Elle était vraiment très belle.
Sur sa peau, il coulait du miel
Comme cette candeur qui perle
Sur Everest, tombe du ciel.

D’une beauté exquise telle
Que les guêpes de son village
Rêvaient, butinant ce corps frêle
Sur leur grabat, nu, sans corsage.

Fier et louant les ciels, son père
En aimait encor plus la mère
Qui lui eut donné telle fille,
Faisant la joie de sa famille.

Elle savait que dans la rue,
Elle devait à chaque pas
Ne pas tomber dans la verrue:
Ces pièges qu’on ne voit pas...

Les jaloux, forcément muets
Dans l’ombre, en racontaient de bonnes
Sur elle; ils faisaient tous le guet
En attendant que l’heure sonne...

Un soir, des hommes cagoulés,
Tous de noir vêtus, débarquèrent,
Égorgeant les boeufs, les mulets,
Flambant la case de son père...

A l’aurore, des corps exsangues
Gisaient ci, là, à gauche à droite:
Plus loin, écartelée, yeux vagues,
Djezyah sans vie, le pubis moite...

Jules Kébla
Pleurs sur les dunes, recueil inédit. le 9 avril 2001 à 24 heures 30
Paris, rue de Joinville, Hôtel LE RICHEMONT