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Budomel vend des esclaves à Ca Da Mosto

 
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 07 Déc 2006 04:09    Sujet du message: Budomel vend des esclaves à Ca Da Mosto Répondre en citant

Alvise Ca Da Mosto a écrit:
Je dépassai ce fleuve de Sénégal avec ma caravelle et parvins au pays de budomel, lequel pays se trouve à environ 80 milles du fleuve, sur la côte qui, depuis ce fleuve jusqu'à Budomel, est plate et basse. Ce nom de Budomel n'est pas un nom propre, mais le titre du seigneur ; on l'appelle terre de Budomel comme l'on dirait terre de tel seigneur ou de tel comte.

[...] Il [Budomel] m'invita chez lui, dans l'intérieur des terres, à environ 25 milles de la côte. Là on allait me payer tout ce que l'on me devait, pourvu que j'attende quelques jours. Il m'avait promis cent esclaves pour mes chavaux et marchandises. [...] Je me rendis donc à Budomel, dans l'intérieur des terres. [...] Je demeurai là vingt-huit jours [...]

Je dois d'abord vous avertir, bien que ces gens aient le titre de seigneur, de ne pas vous imaginer qu'ils aient des châteaux ou villes ; même le roi de ce pays, comme je l'ai suggéré plus haut, ne règne que sur des villages et des paillotes. Or ce Budomel est le seigneur d'une petite partie de ce royaume qui lui-même n'est que peu de chose.

[...] Dans le village où j'ai séjourné et qui était l'une de ses résidences, on pouvait compter entre quarante-cinq et cinquante huttes de paille, dressées l'une à côté de l'autre, ceintes d'une palissade formée de haies et d'arbres épais, interrompues en un ou deux points en guise de porte. [...] Budomel a, au bas mot, deux cents Noirs qui ne le quittent pas et le suivent partout.

[...] Le prix d'un cheval harnaché vaut entre neuf et quatorze têtes d'esclaves, selon la robustesse et la beauté du cheval. [...] Après avoir pris congé de ce seigneur et obtenu un certain nombre d'esclaves, je résolus de continuer ma route et doubler le cap vert, à la recherche de nouveaux pays et en quête de la fortune.

[Alvise Ca Da Mosto, "Voyages en Afrique Noire (1455 & 1456)", éd. Chandeigne/UNESCO, 2003, pp61-82]

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Dernière édition par OGOTEMMELI le Jeu 23 Aoû 2007 16:59; édité 1 fois
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 07 Déc 2006 04:45    Sujet du message: Répondre en citant

A la page 136 du livre cité en référence ci-dessus, une note de la traductrice, Frédérique VERRIER, nous renseigne sur ce que c'est qu'un "Budomel" : "[...] Budomel est une contraction de Bour (roi en ouolof) et Damel (seigneur du Cayor, une des provinces du Sénégal occidental). Le pays de Budomel correspondrait au royaume du Kayor, soumis à l'empire ouolof ; le titre de budomel fut porté par les souverains du Kajor jusqu'à la colonisation."

En s'en tenant à cette étymologie, Budomel signifierait roi/Bour-seigneur/Damel du Cayor Rolling Eyes . Ce qui me pose problème. Sans compter que la description faite par Ca Da Mosto du pays de Budomel ne me semble pas être celle du Kajor au XVè siècle (1455) : la région du Cayor confine au fleuve sénégal ; or c'est en "dépassant" ce fleuve avec sa caravelle qu'il arrive au Budomel, "environ 80 milles" (150km) plus loin.

Et si Budomel se traduisait plutôt par "Damel du Buré"?
C'est-à-dire l'administrateur de la province du Buré, région aurifère initialement intégrée à l'ensemble politique de la Fédération du Mali. Laquelle fédération est sur le déclin au XVè siècle (et surtout au XVIè), certaines de ses provinces, particulièrement celles du sud-ouest (dans le bassin du fleuve Gambie), en profitant pour s'autonomiser progressivement, notamment grâce à l'appui économique et militaire des Portugais (afflux d'armes et chevaux pour la guerre).

Cette "réserve d'or" était très convoitée par les forces politiques concurrentes du Mali sur le déclin, notamment par le Tekrur et le Songhay (HGA, tome IV, chap. 6&7). Donc un contexte politique afro-africain particulièrement tendu, conflictuel, dans la partie occidentale de la fédération du Mali, et des pays frontaliers. Contexte d'instabilité propice aux guerres fréquentes et à leurs cortèges de vaincus, qui sont autant de captifs récyclables (entre autres) en "esclaves" pour les négriers européens et orientaux.

Un tel contexte pourrait expliquer les dipsositions ultra sécuraitaires du Budomel, toujours entouré d'une nombreuse garde rapprochée ("deux cents noirs qui ne le quittent pas"). De même qu'il motive ce besoin aigu de chevaux, dont Ca Da Mosto indique clairement qu'ils sont destinés aux combats.
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Ven 08 Déc 2006 05:45    Sujet du message: Répondre en citant

Ca Da Mosto a écrit:
Il [Budomel] faisait alors appeler les Aznègues ou Arabes qui résident chez lui, un peu à la manière de nos prêtres, parce que ce sont eux qui l'instruisent dans la loi mahométane. On entrait dans une grande cour avec les grands du royaume. Puis Budomel faisait deux pas en vant, proférait quelques mots à voix basse, levait les yeux au ciel, s'étendait de son long sur la terre qu'il baisait. Il se relevait et recommençait ce manège dix à douze fois qui durait environ un quart d'heure.
[p68]

On reconnait ci-dessus une séance de prière musulmane, ce qui indique que Budomel avait adopté "la loi mahométane". On note également des "Aznègues" (Berbères) et des "Arabes" dans son entourage. Ce passage me confirme dans l'idée que Budomel n'était pas le seigneur du Cayor, comme pense la traductrice.

En effet, selon CAD "les sept dynasties cayoriennes [...] n'ont jamais embrassé l'Islam". Et si Latdjor Diop l'a fait (au XIXè siècle), c'était par diplomatie, afin de "trouver de nouveaux alliés au Saloum" dans sa "résistance opiniâtre à Faidherbe". (cf. "L'Afrique noire précoloniale", éd. Présence Africaine, 1987, p52)

Dans la Fédération du Mali, comme antérieurement dans celle du Ghana, les mouvements sécessionnistes ont eu souvent partie liée avec l'expansion de l'islam en Afrique occidentale. En sorte que si Budomel est "Damel du Buré", alors il n'est plus/pas un fonctionnaire de l'administration mali nka, puisque Damel n'est pas un titre de cette administration. Tout au plus, continuerait-il de payer quelque tribut au Mansa Mali, puisque à ma connaissance le Buré était encore dans le giron mali nka en ce milieu du XVè siècle. Ce qui ne sera plus le cas quelques décennies plus tard.

Ca Da Mosto reste vingt-huit jours à Budomel : est-ce le temps requis par ses hôtes, afin de rassembler sa "commande" d'esclaves?
D'ailleurs, c'est le lieu de rectifier le titre du topic. En effet, ce n'est pas Budomel qui "vend", car l'initiative de cette transaction est prise par le Vénitien. Lequel a affrété spécialement une expédition sur les côtes africaines en vue de vendre des marchandises européennes contre, notamment, des captifs nègres. C'est donc Ca Da Mosto qui "vend" à Budomel ; celui-ci payant dans l'une des "monnaies" prisées par les Européens à l'époque, dont pour rassembler le montant il a dû prendre un délai d'environ un mois.

Notons que Budomel aurait promis "cent esclaves" pour un lot de marchandises (dont des chevaux) qui n'avait pas "coûté moins de 300 ducats" (p62). Mais Ca Da Mosto ne précise pas la quantité d'esclaves qu'il a effectivement reçue. Il indique juste "un certain nombre" (p82).

Ce délai m'indique que Budomel ne pas disposer en propre d'un entreprôt à bois d'ébène, d'une "esclaverie". Il devait probablement se faire fournir, peut-être, par ses co-religionaires "Aznègues" ou "Arabes" dont la chasse à l'homme était l'une des activités de prédilection...

Auquel cas, la position tenue ici par Budomel (mais qui a pu évoluer par la suite...) dans cette transaction était celle de négociant. Or, dans toute la période de la Traite des Noirs, à part le "Dada de Dahomey", les plus riches négociants en bois d'ébène sur les côtes africaines étaient soit des Blancs, soit leurs nombreuses progénitures locales...

Par conséquent, les rares exemples africains avérés ne peuvent pas dissimuler les centaines de forts, châteaux, comptoirs européens disséminés sur les côtes africaines, et dont la quasi-totalité des gouverneurs (ou autres administrateurs) européens qui s'y sont succédé a négocié du bois d'ébène pour son propre compte, aussi bien que pour le compte de leurs employeurs résidents en Europe ou en Amérique. Ce qui fait plusieurs milliers d'Européens ayant quotidiennement trafiqué du bois d'ébène sur les côtes africaines pendant des siècles, brassant individuellement les plus gros volumes de cette denrée, qu'ils stockaient dans des entrepôts, baracons, ou esclaveries. Edifices spécialisés, dont certains pouvaient contenir un bon millier de captifs.

Au nombre de leurs employeurs figuraient les principales monarchies, aristocraties et bourgeoisies européennes. Toutes sortes d'élites occidentales directement intéressées à la déportation de millions de nègres au fil des siècles (dont la responsabilité est trop rarement relevée, avec toutes les conséquences implicites...).

Bref, si j'ai pris cet exemple de Budomel, c'est pour insister sur le fait que bien souvent les cas de "rois nègres vendeurs de bois d'ébène" que l'on cite ne sont pas attentivement examinés. Des toponymes mal assurés, une onomastique imprécise, et voici mitonnée l'affiche d'Africains qui se vendaient eux-mêmes aux Blancs. Les conditions particulières de chaque cas invoqué devraient toujours être instruites avec la plus grande minutie, afin d'éviter amalgames et distorsions...
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Sam 09 Déc 2006 23:29    Sujet du message: Répondre en citant

Citation:
C'est donc Ca Da Mosto qui "vend" à Budomel ; celui-ci payant dans l'une des "monnaies" prisées par les Européens à l'époque, dont pour rassembler le montant il a dû prendre un délai d'environ un mois.

Il importe vivement d'employer les termes précis qu'il convient pour relater les faits avérés : une monnaie est l'étalon de la valeur d'échange des biens et services dans un contexte économique (espace-temps) donné.

Sur les côtes africaines, le captif nègre était une marchandise permettant d'acquérir toutes autres, à l'aune de laquelle la valeur d'échange des autres était mesurée. C'était donc bel et bien devenu une monnaie, au même titre que la poudre d'or chez les Akan, la pièce d'or chez les Mali Nka, ou encore la barre de sel, les cauris, le cuivre, le fer, des coupons de tissu, etc.

A ma connaissance, ce type de monnaie-marchandise-humaine n'est attesté dans aucune société africaine anté-yovodah. Les quelques faits économiques intra-africains documentés antérieurement aux Blancs comportent des indices d'usage de divers instruments monétaires, mais pas d'étalon-captif. Pourtant les phénomènes monétaires négro-africains sont très anciens, millénaires...

Hugh Thomas donne une liste conséquente du cours de nombreuses marchandises de traite en étalon-captif, au fil des siècles. Cependant, le titre de ce document annexe (pp871-873) est "Aperçu des prix des esclaves entre 1440 et 1870". Il y a dans ce titre, sinon un contre-sens, du moins un amalgame. En effet, quand on dit "1440 : en Sénégambie, un cheval vaut de 25 à 30 esclaves", on exprime bien la valeur d'un cheval dans une monnaie-esclave. Par conséquent, ce n'est pas le "prix" de l'esclave qui est donné (il serait alors de 1/25 à 1/30 de cheval Rolling Eyes ) ; mais c'est bel et bien le prix du cheval en étalon-esclave qui est estimé.

Il s'ensuit que sur les côtes africaines, les esclaves n'étaient pas vendus. Ils servaient à payer l'achat des marchandises apportées par les négriers européens. Ces derniers acceptaient d'autres types de monnaie, comme le Bèna des Ashanti, un étalon-poudre d'or. Mais ils préféraient tout particulièrement la monnaie-captif, qui devenait une précieuse marchandise aux Amériques : "1657 : au Brésil un esclave se vend 22000 reals [...]". Ce n'est plus le captif nègre qui étalonne la valeur des biens, mais c'est la valeur de l'esclave qui est exprimée en "reals".

En effet, de l'autre côté de l'océan le captif africain perdait généralement sa fonction monétaire pour devenir un outil de production, en fait la principale source énergétique de l'économie coloniale des plantations et exploitations minières. Quant à la poudre d'or africaine, elle était beaucoup moins attrayante que les flots de pépites d'or de "l'eldorado". On comprend pourquoi la monnaie-captif lui fut préférée de loin, et que cette marchandise-monnaie humaine fut demandée par les Européens, presque exlusivement à toute autre.

Ce sont donc bien les fournisseurs européens qui imposèrent progressivement l'étalon-captif à leurs clients africains. En sorte qu'il est abusif de prétendre que les Africains vendaient les leurs.

Ce n'est pas une simple question de subtilité terminologique, cela souligne les nombreux risques de distorsions induits par un raisonnement commercialiste déroulé imprudement par des historiens peu spécialistes des questions économiques. L'une des bizarreries de l'historiographie occidentale consiste au fait que la traite des Noirs est carrément absente des ouvrages d'histoire économique du capitalisme. Tandis que l'économicisme est omniprésent dans l'histoire de la Traite...
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