M.O.P. Super Posteur
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Posté le: Mer 05 Oct 2005 18:14 Sujet du message: Anicet Ekanè:Nous sommes contre l’émigration des Camerounais |
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http://www.cameroon-info.net/cin_reactions.php?s_id=16866
Anicet Ekanè, président du Manidem: “ Nous sommes contre l’émigration des Camerounais ”
De retour de Paris en France où il a participé à la fête de l’humanité (du 9 au 11 septembre), le président du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem) jette un regard sur l’actualité. Il affirme, entre autres, que l’affaire “ Camair/Air France ” est un complot français, et se prononce sur l’émigration des Camerounais en Europe.
Douala, le 05 Octobre 2005 : Vous avez conduit la délégation du Manidem à la fête de l’Humanité en France. Pour quels objectifs ?
Nous comptions par notre participation à la fête du boulevard du Parti communiste français, ouvrir le Manidem à l’extérieur, prendre des contacts et/ou les consolider avec les organisations françaises et étrangères qui luttentpour l’émancipation des peuples, la démocratie et la paix. Nous étions pratiquement le seul parti d’Afrique centrale à être présent là ; il y avait deux autres représentants de l’Afrique occidentale, le Bénin et le Togo. Evidemment, cela nous a permis de prendre des contacts et puis, de populariser un peu la lutte du peuple camerounais en France.
Est-ce à dire que vous aviez, avant, des relations avec le Parti communiste français ?
Oui, mais pas des relations formelles. Le Parti communiste connaît bien la situation au Cameroun, suit l’évolution de l’actualité et connaissait bien ce qui prévalait au niveau de l’Upc. Le Manidem étant de la mouvance upéciste, c’est un peu à ce titre que nous avons été invités, mais surtout parce que notre action se situe en droite ligne du mouvement progressiste camerounais. Voilà. Nous avions quelques relations avec le parti communiste italien qu’on a retrouvé à la fête de l’Humanité.
On constate de plus en plus que les partis politiques camerounais vont à l’étranger ; on en a vu qui était en Côte d’Ivoire, en Angola ; vous, vous sortez de Paris à la fête de l’Huma. Qu’est ce qui fait courir les partis politiques camerounais à l’étranger ?
Je pense que c’est une bonne chose qu’il y ait des échanges avec les organisations d’autres pays, et spécialement les organisations africaines dans la mesure où il y a des situations similaires qui se retrouvent en Afrique du fait de la décolonisation et puis, de l’avènement du multipartisme et la démocratie dans nos différents pays. Donc, c’est bien qu’on échange; c’est bien qu’on aille voir ailleurs, c’est bien qu’on rapproche les points de vue ou qu’on rapproche les expériences ; qu’on aille voir de part et d’autre comment la situation a évolué à partir de tel ou tel incident ou événement politique majeur, lors des élections présidentielles, etc. C’est bien que ces échanges se perpétuent et qu’ils se renforcent parce que justement, on avait tendance avant à travailler en vase clos ou souvent avec la tutelle des partis à l’étranger, hors du continent. Donc c’est bien que ces échanges se développent. Pareil lorsqu’on rencontre les militants des partis européens, il est important qu’on leur présente, venant de notre propre pays, le Cameroun, qu’on parle de la construction et de l’aide qu’on pourrait attendre d’eux dans le combat que nous menons tous pour la justice sociale, la démocratie et la paix dans le monde. Ces échanges sont normaux et, à la limite, bénéfiques à la lutte. Ce qu’il faut, je pense c’est peut-être l’interpellation, car ces relations ne remplacent pas le travail concret sur le terrain, de sensibilisation, de mobilisation et d’organisation des masses. Peut-être que vous faites allusion aux partis qui ne font que ça et qui ne s’occupent pas du travail à l’intérieur du pays.
Alors, est ce qu’on est en droit de s’attendre à des retombées pour le Manidem, après cette participation à la fête de l’Huma?
Sans aucun doute dans la mesure où c’était un peu un des objectifs de notre déplacement. Il faut quand même dire que ce n’est pas la première fois qu’on va en France rencontrer des dirigeants de partis. Mais ce qui est important, c’est qu’on se soit rencontré, qu’on ait échangé, qu’on ait parlé de l’actualité, de l’horreur dans les différents pays et des dégâts que causent les plans d’ajustement structurel de la Banque mondiale et du Fmi sur les masses africaines et de l’aide ou la contribution que pouvaient apporter justement les militants de ces partis progressistes dans les pays européens qui sont en train d’exploiter par exemple les pays africains. C’est important qu’on leur pose ce problème, qu’on dise comment faire pour que les relations entre les anciennes métropoles et les pays vraiment indépendants ne soient pas des relations de domination. C’était même le thème : “ France/Afrique = exploitation, domination, oppression ”. On a dénoncé le système de France/Afrique auprès des militants français, étrangers, etc. Certainement que cela va donner des fruits.
Après votre voyage à l’étranger, avez-vous une autre vision de ce dont souffrent les Camerounais en ce moment (la pression fiscale, les rentrées de classes qui s’éternisent parce que les gens n’ont pas les moyens, la ville de Douala qui est complètement dégradée, etc.), surtout qu’après la présidentielle de 2004 on ne vous a plus senti sur la scène nationale comme il y a quelques années ?
Non, c’est nous faire un mauvais procès. Nous sommes présents depuis l’élection présidentielle d’octobre. Nous avons participé d’une certaine manière, ou à notre manière, aux mouvements de contestation estudiantins sur l’ensemble du territoire ; nous avons accompagné les instituteurs vacataires, les salariés des sociétés nationales privatisées. Donc, nous sommes présents, peut-être pas d’une manière très spectaculaire. Mais, nous sommes présents aux côtés des masses qui s’organisent et qui luttent. C’est vrai que ce n’est pas le cas de la plupart des partis institutionnels et des organisations qui ont participé à l’élection présidentielle. Mais, il ne faut pas faire d’amalgame. Nous allons continuer, faire le bilan de la rentrée comme vous avez dit, qui s’éternise à cause des difficultés que les parents ont à faire rentrer leurs enfants. Nous allons lancer sous peu, un grand mouvement de soutien de protestation; ça suffit pour que tous les Camerounais, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, tous secteurs d’activité confondus, manifestent bruyamment, peut-être d’une façon plus décisive, leur colère, leur exaspération par rapport aux conditions dans lesquelles le budget 2005 a plombé.
Au moment où vous vous apprêtiez à rentrer au Cameroun, s’est déclenchée ce qu’on peut appeler “ l’affaire Air France ”. Vous étiez parmi les passagers qui étaient bloqués à l’aéroport de Paris, du fait de la suspension des vols Camair. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
Je pense maintenant qu’il n’y a aucun doute, tout le monde sait que c’était un complot des autorités françaises dans le but de favoriser Air France dans l’exploitation de la ligne Paris-Douala. L’objectif était clair : supprimer cette ligne pour Camair qui représente 75% des recettes, couler la Camair et se partager les dépouilles de la compagnie liquidée, parce que Camair n’allait pas s’en sortir. Nous qui étions en France, toute la journée, les médias n’ont parlé que de la Camair, qui est vraiment incapable. Je reprends l’opinion française qui justifiait-là la position de la Dgac ; cette décision était une véritable campagne sur la Camair où les journalistes français, photos à l’appui sur les avions de la Camair, des interviews à des passagers français qui ont voyagé sur Camair… Vraiment, tout était organisé pour couler la Camair. Je vais vous dire que même le personnel au sol s’est jeté de Roissy par des voies communiquées, après la décision camerounaise, qu’il comprenait la décision des travailleurs camerounais, dans la mesure où, pour eux, la fameuse liste noire est une liste subjective, et n’y figurent que les pays qui, diplomatiquement, ne peuvent pas peser sur la France ; et qu’elle peut entraîner la solution absurde des grandes compagnies avec des mauvais avions et des compagnies, soi-disant peu sûres, avec de bons avions.
D’ailleurs, est ce qu’on peut dire que, Air Italie, dont la Camair a affrété les avions, est une compagnie sûre ? Est-ce que ses avions sont plus sûrs que le Dja, etc. ? En réalité, c’est très subjectif. Des fois, je me dis que, au Cameroun, Air France respecte très peu les dispositions réciproques qui régissent la ligne Douala-Paris. En ayant des avions plus gros, en refusant que Camair suive au niveau de l’affrètement des avions, même des avions-cargos. Donc, il y a plusieurs dispositions que Air France s’octroie dans l’exploitation de cette ligne au su des autorités camerounaises, n’eût-été la réaction prompte et vive, rigoureuse, juste, patriotique des syndicats et des populations, on se serait retrouvés aujourd’hui, comme au Gabon depuis quelques mois, avec une ligne Paris-Douala exploitée par Air France et d’autres compagnies européennes. Je vous rappelle que, grâce au sursaut camerounais, Air Gabon aussi reprend ses vols sur Paris à, partir de cette semaine, avec des avions affrétés.
Il y a néanmoins des Camerounais qui, au-delà du nationalisme observé sur cette affaire-là, disent qu’en réalité, Camair ne profite qu’à une poignée de personnes dont de l’oligarchie au pouvoir au Cameroun. La preuve, le Dja est bloqué par le chef de l’Etat depuis au moins deux semaines, alors que c’est un avion qui est très rentable pour la Camair.
Notre position n’absout pas le gouvernement camerounais. D’abord, il s’est caché derrière la réaction du personnel au sol dans cette affaire. N’eût-été les personnels de la Camair, peut-être que Air France et la France auraient réussi leur coup. Il est de notoriété publique qu’il y a l’irresponsabilité de ces Camerounais dans l’affaire. La mauvaise gestion de la Camair est flagrante, pour donner l’exemple du Dja qui est aujourd’hui bloqué par le chef de l’Etat. Ce n’est pas la première fois, c’est une habitude des autorités camerounaises, à commencer par le chef de l’Etat, bloquent les avions de la Camair, accumulent des dettes (il y a peut-être plus de 50 milliards à payer), etc. Ce sont les autorités camerounaises qui sont responsables de la situation catastrophique dans laquelle se trouve Camair. Ça c’est vrai ; mais sur cette affaire-là, il fallait dire que Air France, les autorités camerounaises et françaises ont voulu couler la société camerounaise. Cela n’absout pas les autorités camerounaises sur la situation de Camair, je le redis y compris sur les difficultés en matière de sécurité aérienne que peut rencontrer la Camair, comme d’autres sociétés aériennes. Mais, je pense qu’il est important, lorsqu’un problème est posé, qu’on trouve une solution et que, l’occasion faisant le larron, on trouve par là une bonne occasion pour poser le problème de la viabilité de la Camair. Camair est né d’un coup de tête du dictateur Ahidjo. Il s’est avéré qu’elle n’était pas bien portante comme compagnie nationale comme Air Gabon, Air Centrafrique, etc. Nous avons toujours dit depuis des années qu’il faut penser à une régionalisation du transport aérien en Afrique pour avoir les moyens de la concurrence avec les grandes compagnies aériennes européennes. Ca c’est notre position. Elle est connue.
Avant l’affaire Camair, il y avait une autre affaire qui oppose la France aujourd’hui avec un certain nombre de pays. C’est le problème de l’immigration. Quelle analyse faites-vous du problème de l’immigration aujourd’hui en France ?
Je vais vous dire net et clair. Nous, nous sommes contre l’émigration massive des Camerounais à l’étranger, et spécialement dans les pays européens. Pour la simple raison que, vu les conditions dans lesquelles ces Camerounais vivent en Europe, c’est impensable. Ces Africains vivent comme des rats en Europe. Malgré certains avantages sociaux qu’ils peuvent avoir, la vie est très dure pour les Camerounais en Europe : c’est la première chose. La deuxième chose : si tout le monde émigre, qui va transformer notre pays ? Qui sont ceux qui vont participer à la lutte ici pour le changement, si tout le monde va à l’étranger ? Donc, nous sommes contre cette émigration massive, qui est la politique que nos dirigeants africains et même des dirigeants camerounais, mènent dans nos pays et, qui ne donnent plus à la limite, aucune autre issue à notre jeunesse que de s’expatrier ou de rêver d’être des Eto’o, Njitap et consorts. Ça c’est un problème. Bien sûr, nous ne pouvons pas accepter que la France qui est en grande partie responsable de ce qui se passe dans notre pays aujourd’hui, fasse comme si les Africains viennent en France parce que la France est le pays de liberté, le pays où l’on assure le travail à tout le monde. Ce n’est pas vrai. Ils sont responsables de ce que la jeunesse africaine fuit l’Afrique et dans ce sens, nous comprenons très mal et nous dénonçons les campagnes racistes d’expatriation de nos compatriotes qui vivent en Europe, qui y sont arrivés et souvent qui travaillent; comme ça a été le cas du jeune Effeye qu’ils voulaient expulser quelle audace! par le vol Camair. Mal leur en a pris, ces camarades ont pu éventrer cet autre complot. Nous, nous sommes contre les mesures racistes que Sarkozy est en train de mettre en place. Mais la seule réponse à cela, c’est que les Camerounais s’organisent. Que ceux qui sont en Europe apportent leur contribution à la lutte menée par les patriotes dans le pays, pour qu’ensemble nous changions ce pays et qu’il redevienne une terre d’accueil pour ceux qui sont à l’étranger et ceux qui y vivent actuellement.
© Jacques DOO BELL, Le Messager _________________ La vie est un privilege, elle ne vous doit rien!
Vous lui devez tout, en l'occurence votre vie |
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