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Interview de CHARLES KONAN BANNY, un fossoyeur de l'Afrique

 
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Auteur Message
Yazol
Grioonaute 1


Inscrit le: 22 Fév 2005
Messages: 108

MessagePosté le: Jeu 26 Mai 2005 09:00    Sujet du message: Interview de CHARLES KONAN BANNY, un fossoyeur de l'Afrique Répondre en citant

Interview de CHARLES KONAN BANNY, un fossoyeur de l'Afrique et ami des colons
http://www.lequotidien.sn/marches/index.cfm?var_marche=20

Le Quotidien
Article publié dans l'édition du Mercredi 25 mai 2005

Le gouverneur de la Bceao dégage, pour ceux qui ne l’aperçoivent que de loin, un air de distance austère, qui contraste fortement avec ce sens de l’humour très ivoirien, que parvient difficilement à étouffer la carapace du devoir de réserve dont ses fonctions l’obligent à se parer. A chacune des «Marches du Quotidien» que le gouverneur Charles Konan Banny a gravies avec la rédaction, est apparu de plus en plus nettement, le visage d’un homme amoureux de son pays, et soucieux du devenir de son continent.

Mais aussi, et surtout, un personnage qui sait qu’il peut encore être utile à la Côte d’Ivoire, au Sénégal, et à l’Afrique, à n’importe quelle position de service. Ayant une très haute opinion de ses responsabilités, il ne pratique pas pour autant la langue de bois. De lui, on pourrait aussi dire qu’il sait être nuancé, bien que direct. D’ailleurs, à un moment, il s’est reconnu, en riant, quelque ressemblance avec certains personnages publics de nos contrées, dans la façon, on dirait hégémonique, d’exercer ses responsabilités. Et pourtant, l’homme dégage une telle chaleur, une telle vitalité, qui ne peuvent venir que de la passion dont se nourrissent les hommes convaincus de la noblesse de leur cause. Il n’a esquivé aucune question, tout en donnant la réponse qu’il lui plasait d’y apporter. Les propos ont été francs, et très détendus, malgré tout. La rigueur du langage écrit oblige à dénaturer un peu la saveur du langage de l’interviewé. Mais il en est resté suffisamment pour que le lecteur tire plaisir, autant que la rédaction, à parcourir en sens inverse ces Marches que le gouverneur Banny a gravies avec dextérité.

HOMMAGE AU PROFESSIONNALISME

Ce n’est pas courant de ma part de me retrouver dans une conférence de rédaction. De ma vie professionnelle, c’est la deuxième fois que je me livre à cet exercice. Si je m’en réfère à ma première expérience, c’est un exercice redoutable (rires). Mais, j’ai accepté de prendre le risque. Chaque corps de métier a une déontologie, le monde est régulé comme cela. Votre métier est un métier essentiel. Vous avez besoin de crédibilité, l’Afrique a besoin de crédibilité, et celle-ci passe par la façon dont vous, qui êtes les porte-voix des opinions africaines, ou censés l’être, exercez ce métier. La meilleure façon pour moi, c’est d’être professionnel. Il n’y a pas de journalisme au rabais. Je lis avec autant d’intérêt Le Quotidien que Le Monde ou d’autres. Mais Le Quotidien est une référence. Ma présence ici, je vous prie de le croire, c’est pour célébrer cela.

Ces temps-ci, il y a des explosions de journaux dans nos pays. J’observe les mouvements. Dans les autres pays, depuis 1990, il y a une explosion de la presse. Je ne suis pas sûr que cette explosion était toujours contrôlée ou bien même, quoi que le mot ne soit pas correct, maîtrisée. Maîtrisée dans le sens que je viens d’indiquer, c’est-à-dire avec encore plus de professionnalisme. Je suis venu ici parce que, le professionnel, c’est celui qui le reste délibérément alors même qu’il peut faire du chiffre. Ce qui fait du chiffre aujourd’hui, c’est le sensationnel, et le terreau du sensationnel, c’est la rumeur. Dans la rumeur, vous trouvez du sensationnel et l’invention. Je connais des pays où les journalistes se réunissent dans une salle et inventent des choses parce qu’ils savent que cela va avoir du succès. C’est vrai ce que je vous dis là. Ils cherchent du sensationnel. Ce jour-là, ils battent les records de vente. C’est dérisoire, parce que ce n’est pas avec la vente qu’on nourrit le personnel. Donc, nous sommes là, dans un monde de virtualité, de rumeur, de sensationnel, de scoop, comme on dit. Mais ce n’est pas tous les faits qui sont des scoops. Et pourtant, beaucoup de vos collègues préfèrent les scoops.

Je suis venu ici pour dire que je vous rends hommage. Parce qu’à un moment précis, votre directeur a préféré la réalité au scoop, la vérité aux rumeurs. Comme le disait un chef d’Etat, la rumeur, elle vient du sol, elle est nauséabonde. L’inspiration vient de là-haut, l’inspiration est divine.

QUINZE ANS A LA TETE DE LA BANQUE CENTRALE

J’ai eu cette grâce, puisque c’en est une, d’être le premier responsable de la Banque, quinze ans durant. Mais l’autre grâce qui est importante à signaler, c’est que j’ai eu la chance de participer à cette grande aventure humaine de reconstruire, de reprendre en main une institution africaine qui, il y a trente ans et plus, n’était pas entre les mains des Africains. En 1974, une grande réforme a été faite par les chefs d’Etat pour faire en sorte que leur institut d’émission devienne une véritable Banque centrale.

Je dis que c’est un honneur parce que j’ai eu la chance de participer à tout cela. A cette période-là, j’avais la trentaine et à un niveau qui m’a permis de participer à la conception et à l’élaboration de tout ce qui fait la Banque centrale aujourd’hui. Il n’y a pas un domaine dans lequel je n’ai pas participé. Si je devais résumer en quelques mots le bilan, je dirai qu’en 1974, c’était un pari à peine envisageable. Parce que, l’équipe dirigeante, composée de Français, qui était tapie dans l’ombre, était persuadée que quelques mois après, nous serions obligés de les rappeler, incapables que nous sommes en tant qu’Africains, de gérer une monnaie, qui était considérée comme une matière ésotérique, à nulle autre pareille, inaccessible à des Africains, trop compliquée pour eux.

C’est difficile de faire un bilan de 30 ans en quelques mots. Je vais essayer de dire très simplement, pourquoi je pense que nous avons réussi. D’abord, la Banque centrale, c’est quoi ? C’est, dans la répartition des tâches, l’institution à laquelle on a conféré un privilège à nul autre pareil, d’émettre la monnaie. C’est la synthèse de l’économie de l’émettre et de faire en sorte que cette monnaie soit désirée et qu’elle soit la juste représentation des actifs économiques de chacun.

Le rôle de la Banque Centrale, c’est de garantir cela, de faire en sorte que le fruit du travail qui est synthétisé dans cette monnaie soit préservé, que sa valeur interne et externe soit préservée. Pour nous, c’est important, parce que nous avons une monnaie qu’on appelle, librement convertible, qui se compare à tout moment aux monnaies étrangères.

La valeur interne de notre monnaie, le pouvoir d’achat à l’interne, c’est de la responsabilité de la Banque centrale. Pour cela, les Banques centrales dans leur politique monétaire, dans l’exercice de ce privilège qui leur est conféré ne doivent pas trop en faire pour compromettre cette valeur-là. Soit en faisant marcher, plus que de raison, la planche à billets, de telle sorte que cette monnaie, qui serait mise en quantité non nécessaire sur le marché, n’aurait plus de valeur. On se retrouverait avec une monnaie de singe, et ce ne serait plus la juste représentation du flux de travail de chacun. Donc la préservation de la valeur de cette monnaie par la maîtrise de l’inflation. Nous, nous raisonnons sur le long terme. C’est à long terme qu’il faut assurer que la valeur de la monnaie est préservée. Donc, la stabilité des prix est l’objectif, la mission essentielle de la Banque centrale. En termes de bilan, quand vous regardez les chiffres, s’il y a une seule réussite incontestée et incontestable de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, c’est bien cela.

En termes de bilan, il était difficile au moment où on faisait la dévaluation de 1994 de penser que 7 pays, ajoutés à six pays de l’Afrique centrale, en plus des Comores, pouvaient réussir une dévaluation d’une si grande ampleur. Eh bien, nous l’avons réussie. Immédiatement après la dévaluation, de manière mécanique, le taux nominal d’inflation était de 33% après une dévaluation de 50%, ou 100%, c’est selon. Et quelque deux ans après, nous étions revenus à un taux d’inflation à un chiffre. Donc, la désinflation a été organisée de manière extraordinaire dans tous les pays. Et donc, la crainte majeure n’a pas eu lieu. On craignait aussi le désordre social. Il n’y a pas eu de désordre social, parce qu’on a coordonné. Et pour cela, il faut rendre grâce à tous les travailleurs qui ont compris que c’était un nouveau départ, que c’était un moment difficile à passer, mais que nous étions en train de fouetter notre économie, au sens où cette mesure devait favoriser les exportations. Nous avons réussi à dégonfler les prix, nous avons maîtrisé l’inflation. En même temps, nous avons continué à accompagner les économies tant que les réformes structurelles étaient menées par les Etats. Je dois dire d’ailleurs, que sur ce plan-là, nous n’avons cessé de faire des réformes qui sont dans notre domaine. C’est pendant ce temps-là que nous avons approfondi le marché monétaire, le marché financier, que nous avons fait créer la Bourse régionale des valeurs mobilières. C’est pendant ce temps-là, c’est important puisque j’étais celui qui avait lu le communiqué en la matière, après y avoir travaillé pendant deux à trois ans, que nous avons dit qu’il fallait créer un espace économique intégré, en ajoutant à l’Union monétaire une union économique. D’où, l’Union économique et monétaire ouest-africaine, qui est le deuxième bébé de la Bceao, le premier bébé étant la banque ouest-africaine de développement. L’Uemoa est née ici, elle est née de notre initiative, personne ne nous l’avait imposée. Ma vision est que quand on fait quelque chose, on doit aller jusqu’au bout. Il n’était plus possible de penser qu’on pouvait de manière pérenne avoir une monnaie commune, sans essayer d’avoir un espace économique commun ou intégré. A une monnaie commune, économie intégrée, sinon ce n’est pas la peine.

AUDIT DE LA BANQUE DEMANDE PAR WADE

D’abord, il ne faut pas qu’on ait peur de ce mot. Quand on parle d’audit, il y a toujours une connotation péjorative, qui inquiète. Non. Cela fait partie des normes de gestion. Je dois dire que, bien que je ne puis aller dans les détails, il ne se passe pas une année où on ne fait pas d’audit à la Banque centrale. L’audit opérationnel, l’audit des comptes, l’audit des procédures, etc. Le monde est régi maintenant par des normes. Nous, notre souci permanent depuis 30 ans, ce n’est pas seulement depuis 2000, c’est de faire de la Banque, une Banque centrale qui soit aux normes internationales. Donc, on n’a pas peur de cela. Je ne souhaite pas qu’on donne une connotation autre que cela. Qu’est-ce qu’il a voulu savoir le Président (Wade) ? Le président a un certain nombre d’idées. Par exemple, il a dit qu’il y a trop de personnel à la Banque Centrale. Je lui répondu, «M. le Président, j’ai les chiffres contraires. Nous sommes en sous-effectif. Mais vous avez l’impression qu’il y a trop de gens, parce que le siège (de la banque) est à Dakar. Vous avez le siège à Dakar, vous avez une agence à Dakar, donc vous voyez trop de gens». Si le siège n’avait pas été à Dakar, on aurait amputé de sa vue ou de la vue des Sénégalais, au moins 700 personnes. Donc, dans ces conditions, c’est peut-être un œil extérieur qui va nous départager. J’ai donné toute la documentation. Le nombre d’agents comparé. Par exemple, pour 80 millions d’habitants, nous sommes 3 800 agents, y compris le petit personnel, sur l’ensemble des 8 pays et des 25 sites. J’étais avec l’ancien directeur du trésor français. Il a dit au président : «La France a 55 millions d’habitants, la banque de France a douze mille agents.» Il y a des choses comparables. Quand on parle de normes, c’est pour pouvoir comparer. Eux qui sont plus avancés dans la technologie que nous, ils ont 12 mille. Nous qui devons travailler en intensité de main-d’œuvre, comme on dit, nous avons 3 800. Voilà déjà un exemple. Mais cela ne suffit pas. Celui qui veut être convaincu est convaincu. La meilleur façon de le faire, c’est peut-être d’appeler un œil extérieur. Mais il ne trouvera pas autre chose. Deuxièmement, le Président (Wade) et d’autres chefs d’Etat, car il n’y a pas que lui. Mais lui particulier, puisque vous l’avez cité, ont voulu voir l’adéquation des structures avec les missions. De vous à moi, ça c’est mon travail hein !

Il faut toujours travailler selon les textes. Les textes disent que le gouverneur est responsable de l’organisation des services. Cela peut sembler inadéquat, mais c’est moi le patron. Je l’ai fait et cela a fonctionné pendant trente ans. Cela, parce que nous l’adaptons régulièrement en fonction des missions.

Troisièmement, il voulait savoir, il ne l’a pas dit mais j’ai compris, si les organes, Conseil d’administration, Conseil des ministres, est-ce que finalement tous ces organes-là ne sont pas «dominées», (Il y a cela aussi, de vous à moi !) par la personnalité du gouverneur. Ça, c’est une confidence que je vous fait. Mais qu’est-ce que je peux contre ma propre personnalité (Rires dans la salle). Il y a de cela, hein, tout le monde dit, «le gouverneur est trop fort, il est trop puissant». Je dis non, je gère le pouvoir que les statuts me donnent. Il ne faut pas confondre le pouvoir qu’on vous donne avec la manière d’exercer et la personnalité. D’ailleurs, je crois que sur ce chemin-là, j’ai quelque ressemblance avec quelques personnes (Grands éclats de rires). Je vous assure que c’est de cela qu’il s’agit. Mais, il faut être juste. Le président a dit, «je ne veux pas parler d’audit de gestion, la banque est bien gérée, c’est l’une des meilleures banques au monde». Il a raison de le dire, parce que c’est vrai.

SOUTIEN DE WADE A LA TETE DE LA BCEAO

A condition que je sois candidat (Rires), c’est que je lui ai dit. Donc, il ne faut rien dramatiser. Il est très difficile de gérer une institution africaine aussi importante, avec 8 chefs d’Etat, des tas de ministres et des ministres d’Etat. C’est très difficile de le faire et que chacun soit à sa juste place. J’ai dit aux uns et aux autres, qu’avant de prendre fonction, j’ai prêté serment et le contenu de mon serment, c’est de dire que je vais exercer mes responsabilités conformément aux textes. Je vais respecter le pouvoir de chacun. Donc, il m’est difficile, cela aussi fait partie de ma personnalité, rien que parce que vous êtes mon chef, de parjurer. C’est très compliqué. Des fois, cela donne l’impression que le gouverneur est trop puissant. Non, parce que je défends aussi les populations. Il faut savoir gérer de façon que finalement, on arrive à un consensus. Je dois dire que franchement de mon bilan, je n’ai eu aucun problème avec les chefs d’Etat. Je n’ai eu que leur soutien.

Et enfin j’ai entendu le président Wade dire aussi, que nous ne sommes pas de la même école, lui et moi. D’accord, mais je ne vois pas de quelle école je suis. Je sais qu’il est président, et moi, je suis gouverneur. Et je suis gouverneur d’une banque centrale de huit pays. C’est important. J’exerce ce pouvoir au nom de huit pays. Je ne suis pas entêté, je ne suis pas buté, mais j’ai le sens de mes responsabilités, surtout quand cette responsabilité appartient à 80 millions d’habitants dans 8 pays.

CONTREFAÇON SUR LA MONNAIE

Personne ne va imiter une monnaie qui n’a pas de valeur. Personne. Une monnaie qui n’a aucune valeur n’est pas imité. Alors, on a le choix. Si on ne veut pas être imitée du tout, faisons une monnaie qui n’a pas de valeur. Que cherche le faussaire ? Il cherche à avoir du pouvoir d’achat sans travail ou en tout cas, de la richesse qui ne soit pas en rapport avec le travail. Parce qu’il sait qu’en ayant cette monnaie, sous forme de billets ou autrement, il peut être riche. Et surtout dans notre cas, cette monnaie va être échangée librement à l’extérieur. Par exemple, à l’époque où ça existait, si vous imitiez le Zaïre, entre nous, cela va vous servir à quoi ? A rien. Voilà, pourquoi, au contraire je suis très fier. Mais aussi, cela me fait mal, parce que je considère que c’est un crime. A cause de cette valeur, n’importe qui détient une vignette qui apparemment, ressemble, je dis bien apparemment, parce le faux n’est jamais pareil au vrai. On trompe les populations,

Les gens imitent ça. A contrario, une monnaie qui n’a pas de valeur n’est pas imitée. Et pour achever de vous convaincre, quelle est la monnaie la plus imitée au monde ? C’est le dollar. Est-ce que vous croyez que les Américains ne sont pas fiers de ça ? Bien sûr ! Il faut dégonfler ces choses-là. C’est ça la réalité économique qu’il y a derrière tout ça. On n’imite que ce qu’on aime. Quand on imite les sacs Gucci, est-ce qu’on va imiter les choses de Sandaga ? Non c’est de la bonne chose. Et les montres Cartier ? Mais c’est parce que ce sont des choses de valeur. Personne n’imitera les chaussures que font nos cordonniers. J’explique cela à vos lecteurs pour qu’ils comprennent que c’est la rançon du succès. Mais maintenant, il faut combattre cela. Vous avez vu les chinois, actuellement à la télévision, on les voit partout, c’est exactement la même chose. Et au moment où je vous parle, le procès des faussaires à lieu à Paris. Et un autre aura lieu à Bruxelles.

INQUIETUDES SUR LA COTE-D’IVOIRE

Je suis très, très inquiet. C’est pour cela que je veux qu’on aborde cette question de manière citoyenne. Ce n’est pas l’affaire de Charles Konan Banny. Je vous dis et je le pense, que personne, même ceux qui sur d’autres plans, cherchent des poux sur la tête des autres, personne ne dira qu’avec l’équipe que j’ai dirigée pendant quinze ans, mon métier que j’ai exercé pendant trente ans, on n’a pas accompli notre mission avec succès. Je résume, nous avons créé une zone de stabilité. Et cette zone de stabilité a aidé à la croissance, donc à l’enrichissement de la population qui veut travailler et qui a travaillé. Il n’y a pas de bien précieux, meilleur que la stabilité et la paix pour l’homme. Ce sont ces biens-là qui sont encore aujourd’hui les germes de stabilité en face des déficits des politiques.

Je croyais que la politique, c’est administrer la société, régler les problèmes de l’homme. Nous sommes en zone de très grandes turbulences. Et heureusement que nous avons l’Union. Est-ce que vous vous imaginez une seule fois, si la Côte d’ivoire n’avait pas été dans l’Union, quelle eut été sa situation ? Heureusement qu’il y a l’Union. Malgré la situation, pas d’inflation en Côte d’ivoire. Pas plus que d’habitude. Bien sûr qu’elle s’écarte un peu des critères, et d’ailleurs, ça dépend des moments. Parce que le socle monétaire est commun, il est partagé. Parce que l’espace économique est de plus en plus unifié, les investisseurs viennent au Sénégal, pourvu et pour peu qu’ils y trouvent leur domaine d’investissement. Pas d’écoles en Côte d’ivoire, les enfants viennent s’inscrire ici. Tout ça constitue l’espace commun de stabilité. La situation aurait été meilleure, s’il y avait la stabilité en Côte d’ivoire. Mais, même avec cela, le cadre que nous avons mis en place, que nous avons construit depuis 30 ans et complété depuis 1994, nous a servis de socle pour contenir ces soubresauts importants. Je vais vous donner quelques chiffres.

La Côte-d’Ivoire en 2004, c’est-à-dire, quatre ans après la baisse d’activité continue, c’est quand même 37% des exportations. C’était plus de 40% avant. Plus de 24% de la population de l’Union, 33% de la dépense publique, 57% des importations. Donc, c’est au moins le tiers de tous les indicateurs financiers. Mais l’Union tient encore, parce que nous avons pu créer un espace commun, qui est partagé par tous. Et là où il n’y a plus de processus de production, ces possibilités d’investissement ou de production se transfèrent ailleurs pour créer la richesse globale, qui est susceptible d’être partagée par la population. Mais l’avenir m’inquiète, et il faut corriger ça rapidement. A la crise de la Côte-d’ivoire s’ajoute l’incertitude en Guinée-Bissau. Je ne veux pas aller plus loin, je ne suis pas un analyste politique. Je suis inquiet, et c’est pour ça qu’il faut renforcer l’Union économique et monétaire, à défaut de l’union politique, pour qu’elle soit forte et vraiment présente. Il faut renforcer la coopération entre les gouvernements dans les domaines de l’intégration.

LA MONNAIE PLUS FORTE QUE CERTAINES ECONOMIES

Faisons en sorte que nous ne retombions dans la situation de 1993, où nous avions une monnaie forte sur des économies faibles. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, parce que l’absence de croissance en Côte-d’Ivoire est compensée par le boom économique au Sénégal, du point de vue des chiffres. Mais est-ce que le deuxième moteur, qui est constitué du Sénégal est suffisamment puissant pour suppléer longtemps ? Le Sénégal, c’est 18% du Pib contre 36 % en Côte d’Ivoire, donc, la moitié. C’est 13% de la population contre 24% en Côte d’ivoire. Le Sénégal, c’est 20% de la dépense publique contre 33%. C’est 15% des exportations contre 57%. C’est 20% des importations contre 42%. C’est 21% de la masse monétaire contre 38%. C’est vraiment le deuxième moteur. Mais, il faut plus de recul et ce serait tellement mieux que les Ivoiriens se ressaisissent. Cette situation en Côte d’ivoire ‘impacte’ sur l’ensemble, et il ne faut pas que ça continue. La croissance au Sénégal, la croissance au Bénin, au Mali, permet de masquer, de limiter les dégâts, mais ce n’est pas suffisamment fort pour contrebalancer l’absence de croissance ou une baisse d’activités en Côte d’ivoire. Donc, on a beau retourner la question, il faut absolument que l’économie ivoirienne se redresse le plus rapidement possible. Mais là, vous savez que c’est les politiques qui tiennent l’économie, malheureusement et dans un état lamentable.

LA CROISSANCE ET LES DETTES

Sans croissance on ne peut pas rembourser les dettes non-plus. Sans la croissance pour produire la croissance, on ne pourra pas rembourser toutes les dettes. La priorité ne devrait pas aller au remboursement des dettes, au détriment des populations. La dette, c’est quoi ? C’est un engagement que nous avons pris, ce sont des aides que nous avons reçu. Normalement si nous les avions bien utilisées, ces aides auraient pu nous permettre d’avoir plus de croissance. Et donc de les rembourser. C’est une question de parole donnée. Il faut respecter la parole donnée, tant qu’on peut. Moi je suis pour le remboursement des dettes, parce que, qui paie ses dettes s’enrichit. Mais ce qui est inacceptable, c’est quand un produit de la croissance ne sert qu’à cela au détriment de la population. La problématique est là. Mais il appartient aux autres de m’aider dans les instances internationales. Il appartient aux uns et aux autres de comprendre qu’il est de l’intérêt de tous qu’on fasse une juste répartition. Mais il faut de la croissance. Laurent Gbagbo a raison de dire que la croissance ne se mange pas. Vous avez tellement raison. Une question m’est venu en tête. Je connais les rues de Dakar. Je les connais depuis 1978. Je venais de Front de terre sans problèmes, mais maintenant pour passer par là, et arriver ici (aux locaux du journal Le Quotidien), il y a des voitures partout, des embouteillages terribles. Les infrastructures n’ont pas suivi. Ce n’est pas possible ça ! On ne peut pas gérer comme ça. Cela crée beaucoup de nuisances, et la nuisance, c’est la pauvreté, la paupérisation, le lumpen prolétariat, comme on dit.

Et puis je vois de grosses voitures, y compris la mienne. Mais la mienne n’est pas si grosse que cela, d’ailleurs. Je vous assure que je vois de plus grosses que la mienne encore. D’où vient tout cet argent ? Et puis à côté, je vois un jeune homme en train de traîner péniblement trois ou quatre moutons. Ça, quand même, ça interpelle. Et je vois des bonnes-dames qui essaient d’aller vendre quelque chose. J’espère qu’elles vont réussir à vendre. Si elles réussissent à vendre, c’est parce qu’il y a un peu de croissance. Ce qui m’inquiète, c’est le nombre grandissant de cette population. Je ne veux pas qu’elle soit dans les grosses voitures, mais qu’elle ne soit pas en train de trimer. Cela est dû au fait que la croissance est insuffisante. Pour pouvoir lutter efficacement contre la pauvreté, il faut que nous assurions sur une longue période un taux de croissance minimum de 7%, pour pouvoir diminuer la pauvreté de moitié en 2015. Cela s’appelle, les objectifs du millénaire. Le Sénégal est à 6%, donc il vaut mieux que tout le monde dans la zone soit à 6%. Et avec les crises que nous avons évoquées tout à l’heure, les migrations des populations, je le disais un jour en conférence, si les Ivoiriens continuent à ne pas produire la croissance, ils vont venir manger le thiep, ici. Et s’ils viennent ici pour manger le thiep, il faut qu’il y ait plus de thiep a manger dans les bols, sinon ils vont se battre. C’est de ça qu’il s’agit. Donc produire plus, par rapport à l’autre production dans laquelle nous sommes experts, c’est-à-dire la production des hommes et des femmes. C’est ça toute la problématique des pays africains. Nous ne produisons pas assez, je ne dis pas que nous sommes surpeuplés. Mais le peu de population que nous avons, nous n’avons pas assez pour la nourrir. Et puis, il n’y a pas une répartition, à mon sens satisfaisant, des fruits de la croissance, entre les besoins nationaux et les engagements extérieurs. Et même quand on aura résolu les engagements, parce que je pense qu’il y a des efforts importants qui sont faits, pour essayer d’atténuer les effets des engagements, c’est-à-dire la dette, je ne suis pas sûr que nous sommes tous convaincus qu’il ait une meilleure répartition des fruits de la croissance à l’intérieur. Parce qu’il faudrait que nous diminuons notre mode de vie qui, par moments, est un peu trop voyant.

LE SENEGAL, PREMIER DE CLASSE DE L’UEMOA

C’est politique. Je n’aime pas trop quand on classe les pays en premier, deuxième de la classe. Nous avons des problèmes à résoudre. C’est vrai, je préfère ça que d’avoir les situations que j’ai connues il y a quinze ou vingt ans. Je préfère cela. Mais, est-ce qu’il faut se dire qu’on est les premiers, donc ça y est. Par nature, je ne suis pas comme ça et je ne conseille pas ça aux gens. Parce que en disant cela, vous crééz des attentes, même politiquement. Si vous êtes premiers comme ce qu’ils disent, que cela se sente dans les assiettes. C’est bon d’être premier. Mais premier de quoi ? Premier parce que les autres sont trop faibles, est ce qu’il faut se contenter de ça ? Parce que nous sommes les plus faibles au monde. L’Afrique noire, surtout francophone, nous sommes les plus faibles. Alors moi, je préfère être dernier des plus forts, que premier des plus faibles. C’est vrai qu’il y a une réalité qui est là. Je crois que cela ne suffit pas. il faut faire plus, parce qu’en étant premier, on a des problèmes. Un élève premier, il a des faiblesses importantes et qu’il doit combler, sinon demain, il ne sera plus premier.

CANDIDAT A LA PRESIDENTIELLE IVOIRIENNE
Ah non, je n’ai pas dit ça. C’est vous qui le dites.

HENRY KONAN BEDIE A COUPE L’HERBE SOUS LES PIEDS

Je vais vous dire une chose. Intéressez-vous un peu plus à l’histoire de la Côte d’Ivoire, à l’histoire politique de la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas vieux. Ce n’est guère que 40 ans d’histoire. Le Pdci est un parti cinquantenaire, comme ils disent. C’est important. Quand vous vous serez intéressé à cela, vous comprendrez qu’il sera très difficile pour certains de couper l’herbe sous le pied à autrui dans ce domaine-là. La maison du Pdci est la maison de mon père. Alors, personne n’arrivera à me faire sortir de la maison de mon père. Aujourd’hui, je suis gouverneur, je ne suis pas dans la maison physiquement, par respect pour mes obligations que je dois assumer à l’égard des autres pays qui m’ont fait confiance. J’ai un devoir d’obligation, de respect. On m’a confié une mission, je dois l’assumer en toute confiance. Cela s’appelle l’obligation de réserve. Ils m’ont confié quelque chose de très important, la monnaie, qui ne peut pas s’accommoder de positions conjoncturelles changeantes, politiciennes ou partisanes. Donc, je ne suis pas physiquement dans la maison de mon père, mais mon cœur est toujours là et j’adhère à la philosophie qui a fondé la maison du père. Qui donc pourra me faire sortir de cette maison en me coupant l’herbe sous les pieds. Voilà la réponse. Deuxièmement, est-ce que ce faisant, j’ai un visage qui montre ou qui dit que je suis candidat à quoi que ce soit ? Oui, vous avez dit, il y a des rumeurs. Il y a plus que des rumeurs, il y a des bruits maintenant. Il y a beaucoup de bruits, je les entends, je les vois. Mais, là aussi, par éducation et par conviction, il ne faut pas sursauter au premier bruit. Il faut mesurer. Donc j’observe, je ne suis pas insensible. Mais qu’on me laisse le temps d’observer, de voir pourquoi j’observe. Parce que la priorité aujourd’hui en Côte-d’Ivoire, c’est que ce pays retrouve la paix. Que ce pays qui est coupé en deux, il faut qu’il y ait la réunification. Le plus important, c’est que les grandes blessures qui ont été causées soient réparées. Il faut permettre aux gens de faire leur deuil, parce que cela été grave quand même. Il y a eu des morts, beaucoup de morts, des milliers de morts, c’est ça le plus important. C’est ça la priorité. On aura le temps de faire la politique, d’être candidat ou de ne pas l’être. Autre chose, que je vais ajouter et je le dis d’ailleurs, pourquoi il y a tant d’engouement pour la Côte d’Ivoire ? C’est parce que c’est un beau pays, où il faisait bon vivre, où il n’y avait pas d’insécurité, où il y avait la croissance, où les gens vivaient en toute convivialité, en toute confiance entre eux-mêmes d’abord et entre leurs frères d’Afrique, sur un territoire aimé où l’on allait du Nord au Sud sans aucun contrôle. C’est l’un des rares pays où n’importe quel étranger africain venait prenait sa voiture pour conduire sans aucun contrôle. C’est cette Côte d’Ivoire qui m’intéresse en tant que citoyen, en tant que Africain. C’était le modèle. Houphouët disait Côte-d’Ivoire moderne et modèle. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, nous sommes dans l’antithèse totale. Pourquoi voulez-vous que l’antithèse m’intéresse de manière aussi précipitée ? C’est la thèse qui m’intéresse. Pour être beaucoup plus concret personnellement, exercer des responsabilités sur un territoire, en Côte-d’Ivoire, c’est exercer des responsabilités sur les 350 000 km2. Et non pas la moitié ou le tiers. Il y a des gens que ça ne gêne pas, ou ne gênerait pas. Moi ça me gênerait, parce que comment voulez-vous que je sois un citoyen de l’Union et à l’intérieur, un citoyen de la division. Je ne serais pas en conformité avec ma profession. C’est pour cela que je dis que la priorité c’est la réunification.

ON PENSE QUE VOUS ETES LA SOLUTION
Moi je ne peux penser à la place des autres.

SOLUTION ADOUBEE PAR LA FRANCE

Ça aussi, c’est selon. Des gens peuvent considérer ça comme un atout, il y a des gens qui considèrent ça comme un handicap. Mais, je viens de parler. J’espère qu’en vous parlant, vous avez vu qui je suis. Je suis un homme ouvert à tous. Si vous voulez, peut-être pouvez-vous dire que je suis senghorien, je suis enraciné. Je suis profondément africain. Personne ne peut m’enlever mon africanité. Je crois en l’Afrique, aux valeurs de l’Afrique, en l’avenir de l’Afrique. Mais, je n’ai aucun complexe vis-à-vis de qui que ce soit et je suis fidèle à mes amis. Je ne renie pas mon passé. La France fait partie de notre passé, mais, la France que je côtoie tous les jours, les Français avec qui je travaille tous les jours, savent qu’effectivement je suis un ami. J’ose me dire ami de la France comme je suis un ami des Etats-Unis, j’ai de très bon rapports avec les américains. Mais, je ne suis pas un ami commode. Je suis un ami de la France vous aussi vous êtes un ami de la France, on ne peut pas renier notre passé colonial. Ils nous ont colonisés, ils nous ont appris leur langue. Ça ne sert à rien de dire qu’on ne les connaît pas. Chacun a ses amis, mais je ne suis pas leur instrument. C’est pour ça qu’ils m’aiment bien d’ailleurs. Je prends l’exemple du président actuel (de Côte d’Ivoire, Ndlr). Sa première femme était française, il a fait ses études en France, il a des amis dans le parti socialiste. De ce côté-là, il est plus ancré que moi. Mais, est-ce que c’est l’homme de la France ? Moi, j’ai vécu 20 ans en France, est-ce que j’ai eu une femme française ? Je n’en ai pas. Mais, je ne considère pas comme une injure que les gens disent que c’est le candidat de l’étranger. Ce terme-là va être développé à la campagne. On dira, le candidat de l’étranger contre le candidat des Ivoiriens. Moi je suis candidat de tout le monde. Je serais candidat de tout le monde si je devais l’être. En tout cas, je suis l’homme de tout le monde.

Dans cette seconde et dernière partie de l’entretien que le gouverneur Charles Konan Banny a accordé à la rédaction du journal Le Quotidien, il revient un peu plus longuement sur sa vision de la Côte d’Ivoire, pays qui lui est particulièrement cher. Il indique les raisons qui l’empêchent de se lancer ouvertement dans l’arène de la politique en sa terre natale. Les conséquences de la contrefaçon des billets du Cfa sont aussi évoquées, et le gouverneur ne veut y voir l’implication d’aucun chef l’Etat de la sous-région, en dépit des rumeurs. Parmi les questions sur lesquelles Charles Konan Banny s’est particulièrement étendu, il y a la possibilité d’une éventuelle dévaluation du franc Cfa qu’il a écartée avec fermeté. Il y a surtout la faillite de la compagnie aérienne Air Afrique et ses tentatives de relancer une autre compagnie aérienne sur ses cendres. Ainsi que les tentatives de sabotage dont ce projet a été victime. La condition sociale des employés de la Banque n’a pas été oubliée et a permis au gouverneur d’afficher un autre motif de satisfaction à la conclusion de ces Marches.

Procès des faussaires à Paris, cerveau connu de la Banque

Ce n’est pas vrai, on ne connaît pas le cerveau. J’ai eu des compte-rendus partiels, je crois que le procès de Paris n’est qu’une première étape. J’attends plus du procès de Bruxelles. Il y a des gens, d’après ce qu’on m’a dit, qui en savent beaucoup effectivement. Mais je l’ai dit, on est dans un domaine très risqué. C’est certain qu’ils ne diront pas tout ce qu’ils savent, parce que c’est un terrain très risqué. Car les enjeux sont énormes. Mais moi si je le savais, il y a longtemps que j’aurais fait une conférence de presse.

Vous craindriez pour votre sécurité…

Tout-à-fait ! C’est ce que je dis, c’est une affaire très risquée. Je donne un exemple. Toutes les enquêtes policières ont indiqué d’où vient l’affaire. On a fait une commission rogatoire, on est allé dans le pays de cet individu, on n’a pas pu le rencontrer. On n’a pas pu, puisqu’il est protégé par les autorités du pays. Mais, peut-être que ce cerveau a des cervelets, de petits cerveaux, ailleurs. Ce que je peux vous dire, c’est que les policiers belges qui sont allés en Turquie, puisque c’est de là qu’il s’agit, n’ont pas pu rencontrer le suspect n°1. Tout était bouclé, il fallait le confondre tout simplement, et l’arrêter. Mais il était protégé. Vous savez, les Turcs tuent facilement (rires, jaunes).

Un chef d’Etat de l’Afrique de l’Ouest mêlé à l’affaire ?

Ce serait triste si un chef d’Etat était mêlé à cette affaire. Je ne le crois pas. Mais, si c’est le cas, c’est triste. Dans le code pénal, c’est un crime. Si vous faites ce genre de pratiques, vous abusez des populations. Vous aller acheter des arachides ici, avec de la monnaie de singe. Du café et des cacaos là-bas, avec cette monnaie, ou du coton, etc. Et quand ces pauvres paysans vont se présenter à la banque, on va regarder l’argent et l’on va leur dire, c’est des faux. La production serait partie. Voilà concrètement, le côté criminel. Et ce pauvre paysan qu’est-ce qu’il va faire ? Il va se suicider. Franchement, je ne sais pas si un chef d’Etat africain y est mêlé. Je ne suis pas connu pour avoir la langue de bois, mais là, je ne sais pas. Et puis, pourquoi eux, et pas d’autres ? On ne doit pas les accabler de tous les maux. J’ai une haute idée de ces gens-là. Ils ont quand même sollicité un mandat pour aider leur population. Mais je ne dis pas qu’il y n’a pas de complicité dans nos pays. Il doit y en avoir. Ceux qui sont jugés, ce sont des Africains ! Mais, je n’ai pas assez d’éléments pour aller dans ce sens. Ce n’est pas que j’aie peur, hein !

Complicités à très haut niveau, après les casses de Côte d’Ivoire

Quand ces opérations ont malheureusement eu lieu, on a tissé des toiles de protection. Et nous avons demandé la collaboration de tous. Des banques, des Etats, etc. et nous avons attrapé du menu frétin, ici et là. Ce que je peux observer, c’est que chaque fois que nous sommes tombés sur un butin significatif, nous n’avons pas eu la collaboration des services des Etats. Je peux le dire d’autant plus que le cas le plus flagrant, s’est passé chez moi, en Côte-d’ivoire, où la personne n’a même pas fait l’effort de retraiter les billets. Elle les a amenés à la banque tels quels et la banque les a amenés à la Banque centrale, tels que conditionnés par la Banque centrale. Tous les indices prouvaient que ça venait de là. On a saisi, on a cantonné et nous avons informé les autorités judiciaires. Un procès a eu lieu et puis, immédiatement, on nous a dit qu’ils ont été relâchés, faute de preuves suffisantes. Qu’est-ce que vous voulez que je fasse contre ça. Je n’ai que mes yeux pour pleurer, et pour m’indigner. Mais il s’agit de l’argent public, de l’argent des populations, sorti d’une opération de haut banditisme. Je n’hésite pas à le dire. Bien sûr, on était en guerre. Mais enfin, comme je le dis souvent, la Guinée-Bissau lorsqu’elle était en guerre, la Banque centrale n’a pas été touchée. On n’est pas les premiers d’ailleurs. Si vous vous souvenez de l’affaire du Tchad. Le président que vous avez hébergé ici…

Il est toujours là.

Ah, bon ! Il y a eu ça. Mais je ne pensais pas que ce genre de pratique allait venir dans notre zone. Je disais d’ailleurs à mon collègue Mamalepot (Gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique centrale, Bceac) que c’est lui qui nous a servis de modèle dans ce type d’activités malhonnêtes. Bon, l’opération a lieu. Il faut empêcher les acteurs de jouir des fruits mal acquis, et pour cela, il faut la collaboration de tous et l’on ne l’a pas souvent. Peut-être par faiblesse. Je ne veux pas tout de suite responsabiliser, au sens pénal du terme. Je veux croire que c’est une faiblesse de nos administrations. Mais, je ne suis pas naïf non plus. Je veux croire aussi que cela procède de la faiblesse des hommes. Les hommes sont très faibles devant l’argent. Qui que ce soit ! Les consciences, on les achète facilement, malheureusement. Parce qu’un certain nombre de valeurs que nos parents nous ont enseignées, volent en éclats devant quelques liasses de billets. Et ça, c’est malheureux. La dignité, pouvoir regarder quelqu’un en face tout le temps, on ne sait plus quoi en faire. Et si vous prenez le problème de ce point de vue, tout est possible.

Une gouvernance tournante de la Bceao. Un chef d’Etat aurait pensé y placer son fils.

Je ne suis pas informé d’une gouvernance tournante. C’est pour cela que je vous disais tout à l’heure que tout le monde travaille en fonction des textes. Ceux qui régissent cette affaire à la Bceao, disent que le poste de gouverneur doit être choisi de sorte à amener chacun des ressortissants de ces pays à ce poste. Il n’y a rien de nouveau, personne n’a inventé ça. Depuis 30 ans, c’est ça. Mais, ce que les gens ne savent pas, ou font semblant d’ignorer, c’est qu’il n’est écrit nulle part que le siège doit être à Dakar. Et pourtant le siège est là. Il n’est écrit nulle part que le siège de la Boad doit être à Lomé, il n’est écrit nulle part que le gouverneur doit être Ivoirien, il n’est écrit nulle part que le président de la Boad doit être Béninois, etc. Ce qui a caractérisé notre zone, pendant longtemps en tout cas, c’est cette capacité, que j’ai admirée des chefs d’Etat, à discerner l’essentiel du superficiel. L’essentiel, c’est de s’assurer que chaque fois que l’on prend une décision, elle est dans l’intérêt de tous. Et que certaines batailles ne sont pas aussi importantes que ça. Surtout quand il s’agit de batailler sur des hommes et sur des postes. Paix à son âme, on avait un grand guide dans ce domaine. Il s’appelait Houphouët Boigny. C’est autour de lui que tout cela était organisé. Il voulait faire de la place d’Abidjan, une place financière. D’où le siège de la Bad. Il était intéressé par le siège de la Bceao, pour completer. Mais, lorsque le président Senghor lui a fait comprendre que c’était politiquement important pour lui d’avoir le siège à Dakar malgré le pourcentage (des actions) qui lui est donné, il a accepté que le siège soit à Dakar. C’est ce qu’on appelle un Gentlemen agreement. On était entre gens de bonne compagnie. Derrière les textes, il y a ce Gentlemen agreement qui a toujours bien joué. De sorte que dans notre zone, ces problèmes de postes n’étaient pas essentiels. Surtout lorsque, une fois qu’on a choisi les hommes, on s’est rendu compte que ces hommes-là n’ont pas si mal travaillé que ça. L’intérêt, c’est le résultat. Et aujourd’hui, on devrait encore plus privilégier cela puisque nous ambitionnons de faire un espace commun dans lequel chacun de nous se déplacerait et s’installerait où il souhaite. C’est ça mon ambition. Je viens au Sénégal. Si j’ai envie de vivre ici, je m’installe, je produis, je vis et je suis considéré comme un Sénégalais. Si un Sénégalais a envie d’aller au Togo, pareil. On élargit l’espace de vie des uns et des autres et l’on augmente les opportunités pour chacun de s’épanouir. On n’est pas forcément mieux chez soi !

Un jour le Gentleman agreement ne fonctionnera pas.

Il n’y a pas de vide juridique. Les textes disent qu’on doit choisir le gouverneur de sorte que chaque ressortissant puisse y venir. Alors, il y a deux possibilités : ou on le fait jouer systématiquement, alors vous allez avoir le choc des ambitions. Chacun va dire : «Moi je suis le plus fort.» A la Banque mondiale, ça ne se discute pas. Quand M. Bush dit, je veux Wolfowitz, avant même d’avoir consulté qui que ce soit, on gesticule un peu et puis après, finalement, on dira, «ce garçon-là, n’est pas mal, il a des antécédents». Nous, on ne veut pas introduire ça. Je ne suis pas pour ça. C’est la raison du plus fort. Mais est-ce qu’elle est toujours la meilleure ? Pour que qu’elle soit la meilleure, il faut que ce soit une hyper puissance. La seule hyper puissance au monde s’appelle les Etats-Unis. Sa raison est toujours la meilleure, pense-t-elle ? Mais vous savez bien qu’elle n’est pas la meilleure. Vous savez bien que c’est la fourmi qui tue l’éléphant. Donc, je ne suis pas pour ça. Mais si les Africains continuent, on va en arriver à cela.

On vous voit bien en alternative politique, à l’heure où le communautarisme semble sonner faux en Côte d’Ivoire.

Il ne faut pas que nos frères confondent le langage d’un certain nombre de nos leaders politiques d’avec le sentiment du peuple ivoirien. Ça je dois vous dire, si j’ai un petit reproche à faire à l’extérieur, c’est que très vite, ils sont tombés dans ce schéma simpliste. Il y a des gens qui ont trouvé des créneaux politiques pour exister et qui ont joué sur des choses comme cela. Il ne faut pas jouer avec ces choses-là.

Je suis d’une ethnie, vous d’une autre, mais ça change quoi ? Rien. C’est le hasard. Pendant longtemps, c’est comme ça que nous avons pu construire la Côte d’Ivoire, dans la confiance des uns et des autres, dans la différence des opinions, dans la diversité. Et puis, des apprentis-sorciers politiciens sont arrivés et ont joué sur ces différences somme toute naturelles, mais qui ne sont dues qu’au hasard des naissances. Voyez-vous, je pense sérieusement que si cela correspondait à la réalité, on aurait une guerre civile en Côte d’Ivoire. Mais, est-ce qu’il y a une guerre civile en Côte d’Ivoire ? Avec des populations qui s’entretuent, genre Rwanda. Est-ce qu’il y en a eu ? J’ose même parier qu’il n’y en aura jamais. Parce que, si c’est le cas, ça veut dire que le pays a disparu. Parce que ça veut dire que chacun se sera découpé en deux ou en trois. Car la population ivoirienne est un mélange.

Depuis que ce langage est tenu par nos hauts responsables, il faut un retour au discours consubstantiel à ce qui est la Côte d’Ivoire. Il y a aussi une chose importante, c’est les hommes. Il y a les ambitions, c’est naturel. Il faut accepter le choc des ambitions, mais dans les règles de l’art. La deuxième chose dangereuse, c’est l’orgueil. Quand vous ajoutez l’orgueil, ce péché d’orgueil, au choc des ambitions, vous allez encore taire l’esprit dans des populations fragiles, dans des pays qui sont fragiles. Alors, il n’est pas compliqué pour moi, par éducation, par conviction et tout simplement parce que ma famille a été quand même un peu associée à cette Côte d’Ivoire que nous aimons tous, de retourner aux sources. Je m’estime mal d’ailleurs de rester collé à ce qui a fondé la Côte d’Ivoire qui n’a jamais disparu, mais qui est un peu travesti par le langage ambiant et qui permet aux observateurs en quête de simplification, de faire des papiers. Je ne pense pas au Quotidien, hein (Rires).

Depuis qu’on a commencé à parler de la Côte d’Ivoire, votre discours ne coule plus de source. Votre discours est flou. Etes-vous encore indécis sur cette question ?
Vous dites que c’est flou, vous n’avez rien compris. Les termes, c’est important, généralement je ne suis pas confus.

Disons nuancé, qu’est-ce qui explique cette situation ?

J’étais dans mon domaine. Je suis gouverneur, si je tiens un discours que vous ne comprenez pas, je ne serais pas à la hauteur. J’ai essayé dans un langage aussi clair et simple de répondre à vos questions. Vous m’avez entraîné sur un terrain que je connais mais qui n’est pas encore le mien et je vous ai dit que je respecte la fonction qui est la mienne. Et je vous ai dit que je suis dans une obligation de réserve. Je vous ai dit qu’il faut respecter les règles de nos métiers. C’est important. En principe d’ailleurs, on ne parle pas de son pays à l’étranger, en politique. Mais, j’ai accepté de parler parce qu’il, (désignant un membre de la rédaction), a su subtilement poser la question de l’impact de la crise ivoirienne sur la situation de l’Union. Donc, en tant que gouverneur, j’ai répondu. Et puis, il a dit maintenant, «c’est vous qu’on attendait». Là, il faut être subtil sans fuir la question. Je ne pense pas avoir fui la question. Parce que pour vous, ne pas être clair, c’est de dire oui ou non. Je ne suis pas en mesure de vous dire oui ou non. Je vous ai dit que plus que des rumeurs, c’est des bruits maintenant. Et je les entends, mais qu’on me laisse le temps d’observer. Est-ce qu’il y a plus clair que ça. Mais, vous n’aurez pas le scoop.

le devoir de réserve tient jusqu’à quand, puisque le mandat arrive à échéance ?
Ce n’est pas parce que mon mandat arrive à échéance que cela signifie que je m’en vais.

Allez-vous demander le renouvellement du mandat ?

Non, je peux ne pas demander, mais on peut me demander. N’avez-vous pas entendu Me Wade ? J’ai une formule, et elle est juste. Je dis que c’est Dieu seul qui est le maître du temps. Mais dans le temps qui nous est imparti, franchement, je souhaite être maître de mon calendrier. Et il faut prêter attention à cela. Maintenant, vous voulez un scoop. Tous les journalistes ivoiriens veulent le scoop. J’ai parlé avant-hier à Jeune Afrique l’Intelligent, le journaliste aussi voulait le scoop. Il m’a dit quand j’ai fini de parler, il n’a pas dit que j’étais flou, il a dit : «Si je comprends bien, le titre que j’avais mis à mon article demeure, je lui ai dit quel titre ? Il me dit : L’énigme Charles Konan Banny demeure.»

C’est une question de temps.

Non, je dis que je veux être maître de mon calendrier. C’est Dieu qui a le temps. Si vous voulez citer, dites seulement : «Le gouverneur veut être maître de son calendrier.»

Votre nomination au conseil général des Nations-Unies. En quoi consiste cette fonction ? Est-ce que cela ne va pas gêner vos activités au sein de la Banque centrale ?

Non pas du tout. Parce que ça rentre parfaitement dans les actions entreprises par la Banque. Vous savez nous avons beaucoup travaillé sur ce secteur. Le secteur du micro-crédit a surgi subitement à la disparition des banques de développement et des sociétés de crédit à la consommation, qui faisaient certains petits crédits aux populations. Et quand il a fallu restructurer le secteur bancaire, l’imagination des uns et des autres a fonctionné et le micro-crédit est né sous une forme désorganisée. Sur les marchés, des banques ambulantes, des gens qui allaient sur le marché et qui collectaient en disant aux populations, «on vous donne ça». Evidemment, dans la plupart des cas les pauvres épargnants n’ont pas retrouvé leur épargne. Ça, c’était vers la fin des années 80. Lorsque j’ai pris fonction en 90, pour avoir vécu ça en tant que directeur national de la Bceao en Côte-d’Ivoire, nous avons pensé qu’il fallait organiser ce secteur. La première des choses que nous avons faite c’est de mettre en chantier une législation spécifique sur la micro-finance. C’est ça qui a permis de mieux organiser ce secteur vital pour les populations.

Et comme aujourd’hui on considère que pour lutter efficacement contre la pauvreté, il faut donner d’abord du travail pour lutter contre le chômage. Et créer des emplois au plus petit niveau. Il faut donc que la microfinance aide à la résorption du chômage et à la lutte contre la pauvreté. C’est devenu dans l’agenda des questions internationales une priorité. Quand les uns et les autres ont fait l’état de cette question dans le monde, ils se sont rendu compte qu’en Afrique de l’Ouest il y a eu une institution qui a beaucoup travaillé là-dessus. Nous sommes l’une des rares institutions à avoir une monographie complète des systèmes financiers décentralisés. Et dans chacun de nos pays, ces structures de micro-crédit sont très développées. Nous avons fait un séminaire à Cotonou le mois dernier. Nous avons tous été impressionnés par l’exemple du Sénégal qui avait fait un exposé très intéressant.

Et c’est tout cela qui est arrivé aux oreilles du Secrétaire général des Nations-Unies. Comme la lutte contre la pauvreté pour atteindre les objectifs du millénaire est devenue une priorité dans l’agenda des questions mondiales, le secrétaire général, Kofi Annan, a décidé de s’entourer d’un groupe d’experts pour mener cette activité sur deux plans : d’abord faire l’état des lieux et établir une banque de données. Et il nous a désigné pour faire partie de ce panel. Rien ne nous obligeait à nous investir autant dans ce secteur. Mais nous l’avons fait parce que nous avons une vision cohérente des choses. Comment parler de financement de l’activité économique à la population, en observant qu’une grande partie de cette population est hors circuit, et ne pas imaginer quelque chose d’autre pour l’aider ? On a travaillé sur la microfinance avec nos systèmes financiers décentralisés. J’observe d’ailleurs que cette question monte en puissance. Au mois de juin à Paris, il doit y avoir une grande réunion sur la microfinance où Jacques Chirac va participer, et je suis invité aussi. La microfinance est importante, c’est un puissant moyen de lutter contre la pauvreté et les exemples au Bengladesh, en Tunisie, au Sénégal sont impressionnants.

Le cas Air Afrique et votre démission.

Personne ne peut demander ma démission. A moins que ce que je vous ai dit ne vous aie pas convaincu. Personne n’a mieux réussi que Charles Konan Banny. Personne. Qu’on me dise sur la place publique, quel est l’Africain qui a eu des fonctions internationales, qui a fait mieux que moi ! Il faut quand même que nous ayons des capacités de discernement ! La personne qui a écrit ce papier, c’est un corrompu ! Vous pouvez lui dire ca ! Parce qu’au moment où il voulait monter son journal, il est venu me voir. Je ne crois pas à des gens qui ne sont pas professionnels. Ce Monsieur a été le premier gestionnaire de la Pana. Où est la Pana aujourd’hui ? Ce n’était pas une ambition africaine, la Pana ? Quand on a un record de ce genre, ne ferait-on pas mieux de se cacher ? Il a mal nommé son journal en disant : «Construie l’Afrique.» Il devait mettre : «Détruire l’Afrique.»

Savez-vous pourquoi on associe mon nom à Air Afrique ? Pendant longtemps, j’ai pensé que dans la litanie de l’intégration que l’on chante, il y avait 3 réalités : la monnaie, Bceao, la compagnie aérienne que nous prenons tous, et l’Asecna. Voilà les trois choses qui m’ont impressionné. Et voilà-t-il pas que, par la faute des uns et des autres, Air Afrique était en train d’aller à va-l’eau. Ça m’a fait mal au cœur. Avant même que Air Afrique ne disparaisse, j’ai eu des contacts avec le Mauricien (Harry Tirvengadum, ancien Dg de la compagnie), qui m’a expliqué le dossier. Je me suis rendu compte que finalement, on pouvait sauver cette compagnie. C’était facile. A l’époque, il suffisait de cotiser 5 dollars par personne, soit 3.000 francs cfa, et elle était sauvée. Avec 80 millions d’habitants, on allait sauver notre compagnie. Ce n’était donc pas insurmontable. Il fallait sauver ce pavillon parce qu’il représentait quelque chose pour l’Afrique. J’ai fait faire un article ici au Sénégal, par l’ex-ambassadeur de Cote d’Ivoire au Sénégal, intitulé «5 dollars pour sauver Air Afrique». De fil en aiguille, les responsables d’Air Afrique ont compris que j’étais intéressé au dossier, et moi-même j’en ai parlé à beaucoup de chefs d’Etat, en leur disant qu’il ne fallait pas laisser mourir cette compagnie. Je me souviens d’une audience avec Alpha Oumar Konaré, alors Président. Je lui ai dit : «Il ne faut pas laisser mourir cette compagnie. D’ailleurs, vous avez tous des avions. Pourquoi ne les mettez-vous pas en pool pour faciliter les déplacements des Africains.» Tout cela a amené Konaré à me demander : on te confie une mission pour essayer de recréér cela, est-ce que tu accepterais ? J’ai dit oui. Parce que je crois à cet idéal. Suivez-moi bien, et ne croyez pas trop à ce que vous écrivez, ni à ce que les autres écrivent (Rires). Et Laurent Gbagbo qui avait hérité du dossier, m’a demandé de conduire une réflexion pour recréer une nouvelle compagnie. Voici le dossier ! (Il le brandit). Ce dossier a été bouclé et le financement trouvé. La Bceao est utilisatrice d’Air Afrique, pour nos voyages, pour le transfert de nos billets dans la zone, etc. Nous sommes un gros client pour Air Afrique. Je préfère dépenser de l’argent dans une compagnie africaine plutôt que dans une compagnie française. Ce dossier a été soumis aux chefs d’Etat, au moins à deux reprises. Le schéma a été approuvé lors d’une réunion avec le comité que j’ai conduit, composé d’experts africains, de pilotes, de mécaniciens. Et j’ai découvert que les Africains avaient des compétences extraordinaires, y compris dans ce domaine-là.

Si vous avez suivi le dossier vous avez vu dans la presse qu’il y a eu une polémique entre Spinetta (le Dg d’Air France à l’époque) et moi. Je l’ai appelé et je lui ai dit : «On veut créer une nouvelle compagnie et vous voulez la plomber dès le départ.» Ils ont manipulé le personnel pour dire que dans la nouvelle compagnie ils avaient ipso facto des droits. Je leur ai répondu : «Quels droits ? Moi je vous donne une chance d’avoir un emploi en créant la nouvelle compagnie. C’est votre ancienne compagnie qui vous doit des droits. Ce n’est plus la même compagnie puisque les actionnaires ne sont pas les mêmes. Elle va reprendre quelques actifs de l’ancienne.» Les immeubles qui ont été bradés, on va prendre ça, et sur la base de ces acquisitions, l’ancienne compagnie pourra leur payer leurs droits, ou au moins une partie. Et on nous avait imposé une redevance, sur l’exploitation des lignes, à payer aux Etats. Et sur cette base, ces derniers vont pouvoir rembourser ce qui leur est dû, puisque finalement, c’était une compagnie d’Etat. Voilà le schéma. Je me suis opposé aux Français parce que, quand on est arrivé à la taille de la compagnie, après avoir fait le compte rendu à Gbagbo qui était le président, après avoir dit d’accord, immédiatement après ils me disent que la compagnie était trop grande, elle était surdimensionnée.

Ainsi de suite, le soi-disant collectif des anciens travailleurs d’Air Afrique, manipulé par Air France, a plombé ce dossier. Mais en vérité, je pense qu’au final, n’eut été le début de la crise ivoirienne en septembre, on l’aurait eue, cette compagnie. Pendant que je faisais ça, ce Monsieur avait constitué un collectif d’anciens usagers d’Air Afrique et se baladait pour vendre du vent. Il s’appelle Cheikh Ousmane Diallo. Je le connais bien ce garçon. Il pense qu’il peut entamer mon image. Mais il ne peut pas. Ce dossier est impeccable.

Mieux encore, il y a des pays qui parlent d’intégration. Mais lorsqu’on les mets au pied du mur, on ne les voit pas. Comme j’ai vu que certains pays ont commencé a créer leurs compagnies nationales, par égoïsme...

Lesquelles ?

Vous les connaissez ! Soyons sérieux ! Pour vous dire, il y a Air Ivoire, Air Sénégal, Air Mauritanie, Air Burkina, Air ceci, Air cela, (Rires !) hein ! Cela vous fait rire, mais vous allez vous casser la gueule un jour dans ces avions-là. C’est clair ! C’est clair ! Et puis, ça ne donne rien du tout. C’est diviser pour règner ! Et je suis contre cela. Eh oui, les choses ne sont pas si simples ! Curieusement, le seul chef d’Etat aujourd’hui encore qui soutienne ce projet s’appelle Laurent Gbagbo. Parce que son ministre des Transports est venu chez moi. Je lui ai dit : «Moi, je ne suis pas d’accord que les gens créent des compagnies nationales, parce que cela n’ira pas loin. C’est évident ! Ce n’est pas au moment où les plus gros veulent plus gros, que vous les miniscules allez pouvoir, dans un marché ouvert, les concurrencer Quand même !» Il ne faut pas sortir de l’Ecole polytechnique de Thiès pour comprendre cela ! Mais les égoïsmes nationaux, titillés par les intérêts des marchands, nous amènent toujours à nous diviser. Alors, vous avez devant vous le seul défenseur des intérêts nationaux. C’est vous qui devez me défendre quand les gens écrivent des choses comme cela.

Mieux encore, au sommet de Niamey, à mon initiative, j’ai fait prendre par les chefs d’Etat une résolution pour relancer cette affaire. Je ne dis pas qu’ils vont tous le faire, mais on va le faire avec d’autres… Vous avez entendu parler de Air Cemac, non ? C’est une idée qu’ils sont venus pomper, parce que je les avais associés à cela. Et quand ils ont vu que l’on traînait, ils ont décidé de créér Air Cemac. Mais le modèle qu’ils ont fait n’est pas le même que le mien, parce que Air Cemac c’est avec Air Maroc. Ce n’est même pas sûr que la Banque va y participer. Moi, ce n’est pas comme cela que je vois. Je veux un vrai partenariat entre les intérêts africains et un partenaire technique. Et sur la base de cette résolution des Chefs d’états à Niamey, j’ai remis en place un deuxième groupe de travail. Pour produire un deuxième rapport qui n’a pas été amené ici. J’aurais pu le soumettre aux chefs d’Etat, dernièrement. Pourquoi ne l’ai-je pas fait ? Parce que je sens que les vélléités séparatistes sont encore là.

Ce rapport a été composé par un groupe d’experts africains. Plus des personnalités de notoriété. Par exemple, Cheick Modibo Diarra qui est un expert en navigation, peut-être pas aérienne…, et d’autres. Après avoir émis ce rapport, je leur ai demandé d’aller le alentour. Ils ont fait plusieurs missions au Ghana. Parce que je ne veux pas m’arrêter à l’espace francophone. Ils ont été reçus par le président Kuffour. Le rapport a été bien apprécié. On va la faire, cette compagnie.

Son deuxième sujet c’est de dire que Charles Konnan Banny a échoué. Il pense que je suis gênant et il faut qu’il me trouve un échec quelque part. Il ne trouvera pas. Je n’ai pas tout réussi mais pas de cette manière-là. Je n’ai pas réussi par exemple, à faire en sorte qu’il y ait une grosse banque dans notre union qui soit sur la place et le marché international. Mais cela ne dépend pas que de moi. J’aurais voulu que, 40 ans après les indépendances, à l’instar des Tunisiens, des Marocains nous ayons des banques qui soient installées sur la place internationale. Mais nous les Africains francophones, on voit petit.

Mais son article était de dire qu’il va y avoir une dévaluation. Il dit que c’est inéluctable. Et pourquoi mon nom est ressorti ? Parce que je leur avais dit dès le départ que, s’il y a deuxième dévaluation, ce ne serait pas avec moi. Ca veut dire que pendant le temps où je serai là, nous ferons tout pour que cela n’arrive plus. Et aujourd’hui, dans les statistiques monétaires, rien ne peut amener quelqu’un de sérieux à parler de dévaluation. La situation de 1993 n’est en rien comparable à celle d’aujourd’hui. Si on fait une analyse fine, la crise ivoirienne plombe la croissance et c’est la croissance qui mesure la valeur de l’économie. Et notre monnaie est fixe avec une parité fixe. Il faut donc à tout moment, agir sur l’économie puisque nous ne pouvons pas changer la valeur de la monnaie tous les jours. Pour que l’économie soit au même niveau que la monnaie, que l’économie ne soit pas trop faible par rapport à une monnaie trop forte. Donc c’est sur l’ économie qu’il faut travailler. Mais les statistiques ne montrent pas ça pour le moment.

Donc il rappelle que le gouverneur a dit qu’il démissionnerait s’il y a deuxième dévaluation. Oui, je le maintiens, parce que je sais qu’il n’y en aura pas. S’il avait de l’humour, il aurait compris ça, mais il n’en a pas. Il est manipulé et acheté. Quand on l’a appelé, il a dit : «Bof, c’est politique.» Cela veut dire quoi, par rapport à ce qui se passe en Côte d’Ivoire ? Il veut insinuer que : «Ce Monsieur inquiète tout le monde, donc si on peut le salir de l’extérieur, on va montrer que finalement il a des échecs.» Mais ce n’est pas ça qui va m’arrêter si un jour je veux véritablement me lancer dans cette affaire. Parce que si je me lance, sachez-le, ce ne sera pas pour des questions de pouvoir. Parce que le pouvoir, je l’ai exercé en étant gouverneur. C’est parce que j’ai une ambition pour l’Afrique. Je pense que les Africains peuvent réussir. Je suis un homme de mission, pas un homme de pouvoir. Pour faire cela, il faut que vous ayez des hommes, c’est important, c’est la première ressource.

C’est pour ça que nous avons mené une politique sociale hardie à la Bceao. Cela ne veut pas dire gros salaires, mais mettre les gens dans les conditions pour qu’ils puissent travailler. Pour travailler, il faut être en bonne santé. On a la meilleure couverture sanitaire. Parce que la santé, c’est important. Donc, couverture médicale à 100 %.

Ensuite, le système de retraite. Pour réduire l’écart inacceptable entre le dernier salaire d’actif et la première pension. Enfin, faire en sorte que chaque agent de la Banque puisse acquérir sa maison quand il est encore actif. Vous connaissez les cités Bceao, le Centre aéré. C’est mon œuvre.

FIN
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