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Aime Césaire nous a quitté
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Fille d'Afrique
Grioonaute régulier


Inscrit le: 24 Avr 2006
Messages: 372
Localisation: IDF

MessagePosté le: Dim 27 Avr 2008 20:43    Sujet du message: Répondre en citant

eikichi onizuka a écrit:
Fille d'Afrique a écrit:
zingh2006 a écrit:
HOMMAGE: AU NOM D'AIME CESAIRE, DU POETE DE LA NEGRITUDE ET DE L'HOMME POLITIQUE ENGAGE !


"Je ne conçois pas que l'artiste puisse rester un spectateur indifférent, refusant de prendre une option (…). Etre engagé, cela signifie, pour l'artiste, être inséré dans son contexte social, être la chair du peuple, vivre les problèmes de son pays avec intensité, et en rendre témoignage".

Aimé Césaire (extraits "Moi Laminaire")


AU NEUVIÈME JOUR, AIMÉ CÉSAIRE EST PLUS QUE JAMAIS PARMI NOUS.

LE PÈRE DE LA NÉGRITUDE CONTINUE D’ÉCLAIRER LES COMBATS POUR LA DIGNITÉ , LA FRATERNITÉ , L'HONNEUR ET LE RESPECT.


AFIN DE RENDRE HOMMAGE

A CELUI QUI FUT NOTRE MAÎTRE À PENSER

A CELUI QUI N'A JAMAIS PLIÉ DEVANT LE COLONIALISME, NI LE RACISME

A CELUI QUI A DENONCÉ TOUTES LES DISCRIMINATIONS

A CELUI QUI, PAR SES ÉCRITS, SA POÉSIE, SA RAISON D'ÊTRE ET SA JOIE DE VIVRE, QU'IL NOUS LAISSE EN HERITAGE, MERITE TOUS LES HONNEURS

NOUS VOUS INVITONS À PARTICIPER

À LA JOURNÉE « AIMÉ CÉSAIRE »

RENCONTRE-DÉBAT, TÉMOIGNAGES, POÉSIE ET CHANTS

AUTOUR DE L'HÉRITAGE POLITIQUE, CULTUREL, HUMANISTE

DU CHANTRE DE LA NÉGRITUDE

DIMANCHE LE 27 AVRIL A PARTIR DE 14 HEURES


TOUS AU THEÂTRE DE LA MAIN D'OR

15, passage de la Main d’Or, 75011, Paris

Métro : Ledru Rollin (Ligne 8, Balard-Créteil)





http://www.alert2neg.com/article-19008837.html

Bonjour à tous, bonjour Melbamoor, Ici_Ailleurs, Maryjane et à toutes les autres que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer. Je serais demain au théâtre de la Main d'Or et j'espère vivement vous y retrouver. A demain, allons nous retrouver pour rendre hommage à notre grand Homme : Aimé Césaire. Je ne connais pas les organisateurs de cet hommage, mais je pense que c'est une bonne chose.


L 'organisateur c'est l'association alert2neg


Bonsoir à tous. Je suis rentrée tout à l'heure du théâtre de la Main d'Or. Un grand merci aux organisateurs. Quant à Aimé Césaire, c'est à nous de faire nôtres ses idées : être des Nègres debout. Aimé Césaire n'est pas mort, il est dans ses écrits, il nous suffit de le lire et de le vivre , vivre Debout, en Nègre Fondamental. Merci au passage à ce jeune homme si gentil qui m'a acceuillie, peut-être es-tu Grioonaute ?

Bien à vous tous.
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eikichi onizuka
Bon posteur


Inscrit le: 11 Juil 2006
Messages: 643

MessagePosté le: Lun 28 Avr 2008 17:23    Sujet du message: Re: Le Débat Africain du 27/04/2008 Répondre en citant

Farao a écrit:
Bonjour

Le Débat Africain, l'émission de Madeleine Mukamabano sur RFI, était aujourd'hui consacrée à Aimé Césaire et son héritage. Les invités: Achille Mbembé, Mamadou Diouf, Guy Rossatanga et Françoise Vergès.

Pour télécharger l'émission: http://www.rfi.fr/radiofr/editions/072/edition_15_20080427.asp


thanx
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http://nubiennes.skyblog.com
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Mayombe82
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Inscrit le: 28 Aoû 2005
Messages: 244

MessagePosté le: Lun 12 Mai 2008 18:09    Sujet du message: Répondre en citant

Salam la famille, Very Happy

Cela fait un moment que faute de temps je n’ai pu lire un post en entier ici Embarassed , que je n’ai pu intervenir. Depuis 13h45’, heure de Gaule, je lis et relis (politique, éco, histoire etc.) et au bout d’un moment je me suis dit : « Merde ! mais tu avais promis de chercher un texte de M-J pour l’envoyer à une frangine ! Que fais-tu ? »
Je lis, j’ai lu tous vos hommages au Nègre fondamental. Difficile de rester insensible quand la politocratie hewagonale tente de récupérer notre Aimé. Mais bon, je l’ai déjà envoyé dans certains journaux. Je me ferai violence ici.

Je vous le dis sans ambages: JE SUIS FIER DE VOUS TOUS ET TOUTES ICI ! Ce que vous avez écrit au sujet de notre doyen à tous et à toutes est tout simplement FA-BU-LEUX ! Ce n’est pas tous les jours en effet qu’au sein de notre communauté (ce mot ne me fait pas honte du tout) quelqu’un s’en aille sans diviser notre camp en 2, 10 ou 100. Même un frère qui m’a toujours dit qu’aux Antilles (où lui et moi ne sommes jamais allés), le plus important pour lui était F. Fanon, eh ! ben ce frère m’a rejoint à la Sorbonne pour honorer le vieux (je n’avais ni le temps ni les moyens financiers d’aller au stade Pierre Aliker – ce dernier : quel homme ! mais quel homme). Césaire m’a toujours ébloui.
Avant de le « rencontrer », j’étais hostile à la poésie – dès qu’on me prêtait ou m’offrait un ouvrage de poésie je le mettais de côté et le rendais après un temps « raisonnable » - depuis lors, j’ai appris à aimer la poésie.
Le jour où j’ai Discours sur le colonialisme, je me suis posé une seule question : « Pourquoi on ne m’a pas fait connaître plus jeune ce livre ainsi que Nations Nègres et cultures ? » {Et là je profite encore une fois pour dire à mon jeune frère Abiola qu’il a eu une chance inouïe de lire CAD avant 20 ans !} Ensuite, je me suis dit : « Tu as lu ce bijou qu’est Discours sur le colonialisme, à ton tour, que vas-tu faire ? » Evil or Very Mad
J’ai apprécié cette cérémonie, même si les… bref !
J’ai aimé le mot de Jean-Michel Martial et ce dont je me doutai m’a été confirmé : il est bien le frère bio de Jacques Martial.
Les animations étaient bonnes, enjouées, sans être excessives. Joyeuses sans être exubérantes.
J’ai ensuite regardé les obsèques sur mon ordi sacrifiant même l’Equipe du dimanche sur C+. La mobilisation de la Martinique m’a touché et franchement j’ai encore eu honte – même si je n’y suis pour rien – quand j’ai repensé à ceux et celles qui rendent hommage à la colonisation via un mémorial à Brazzaville.
Jacques Martial que j’avais eu le plaisir de croiser au Salon du livre en 2006 à la Porte de Versailles (Paris) m’a simplement ébloui ! Epoustouflé ! Quelle mémoire ! Ca donne envie de faire du théâtre, quand on l’entend !
Daniel Maximim, cet homme si fluet, avec sa belle voix.
Aimé Césaire ? En lingala et en kikongo nous avons une expression difficilement traduisible pour exprimer ce type d’individus : « A za moto mosusu ! » « Yandi ke muntu ya kaka ! » ce qui donne en français littéralement « C’est un autre homme ».
Chapeau bas ! Je ne pense pas que je serai digne de moi le jour où les miens m’auront incinéré, mais j’essaierai !
@+, M82


PS : Faute de temps, je n’ai pas pu lire tous vos hommages, mais je vous en prie, battons-nous battons nous ! Battons-nous ! On a perdu assez de temps !
_________________
Tambola na mokili, o mona mayandzi
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Bthank
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Inscrit le: 12 Juin 2008
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Localisation: Massachusetts

MessagePosté le: Ven 13 Juin 2008 14:25    Sujet du message: Répondre en citant

Paix a son ame.
Que la terre de nos ancetres de l' Afrique et Des Antilles lui soit legere
May God Bless Aime Cesaire
_________________
Il est imperatif que l’Afrique retablisse son mystère et respect disparus au cours de plusieurs siecles d’acculturation, se reconcilie entre-elle, reconstruise la capacité de son peuple et apprend de ses erreurs passées tout en confessant –pardonner, mais jamais oublier –Par Bthank -
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Chabine
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MessagePosté le: Ven 27 Juin 2008 00:45    Sujet du message: Répondre en citant

Le poète Aimé aurait eu 95 ans aujourd'hui, 26 juin 2008 Confused

Le numéro Hors série du Progressiste, organe du Parti Progressiste Martiniquais (le parti qu'il a crée en 1958 après avoir démissionné du Parti Communiste) nous offre dans son édition du 18 juin un poème inédit, manifeste du projet Césairien. Ce poème a été écrit sur la glorieuse terre d'Haïti, où il a effectué un fécond séjour en 1944.

L'oeuvre de l'homme ne fait que commencer...


Appel au magicien
Quelques mots pour une civilisation antillaise


Inédit d'Aimé Césaire


De toutes nos machines réunies, de toutes nos routes kilométrées, de tous nos tonnages accumulés, de tous nos avions juxtaposés, de nos règlements, de nos conditionnements, on ne saurait réussir le moindre sentiment. Cela est d'un autre ordre, et réel, et infiniment plus élevé.

De toutes vos pensées fabriquées, de tous vos concepts triés, de toutes vos démarches concertées, ne saurait résulter le moindre frisson de civilisation vraie. Cela est d'un autre ordre, infiniment plus élevé et sur-rationnel.

Je n'ai pas fini d'admirer le grand silence antillais, notre insolente richesse, notre pauvreté cynique.

Vous avez encerclé le globe. Il vous reste à l'embrasser. Chaudement.

Les vraies civilisations sont des saisissements poétiques : saisissement des étoiles, du soleil, de la plante, de l'animal, saisissement du globe rond, de la pluie, de la lumière, des nombres, saisissement de la vie, saisissement de la mort.

Depuis le temple du soleil, depuis le masque, depuis l'Indien, depuis l'homme d'Afrique trop de distance a été calculée ici, consentie ici, entre les choses et nous.

La vraie manifestation de la civilisation est le mythe.

L'organisation sociale, la religion, les compagnies, les philosophes, les mœurs, l'architecture, la sculpture sont figuration et expression de mythe.

La civilisation meurt dans le monde entier, parce que les mythes sont ou morts ou moribonds ou naissants.

Il faut attendre qu'éclate le gel poussiéreux des mythes périmés ou émaciés. Nous attendons la débâcle.

…Et nous nous accomplirons.

Dans l'état actuel des choses, le seul refuge avoué de l'esprit mythique est la poésie. Et la poésie est insurrection contre la société parce que dévotion au mythe déserté ou éloigné ou oblitéré.

On ne bâtit pas une civilisation à coups d'écoles, à coups de cliniques, à coups de statistiques. Seul l'esprit poétique corrode et bâtit, retranche et vivifie.

Les Antilles n'ont pas de civilisation, parce que les Antilles boudent la poésie. Scandaleusement. Nous avons perdu le sens du symbole. Le mot propre a dévoré notre monde. Scandaleusement.

La civilisation est participation généralisée à l'essence.

La civilisation est communion insolite généralisée.

Nous en sommes au stade de la masse. Et l'essence des faits comme du réel nous échappe, initiés que nous sommes aux seules applications grossières.

Seul l'esprit poétique lie et réunit.

L'urgence est de rétablir avec les choses un contact personnel, frais, contraignant, magique. La révolution sera sociale et poétique ou ne sera pas.

Je ne cache pas que j'attends tout d'une nouvelle barbarie.

La vraie civilisation est du domaine de l'obsession. La civilisation est une idée absurde qui, sentie et vécue intégralement, par là-même et par là-même seulement, devient vraie.

Je prêche l'obsession.

Le vrai idéal : la femme « possédée ».

Re-situer cosmiquement la joie et la douleur, l'acceptation et la création.

La civilisation naît de la franchise individuelle, de l'audace individuelle, de cette part de désordre individuel que chacun porte en soi, ce qu'il se doit d'élargir, de communiquer, et qui gagne de proche en proche comme les hauts feux irrésistibles.

Eteignoirs ne remplissez pas votre office.

Rendez-nous notre puissance d'émerveillement.

Je fais appel au magicien.

La civilisation n'est ni policière, ni mécanicienne. Elle n'est fondée ni sur l'ordre en tant qu'ordre, ni sur le travail en tant que travail. J'admire la perspicacité des poètes : les vrais. Baudelaire chantant l'inutile et le dandy. Mallarmé contempteur du pain. Rimbaud vomissant les « siècles à mains ».

Et Breton annonçant : « les métiers se fânent ».

Le vrai poète ne prêche pas le travail. Il prêche la disponibilité.

Pour mieux toucher le cœur des choses.

Je réclame le droit à la paresse.

Une nouvelle attitude envers l'objet. Après la bêtise exploitante qui est notre attitude, bourgeoise et confortable, il est riche d'importance et sain qu'André Breton rende à l'objet son pouvoir libérateur, catalyseur, dangereux, qu'il rende à l'objet profané sa dignité de mystère et sa force radiante, qu'il refasse enfin de lui ce qu'il n'aurait jamais du cesser d'être : le Grand Intercesseur.

Généralisée, cette attitude nous mènerait aux grands virages fous des renouveaux.

Je fais appel aux Enragés.


Rédigé en Haïti, le 20 mai 1944
_________________
"Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon
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Chabine
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MessagePosté le: Mer 06 Mai 2009 17:00    Sujet du message: Répondre en citant

http://livres.lexpress.fr/entretien.asp/idC=14913/idR=5/idG=8

Daniel Maximin: «Haïr, c'est encore dépendre»
par Marianne Payot


Alors que l'on commémore l'abolition de l'esclavage, l'écrivain guadeloupéen a rassemblé Cent Poèmes d'Aimé Césaire, des inédits visionnaires de sa femme, Suzanne, et publie son propre recueil de poésie. Il raconte sa fraternité avec ses grands aînés et se fait l'écho du «peuple roseau» antillais.

Pourquoi est-ce vous, l'écrivain poète guadeloupéen, qui coordonnez l'édition des poèmes d'Aimé Césaire le Martiniquais?
C'est une vieille histoire. En 1967, au sortir du lycée, j'étudiais à la Sorbonne les littératures comparées du monde et, tout naturellement, après les cours, je filais vers ce que nous appelions la «Sorbonne du tiers-monde»: la librairie Présence africaine, sise 25 bis, rue des Ecoles. On y était merveilleusement accueilli par Césaire, Senghor, Damas... Ils nous demandaient: «Racontez-nous vos désirs, vos espérances, montrez-nous ce que vous avez écrit et lisez», alors que nous, nous venions voir les grands. «Il n'y a pas d'aînés, il y a des frères», nous expliquaient-ils. C'est comme cela que s'est créée une espèce de fraternité avec l'homme, diablement enthousiaste, du Cahier d'un retour au pays natal, avec Senghor le Sénégalais, plus cool, plus calme, avec l'anthropologue Cheikh Anta Diop et ses idées extraordinaires sur le passé de l'Afrique, ou encore avec Léon-Gontran Damas, le grand médiateur guyanais, chez qui, par exemple, je suis allé lire les revues culturelles du monde noir (Tropiques, Légitime défense) pour préparer ma maîtrise sous l'égide d'Etiemble. C'était complètement fou, une véritable école de liberté individuelle, sans aucun paternalisme. Plus tard, j'exhortais Césaire, qui n'avait rien publié depuis Cadastre et Ferrements en 1960-1961, à éditer ses poèmes épars - il était plutôt désordonné, ses poèmes traînaient dans des chemises. Un jour, il m'a dit: «Bon, écoute, si tu veux le faire, occupe-t'en.» C'est comme cela qu'en 1982 est né Moi, laminaire. Je collectais, sa fille Ina tapait, et on portait le tout au Seuil. C'est d'ailleurs le premier poème de ce recueil, Calendrier lagunaire, qu'il a choisi trois mois avant sa mort comme épigraphe sur sa tombe.

D'où l'hommage étonnant, fusionnel, que vous lui avez rendu lors de ses obsèques?
On était en dialogue, oui, en connivence. Mais tout le monde vibrait: la Martinique, la Guadeloupe, Haïti; Cahier d'un retour au pays natal appartient à tous. Vous savez, Césaire est plus étudié aux Etats-Unis qu'en France. Quant à l'Afrique, n'en parlons pas. Tous les écrivains africains ont appris par coeur à l'école les pages du Cahier - «Nous sommes debout, mon pays et moi...» - comme on apprend en France les Fables de La Fontaine. Sans même savoir qui était Césaire ni où se situait la Martinique. Peu importe; plus même que Senghor, dont la poésie est liée à telle ou telle société africaine, tel ou tel mouvement précis de décolonisation, la poésie de Césaire représente une espèce d'élan universel.

Beaucoup moins connue que son mari, il y a Suzanne Césaire, dont vous nous donnez à lire aujourd'hui des textes surprenants, publiés dans la revue Tropiques entre 1941 et 1945. Vous semblez avoir été subjugué par sa prose?



Ah oui! et quel dommage qu'elle n'ait pas continué après 1945! Son article «Le grand camouflage», par exemple, est le plus beau texte qu'on ait écrit sur les Antilles. C'est tout simplement prophétique, visionnaire. Au fond, c'est elle qui a fait comprendre à ses contemporains la réelle dimension de l'Afrique d'avant la colonisation, grâce à ses lectures de philosophes allemands comme Leo Frobenius. Toute sa bande fréquentait alors la philosophie et le romantisme allemands. Ils y trouvaient, notamment dans Nietzsche, la condamnation de l'hyperrationalisme sur lequel l' «Euro-Amérique» a fondé sa puissance et l'idée de progrès depuis le xviiie siècle. Un univers dans lequel ils étaient mal à l'aise. Mais, contrairement à Senghor, Suzanne n'est pas du tout dans une thématique «Nègre contre Blanc». Elle considère que le monde entier, y compris l'Europe, est double et doit essayer de rétablir son équilibre. A tel point qu'elle pense qu'il faut aider Breton - de passage en Martinique en 1941 - à faire passer les idées surréalistes en Occident. Voyez qu'ils ne se sentaient en aucune manière aliénés ou inférieurs!

Vous rappelez qu'il faudra un certain temps aux dirigeants vichystes de la Martinique avant de prendre conscience du caractère révolutionnaire de la revue Tropiques. Comment ses fondateurs, les Césaire, Ménil et autres, tous alors enseignants, ont-ils réussi à détourner l'attention de la censure?



Dans un premier temps, Vichy est plutôt antijacobin. Le régime pétainiste accepte un certain régionalisme et dit qu'il faut laisser les Antilles exprimer leur identité. Jusqu'au jour où l'on trouve que ces sympathiques professeurs vont trop loin. Car leurs textes et leurs poésies «libératrices» sont de véritables bombes éruptives à retardement. La poésie, qui ne respecte pas la rhétorique, est bien le point ultime de la liberté de la langue. C'est d'autant plus vrai que, chez nous, la langue a été imposée. Du coup, dans nos littératures, nous avons longtemps été prisonniers du récit réaliste: nous étions chargés de reproduire l'histoire «vraie», celle qui n'avait pas été dite. Mais nous avons transcendé cette injonction avec ce que les Haïtiens appellent le réalisme merveilleux, c'est-à-dire l'introduction de l'imaginaire, du poétique partout, y compris dans le discours politique et le théâtre.

Outre votre oeuvre poétique, vous avez publié des essais, dont Les Fruits du cyclone, dans lesquels vous parlez de la Caraïbe comme d'une «civilisation roseau, édifiant sa fertilité à partir du déracinement». Qu'entendez-vous par là?
C'est la fameuse image du chêne et du roseau. L'Europe, où l'on s'abrite à l'ombre du chêne, considère que, s'il n'y a pas l'ancienneté, si on ne connaît pas sa généalogie, on ne peut pas savoir qui l'on est. Je pense que c'est faux, qu'on peut être né sous X et exister, créer, fleurir. En outre, nous avons, nous, Caribéens, été aidés par notre géographie archipélagique. Nous sommes sur des îles, comme des oasis au milieu du désert, seuls, mais, face à nous, il y a d'autres îles, qui portent l'espérance. Ainsi, depuis son indépendance en 1804, Haïti a symbolisé l'espoir de la liberté pour tous les esclaves. Plus tard, pendant la guerre, les dissidents ont quitté la Martinique et la Guadeloupe pour aller en canot à rame à Sainte-Lucie et en Dominique, alors anglaises. De là ils ont rejoint le New Jersey et ont formé les fameux bataillons antillais de la France libre, les Free French.

Nous approchons du 10 mai et de la célébration de l'abolition de l'esclavage. Est-ce une date très importante?
La commémoration a un sens si elle n'est pas déviée. Car, plus important que le devoir de mémoire, il y a le droit à l'Histoire. Il faut que toute l'Histoire soit dite: pas seulement celle des douleurs, mais surtout la plus cachée, celle des résistances. La mémoire doit autant privilégier la parole des opprimés que la condamnation du discours de l'oppresseur. Elle doit montrer que l'esclavage a perdu, qu'il n'était pas fait pour fonder des sociétés, des cultures. Donc il ne doit y avoir ni ressentiment, ni ressassement, ni posture victimaire. Césaire disait: «Attention, haïr, c'est encore dépendre

Tous les Antillais pensent-ils comme vous?
Le peuple et les artistes, oui, le conçoivent comme cela. La danse contre la chaîne, la parole contre le mutisme... Tout ce qu'on a écrit, fait, chanté, dansé est marque de résistance. Mais la mémoire peut être manipulée, bien sûr. Il existe des stratégies d'utilisation de l'Histoire pour son profit ou par lâcheté. Ainsi, certains légitiment leurs faiblesses en disant: «Ce n'est pas de ma faute, car mes ancêtres étaient esclaves Je leur réponds qu'en invoquant ainsi leurs ancêtres ils renient leur héritage, la capacité de résistance dont ils ont justement hérité.

Cet hiver Rolling Eyes a été chahuté aux Antilles. S'agit-il d'un malaise profond?
Je ne parlerais pas de malaise. Il y a eu, au contraire, dans la manifestation populaire de cet hiver, un acte d'affirmation de son identité. C'est un peuple debout et libre qui a exprimé une force tranquille pour dire: «Voilà nos exigences par rapport aux déviations politiques, économiques et structurelles actuelles.» La revendication d'un meilleur équilibre de vie a vite pris le pas sur le reste. Ainsi de la société de surconsommation antillaise, dont nous partageons grandement la responsabilité. Dans un éclat de lucidité, le peuple s'est demandé si avoir plus de grands magasins, plus de voitures, plus de 4 x 4 était bon pour notre xxie siècle. Ces semaines de grève ont eu, comme les cyclones, une fonction positive. Les Amérindiens disaient déjà que «le cyclone vient détruire tout ce qui n'aurait pas dû être construit». Resurgit alors la philosophie profonde du peuple antillais, du peuple roseau: il ne s'agit pas de s'enchaîner à la modernité, au profit et au progrès. Il nous faut assumer notre condition de roseau, qui, encore une fois, n'est pas moins solide que le chêne. Il sait, lui aussi, résister aux violences du monde.
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