Grioo.com   Grioo Pour Elle     Village   TV   Musique Forums   Agenda   Blogs  



grioo.com
Espace de discussion
 
RSS  FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des MembresListe des Membres   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

PAROLES DE MASQUES - Un regard africain sur l'art africain

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet       grioo.com Index du Forum -> Littérature Négro-africaine
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
OGOTEMMELI
Super Posteur


Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Sam 29 Nov 2008 19:38    Sujet du message: PAROLES DE MASQUES - Un regard africain sur l'art africain Répondre en citant




Les pleurnicheries de Catherine Coquery-Vidrovitch, sur "l'oubli" des historiographes africanistes dans la conception de l'exposition permanente du musée du Quai Branly, m'ont donné envie de signaler ce superbe ouvrage d'Alphonse Tiérou ; un auteur africain qui sait réellement de quoi il parle lorsqu'il parle "d'art africain", en particulier des masques wê du Sud-Ouest de la Côte d'Ivoire.

Tiérou est par ailleurs l'inventeur d'une grammaire de la danse africaine : une manière de "solfège" pour noter (tous) les gestes fondamentaux des danses africaines. Bref, un "chercheur-chorégraphe" qui a littéralement révolutionné la connaissance académique des arts du spectacle africains. Il donne aussi des cours de danse en région parisienne...

Maisonneuve & Larose a écrit:
Emblématique de l'art africain, omniprésents dans les galeries d'art et les musées internationaux, les masques incarnent la face visible d'une institution méconnue, dont nos sociétés ont beaucoup à apprendre.

- Quel est le rôle des Masques, sur le plan philosophique, spirituel, artistique, mais aussi juridique, politique et pédagogique ?
- Quelle est la place de la danse, de la musique profane et sacrée (tambours parleurs), de la nudité dans la symbolique du Masque ?
- Quel est le concept de Dieu dans la tradition africaine ?
- Qui sont les hommes et les femmes porteurs de masques ?
- Le masque miniature sert-il vraiment de passeport ?
- Que disent les Masques sur l'indifférence des Africains pour les musées ?
- Quelle est la conception africaine de l'art ?
- Quelle est la place du Masque et de l'artiste dans la transmission des savoirs ?

C'est tout un univers que nous dévoile cet ouvrage qui chante l'Afrique, sans complaisance, autant qu'il interroge le monde contemporain.


[éd. Maisonnneuve & Larose, 2007]
_________________
http://www.afrocentricite.com/
Umoja Ni Nguvu !!!

Les Panafricanistes doivent s'unir, ou périr...
comme Um Nyobè,
comme Patrice Lumumba,
comme Walter Rodney,
comme Amilcar Cabral,
comme Thomas Sankara,
Et tant de leurs valeureux Ancêtres, souvent trop seuls au front...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
OGOTEMMELI
Super Posteur


Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Dim 07 Déc 2008 06:46    Sujet du message: Répondre en citant

La démarche d'Alphonse Tiérou pourrait être dite afrocentrée, dans la mesure où cet auteur envisage expressément de penser le phénomène du masque africain d'un point de vue radicalement africain, en partant des éléments socio-culturels propres à l'oecumène du masque pour en proposer une interprétation étroitement arrimée au contexte linguistique de cette culture : aux "Paroles de Masque"...

Dès l'abord, on apprend une chose ahurissante : ce qui est communément donné pour "masque" dans les grands musées occidentaux, ainsi que dans les ouvrages prétendument spécialisés, n'en est guère !

Un masque, ce n'est pas cet objet généralement sculpté en bois, figurant souvent un visage, que l'on trouve chez les collectionneurs et autres négociants d'objets d'art africains...

En effet, dit Tiérou, dans une première approche de sa réalité physique, un masque est un composite de trois éléments indissociables :
- un "visage", à savoir le fameux objet entendu par "masque" par les néophytes
- un costume rigoureusement codifié
- un être humain "prêtant" son corps et sa voix à l'institution dite "masque", et qui est dûment habilité à ce faire.

Une autre innovation épistémique de Tiérou consiste à révéler, sinon à souligner très fermement, le rôle essentiel tenu par des femmes dans l'institution du masque. En particulier, l'auteur rapporte qu'une femme peut prêter son corps et sa voix au masque. Or, quand on connaît la portée spirituelle majeure de cette institution, on comprend à quel point dans les sociétés négro-africaines la femme est très présente au coeur des institutions les plus importantes, y prenant toute sa part...

Un cas particulièrement emblématique du rôle crucial de la femme dans la société des masques consiste dans la fonction dite (en langue wêoulou) de Glaedohou :
Alphonse Tiérou a écrit:
La GLAEDOHOU est une femme, une grande femme... [qui] est la mère spirituelle (dohou signifie "mère") de tous ceux et celles qui prêtent leur voix et leur corps aux Masques. Sa présence évoque GNAE, la mère de tous les Masques, une femme de caractère qui, selon les dires des Masques eux-mêmes, serait née au bord du fleuve Djibo (le vrai nom wêon du fleuve nommé "Sassandra" par les Occidentaux), du côté de Duekoué.
[pp. 160-161]




P.S
Après le travail de Niangoran Bouah sur la "drummologie", ou l'étude du languange africain tambouriné ; après celui de Niangoran Porquet sur la "griotégie" qui étudie les techniques de chants et paroles des griots ; après l'immense oeuvre de Djibril Samb sur l'onirologie africaine, ou science de "l'interprétation des rêves en Afrique Noire" ; après les travaux de Cheikh Anta Diop et Théophile Obenga sur la "linguistique historique africaine", il y a maintenant celui d'Alphonse Tiérou sur les Masques et la Danse africains. Par conséquent, il existe désormais un très vaste ensemble de domaines de connaissance académique sur l'Afrique initié par plusieurs générations de chercheurs africains.

Cet ensemble pourrait constituer la base d'un enseignement universitaire afrocentrique, délivré dans une institution dédiée, qui regrouperait des centaines d'élèves africains ayant vocation de défricher ces champs, d'y sémer, et d'en extraire d'innombrables fruits pour la connaissance scientifique approfondie des réalités africaines selon des préoccupations épistémiques formulées par les Africains eux-mêmes...

Si je gagnais au Loto, c'est un tel Institut Supérieur d'Etudes Afrocentrées que je construirais dans une des villes limitrophes d'Abidjan ; idéalement Grand-Bassam dont je trouve le cadre géographique particulièrement agréable et coquet.

Par exemple, Alphonse Tiérou y animerait une chair d'étude des masques, outre qu'il dirigerait une Ecole Supérieure des Danses Africaines, dont les enseignements seraient étroitement liés au curruculum de l'Institut, dans un cursus où l'apprentissage de la danse serait obligatoire pour tous les élèves...

Voici un projet qu'il est fichtrement bandant!!!
_________________
http://www.afrocentricite.com/
Umoja Ni Nguvu !!!

Les Panafricanistes doivent s'unir, ou périr...
comme Um Nyobè,
comme Patrice Lumumba,
comme Walter Rodney,
comme Amilcar Cabral,
comme Thomas Sankara,
Et tant de leurs valeureux Ancêtres, souvent trop seuls au front...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Joseleñ
Bon posteur


Inscrit le: 09 Sep 2005
Messages: 763

MessagePosté le: Dim 07 Déc 2008 14:12    Sujet du message: L'art contemporain ? Répondre en citant

Citation:
Quelle est la conception africaine de l'art ?


C'est surement une technique et non un savoir. J'ai pu me rendre compte que dans un village africain ordinaire, ce n'est pas tout le monde qui sait transmettre les messages avec un tam-tam, ni qui peut sculpter un lion, une girafe, un buffle.

Citation:
Quelle est la place du Masque et de l'artiste dans la transmission des savoirs ?

Bah le masque, c'est un peu comme le safou, ou tu sais ce que s'est et tu manges ou tu ne sais pas et deviens le blanc de ceux qui connaissent. Et ce n'est pas pour autant qu'on crèvera de faim...

Citation:
l'artiste dans la transmission des savoirs

Bah, le problème est que si nous considérons l'artiste comme un savant du savoir, nous confondrons cette notion aux mots qui composent une parole. Si nous concevons l'artiste comme un technicien du savoir, nous comprendrons quelque part les raisons pour lesquelles l'art africain (sculpture, tableau) ne se retrouve généralement que chez les riches et moins chez les pauvres. Est-ce à dire que les pauvres reconnaissent moins sa valeur que les riches ? Pas si certain! Disons plutôt que l'appréciation de l'art ne renvoie pas forcément au spirituel et profane.

Et si l'art était difinitivement un savoir, nous le saurons, moins que nous ne saurions reproduire techniquement le savoir d'une chose culturelle.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Joseleñ
Bon posteur


Inscrit le: 09 Sep 2005
Messages: 763

MessagePosté le: Dim 07 Déc 2008 16:36    Sujet du message: Et la beauté donc ? Répondre en citant

Citation:
le rôle essentiel tenu par des femmes dans l'institution du masque. En particulier, l'auteur rapporte qu'une femme peut prêter son corps et sa voix au masque.


Bah, le problème est que celle qui ne connaît pas ce fameux "masque" spirituel pensera que l'Afrique des masques a oublié son kaolin et l'argile qu'elle s'enduit sur le visage pour se rendre belle.

Que dire de l'architecture d'intérieur et ses masques décoratifs ?
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
OGOTEMMELI
Super Posteur


Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Lun 15 Déc 2008 03:26    Sujet du message: Répondre en citant

Selon Tiérou, le paradigme de compréhension du masque peut être représenté par trois cercles concentriques figurant trois niveaux interactifs d’appréhension de cette institution. Du plus grand cercle en allant vers le plus petit, l‘on part d’un degré de connaissance naïve, voire profane, jusqu’au degré le plus élevé d’initiation et de spiritualité. Ce modèle des trois cercles concentriques permet également d’aborder d’autres champs d’investigation connexes à celui, protéiforme, des masques.


Les initiés au centre de la société des masques

Le plus petit des trois cercles est « le cercle des initiés » ; il est emblématisé par trois personnages mythiques, héros respectifs de trois versions du mythe de création des masques en pays wêbloa. Il s’agit de Troyaï, Koulaï et Gnion, qui symbolisent le pouvoir, la sagesse et la connaissance. Ce sont les ancêtres mythiques ayant reçu, les premiers, les « Paroles de masques » ; dont ils instruisirent leurs contemporains, et plus généralement l’humanité (wêon).

A travers leur épopée, nous apprenons que le masque est une institution fondatrice de la société ; pour ainsi dire c’est l’interface entre « nature » et « culture », c’est-à-dire entre « brousse » et « village ». Aussi le Kman, lieu physique où est périodiquement réactivé le masque, est-il toujours construit à l’extérieur du village, dans la brousse à l’orée des habitations. Les règles fondamentales de vivre-ensemble ont été « apportées » par les masques aux hommes, constituant par là même l’espace politique en tant que réseau d’échanges codifiés sur un territoire déterminé ; c’est-à-dire en tant que démocratie

Le Kman est en quelque sorte le « temple » du masque, haut lieu « d’allumage » de l’énergie spirituelle qui anime le masque ; énergie qui est véritablement le masque. Une des particularités du Kman, réceptacle d’énergie de masque , c’est qu’il est reconstitué ponctuellement pour la « sortie » de tel masque, en vue d’une cérémonie déterminée, puis est démantelé à la fin de ladite manifestation ; après que le masque a été désactivé.

Le caractère éphémère du Kman signifierait qu’au fond le masque n’a pas de lieu physique dédié à son « adoration », car ce en quoi il consiste radicalement, cette énergie spirituelle, circule entre les hommes ; à travers l’espace et le temps. Cette énergie n’est donc pas localisée dans un endroit déterminé : elle est omnipotente, omniprésente ; les diverses cérémonies périodiques ne visant qu’à en optimiser la circulation pour un groupe humain donné. D’ailleurs, la société des masques interdit le prosélytisme, n’obligeant personne à rendre aucun culte aux masques ; et acceptant expressément que des gens dans le village y soient indifférents.

Toutefois, outre cette explication de Tiérou sur le caractère éphémère du Kman, je voudrais suggérer un élément historique d’appréciation. Les quatre cents ans de chasse aux Nègres tous azimuts en Afrique, suivis de cent ans d’occupation militaire féroce, ont profondément bouleversé les dispositifs cultuels/culturels négro-africains dans des proportions que nous appréhendons encore très difficilement.

De ce point de vue, le fait de détruire le « temple du masque » après chaque usage pourrait aussi être une façon de protéger cette institution contre les risques de saccage féroce des pratiques spirituelles africaines par les envahisseurs blancs. Une stratégie africaine de défense par l’évanescence ou la fugacité des lieux cruciaux que l’on retrouve aussi dans ce phénomène politique stupidement baptisé par l’africanisme « société a-céphale » : cas des sociétés africaines du temps des « pacifications coloniales », qui avaient fini par dissimuler leurs vrais leaders dans la masse populaire, en renonçant à leur imputer toute marque vestimentaire ou architecturale de distinction qui en faisait la proie privilégiée des sévices criminels des envahisseurs européens. Comme ces sociétés protestaient en face des personnels coloniaux qu’elles n’avaient pas de « chefs », les administrateurs coloniaux, ces premiers africanistes, en conclurent qu’il s’agissait de sociétés anarchiques (au sens de « non hiérarchisées »), « acéphales »…

Par ailleurs, l'évanescence, la fugacité, furent deux qualités majeures de l'armée de Toussaint Louverture face aux puissances coloniales européennes : n'ayant pas d'armement militaire à la mesure de la puissance de frappe des troupes anglaise, espagnoles ou a fortiori françaises, Toussaint Louverture joua sur le caractère mobile, insaisissable, de ses troupes, dans un oecoumène qu'elles maîtrisaient mieux que toutes autres. Une stratégie militaire d'harcèlements sporadiques, d'évanescence-fugacité, qui eut raison des plus puissantes armées d'Europe...

Bref. En tant que lieu, le Kman représente le noyau des cercles concentriques ; c’est le cœur du réacteur d’énergie spirituelle en quoi consiste le masque : ce sans quoi il n’y a donc jamais de masque, et dont par conséquent l’absence dans les musées (occidentaux) traduit irréfutablement en ces lieux l’absence pure et simple du masque, au sens où cette institution se comprend « africainement » ; par ses propres protagonistes…



P.S.
Joselen, je trouve tes free styles très amusants. Malehureusement, je ne trouve pas vraiment comment entrer dans ce jeu. J'espère donc que tu ne m'en voudras pas si je poursuit mon petit topo, sans réagir précisément à ton propos. En tout cas, on est ensemble...





_________________
http://www.afrocentricite.com/
Umoja Ni Nguvu !!!

Les Panafricanistes doivent s'unir, ou périr...
comme Um Nyobè,
comme Patrice Lumumba,
comme Walter Rodney,
comme Amilcar Cabral,
comme Thomas Sankara,
Et tant de leurs valeureux Ancêtres, souvent trop seuls au front...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Joseleñ
Bon posteur


Inscrit le: 09 Sep 2005
Messages: 763

MessagePosté le: Lun 15 Déc 2008 17:48    Sujet du message: Répondre en citant

OGOTEMMELI
Citation:
Joselen, je trouve tes free styles très amusants


Et si je te disais sincèrement que tes masques...spirituels peuvent inspirer une aventure romancière et être adaptés au cinéma...africain.

Tiens...!

Et si je te disais que je te voyais en Indiana Jones l'Africain ? Mes free styles te paraîtraient-ils encore marrants ?

Citation:
En tout cas, on est ensemble...

Tant que je ne suis pas à l'âge de la pierre taillée Laughing
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Joseleñ
Bon posteur


Inscrit le: 09 Sep 2005
Messages: 763

MessagePosté le: Lun 15 Déc 2008 17:59    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
le masque est une institution fondatrice de la société


Citation:
héros respectifs de trois versions du mythe de création des masques en pays wêbloa


Citation:
Le Kman est en quelque sorte le « temple » du masque


Citation:
le masque n’a pas de lieu physique dédié à son « adoration


Citation:
le Kman représente le noyau des cercles concentriques


Citation:
D’ailleurs, la société des masques interdit le prosélytisme


Citation:
pourrait aussi être une façon de protéger cette institution contre les risques de saccage féroce


Deux millions d'entrées dès la première semaine...

Yes we can !
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
OGOTEMMELI
Super Posteur


Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Sam 20 Déc 2008 10:47    Sujet du message: Répondre en citant

Pour en revenir aux trois cercles concentriques : ayant longuement traité du "cercle des initiés", je vais citer l'auteur en ce qui concerne les deux autres :

Alphonse Tiérou a écrit:
Dans le cercle intermédiaire, nous trouvons le petit nombre d'hommes et de femmes à qui l'Envoyé des Masques a raconté son expérience onirique, à son retour au village.

Il s'agit de responsables, de sages, d'anciens, de chasseurs, de guerriers et de devins, maîtrisant parfaitement la lecture de la vie onirique. Ces premiers membres de l'assemblée constituante détiennent une partie du Pouvoir, de la Sagesse et de la Connaissance. Ce sont les premiers initiés au mystères du Masque.

Chacune et chacun d'eux tient directement sa légitimité du personnage incontournable qu'est le Messager et Représentant des Masques. Les membres de ce cercle intermédiaire restent étroitement soudés au Messager des Masques. Ils travaillent sous sa subordination, conscients du fait que l'eau ne peut jamais couler plus haute que sa source.

Dans le cercle extérieur, le plus grand des trois, vit le reste de la population. Du fait que les Masques respectent la liberté d'opinion et d'expression, de pensée et de conscience, les Wêon du cercle extérieur, au fil des temps, se sont scindés en deux groupes.

Le premier s'intéresse massivement à la compréhension et à l'étude de l'univers du Masque, en raison des perspectives qu'il offre pour la maîtrise de la vie. Le second, en revanche, reste insensible à cette institution qui interdit tout prosélytisme.

[pp87-88]



P.S.
Je voudrais souligner ici la récurrence en Afrique du thème de l'expérience onirique comme mode (privilégié) de connaissance intime des phénomènes ou institutions les plus cruciaux de la vie sociale. L'étude de ce mode de connaissance a été entamée par le professeur Djibril Samb, dans un ouvrage de très haut niveau, qu'on ne saurait trop vivement recommander à ceux que le sujet pourrait intéresser...
_________________
http://www.afrocentricite.com/
Umoja Ni Nguvu !!!

Les Panafricanistes doivent s'unir, ou périr...
comme Um Nyobè,
comme Patrice Lumumba,
comme Walter Rodney,
comme Amilcar Cabral,
comme Thomas Sankara,
Et tant de leurs valeureux Ancêtres, souvent trop seuls au front...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
OGOTEMMELI
Super Posteur


Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Dim 14 Juin 2009 01:13    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
Bref. En tant que lieu, le Kman représente le noyau des cercles concentriques ; c’est le cœur du réacteur d’énergie spirituelle en quoi consiste le masque : ce sans quoi il n’y a donc jamais de masque, et dont par conséquent l’absence dans les musées (occidentaux) traduit irréfutablement en ces lieux l’absence pure et simple du masque, au sens où cette institution se comprend « africainement » ; par ses propres protagonistes…

La lecture (attentive) de l'ouvrage d'Alphonse Tiérou m'a appris beaucoup de choses...et malheueusement leur contraire. En tout cas, tel que je crois comprendre le fond du propos de l'auteur, il me semble que le Musée du Quai Branly est très précisément le prototype du lieu où il est impossible de rencontrer les "choses" qu'il m'a apprises...

Or, paradoxalement (?), le dernier chapitre de cet ouvrage est consacré à une défense "acharnée" du Musée des Arts Premiers par Alphonse Tiérou, en des termes on ne peut plus dithyrambiques :
Alphonse tiérou a écrit:
Celles et ceux qui pourfendent le pillage des oeuvres d'art en Afrique ont raison. Originaire de l'un des pays, et de l'un des peuples producteurs d'une partie de ces oeuvres, je suis conscient des problèmes quasiment insolubles que crée la disparition de ces pièces, au sein des sociétés concernées. [...] Mais ce qui nous intéresse ici, ce ne sont ni les postures victimaires, ni les hypocrisies, ni les discours séducteurs sur les responsabilités historiques des uns et des autres, mais plutôt le musée du quai Branly en lui-même, tel qu'il existe aujourd'hui, et ce qu'"il représente, comme ce qu'il apporte à tous les peuples de la planète en général et aux Africains en particulier.

[...] le musée du quai Branly, comme le musée du Louvre, marquent une réelle rupture dans le sens où, pour la première fois, les ouevres africaines sont reconnues en tant qu'art à part entière et sont mises sur un pied d'égalité avec les arts occidentaux.

[...] Le musée du quai Branly incarne le refus de l'ethnocentrisme et participe à la déconstruction de préjugés absurdes et choquants, en véhiculant une image noblede l'Afrique et de l'Africain.

[...] Aujourd'hui, le musée du quai Branly, en dissipant les brumes de l'ignorance, de la condescendance ou de l'arrogance, par sa volonté affichée de promouvoir auprès du public le plus large, un autre regard, plus ouvert et plus respectueux, peut symboliser le début d'une thérapie collective pour tout un chacun, Africain ou non.

[pp.424-435]

Quelques chapitres auparavant, Tiérou stigmatise les embrouilles distillées par les informations confuses diffusées sur les objets dits d'art africain, notamment sur les sculptures de la "maternité" : sous ce terme générique est rangée une ribambelle de sculptures ayant en commun le seul fait de mettre en scène une femme africaine et son enfant. En sorte que, finalement, ce terme générique recouvre une grande variété de "variations" sur un thème, plutôt que de donner à comprendre chacune des variation par une information circonstanciée du spectateur. En réalité, les soit-disant spécialistes cachent (mal) leur ignorance des sujets traités par ces sculptures en les rangeant ainsi indistinctement sous la rubrique de la maternité...

Tiérou éclaire donc la question en apportant un complément d'informations indispensables (pp.373-392), dont l'absence récurrente dans les musées occidentaux consacrés, y compris au Musée du quai Branly, signe l'incapacité "génétique" de ces lieux à instruire de ce à quoi ils sont destinés...

On comprend alors difficilement que celui qui pointe aussi magistralement ce manque crucial dans ces lieux en défende l'un des plus emblématiques. Pour ce qui me concerne, j'ai résolu depuis bien longtemps de ne garder que ce qui m'intéresse chez chaque auteur, sans rechercher systématiquement que tout auteur travaille à combler toutes mes attentes personnelles ; que par sa bouche ne sortent que les seules paroles (de masque) que j'aurais voulu entendre et/ou prononcer...

Il m'est impossible de m'extasier devant l'immense fonds de la collection permanente du Musée du Quai Branly, tout en faisant fi purement et simplement des circonstances dans lesquelles ces objets ont été volés à l'Afrique : avant donc que ce Musée ne leur apporte quoique ce soit, il y a tout ce qui a été volé aux Africains, et dont il est rempli. Le Musée des Arts Premiers rapporte surtout à l'économie touristique française, en constituant l'un des haut lieux de visite de Paris, non loin de la Tour Eiffel : 100 ans de colonisation, dont les effets positifs, sonnants et trébuchants, vont au profit des mêmes...
_________________
http://www.afrocentricite.com/
Umoja Ni Nguvu !!!

Les Panafricanistes doivent s'unir, ou périr...
comme Um Nyobè,
comme Patrice Lumumba,
comme Walter Rodney,
comme Amilcar Cabral,
comme Thomas Sankara,
Et tant de leurs valeureux Ancêtres, souvent trop seuls au front...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Bouquet de soleil
Grioonaute


Inscrit le: 16 Mar 2009
Messages: 2

MessagePosté le: Mer 07 Sep 2011 11:34    Sujet du message: "Paroles de Masques" Répondre en citant

J'ai lu et découvert cet ouvrage, dès sa publication. Qu'elle richesse.
En fait je l'attendais !! Very Happy
je suis de culture européenne, et je cherchais depuis quelques années quelqu'un ou des ouvrages qui m'expliquent vraiment les Masques. je voulais que ce soit vraiment une personne imbibée par cette culture, qui m'explique tout cela. Pas ce que j'entends d'ordinaire, car je n'étais pas satisfaite par les réponses obtenues.
J'ai quand même hésité à acquérir cet ouvrage : vais je bien capter ??
tout à fait : quel bonheur !! je suis tout de suite "entrée dans la danse du livre" : les trois cercles, qu'est ce qu'un masque, la femme et le masque, etc...etc...
Je dois dire que mes attentes ont été comblées. Et plus encore !! Very Happy
Car il y a l'ouvrage et il y a l'homme !! celui qui écrit.
En venant à Paris, j'ai demandé une rencontre à Alphonse Tiérou pour discuter de son ouvrage, avoir d'autres explications. Je le remercie encore pour son accueil, il a pris le temps. Ce fut pour moi une belle rencontre, très riche d'enseignements. J'ai eu l'impression d'être en formation accélérée !! Wink
Merci Alphonse pour cet ouvrage, et pour tout. Evelyne
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet       grioo.com Index du Forum -> Littérature Négro-africaine Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum



Powered by phpBB © 2001 phpBB Group