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El Hadj Ousmane Alioune Gadio, Doyen des Anciens combattants, déporté en Allemagne (1920-2008)
19/11/2008
 

Pierrette Herzberger Fofana est allé à la rencontre du doyen des anciens combattants, El Hadj Ousmane Gadio, décédé en août 2008
 
Par Pierrette Herzberger Fofana
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Au cours de nos recherches sur les anciens combattants, déportés en Allemagne, nous avons eu l’occasion de rencontrer de nombreux héros de l’ombre. Ils nous ont confié leur histoire, leurs souvenirs de prisonnier de guerre dans un climat hostile. A aucun moment, des paroles de haine n’on traversé leurs lèvres. Leurs récits sont empreints de nostalgie lorqu’ils parlent des heures de fraternité qu’ils ont vécu ensemble, loin de leur patrie. Leurs récits, teintées du halo que confère l’âge, nous font revivre ces instants glorieux. Ces vaillants soldats sont entrés de plain-pied dans l’histoire, une histoire méconnue, ignorée des jeunes générations. Ils ont imprimé le champ de bataille par leurs actes de bravoure.

Tous ces grands-pères attendent aujourd’hui encore la décristallisation de leurs pensions. Au crépuscule de leur vie, ils se réunissent et devisent ensemble. Ils sont chaque année de moins en moins nombreux. Nous livrons aujourd’hui un pan de la biographie du doyen des anciens combattants El Hadj Aliou Gadio, Président de l’Association des Anciens Combattants et Prisonniers de Guerre. Cet entretien a eu lieu à l’école Pape Guèye Fall à Dakar, en présence d’anciens prisonniers de guerre en France ou en Allemagne. Le 4 août 2008, El Hadj Aliou Gadio, s’en est allé de l’autre bord. Que la terre lui soit légère! En signe de notre reconnaissance nous publions cet entretien, inédit avec l’aimable autorisation de son fils, Dr.Cheikh Tidiane Gadio, Ministre d’Etat des Affaires Etrangères du Sénégal.

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El Hadj Ousmane Alioune Gadio  
El Hadj Ousmane Alioune Gadio
© PHF
 

P.H.F. Pouvez-vous nous parler de votre parcours à partir de votre départ du Sénégal pour la France en tant que soldat ?

J’ai quitté le Sénégal le 5 décembre 1939 pour la France en tant que soldat. Les autorités militaires nous ont envoyé au camp de Souge à 22 kilomètres de Bordeaux où le 25 e RTS Régiment des Tirailleurs Sénégalais a été crée. Il englobait tous les Africains des colonies françaises. Après notre formation militaire, nous sommes montés au front, le 15 mars 1940, c’est-à-dire nous étions aptes à faire la guerre. Nous étions d’abord à la frontière italienne jusqu’au 15 juin puis on nous a envoyés à Lyon, car Paris venait d’être occupé par l’armée allemande. Notre régiment était chargé de surveiller Lyon et d’en interdire l’accès aux Allemands. Pendant trois jours, les Allemands nous ont encerclés. Ils ont apporté deux divisions, et finalement ils nous ont capturés et fait prisonniers. Beaucoup de nos camarades sont tombés sous les balles de l’ennemi. Ils reposent au cimetière de Chasselay.

Nous sommes restés dans les camps de prisonniers en France jusqu’en 1943. A partir de 1943, nous étions considérés comme des travailleurs libres et nous étions encadrés par des officiers français. Nous, les prisonniers de guerre avons travaillé dans les usines de Pompe,( ?) puis Epinal jusqu’au début de l’année 1944. De là on nous a envoyés à la fonderie de Pont-à-Mousson. Ensuite nous avons travaillé à Dijon où les Allemands nous ont capturés le 30 août 1944 et ils nous envoyés en Alsace-Lorraine. Nous avons marché à pied de Dijon en Alsace. Au mois de novembre, nous avons traversé le canal pour aller à Offenburg en Allemagne.

Nous avons passé tout l’hiver à Offenburg puis nous sommes partis pour Baden-Baden et nous avons continué notre marche vers le sud. Car à ce moment les Américains bombardaient Offenburg. Nous avons vécu dans divers villages dont Waldterdorf ( ?). Nous avons marché des nuits durant. On ne marchait que la nuit et on dormait le jour. Nous avons marché 27 jours à pied encadrés par les soldats allemands. Nous étions environ 50 Sénégalais. Finalement nous sommes arrivés près de Munich.

El Hadj Diallo et El Hadj Ousmane Gadio  
El Hadj Diallo et El Hadj Ousmane Gadio
© PHF
 

P.H.F. Vous êtes l’un des rares rescapés à avoir été déporté en Allemagne durant la seconde guerre mondiale. Quels sont les souvenirs que vous conservez de cette période ?

J’ai été déporté en Allemagne à environ 40 kilomètres de Munich. Nous autres prisonniers de guerre, notre travail consistait à décharger le matériel de guerre. Tous les matins nous déchargions les camions en brousse, car la ville d’Offenburg était bombardée par les Américains. Nous accomplissions en outre toutes sortes de corvées, sous des températures glaciales. Ces camions étaient remplis de munitions. Nous avons travaillé ainsi jusqu’á l’arrivée des Américains en Allemagne, soit de novembre 1944 à mai 1945.
En Allemagne, nous avons travaillé dur mais les Allemands ne nous ont pas mal traités à l’exception d’un officier. Nous n’avons subi aucune violence physique de la part de nos autres bourreaux et nous avions suffisamment à manger.

Mais je dois dire, en honneur aux Allemands, qu’à la fin de notre déportation, ils nous ont versé une modique somme d’argent. Seulement les Français ont refusé de nous changer l’argent, conformément aux décisions que le Général de Gaulle avait prises. En effet, à cette époque de nombreux Français sont partis de leur propre gré travailler en Allemagne comme volontaires. Pour mettre un frein à cet exode, Le Général De Gaulle avait interdit que l’on change le Reichsmark, la monnaie allemande, de tous ceux qui avaient travaillé en Allemagne qu’ils soit travailleurs volontaires ou prisonniers de guerre- comme c’était notre cas, nous les Africains. Il a exigé que seulement 4 000F nous soit changés. Je me souviens encore que j’avais 23 Reich- Marks que j’avais amené au Fouta, ma région.

Le 1 er mai 1945 nous avons été libérés. Nous étions à 18 Kms de Munich. Le général allemand nous a remerciés, il a bien parlé de nous et nous a laissés partir. Il nous a fait accompagner par 7 soldats allemands afin qu’on ne nous tire pas dessus en route. Il nous a fait embarquer dans un train. En route nous avons rencontré les Américains qui nous ont escortés. A Munich, il y a eu des affrontements entre les Allemands et les Américains. Nos camarades ont réglé leurs comptes à cet officier Allemand qui nous battait beaucoup. Il était le seul à nous battre tout le temps sinon les autres ne nous ont pas mal traités. Les Américains ont fait prisonniers les autres Allemands qui nous accompagnaient.

Nous sommes arrivés à Munich et nous avons retrouvés nos camarades français dans un camp. Nous sommes restés un mois et vingt jours et ensuite on nous a rapatriés en France.

Martine et Christian Moncoq en compagnie du  Dr. Cheikh Tidiane Gadio, Ministre des Affaires Etrangères du Sénégal  
Martine et Christian Moncoq en compagnie du Dr. Cheikh Tidiane Gadio, Ministre des Affaires Etrangères du Sénégal
© phf
 

P.H.F. Avez-vous vu des femmes Noires dans les camps en Allemagne ?

Non, je n’ai jamais vu de femmes Noires dans les camps en Allemagne.

P.H.F. Quel est le souvenir de guerre qui vous a le plus marqué ?
La façon dont on nous a capturé à 18 kms de Lyon. Notre régiment était fiché par les Allemands. Notre capitaine, le capitaine Gouzi est resté avec nous quand les Allemands nous ont encerclés. Il ne nous a pas abandonnés. Il nous a sauvés la vie ce qui nous a évité d’être massacrés (1). Le capitaine Ntchorere a également fait partie de notre régiment. Lorsqu’il avait été enrôlé, il avait fait le Sénégal. Il avait été à Kaolack.

P.H.F. Ou êtes-vous allé après avoir quitté Munich ?

Lorsque nous avons quitté Munich, on nous a emmené à Fréjus. C’est là que nous avons appris le massacre de Thiaroye. Nous étions très fâchés. Nous étions en colère en apprenant que des officiers avaient sauvagement massacrés nos frères qui avaient combattu en Europe. Alors en signe de protestation, nous avions décidé qu’à l’avenir, nous ne saluerons plus les officiers. Un frère Ivoirien dont j’ai oublié le nom s’est rendu à Saint-Raphaël. Lorsqu’il a rencontré une patrouille française, il n’a pas salué l’officier. Ce dernier l’a appelé et lui a demandé pourquoi il n’a pas salué. L’Ivoirien lui a expliqué qu’à cause du massacre de Thiaroye, tous les soldats Africains avaient décidé ne plus saluer les officiers. Outré par une telle explication, l’officier lui a tiré à bout portant et l’a tué sur le champ.

 
© phf  

Lorsque que cette nouvelle nous est parvenue au camp, les prisonniers Africains sont partis à Saint-Raphaël venger leur frère. Ils ont brûlé tous les véhicules qui se trouvaient dehors. Ils ont tué 25 personnes. Le lendemain, la presse française a tiré à la une « Révolte des Tirailleurs sénégalais » qui ont attaqué Saint Raphaël et se dirigent maintenant vers Nice. Ce qui est absolument faux. Car, après les affrontements à Saint-Raphaël, les prisonniers sont rentrés au camp. C’est alors que les autorités militaires ont décidé que les Maliens, les Mauritaniens, les Sénégalais, les Ivoiriens ne rentreront pas au Sénégal pour être démobilisés vers leur pays d’origine.

Ils ont donné comme prétexte que la peste sévissait à Dakar. Nous ne les avons pas crus. A cause du massacre de Thiaroye, ils nous ont empêchés de rentrer au Sénégal. Nous avons manifesté et les gradés nous ont envoyé un général pour nous expliquer la situation. Lorsque le général est venu pour nous parler, il est tombé raide mort. Alors les Français ont eu peur, á partir de cet incident, ils nous ont laissés rentrer au Sénégal. On nous a embarqués sur un bateau qui avait amené des cacahuètes. La traversée a duré quinze jours entre Marseille et Dakar. Nous sommes arrivés à Dakar le 15 septembre 1945. Nous étions au camp de Thiaroye, puis nous sommes partis à Saint-Louis, où nous avons été démobilisés. A partir de Saint Louis, on nous a renvoyés dans nos foyers respectifs. Je suis rentré au Fouta.

P.H.F. Avez-vous perçu des indemnités ou des primes de guerre, une pension en remerciements de votre participation au conflit mondial ?

Nous avons juste reçu notre solde normale. Nous n’avons perçu aucune indemnité ou prime, aucun pécule pour les années de captivité, absolument rien. Selon le règlement militaire, nous aurions droit à une pension lorsque nous atteindrions l’âge de 50 ans, soit dans 30 ans. Tous ceux qui n’avaient pas 50 ans, n’ont pas eu de pension c’est-à-dire pratiquement tous les soldats Africains. Il nous a été stipulé que nos pensions seraient le quart des pensions de nos camarades français.

 
 

P.H.F. Pourquoi deviez-vous percevoir le quart de pensions comparé aux Français? Vous a-t-on donné des explications valables ?

Ils nous ont dit que les Noirs et les Blancs, ne sont pas pareils. Ils ne peuvent pas être considérés de la même façon- La justice française a promis de régler le problème de nos pensions. mais jusqu’à ce jour, janvier 2005,. nous n’avons rien vu. C’est la décristallisation

P. H. F. J’ ai lu récemment qu’il suffisait d’envoyer ces documents au ministère des Anciens Combattants à Paris pour percevoir les arriérés de plus 40 ans que la France vous doit ?

J’étais au mois d’août 2004 pour les festivités commémorant le débarquement de Toulon, je peux vous affirmer que nous n’avons rien reçu. Nous avons réclamé notre dû sans grand
succès. 45 états étaient présents.

P. H.F. Combien y a-t-il d’anciens combattants au Sénégal.
Selon le dernier recensement de 2004, il y a 70 tirailleurs qui vivent à Dakar, mais quelque uns il vivent dans les régions.


P.H.F. Quel est le rôle de la fondation Pape Guèye Fall ? Dans quels domaines s’implique- t- elle ?

L’école a été créé par Jean Pape Guèye Fall, un ancien soldat qui a été prisonnier de guerre en France en 1940. Il a été durant deux ans en captivité. Ensuite il a travaillé à Paris au ministère des colonies puis il est rentré au Sénégal. Il a eu l’idée de créer l’école. La Banque FIDES lui a accordé un prêt de 7 Millions de Francs CFA pour la construire. Il en a été le premier directeur. A ses débuts, l’école accueillait les enfants d’Anciens combattants et prisonniers de guerre qui bénéficiaient d’une réduction de 50% sur les frais de scolarité. Ensuite il y avait beaucoup d’enfants de militaires. Aujourd’hui, les élèves viennent de toutes les couches sociales. C est une école primaire et secondaire.

Parallèlement à l’école nous avons crée la fondation depuis 1957 dont j’étais le directeur et une association depuis 1959.Le directeur de l’école est le président de l’association. En 1962 nous avons changé les statuts Papa Guèye Fall est devenu le Président Fédéral de l’association des Anciens combattants. Il l’est resté jusqu’à sa mort en 1964. J’étais son adjoint. El Hadj Doudou Diallo lui a succédé de 1964 à l’an 2000. Après son décès, j’ai été élu Président du conseil d’administration. Nous sommes douze membres dans le Conseil. Nous gérons l’école et réglons tous les problèmes.

Notes

(1) M Gadio fait allusion au massacre de Chasselay qui a eu lieu aux portes de Lyon en juin 1940. En souvenir des soldats qui sont morts sur le champ de bataille en Europe et pour les "188 Tirailleurs" qui ont été massacrés par la Wehrmacht à Lyon, un cimetière de style africain, "le tata sénégalais", a été construit à Chasselay. "Le tata sénégalais" demeure "l’enceinte sacrée" où reposent ces vaillants soldats.

2. Selon nos recherches en Allemagne, les soldats sénégalais se trouvaient à Moseburg, en Bavière. Ceci nous a confirmé par l’archiviste du camp de concentration de Dachau.

3.Pierrette Herzberger-Fofana. "Dominique Mendy, rescapé du camp de concentration de Neuengamme"




       
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  Charles Onana commente son livre sur les "tirailleurs sénégalais"
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