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Posté le: Mer 16 Jan 2008 10:37 Sujet du message: AFRICAMANIA ou 50 ans de cinéma africain
AFRICAMANIA ou 50 ans de cinéma africain
Du 17 janvier au 2 mars
A la Cinémathèque française
Qui propose pas moins de 70 films
Et, mon Dieu, quels films !!!!
Parmi tous les films proposés, il manque, pour moi, un film essentiel, incontournable pour l’Africaine que je suis : il s’agit de Camp de Thiaroye, même s’il est vrai que la deuxième guerre apparaît bel et bien à travers Emitaï, Dieu du tonnerre, du même SembeneOusmane, un autre film qui célèbre la résistance mais la résistance des femmes, cette fois-ci. Deux films qui s’inspirent de la réalité, la triste réalité des rapports France-Afrique, des rapports entre les Français et les Africains, sujet inépuisable.
Camp de Thiaroye fut, je crois, « censuré » à sa sortie en 1988, en tout cas pas accueilli favorablement, pour ne pas dire boycotté, parce que la France n’aime pas entendre certaines vérités, n’aime pas affronter certains épisodes de son passé.
Faut-il encore le censurer en 2008 ?
1988-2008 : 20 ans déjà ! Seules les années passent, les injustices, l’humiliation, le mépris envers les Africains demeurent, seules les méthodes changent et encore !
Il est vrai que ce film montre tout sauf une image flatteuse de la France, pays dit des droits de l’homme, faut-il le rappeler : l’hypocrisie française, le mensonge français, le racisme français, ce sentiment de supériorité très ancré chez le Français quand il a affaire aux Africains qui ne sont, pour lui, que de « grands enfants » (on l’entend, je crois, tel quel, dans le film). Bref, on y voit la France dans toute sa splendeur, dans toute sa vérité, la France à visage découvert, la France nue, une France décomplexée pour utiliser un mot en vogue.
1er décembre 1944 ou le Massacre du camp de Thiaroye : une date qu’on ne peut pas oublier, une date que je ne peux pas oublier, que je ne veux pas oublier sauf si Alzeimer passe par là. Des Tirailleurs sénégalais sauvagement abattus par l’armée française, alors qu’ils étaient désarmés, parce qu’ils réclamaient tout simplement et tout naturellement leur dû après avoir combattu pour la France auprès des Français. Le problème se pose en effet quand ils voudront changer leurs francs français en monnaie locale africaine. L’administration militaire refusera de procéder au change au taux légal, comme demandé par les Tirailleurs, mais à la moitié de celui-ci. Avaient-ils donc combattu à moitié ou à mi-temps pendant la guerre ?
Ca fait mal, très, très mal.
Un film à voir ab-so-lu-ment !
Poignant, bouleversant, surtout quand on a en tête que ce n’est pas que de la fiction.
C’est aussi ça la France, ne l’oublions pas !
Difficile pour un Africain de faire confiance à un toubab ou, plutôt, à un Gaulois ou un Souchien après avoir vu ce film. La suspicion demeure et demeurera toujours… à quelques exceptions près.
La France d’aujourd’hui n’est rien d’autre que le prolongement de la France d’hier comme le montre très bien Odile Tobner dans son dernier essai, Du racisme français, quatre siècles de négrophobie, les Arènes, 2007.
Il faudra quand même que les organisateurs de ce festival m’expliquent les raisons pour lesquelles ce film ne figure pas dans la liste. Il est toujours plus intéressant de se pencher sur ce dont on ne parle pas, sur ce qu’on cherche à nous cacher que sur ce dont tout le monde parle. Un film gênant, sans aucun doute encombrant pour eux mais il existe, il faut donc le montrer, il faut le faire découvrir à tous ceux qui ne le connaissent pas et j’imagine qu’ils sont très nombreux.
Pour ma part, ce n’est qu’en avril 2005 que je l’ai découvert à Imagesd’ailleurs. A l’occasion de la commémoration du 60ème anniversaire de la libération des camps nazis, Sanvi Panou eut en effet l’excellente idée de consacrer tout un festival aux combattants noirsdans les guerres françaises, festival qui a bien duré une semaine. Bien sûr, une semaine où on peut dire que j’ai presque vécu à Images d’ailleurs pour ne rien rater de ce festival inédit. Il est des RDV qui ne se présentent pas deux fois. C’est à cette occasion que j’ai pu voir Emitaï, de Sembene Ousmane sans parler de tout le reste : un festival très enrichissant, très intéressant. Merci Sanvi.
Dans La France et ses tirailleurs, Enquête sur les combattants de la République, 1939-2003, (éditions Duboiris, 2003), le Camerounais Charles Onana traite justement de la question de la reconnaissance ou plutôt de la non-reconnaissance de ces Tirailleurs qui ont participé à la 2ème guerre aux côtés de la France et du problème de leurs pensions, épineux problème, paraît-il, que Djamel Debbouze à lui tout seul aurait résolu grâce à Indigènes. Laissez-moi rire !!!
Ouvrage préfacé par le Sénégalais Amadou Mahtar M’Bow, ancien directeur de l’Unesco et engagé volontaire dans l’armée de l’air française en 1940.
Voilà comment Charles Onana m’avait dédicacé son ouvrage à l’issue d’un débat organisé autour de son livre, toujours à Images d’ailleurs, le 12/09/2004 exactement : « A Bahia, l’autre histoire de larésistance… en souvenir de Hady BAH ».
Ca se passe de commentaire.
Voilà, pour réparer l’injustice – encore une – qui nous est faite, l’intégralité du film en deux parties. Vous y reconnaîtrez Ismaël Lô et son harmonica qui le suit partout, même dans le film, ainsi que Zao pour qui la guerre n’est pas que du cinéma, une guerre, une autre qu’il a vécue en live et qui lui a fait perdre, entre autres, son jeune fils.
Est-il encore nécessaire de rappeler que les guerres peuvent revêtir diverses formes sans faire couler le sang ?
Un autre film essentiel, essentiel en tout cas pour les Africains que nous sommes, manque à l’appel : Bamako, un autre film gênant et encombrant sans doute d'Abderrahmane Sissako. Il est quand même présent avec un autre de ses films : En attendant le bonheur, autant dire le jour et la nuit.
J’ai oublié de préciser que Sembene Ousmane, lui, est bel et bien présent dans ce festival inédit avec pas moins de 6 films : La Noire de…, Borrom Sarret, Ceddo, Emitaï, le Mandat et son tout dernier bébé, Moolade... peut-être pour compenser l'absence de Camp deThiaroye ???
Un autre extrait de l’émission de Frédéric Taddeï où l’on peut voir et entendre le réalisateur en personne ainsi que Leonora Miano, AlainMabanckou et Jean Ziegler. On y voit et entend également Aminata Traoré dans l’extrait du film qui nous est montré.
Je suis tout de même étonnée, très étonnée, que Grioo ne mentionne pas cet événement inédit que je salue de mes deux mains et de mes deux pieds. _________________ Andu, saa andi, andinn !
Oh la la Sista Bahia, je m'étonne en découvrant ton post que personne n'y aie répondu depuis, tout comme je m'étonne de la couleur pâle de la carnation de la très grande majorité des spectateurs à ce festival qui est unique et une grande première. Il a d'ailleurs été prolongé jusqu'au 17 mars.
Pour ma part je me rends à 80% des projections et je me régale de ce bain de culture, avec des films de tous les coins du continent, anciens ou avant-première, classiques du genre "calebasse" ou carrément d'avant-garde, esthétiques, mythologiques, politiques, action, documentaires…
Bien entendu, il y a quelques manques comme Camp de Thiaroye, mais c'est tout de même un magnifique tour d'horizon de la trop pauvre (en quantité) production cinématographique africaine.
Pour ceux qui ont peur de vider leurs poches, sachez qu'avec une carte à 30 euros les billets d'entrée coutent 4 euro par film (un billet unique est à 6 euro) et qu'on peut en acheter plusieurs pour la même séance. (La carte illimitée coute 120 euro pour un an.)
A djaraamaa Sista Bahia, en espérant qu'avec les vacances scolaires la salle s'enrichira un peu d'un autre public.
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