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Histoire des villages mandeng sous régime CNO

 
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Soundjata Kéita
Super Posteur


Inscrit le: 06 Mai 2005
Messages: 1655
Localisation: Au sein de mon Empire

MessagePosté le: Mar 21 Déc 2010 02:30    Sujet du message: Histoire des villages mandeng sous régime CNO Répondre en citant

Histoire des villages mandeng sous régime CNO.

Depuis bientôt 10 ans, et suite à la tentative de Putch raté d'Alassane Dramane Watara, l'intégralité des territoires mandeng, sénoufo et koulango de Côte d'Ivoire est occupé par les forces dites "rebelles" dirigées par Guillaume Soro.
Cela cause, entre autres conséquences, la difficulté, voir l’impossibilité pour les historiens de mener des enquêtes de terrains pour recueillir les traditions orales de cette région, qui, à ne pas manquer, intégrerons désormais, hélas, le souvenir amer de l’occupation armée de leur territoire par les militaires à la solde de Alassane Dramane Watara.

La dernière enquête de ce type, menée dans cette région par une chercheuse française (Marie-Jo Derive), date déjà des années 1980.

Aussi, les informations reproduites ici sont intégralement extraites de l’annexe 2 de son ouvrage intitulé « Étude dialectologique de l’aire manding de Côte d’Ivoire », Fascicule 2, Annexes et Appendices, Paris, SELAF, 1990.

Les villages
Onomastique et histoire d’après la tradition orale recueillie.




BAKO [bá kɔ]
L’histoire de ce village est liée à celle de Goulia. En effet, c’est Zangbé Koné, Sénoufo venu de San au Mali, qui après s’être installé à Goulia avec son frère Fakuru, décida à la suite d’une dispute avec ce dernier, de quitter la région de Goulia et de venir chasser dans celle de Bako. Là il rencontra Mya Koné (venue également de San) qui avait déjà établi son campement. Ce dernier proposa à Zangbé Koné de fixer son village derrière un marigot qui grossissait à la saison des pluies de telle sorte que les gens l’appelaient Bá, ce qui signifie « fleuve ». C’est à l’origine de bá kɔkɔ : « derrière le fleuve ». La création de Bako s’est faite en même temps que l’installation d’Odienné par Vakaba Touré. En effet, un pacte de non-agression aurait été signé entre les deux hommes (Vakaba et Zangbé) qui s’étaient rencontrés au bord d’un marigot qui fut nommé ʃyɛ ̃kɔ c'est-à-dire « la marigot (kɔ) où ils ont juré (ʃyɛ ̃)», d’où l’origine du nom du canton de Sienko.
(Informateur : Youssouf Koné, chef de canton, à Bako – mars 1980)

BOOKO [bɔɔ kɔ] (litt. « derrière la boue »)
C’est le terme par lequel Va Diamu Diomandé indiqua à son frère Buè Tyè un emplacement pour établir son village. Les Diomandé qui ont créé la région de Barala viennent de Sankaran en Guinée. La généalogie est la suivante :
- Soumaka Diomandé (l’ancêtre)
- Kansaba Diomandé
- Mya Soue Diomandé (est venu le premier dans le Barala)
- Syraman Meya Diomandé qui eut deux fils : Va Diamu et Buè Tyè.
Les enfants de Va Diamu fondèrent les sept villages qui constituaient l’ancien Barala : Toranou, Kaalan Bonangoro, Mahandougou, Banandougou, Ourossanisso, et en Baralassoba le plus ancien village. Plus tard, les autres villages furent créés. Actuellement, les Diomandé, qui sont les chefs du village de Booko, sont à la huitième génération depuis Konsaba.
(Informateur : Tiemogo Diomandé, chef du village de Diabisédougou, à Booko le 30 décembre 1977).

DJIBOROSSO [jibɔrɔso]
Les premières familles mandé venues dans la région furent les Koné. Ayant quitté Sankarani en Guinée, ils s’établirent successivement à Odienné, à Gbagalo, à Tienko (dans le Bodougou) et à Noworo. Ils étaient trois frères : l’aîné, Tyengara Koné, s’installa à Sanflendyo (orthographié Séfiédo sur la carte) dans la région qui fut appelée ensuite le Ngaladougou[1] (c’est-à-dire la région de Ngala, son nom) ; le plus jeune, Tyegbeden, se fixa à Gbananga[2] ; enfin le cadet, Makɛmokɔ (appelé aussi Makroko) d’abords installé à Moribédougou vint à Djiborosso qui portrait alors un autre nom (dont nous parlerons plus loin). Toutes les traditions s’accordent sur le fait que les chefs de guerre Koné durent lutter contre les fɔnɔ, les Sénoufo qui occupaient alors la région. À leur arrivée dans le village appelé aujourd’hui Djiborosso, les Koné s’adressèrent au chef sénoufo, lui demandant quel était le nom du village ; ce dernier, ne comprenant pas le dioula et croyant qu’on lui demandait son propre nom, répondit : « Kafeke ». C’est ce nom que les Mandé, nouveaux conquérants de la région, donnèrent au village qui, au temps des Sénoufo, s’appelait Dougougbe[3].
Une deuxième vague de Manding arriva après les Koné[4] dans cette région ; ce furent les Diomandé, dont l’ancêtre Fa Kun Diomandé, ayant quitté le Mandé, s’installa successivement à Sirala puis dans le Byelou. À cette époque, ces derniers, tout comme les Koné, n’étaient pas encore convertis à l’islam. À leur arrivée dans le Karandian ils demandèrent l’hospitalité aux Koné. Une dépendance s’établit ainsi entre les villages créés par les Koné et ceux que fondèrent les Diomandé. Ainsi Moritièdougou, village le plus ancien d’après la tradition, devait protéger Mbotro, Souasso devait protéger Séguédian, Toté, Djoborosso, etc. Aujourd’hui, ces deux familles constituent les deux principaux quartiers du village.
Plus tard, à la vue de l’endroit qui venait d’être détruit par Vakaba Touré, Samory demanda au chef des Koné – à l’époque Fa Moro qui s’était réfugié à Baférétou – de reconstruire ce village qui était bien situé puisqu’on y trouvait de l’eau, d’où jíbɔyɔrɔso (mot à mot : eau/sortir/endroit/village), nom qui devait lui rester.
(Informateurs : Korodiara Koné, chef du quartier koné, et Ngosotyé Fiomandé, frère du chef du village de Djiborosso – mars 1978).

FARABA [faraba]
Ses fondateurs sont les Bamba. L’ancêtre Vamori Sanda Bamba, animiste, chef de guerre et marchand d’esclaves, vint, après avoir quitté le Mandé, dans la région avec ses hommes. Installé d’abords à Konyémaga[5], il alla ensuite demander l’hospitalité aux Watara établis à Boron (important village au sud-est de Dianra) lesquels, trouvant les nouveaux arrivants trop guerriers, demandèrent aux Sénoufo de Sononso de donner aux Bamba un endroit pour s’installer. Ceux-ci leur indiquèrent un lieu appelé Kawanĩgbɛ (« petite pierre blanche ») que les Bamba, faute d’y trouver quelque chose pour se nourrir, quittèrent pour Diasiso, dans la région de Faraba. Ne trouvant là encore rien à manger, ils retournèrent voir les habitants de Sononso afin d’obtenir un autre emplacement. Ceux-ci leur indiquèrent cette fois un lieu proche de l’actuel Faraba que les Bamba appelèrent Kɛ̀ndɛso, parce que là ceux de Sononsio devaient leur trouver du miel (kɛ̀ndɛ). Par la suite, un chasseur du groupe des Bamba finir par découvrir non loin de Kɛ̀ndɛso un emplacement bien situé, à côté d’un gros rocher (faraba en nigbikan). Il fit part de sa découverte aux autres Bamba et tous décidèrent d’y fonder leur village qui prit le nom de Faraba.

GANHOUE [gãwé]
Le nom du plus ancien village mahou est, de l’avis de tous, glɛ́le, mot d’origine yakouba qui signifie « la côte des margouillats », désignant ainsi une colline appelé par ce nom. Wasa Famba Diomandé, venu du Mali avec un certain Koné, s’était d’abords installé à Siano (à quelques kilomètres de Touba, sur la route de Tyenko), puis à Yala près de Tyenko, pour finalement fonder le village de Ganhoué, après avoir chassé les Yakouba qui occupaient cette région. Ce Wasa Diomandé, grand féticheur, a toujours refusé l’islam.
(Informateur : Bakari Koné, cultivateur à Ganhoué – 9 avril 1976)

GBELEBAN [gbelebã]
Ce village fut fondé par Koma et Fa Mossa Traoré, venus de Gbɔtɔgɔla, en Guinée. Leur ancêtre, Jagboyé, venait du village de Jenbaya au Mali. Jimankan, son fils, atteignit la Guinée où Manza, fils de Jimankan fonda le village de Gbɔtɔgɔla. Manza eut deux fils, Koma et Famoussa qui, à leur tour fondèrent leur propre village près d’un arbre appelé gbélé au pie duquel ils firent un sacrifice. C’est de cet arbre que le village tire son nom. Les successeurs de Koma furent Dagbo, puis Diébori, Jima, Mangoroba et enfin Va Moro, père de l’actuel chef de village Amara Traoré qui, trop âgé pour commander, a délégué ses pouvoirs à Maniakaba Traoré.
(Informateur : Maniakaba Traoré, adjoint du chef du village à Gbéléban – mars 1980).
Peu de temps après l’arrivée des Traoré, Mori Oulen Cissé, grand marabout venu de Bakongo en Guinée, reçut droit de cité de Koma Traoré. Le rayonnement des Cissé s’étendait alors jusqu’à Tiémé et Samatiguila. Mori Oulen Cissé était contemporain de Vakaba Touré (fin du XVIIIe siècle). Plus tard, ce fut Sirébéréma Cissé qui enseigna la religion musulmane à Samori Touré.
(Informateur : Daouda Cissé, imam de Gbéléban).

GBEMA [gbɛma]
Les Sia du village de Gbéma (à une dizaine de kilomètres de Kongassa) détiennent un tariqh[6] retraçant l’histoire des Bamba fondateurs de nombreux villages, depuis la dispersion du Mandé jusqu’à leur arrivée dans la région[7]. Ce texte, très intéressant, explique par un mythe l’origine de cette dispersion : “la servante d’une femme très riche, du nom de Masogolo et habitant au Mandé, fut piquée par un serpent. Masogolo ordonna alors que l’on coupe le serpent en deux ; une partie s’éleva vers le ciel en disant : « pendant sept ans, sept mois, sept jours, sept semaines, il ne pleuvra pas dans ce village”. La femme riche put nourrir ses gens et septs mois, mais avant que les sept semaines soient écoulées, tous les hommes du pays durent abandonner leur village et descendre vers le sud. » C’est ainsi que le fils d’Abdoulkan Chérif, Mohammed Chérif, surnommé Siamorifin (c’est-à-dire “marabout noir des Sia”) Bamba (qui signifie “celui qui refuse tout, qui n’a peur de rien”) arriva dans la region, avec son frère Ismaïla Chérif, et y fonda le village de Léga[8], aujourd’hui détruit, ainsi que de nombreux autres villages, tels que Tulé. À leur arrivée, la région était habitée par les Mona (ou Mwan) qui durent quitter leur territoire.

GUINTEGUELA [gbẽdeela]
D’après El Hadj Kanvaly Bamba, ancien chef de village, le fondateur est Vafee Noognono Bamba, venu de Ferentella (village situé à l’ouest de Touba). C’était un descendant de Djenné Moussa, surnommé ainsi car il venait de Djenné au Mali. En arrivant à l’emplacement du village, cet ancêtre trouva un chasseur du nom de Va Gbende qui aurait établi là son campement, d’où le nom du village [gbẽde la] litt. « là où est Gbende »).

KANI [kani]
Le premier arrivant, Korobla Bakayoko, était un Sénoufo. Il est difficile de savoir à quelle époque sont arrivés ces Sénoufo ; on peut penser, d’après les liens de parenté existant pour certains d’entre eux avec les Tagbana de Katiola, actuellement au nord-ouest de la Côte-d’Ivoire, que leur arrivée se serait produite en même temps que ces derniers mais il faudrait vérifier les traditions auprès des Tagbana. La deuxième vague d’arrivants fut celle des Dosso dont personne ne sait exactement d’où ils venaient. Puis ce furent les Meité dont l’ancêtre, Bakary, avait quitté Kaaba au Mandé ; celui-ci était mort en chemin, laissant trois fils : Mamourou, Kabassi et Méké, qui d’abords s’installèrent à Kélémɔgɔla puis vinrent à Kani en apportant l’islam, accompagnés de lerus marabouts, les Fofona. Ils nommèrent banmama (c’est-à-dire « ceux qui ne prient pas ») les Sénoufo qu’ils trouvèrent à leur arrivée ; de là vient le nom de Bambara-Kunda donné à ce quartier de Kani où vivent les Sénoufo.
Le nom de la ville de Kani est celui d’une jeune fille. Ma Kani, qui fut sacrifiée par les marabouts (donc à une date relativement récente) pour que le village, qui s’appelait à l’époque Sokuraba, soit prospère.
(Informateur : Mamo, Méité, chef de village à Kani ; Kodyon Bakayoko, du quartier de Bambarakunda à Kani – mars 1978).

KOONAN [kõõna]
Ce terme qui, d’après la tradition, signifie « celui qui n’est pas sérieux » est le surnom par lequel les gens désignaient Mya Mouefin Bamba, grand marabout descendant de Djenné Moussa Bamba (venu de Djenné au Mali) ; celui-ci était le fils de Anzoumana Bamba, lui-même fils de Hamadou Bamba qui, lui, serait originaire de Tombouctou. On a appelé ainsi le fondateur de ce village parce qu’il était arrivé en retard aux funérailles de la femme du chef de Tenemasa (village de la région). Ce grand marabout aurait eu la révélation d’un endroit situé entre trois montagnes et propice à la construction du village de Koonan.
(Information recueillie le 28 décembre 1977).

KONG [kpɔ ̃]
Son fondateur, Kapélé Dyo, d’ethnie falafala (aujourd’hui disparue) avait quitté le village, à la suite d’une dispute avec ses frères installés à Labiné (village aujourd’hui détruit), pour établir son campement à l’emplacement de l’actuel village de Kong. À ses frères venus l’interroger sur les raisons de son départ, il aurait répondu en falafala « gbɔ ? », qui signifierait dans cette langue « qu’ai-je fait ? ». Peu à peu, le village s’étendit ; il était déjà bien établi lorsqu’arrivèrent les Ouattara de Dé en Haute-Volta. C’est Sékou Ouattara qui développera Kong et installera son pouvoir sur toute la région.
(Informateur : El Hadj Labi Sanago, 1977, « Annales sur les origines de Kong », Annales de l’Université d’Abidjan, série J, T. 1 Traditions orales).

KORO [koro]
Pour l’histoire de ce village, nous laisserons son chef parler : « le marabout qui a fondé ce village, et qui s’appellait El Hadj Moussa Bakayoko [Baayo en kokokakan] est venu de Tombouctou […]. Alors que celui-ci était à Tombouctou, un des chefs Diomandé du Gbeka (région de Borotou) demanda à un marabout de Sifuula, du nom de Mya Samoo Kiaaté, de venir faire des prières afin que son village devienne puissant. Ce dernier répondit qu’il ne pouvait pas mais qu’il connaissait un homme, avec qui il avait fait le pèlerinage à la Mecque, qui pourrait sûrement est étrange : le marabout de Sifuula était en fait un waliyu (c’est-à-dire un saint) ; il écrivit une lettre qu’il plaça dans la bouche d’un poisson appelé salẽ [espère de poisson d’eau douce] qui descendit le Djoliba [le Niger] jusqu’aux rives de Tombouctou. Des pêcheurs attrapèrent le poisson, retrouvèrent la lettre et avertirent El Hadj Moussa Bakayoko. Ce dernier s’en alla informer son frère aîné, au autre grand marabout de Tombouctou, El Hadj Alpha Mahamoud. Celui-ci lui dit de partir. C’est ainsi que El Hadj Moussa Bakayoko se dirigea d’abord dans le Gbé où il rencontra Fuengana et Konsaba Diomandé, qui étaient les chefs de la région de la région à l’époque. Après avoir prié pour la puissance du Gbé, ceux-ci lui proposèrent de s’installer chez eux. Il rejeta cette proposition et leur dit qu’il devait s’avancer à l’intérieur du pays […]. Il vint donc trouver notre ancêtre Soumahoro qui, dans ces temps-là, était chef de cette région, installé à Nigbilaba. Ce village, très grand à l’époque, est en ruines maintenant ; celui qui porte aujourd’hui le même nom a été construit loin de ces ruines, bien après. En ce temps-là, notre ancêtre Soumahoro adorait une montagne appelée Kuninguu. Un jour, les génies ont volé les chaussures de Moussa Bakayoko devant le mosquée. Celui-ci déclara qu’il ne pouvait s’entendre avec ces génies « kafres » [païens] et que les siens, ruwanya, ne supporteraient pas un tel voisinage. Moussa Bakayoko a donc demandé à notre ancêtre de lui indiquer un emplacement. La façon dont il va trouver cet endroit est étrange : on lui a dit de mettre son bâton [de marche] sur ses épaules et de marcher jusqu’à ce que les deux bouts du bâton rencontrent en même temps le même obstacle formé par les deux pieds d’un kórokoro[9]. Son bâton, ainsi coincé, indiquerait l’endroit propice à la création d’un village. Voilà comment notre village, Koro (qui porte le nom de cette arbre) fut créé. Cette terre de Koro devint la propriété des Bakayoko, les Soumahoro étant leurs élèves. Le premier emplacement du village était à côté d’un marigot, mais s’apercevant qu’il était ainsi exposé aux ennemis, le fils de Moussa Bakayoko, Nuamanéa, décida de construire un autre village ; c’est là que nous sommes actuellement.
(Informateur : Karamogoba Soumahoro à Koro – 3 décembre 1977).

MANKONO [mãkɔnɔ] ou [mãgɔɔ̃]
Ici aussi, nous avons pu recueillir un tariqh retraçant l’histoire des Fofana[10] (qu’on appelle maintenant Karamogo), venus du Mandé et fondateurs du Mankono. Nous retrouvons le même mythe d’origine de la dispersion des Mandé dans une version un peu différente de celle recueillie à Gbéma. Partis du Manding, les Fofana, accompagnés des Dosso, des Cissé et des Kamagaté, s’installèrent d’abords dans la région de Massala, près de Séguéla. Puis ils vinrent demander l’hospitalité aux Bamba installés à Léga. Ils s’installèrent définitivement à Mankono après avoir rencontré quelques difficultés avec les animistres mona, baoulé, gouro et wan qu’ils réussirent à repousser grâce à l’aide d’un marabout que le chef des Koyaga alla consulter à Djenné ; celui-ci lui indiqua un endroit situé entre une montagne rocheuse (lémissa) et un gros arbre appelé lɛ̀nge, endroit où, là, ils pourront « attendre le bonheur » (hɛ́ra màkɔnɔ). Ce fut l’origine du nom mankono.

MININIAN [mĩniɲã]
Ce village, orthographié Maninian sur les cartes, fut fondé par Sereka Sangaré, esclave peul à qui Féré Mamourou Cisé avait confié la surveillance de cette région. Mamourou avait indiqué à Sereka un endroit qui devait se situer entre deux arbustes, mâle et femelle, appelés gbɛ̀be. Lorsque Sereka trouva cet emplacement, il déclara : « mí dí ɲà », ce qui signifie « ceci doit réussir »[11], d’où le nom de Mininia. Si les chefs du canton sont toujours choisis dans la famille des Sangaré, ils doivent cependant toujours être présentés auparavant aux Cissé qui sont les chefs religieux de cette région. Le plus ancien village, Sokoro (à la frontière guinéenne), fut créé par Férémourou Cissé venu de Bakongo en Guinée, dont l’ancêtre, lui, venait de Wahad au Mali.
(Informateur : M. Mamadou Cissé, secrétaire du PCDI à Maninian, et descendant à la quatorzième génération de l’ancêtre Cissé, venu du Mali).

ODIENNE [wojɛnɛ]
A propos de la ville d’Odienné, les avis sont très partagés, autant sur la signification de ce nom que sur son fondateur. Plusieurs traditionnistes affirment que l’origine serait le terme arìjɛnɛ signifiant « paradis », devenu par déformation wojɛnɛ, terme par lequel Vakaba Touré aurait baptisé l’endroit où il allait établir sa capital (celle-ci allant être un « paradis terrestre » où se trouveraient, sel, miel, piment, etc.). Pour d’autres, ce nom de lieu aurait existé bien avant Vakaba : il aurait été proposé par Miako Cissé à Youssouf Kamagaté, qui, après les assauts qu’il venait de subir des Sénoufo, décida d’établir un nouveau village[12], encadré par sept plaines, sept collines et sept marigots, et qui serait lui aussi un véritable « paradis terrestre » appelé comme précédemment (arijɛnɛ/ar’jɛnɛ, mot d’origine arabe). Kamagaté fut l’un des premiers arrivants dans cette région d’Odienné.
Pour d’autres enfin, wojɛnɛ désignerait « celui de Djenné, l’homme venu de Djenné », c’est-à-dire Vakaba Touré qui, au XIXe siècle, donna un grand essor à cette région. Cette interprétation confirmerait l’origine malienne de Vakaba Touré dont les ancêtres vécu à Djenné.

OUANINOU [wanɔ̃]
Ce village fut construit vers 1850, bien après l’arrivée des Diomandé, animistes et guerriers venus de Kaaba (dans le Manden) vers 1460, dans cette région occupée à l’époque par les Yakouba ; ceux-ci repoussèrent ces Manding d’abord dans une sorte d’enclos appelé gbo en maukakan, ce qui fut à l’origine du gboka donné aux mahous de cette région. C’est donc vers 1850 que Miavaya Diomandé, chef de famille alors très influent (on dit qu’il avait deux cents enfants) et installé à Goueko, envoya deux de ses frères, Miamakou et Miafofing, chasseurs de métier, chercher un endroit plus propice à l’installation d’un village. Un jour, ils trouvèrent un endroit entouré d’eau où convergeaient plusieurs pistes d’animaux. Cela lui plus et il décida d’établir son village à ce carrefour appelé wánɔ̃ en maukakan (wáá « piste », nɔ́ « trace »), ce qui donna le nom de Ouaninou.
(D’après le récit de Amara Diomandé, chef de village de Ouaninou, recueilli en 1964 par le sous-préfet Kangha Ehui Jean-Baptiste).

SAMATIGUILA [samatigila]
Ce nom signifie « celui qui est le maître des éléphants » (éléphant/qui possède/celui qui). C’est le surnom que Fodé Yahaya Sylla, venu de Tiémé, donna à un bánmana (c’est-à-dire un homme animiste qui ne priait pas) qui était un très grand chasseur d’éléphants et qui avait installé son campement dans ce lieu. À cet endroit, Sylla établit le village qui devint plus tard Samatiguila. Quelque temps après, les Diabi, originaires de Dyaga (ou Dyaa) au Mali, sont venus s’installer auprès des Sylla[13]. L’ancien village était situé à l’emplacement de l’actuel cimetière de Samatiguila.
(Informateur : Soumaïla Diabi, chef de village de Samatiguila).

SARHALA [sahala] ou [saɣala]
Le premier groupe manding arrivé dans cette région fut celui des Bagayoko et des Koné, tous venus de Guinée. Ces deux clans étaient musulmans silama, mais ils redevinrent vite animistes. Ils s’établirent sur le territoire des Sonon, c’est-à-dire les Sénoufo de Ménéni, qui étaient alors les maîtres de la terre[14]. Le deuxième groupe fut celui des Kanaté. Feremory Kanaté installé au Manden, avec son jeune frère Feresougou, demanda à ce dernier de quitte la région afin d’éviter le disputes entre eux. Feremory lui indiqua un endroit près de la grande forêt où il trouverait une jeune fille atteinte de paralysie. C’est ainsi qu’après être passé par la Guinée (où il fonda un autre village, lui aussi appelé Sarhala), Feresougou Kanaté arriva dans un campement désert où il trouva une jeune fille paralysée et seule. Il réussit à la guérir à l’aide de ses médicaments de marabout ; les Bagayoko, pour le remercier, lui donnèrent leur fille. Avant l’arrivée des Kanaté, Feresougou, après avoir reconnu les indices que son frère aîné lui avait donnés au Manden, s’installa dans le village des Bagayoko, il déclara : « a! ń sáhala kó ń kɔ̀ni bɛ́ nà fẽ kɛ́ yà », c’est-à-dire « Voilà mon bonheur, en tout cas moi je ferai quelque chose ici ».
Sarhala devint un village « heureux », lieu d’échange entre les habitants du Soudan (l’actuel Mali) qui apportaient le sel, et les Koyaga qui fournissaient les colas. Ensuite arrivèrent les Timité, venus de Marandala, et enfin les Bamba dont l’ancêtre Siamorifin Bamba venait de Gbéma (dans le pays Sya – cf. le siakakan). La chefferie est, aujourd’hui encore, assumée par la famille Kanaté.
(Informateur : El Hadj Bamba Kanaté, secrétaire du PDCI à Sarhala).

SEGUELA [sɛgɛla]
Zagbo Koné, sénoufo venu de Yeretiélé, situé au sud de Boundiali, fonda plusieurs villages dans la région : Kata, Mbèlè, aujourd’hui disparus. Il avait établi son campement à Ningbaga et de là, il envoyait son fils ʃyɛgelo (shyègelo) surveiller ses bœufs qui allaient toujours brouter au même endroit, au pied d’une montagne. Trouvant l’endroit propice, il décida d’y transférer son village qu’il appela, du nom de son fils, ʃyɛgelo qui est un nom sénoufo. Ceci s’est passé à une date très récente, celle de l’indépendance de la Côte-d’Ivoire, car au temps de Samori et de la penetration européenne, les Koné avaient fui dans la montagne et n’avaient donc pas de village.
(Informateur : Amara Koné, chef de canton à Séguélon – mars 1980).

SIANA [syana]
Une partie des Sylla, installés à Tiémé dans le Kagadougou, durent, à cause des guerres de Samory (XIXe siècle), quitter leur village. Ils essayèrent d’abords de s’installer à mankono où l’accueil ne fut guère chaleureux. Puis ils vinrent dans ce village que les voisins appelèrent sila na c’est-à-dire « chez les Sylla ». Par la suite, ce nom se serait déformé en Siana. Après leur installation, les Sylla eurent sans arrêt des démêlés avec leurs voisins, les habitants des villages de Suinia et de Kaman jusqu’à ce que ceux-ci, de guerre lasse, les invitent à faire la paix et leur disent : « Dò só » (« Entre dans le village ») signifiant ainsi qu’ils acceptaient la cohabitation avec les Sylla. Ce nom est resté à la plupart des habitants du village de Siana.
(Informateur : Mevaly Dosso, cultivateur à Siana – avril 1976).

TIEME [cɛme]
D’après El Hadj Karamogo résidant à Tiémé, ce nom est celui d’un paysan sénoufo que les Sylla, venus de Kanitigui près de Nioro au Mali, ont chassé, à leur arrivée sur son campement, pour installer leur village selon les indications données par un marabout au Mali. D’après la tradition, donc, Tiémé, serait un village plus ancien que Samatiguila.

TIENINGBOUE [cɛ ̃yɛ ̃ gbɛ] ou [cɛ ̃ gbɛ]
Les fondateurs du village sont les Kamagaté, venus du Manden lors de la grande dispersion déjà relatée précédemment, et qui est connue aussi des Koroka. Youssouf Kamagaté est de la même famille que le fondateur d’Odienné, qui fait partie de ces douze pélerins qui, revenus de La Mecque, se dispersèrent en Côte-d’Ivoire. Ces Kamagaté, avec tous ces hommes venus du Manden, se dirigèrent d’abords vers le Ghana où ils eurent maille à partir avec les Baoulé. Une partie des Kamagaté resta à Bondoukou, l’autre traversa le pays des Tagbana et revint vers la Côte-d’Ivoire. Les gens du Manden se défendaient avec tant de courage et de force que les leurs ennemis les avaient surnommés kóro gbɛ ̀lɛ (« os dur »). C’est, d’après la tradition, ce nom qui leur est resté. Après différentes guerres avec les Baoulé dont ils adoptèrent certaines coutumes (des rites funéraires) et avec les Tagbana, les koroka finirent par s’installer sur un endroit vierge proche du sable-blanc (cɛ ̃yɛ ̃ gbɛ), c’est-à-dire Tieningboué.
Selon une autre version, Youssouf Kamagaté, arrivant dans la région, trouva là un chasseur qui avait découvert un marigot (du nom de Dusukɔ) ne tarissant jamais ; il donna à cet homme le nom de kacɛɲĩkɛbaga (« celui qui fait de bonne choses ») qui, déformé, aurait donné Tiéningboué.
(Informateurs : Youssouf Kamagaté, imam à Tiéningboué ; Siaka Kamagaté, chef de village à Tiéningboué).

TIENKO [cɛ̃ko]
D’après la tradition, le plus ancien village serait Missamahana, situé au nord-est de Tienko près de la frontière malienne ; c’est là que se trouve une des plus anciennes mosquées en banco. Ensuite fut créé Kimbirila (qui vient du nom d’un chef sénoufo, Kimbiri, avec lequel les premiers Manding eurent maille à partir). Ce sont les Doumbia, venus du Manden, qui, après d’âpres luttes avec Sezan Kourouma (appelé aussi Sanan Korojaman) que toutes les traditions présentent comme un tyran, installèrent et développèrent le village de Kimbirila. Plus tard, une autre branche des Doumbia, venue de Ségou en passant par la Guinée, fit appel à ceux de Kimbirila pour chasser les Sénoufo et fonder Tienko.
(Informateur : Karamogo Doumbia, chef de canton à Tienko)

WOROFLA [wöfla]
L’ancêtre animiste Médiobo Diomandé ayant dû quitter le village de Tiéso, près de Kani, où il était installé, à cause d’une guerre (notre informateur ne nous a pas précisé laquelle) s’établit d’abords à Béréman, village situé entre Kato et Kani. Puis il refusa de rester à cet endroit, y laissa une partie de sa famille et arriva dans un endroit situé près d’un marigot où se trouvaient des feuilles de cola ; il nomma l’endroit wöflaburu ɸwɔ̀ ce qui signifie « marigot des feuilles de cola (cola/feuilles/marigot). Ce fut l’origine de Worofla. À cette époque, le village était situé à cinq kilomètres de l’emplacement actuel de Worofla, au bord d’un marigot aujoud’hui à sec. Une branche de la famille des Bamba originaires du pays sya, ayant dû quitter Gbéma (près de Kongasso) à cause d’une guerre, s’était réfugiée à Tiéso. C’est là que les Diomandé leur demandèrent de venir les accompagner pour créer Worofla et c’est ensemble qu’ils fondèrent ce village. Actuellement, les Diomandé sont chefs de terre et les Bamba chefs de village.
(Informateurs : Mefegbé Diomandé, chef de terre coutumier, ancien chef de canton ; Va Sékou Bamba, cher du quartier Bamba, ancien chef de village de Worofla – mars 1978).

[1] Cette région appartient actuellement à la sous-préfecture de Morondo.
[2] Nous n’avons pu localiser cet endroit.
[3] Les différents informateurs ont tous donné ce nom comme étant celui de leur village au temps des Sénoufo. On ne comprend pas très bien pourquoi, ce nom, dioula, a été adopté par les Sénoufo.
[4] Il est difficile de dater cet événement. D’après les traditionnistes, cette migration a dû avoir lieu bien avant la guerre de Samori, en même temps que toute la migration manding que l’on situe vers la fin du XVIe siècle.
[5] Notre informateur, Yoyoro Bamba, secrétaire du PDCI de Faraba, n’a pu nous préciser l’emplacement de ce village.
[6] Ce mot, d’origine arabe, désigne des textes transcrits en arabes ou en ajami (procédé qui consiste à transcrire en écriture arabe une langue vernaculaire), calligraphiés sur des tablettes généralement en bois. Par extension, ce terme désignera, dans le monde islamique, les récits historiques d’origine prestigieuse.
[7] Nous avons pu enregistrer ce texte qui a été lu en arabe et traduit phrase par phrase en siakakan par l’alimami Bema Bamba.
[8] Léga se trouvait en face du village de Boaka sur la route de Zuénoula au bord de la Marawé. Il aurait été intéressant de faire des fouilles archéologiques à cet endroit.
[9] Arbre très dur (Afromosia laxiflora)
[10] Ce tariqh écrit en arabe a été lu en koyagakan par Bénogo Karamogo qui en est le possesseur. Après l’avoir enregistré, nous l’avons transcrit et traduit.
[11] di est un morphème de conjugaison utilisé en Guinée mais qui a disparu en folokakan.
[12] Leur ancien village venait d’être détruit par une guerre avec les Sénoufo.
[13] Pour plus de détails, cf. M. J. Derive, 1976b.
[14] Sonõ est le terme par lequel les Mandé appellent les Sénoufo. Actuellement, le village de Sononso (ou Sohonzo) à l’est de Sarhala est encore habité par les Sénoufo.


[Marie-Jo Dérive, « Annexe 2 » in Étude dialectologique de l’aire manding de Côte d’Ivoire, Fascicule 2, Annexes et Appendices, Paris, SELAF, 1990]
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