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Ses contempteurs l’avaient donné pour mort, le Blé Goudé national, tellement son silence assourdissant avait ébranlé plus d’un. On se souvient des déclarations incendiaires qu’il tenait et de l’invitation qu’il lançait aux jeunes patriotes peu de temps avant la date fatidique du 11 avril qui sonna la chute d’un Gbagbo terré et réfugié dans sa république du « Bunker ».
Lorsque l’on débusqua son mentor des labyrinthes du palais, la surprise fut grande de ne pas y trouver Blé Goudé. Le fidèle d’entre les fidèles s’était évanoui dans la nature et sa disparition donna lieu à moult conjectures. Certains prétendirent qu’il avait été lynché par une foule en colère, d’autres qu’il s’était trouvé quelque refuge sûr dans Abidjan ; d’autres encore, qu’il avait trouvé asile au Ghana ou au Liberia voisin.
Toujours est-il qu’à présent, et suite à l’interview téléphonique qu’il vient d’accorder à « Jeune Afrique », on peut à présent être sûr d’une chose : Blé Goudé est plus que jamais vivant, et, semble-t-il, il tient à le faire savoir. Reste à présent à découvrir pourquoi c’est à présent et seulement maintenant que le Général de la rue choisit de démentir sa propre mort.
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A vrai dire, Blé Goudé n’est pas vraiment à découvert. Prudent, le monsieur. Ce n’est pas qu’il n’a pas beaucoup dit dans l’interview, Blé Goudé ; bien au contraire, usant de la faconde et du bagou naturel qu’on lui connaît, l’homme y affirme ses convictions, renouvelle son attachement à son mentor, Gbagbo, dont il réclame au passage la libération, et n’exclut pas qu’il s’autorise une ambition politique dans un futur plus ou moins proche en Côte d’Ivoire.
Mais il prend soin de ne rien laisser percevoir de l’endroit où il se trouve. Sans doute avec raison, car, au regard de ce qu’il a été dans l’histoire récente de son pays, il vaut peut-être mieux que l’on ignore tout de la nouvelle planque du général déserteur. Car, à vrai dire, il se peut que Blé Goudé, à l’heure actuelle, compte des ennemis dans deux camps : celui de ses traditionnels ennemis, mais sans doute aussi celui de ses anciens amis.
Ceux qu’il a régulièrement combattus, contre lesquels il a régulièrement pesté, tempêté et proféré des diatribes ont des raisons de vouloir lui faire rendre gorge. Presque normal, et Blé Goudé le sait très bien. Mais ce qu’il n’ignore pas non plus, c’est qu’il s’est probablement fait de nouveaux ennemis de ses anciens amis. C’est tout de même lui qui s’était autoproclamé « général de la rue » et qui avait opté de conduire les jeunes patriotes vers la victoire finale.
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C’est encore lui qui avait incité ces milliers de jeunes acquis à la cause de Gbagbo à affronter, la « poitrine nue », les troupes des FRCI qui déferlaient sur Abidjan et s’apprêtaient à lancer l’assaut final contre le palais présidentiel de Cocody. La force de persuasion du « général » aura décidé au moins certains d’entre eux à affronter les balles mortelles de l’ennemi.
Et pendant ce temps, lui-même se sera sans doute trouvé quelque refuge sûrs, se mettant à l’abri de tout danger pour, ensuite, en habitué de la clandestinité, comme lui-même le reconnaît, échapper aux mailles du filet et se retrouver (presque) définitivement hors danger dans quelque refuge extra muros du territoire ivoirien. Ses anciens amis peuvent trouver que Blé Goudé les a, à son tour, roulés dans la farine. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’en la matière, disciple fervent de Laurent Gbagbo, il était à bonne école.
A présent, l’homme se présente, recyclé, apparaît en grand pacificateur, refuse de garder rancune à Guillaume Soro et jure, la main sur le cœur, qu’il a « permis à la Côte d’Ivoire d’éviter la catastrophe à plusieurs reprises ». Lui s’en tire à bon compte, c’est sûr, mais pas tous ceux que ces incitations auront convaincus de faire ce qu’il disait. L’homme compte revenir, c’est sûr : nul ne désire vivre éternellement en exil, fût-il doré. Et la présente opération de communication est peut-être destinée à sonder l’opinion et à tâter l’atmosphère.
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Reste à savoir ce qu’en décideront les nouvelles autorités politiques de la lagune Ebrié. Que vaut un Blé Goudé, même recyclé pour la reconstruction d’une Côte d’Ivoire nouvelle ? L’agitateur de foules qu’on a connu est-il vraiment capable de se transformer en fervent pacificateur au point de faire oublier ce qu’il a été ? Enfin, lui qui, à présent, décide de mener sa vie d’opposant en dehors du FPI et promet « de réunir les jeunes patriotes et tous les Ivoiriens avec qui on peut travailler », de quelle crédibilité dispose-t-il à présent ?
On se rappelle –ô ironie du sort !- que ce même Blé Goudé avait reproché à Bédié de n’avoir pas offert sa poitrine aux armes des soldats de Robert Guëi. Hé bien, c’est ce même Blé Goudé, autoproclamé « général de la rue », qui enverra les jeunes patriotes au combat pour tandis que lui-même cherchait le moyen de se débiner pour se retrouver hors de danger, bien ailleurs en territoire étranger. Si ce n’est pas là du « blaguer tuer », ça y ressemble fort.
Il peut toujours réapparaître en Côte d’Ivoire, le Blé Goudé national ! Peut-être y est-il déjà ! Mais la plus petite des décences commanderait qu’il passe par certains purgatoires, au nombre desquels la Commission pour le dialogue, la vérité et la réconciliation. En attendant peut-être que la CPI, un jour, le localise et lui mette le grappin dessus. Et alors, si tel le Phénix, il devait renaître de ses cendres… il forcerait l’admiration unanime de tous, amis et contempteurs réunis.
Jean Claude Kongo
L’Observateur Paalga/08/07/2011
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