KALONDJI Grioonaute
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Posté le: Mer 09 Mar 2005 00:51 Sujet du message: Christiane Taubira, une femme en or |
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L’emblématique députée de Guyane, Mme Christiane Taubira a fait l’honneur à la rédaction d’Afrikara.com de lui réserver son analyse de l’effervescence médiatique autour de ce que le quotidien Libération du 22 février 2005 appelait Le Malaise Noir, en marge d’une nouvelle affaire dite Dieudonné.
Entre réunions, avions et un emploi du temps pléthorique en perpétuel réaménagement, l’auteure de la loi historique du 10 mai 2001 faisant de la Traite des Noirs et de l’Esclavage un crime contre l’humanité a confirmé ses propos rapportés par Libération, en approfondissant son point de vue sur le nœud du problème, l’exclusion des Noirs de France, leur invisibilité sociale.
Christiane Taubira réfute d’emblée le prisme «trop globalisant» de Noirs souvent utilisé par commodité ou avec le regard suranné d’une masse informe, indifférenciée, qui ferait le lit d’une vision médiatique simpliste d’une complexité humaine.
En effet, une «exclusion commune basée sur l’apparence nous rassemble» pourtant les situations sont irréductibles à une prise unique exclusivement articulée sur le derme dit la députée. L’exclusion et les problèmes rencontrés par une femme de ménage, ses cadences de travail impossibles, ses horaires, ses droits sociaux n’ont rien à voir avec le parcours du combattant d’un chercheur noir, pour trouver un éditeur, gagner sa notoriété sur ses travaux universitaires, signer ses publications scientifiques, obtenir une chaire.
Les discriminations et les formes d’exclusion « varient selon les catégories socioprofessionnelles », selon les milieux et contextes sociaux, spatiaux, et se transforment dans le temps. Les rejets sur le terrain de l’embauche ou sur celui de logement, de l’accession à la propriété, du crédit s’ajoutent à « un indicible sentiment de souffrance » que le travail de mémoire [bloqué] sur l’histoire de la traite négrière n’a pas apaisé.
Il y a un passage de la frustration à l’exaspération chez les jeunes générations qui ont enculturé et intériorisé un inconscient collectif lié aux violences physiques hier, symboliques et sociales aujourd’hui de l’ancien l’empire colonial, responsable de leur appartenance de facto à l’espace français.
«Si la société reste sourde, je ne préjuge de rien» a tenu à rappeler Christiane Taubira après l’avoir déjà martelé sur d’autres supports, pointant une pierre d’achoppement entre le modèle républicain et les Noirs français de différentes origines. Cette mise en garde accrédite un regard sociologique plutôt que polémique en marge de la médiatisation de l’affaire Dieudonné, le premier sinon un des premiers à mettre en avant de façon systématique la question noire, celle de l’histoire coloniale traumatique de la France avec les mondes noirs.
Cette perspective est développée avec une attention clinique portée aux mouvements de mobilisations des communautés noires de France. Pour un faisceau de raisons là encore impropres à une qualification définitive univoque, les apprentissages sociaux de la mobilisation des Noirs en sont à leurs balbutiements et les regroupements visibles qui se multiplient -marches, rencontres, commémorations, …- ne traduisent pas la demande de reconnaissance des Noirs de France. La députée de Guyane aime à répéter à la suite de l’immense poète et penseur martiniquais ce constat grave mais réaliste : «Nous ne savons pas faire foule».
Pourtant précise t-elle, face à cette exclusion commune les outils républicains existent qui permettraient de «forcer les autorités à nous écouter». En matière légale la loi de 2001 crée une légitimité pour des actions volontaristes de revendications, de plus, la charge de la preuve a été aménagée en faveur des victimes pour rendre le droit plus effectif dans la pénalisation des actes de racisme.
Les dispositifs institutionnels contre le racisme pourtant ne mentionnent quasiment pas les cas de racisme anti-noir dans la France d’aujourd’hui, ce qui est pour le moins un tour de force ! A cela Christiane Taubira qui a plusieurs fois saisi le gouvernement dans le cadre des questions à l’Assemblée sur les discriminations protéiformes frappant les Noirs, renvoie la balle dans le camp de la communauté : «Personne ne s’occupera de nous si nous ne bougeons pas !».
Heureusement la calamiteuse vente aux enchères d’objets en relation avec la traite négrière du 12 janvier 2005 contre laquelle une action en justice s’était interposée a montré une mobilisation en marche et le bien fondé de celle-ci. Il est regrettable nous confie Christiane Taubira que certains membres de la communauté aient voulu jouer comme trop souvent une équation personnelle, mais cette affaire de vente aux enchères a illustré un processus de mobilisation en marche et c’est de bon augure.
ZB |
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