Janeiro au début du 19ième siècle, comme ayant : « plusieurs bras en forme de crochets, non seulement dans l’intention de le rendre ostensible, mais également pour être appréhendé plus facilement en cas de résistance, puisqu’en appuyant vigoureusement sur le crochet, la pression inverse se produit de l’autre coté du collier, relevant avec force la mâchoire du prisonnier ; la douleur est horrible et fait cesser toute résistance, principalement quand la pression est renouvelée par saccades ».

Les Escarpes utilisés au Brésil, désignaient des chaussures de fer utilisées pour torturer les esclaves. Les Forca, patíbulo, cadafalso étaient des instruments de mise à mort par le supplice de l’étranglement. Le Garfo, instrument de torture avec lequel on déchirait les chaires du supplicié, ressemblait à un ustensile servant à tailler la pierre. Le grilhão, dont l’usage était aussi banalisé que celui du collier de fer, était composé d’anneaux de fer avec lesquels on emprisonnait les jambes des esclaves, limitant ainsi leurs mouvements. On leur mettait également des chaînes cadenassées à l’une des chevilles, auxquelles étaient reliées un gros et lourd morceau de bois que l'esclave était obligé de porter sous le bras. L’anjinho était certainement l’appareil de torture le plus "inventif". Son usage était également très courant dans les colonies françaises et anglaises. Il s’agit de tenailles constituées de deux anneaux de fer dans lesquels étaient emprisonnées les têtes des pouces de la victime. Celles-ci étaient graduellement comprimées au moyen d’un petit écrou, et ce jusqu’à ce qu’elles soient totalement broyées. Cet instrument servait à faire parler les esclaves fugitifs, en particulier ceux qui avaient été capturés dans les forêts et les quilombos, et qui refusaient de donner le nom et l’adresse de leurs maîtres, auxquels ils devaient êtres restitués.

Esclave brûlée et torturée par sa maîtresse, Richmond, Virginie, E.U, 1866.  
Esclave brûlée et torturée par sa maîtresse, Richmond, Virginie, E.U, 1866.
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

La violence comme instrument de terreur. Les travaux de recherche menés sur les archives de la seule ville de Rio de Janeiro au 19ième siècle, nous ont permis de dénombrer pas moins de 51 instruments de torture, plus une dizaine de "méthodes" de tortures — mais cette dernière catégorie est en réalité aussi illimitée que l’imagination de ceux qui les appliquent. Les archives judiciaires recèlent de nombreux procès-verbaux de faits divers, tous plus horribles les uns que les autres, qui montrent que la sauvagerie des maîtres à l'égard de leurs esclaves n'avaient absolument aucune limite. Seins coupés, yeux arrachés, dents brisées, lèvres lacérées, esclaves fouettés à mort, torturés, brûlés, violés, noyés, étranglés par leurs propriétaires. Les voyageurs étrangers ayant visité les Amériques durant près de 3 siècles, et auxquels nous devons témoignages écrits et iconographiques de l'époque esclavagiste, eux aussi n'ont eu de cesse de dénoncer et de décrire la barbarie du système esclavagiste. Une barbarie aussi courante dans l'espace privé que dans l'espace public, comme le démontre le supplice du fouet, qui représentait le châtiment légal et institutionnel par excellence. Le contrôle social de l'élément servile reposait en grande partie sur la terreur, et le fouet était son emblème. Mais la flagellation publique des esclaves avait autant valeur d'exemple pour l'ensemble de la population esclave que de spectacle public pour la population blanche.

Flagellation publique d’esclaves, brésil, 1830.  
Flagellation publique d’esclaves, brésil, 1830.
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

De manière générale, la pratique voulait que lorsque le fouet était administré publiquement à un esclave, tous les coups ne soient pas portés le même jour. Les condamnés étaient attachés à un poteau ou suspendu par les bras à une corde. L’esclave avait donc les bras levés, et il était frappé à même la peau, sur le dos et le bas du dos. Après chaque séance, les plaies étaient salées et l’esclave était ramené dès le lendemain pour recevoir une nouvelle série de coups. Le supplice se renouvelait quotidiennement, jusqu’à ce que la totalité de la sentence soit appliquée. Cette procédure devait également être respectée en prison, car les registres montrent qu’au fur à mesure, les " jours d’infirmerie" se multipliaient et s’allongeaient. Ce qui veut dire que les esclaves avaient certainement plus de mal à récupérer après chaque nouvelle séance de fouettement. Les esclaves y étaient incarcérés à la demande de leurs maîtres, qui stipulaient au greffier le type et le nombre de coups de fouet qui devaient être administrés à leurs esclaves. Et ce nombre variait entre 25 et 100 coups. Les flagellations publiques d'esclaves étaient très souvent confiées à un autre esclave ou à un Noir affranchi, selon le bon vieux principe du " diviser pour mieux régner".

Chap.3. Resistances
Entrainement des chiens à la chasse aux esclaves. Saint Domingue, 1800. Le soldat Français présente aux chiens un esclave qu'il a recouvert du sang et de la chair d'un animal, généralement de la volaille. Les chiens sont  intentionellement affamés afin d'être excités par l'odeur du sang de l'animal, qui coule le long de la jambe de l'esclave. Les chiens assimilent ainsi les Noirs à leur nourriture, ce qui accentue leur férocité lorsqu'ils sont  lancés à la poursuite d'un esclave fugitif.  
Entrainement des chiens à la chasse aux esclaves. Saint Domingue, 1800. Le soldat Français présente aux chiens un esclave qu'il a recouvert du sang et de la chair d'un animal, généralement de la volaille. Les chiens sont intentionellement affamés afin d'être excités par l'odeur du sang de l'animal, qui coule le long de la jambe de l'esclave. Les chiens assimilent ainsi les Noirs à leur nourriture, ce qui accentue leur férocité lorsqu'ils sont lancés à la poursuite d'un esclave fugitif.
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

Les esclaves ont opposé plusieurs formes de résistance à l'oppression esclavagiste, des plus insoupçonnables aux plus extrêmes. L'esclavage n'a jamais été une pratique de tout repos et la soumission d'un esclave n'était jamais acquise à son maître. L'esclave la plus docile pouvait s'enfuir du jour au lendemain ou empoisonner sans raison apparente la nourriture de ses maîtres. Les registres carcéraux des deux principales prisons pour esclaves de la ville de Rio de Janeiro, le Calabouço et la Casa da detenção par exemple, montrent que les cellules d'incarcération n'ont jamais désempli durant tout le long du 19ième siècle. Et ce, en dépit de la terreur exercée par la police à travers les rues de la ville.

Résistance passive. Les procès-verbaux d'incarcération de ces mêmes registres montrent qu'il existait des formes de résistance que l'on pourrait qualifier de " passives", dans le sens où l'esclave, ne pouvant s'attaquer directement au joug qui pesait sur lui, se retranchait dans des mécanismes d'autodestruction. Dans les grandes villes, l'alcoolisme était le fléau le plus répandu au sein de la population esclave. Les esclaves des deux sexes et de tout âge, buvaient une grande quantité d'alcool de canne, à la fois pour oublier leur condition et pour se rendre totalement inapte au travail. L'alcoolisme entraînait un autre phénomène non moins gênant pour les autorités qui était appelé le " désordre", car sous l'emprise de la boisson, les bagarres et le tapage des esclaves étaient monnaie courante. Dans les plantations, les esclaves s'ingéniaient également à se rendrent " inutiles" en se blessant, au risque de se rendre infirmes. L'une des pratiques les plus connues consistait à s'introduire volontairement des vers dans la plante des pieds, car leur incubation dans la chair pouvait faire perdre un membre.

L'autre forme de résistance " passive" la plus répandue était le suicide. L'expression " avaler sa langue", unanimement connue dans les Amériques esclavagistes, évoquait ce phénomène par lequel beaucoup d'esclaves se donnaient la mort. Ils le faisaient également en mangeant de la terre. Une pratique que les médecins avaient d'abord pris pour un simple "vice", mais qui était en fait la forme de suicide la plus répandue au sein de la population esclave. Un suicide lent, douloureux, mais indécelable, qui amenuisait progressivement la condition physique de l’esclave. En réalité, beaucoup d'esclaves se laissaient mourir, refusant de s'alimenter, sombrant dans le désespoir et le mutisme. Au Brésil, ce phénomène était appelé le " banzo". Ce terme, dont l'origine Kongo ne fait aucun doute, devait provenir du mot "mabanzo", qui veut dire le souvenir, la nostalgie.

Avis de recherche d'esclave en fuite, maryland, E.U, 19ième siècle  
Avis de recherche d'esclave en fuite, maryland, E.U, 19ième siècle
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

Résistance active. La première forme de résistance active était bien entendue la fuite. Les esclaves fugitifs ou "soupçonnés" de fuite représentaient la majorité des détenus esclaves des deux sexes dans les prisons qui leur étaient destinées. Les Journaux et les murs des grandes villes, du Nord au sud des Amériques, en passant par la Caraïbe, étaient recouverts en permanence d'avis de recherche d'esclaves fugitifs. En milieu urbain, les esclaves fugitifs se mêlaient de préférence aux Noirs affranchis vivant au cœur même de la ville, car c'était parmi eux qu'ils couraient le moins de risques d'être découverts. Il existait de véritables réseaux, essentiellement dirigés par des femmes, qui permettaient de cacher des esclaves fugitifs dans des lieux de prières, des maisons de jeux, généralement dissimulés dans les arrière-boutiques appartenant à des affranchis. Ceux qui prenaient le risque de s'enfuir dans les forêts, devaient toujours fuir plus loin et plus souvent, car les chasseurs d'esclaves, dont le salaire était une prime à la " capture", étaient particulièrement nombreux et organisés. Malgré cette menace et le châtiment qui attendait le fugitif capturé, hommes, femmes, enfants esclaves s'enfuyaient, et très souvent ils le faisaient plus d'une fois.

Parfois ces fugitifs, dits cimarron, se regroupaient dans les forêts et parvenaient à constituer des communautés. C'est ainsi qu'est apparu le phénomène du " marronage", très répandu dans les Antilles. Ces communautés de fugitifs, appelées Quilombo au Brésil, Calbido à Cuba, pouvaient parfois devenir très importantes numériquement parlant . Le Quilombo de Macaco, dans la Serra da Barriga au Brésil a atteint 8000 habitants. Certaines d'entre-elles devenaient suffisamment organisées pour opposer une résistance armée à l'occupant. Parmi les exemples les plus célèbres se trouve la "République de Palmares", dirigé par l'ex-esclave Zumbi et qui a infligé plusieurs défaites à l'armée brésilienne entre 1655 et 1694. Le chef marron Cudjoe et ses troupes ont également tenu en respect, pendant près de 40 ans, l'armée anglaise à la Jamaïque au 18ième siècle. En 1739, ce fut l'ultime humiliation, car cette armée fut obligée de signer un traité de paix avec le chef marron, lui octroyant des terres et garantissant la liberté à sa communauté et sa descendance.

Revanche contre des soldats français, Saint-domingue, 1805  
Revanche contre des soldats français, Saint-domingue, 1805
© http://hitchcock.itc.virginia.edu/SlaveTrade/
 

Pour l'esclave, la résistance active signifiait également une opposition frontale à son maître, et le pourcentage élevé d'esclaves incarcérés pour "désobéissance" est bien là pour le prouver. C'est l'un des principaux motifs d'emprisonnement des esclaves des deux sexes dans les registres carcéraux de la maison de détention de Rio de Janeiro au 19ième siècle, et correspondait à des délits allant du refus de rentrer à la maison, à la pratique de la capoeira. Les relations maître-esclave étaient donc empreintes de tension et de peur de part et d'autre. Le maître craignait la rébellion de l'esclave car celle-ci pouvait se retourner contre lui. Les chroniques de l'époque esclavagiste ne manquent pas de cas d'empoisonnements, voir d'assassinats violents de maîtres par leurs esclaves. Les féticheuses et sorciers africains étaient particulièrement recherchés et persécutés par la police car, la plupart du temps, c'était eux qui confectionnaient et diffusaient au sein de la population esclave, les breuvages servant à empoisonner les maîtres blancs. Les femmes esclaves se servaient également de ce type de breuvage pour se faire avorter. C'est une forme de résistance peu connue, mais les médecins de l'époque la soupçonnait d'être très courante au sein de la population esclave. L'avortement et l'infanticide, était une manière de briser le cycle héréditaire de l'esclavage, et les femmes n'ont souvent trouvé aucun autre moyen de se révolter contre cette " fatalité" qui leur imposait, en plus de leur propre servitude, le poids de la culpabilité.

Le système esclavagiste n'a jamais véritablement réussi à priver l'esclave de toute humanité, ni à en faire un "meuble". Il a obtenu sa soumission au prix d'une oppression et d'une violence permanente. Certains esclaves ont cherché à contourner cette oppression en élaborant diverses stratégies d'adaptation et de survie, allant de l'obéissance à la " collaboration ". Mais une grande partie de ces captifs a refusé de courber l'échine, préférant très souvent la mort à la servitude. Ces résistants, des plus illustres au plus anonymes, parce qu'ils ont affirmé leur humanité et leur liberté dans la souffrance et la mort, méritent notre devoir de mémoire.

Sources

Marcus Rainsford. An historical account of the black empire of Hayti . London,1805.

Thomas Branagan. The Penitential Tyrant; or, slave trader reformed. New York, 1807.

Richard Bridgens. West India Scenery...from sketches taken during a voyage to, and residence of seven years in ... Trinidad . London, 1836

Registres d'incarcération de la Casa da Detenção ( Arquivo publico do estado do Rio de janeiro) et du Calabouço ( Arquivo nacional da cidade do Rio de Janeiro ).



       
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esclavage   
 
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