scna Grioonaute
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Posté le: Mar 24 Mai 2005 09:59 Sujet du message: Viatique pour le développement de notre Afrique |
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Un Peuple, un But, une Foi
Par sa complexité, par son agencement subtil, par certains aspects de son évolution, la nature, notre environnement constitue un cadre approprié pour décrypter, pour comprendre les phénomènes qui rythment la vie.
Nous vous convions aujourd’hui à un safari inédit à travers la savane sahélienne progressivement colonisée par le désert saharien. Notre attention se portera sur un lion affamé, éreinté, à la recherche d’une proie incertaine et qui, sentant ses forces l’abandonner petit à petit, s’affale et contemple, les yeux hagards, ce baobab séculaire. Il se demande comment ce végétal a pu résister à l’usure du temps malgré les conditions climatiques défavorables. Au vu du puissant tronc de ce dernier soutenant des branches non moins bien servies par la nature mais néanmoins béatement ouvertes vers le ciel, il en déduira l’existence certaine d’un appareil racinaire aussi bien développé. Ce baobab, objet de la fascination de ce lion allie à la fois deux propriétés antagoniques, l’enracinement et l’ouverture.
En effet, après une première lecture, s’exhale, se dégage une tenace impression d’antinomie, d’opposition entre ouverture et enracinement pouvant signifier repli sur soi. Le contraste entre ces deux concepts qui ont longtemps divisé le monde en communistes et capitalistes, en libéraux et conservateurs, traduit le dilemme cornélien auquel étaient confrontés les Etats Africains au lendemain des indépendances quant au type de développement à adopter. Cette indécision dans le choix était d’autant plus accentuée par le fait qu’elle se situait après l’émergence d’un grand mouvement d’affirmations, de réhabilitations de la race noire : la Négritude. L’un des précurseurs de ce mouvement, auteur de la pensée « Enracinement Ouverture », parlant de la négritude disait « qu’elle n’est rien d’autre qu’une volonté d’être soi-même pour s’épanouir ». Et pourtant, plus de quarante ans après les indépendances, après avoir atteint l’âge de la maturité, la situation des pays africains n’en est que plus préoccupante (famines, guerres, épidémies…). Sur le plan économique, le scepticisme et le doute ont longtemps resté de rigueur et le demeurent encore pour certains, quant aux modalités d’insertion, d’arrimage au monde du troisième millénaire, au rendez vous du donner et du recevoir, de la mondialisation. Cette mondialisation engendrera d’autres défis, d’autres challenges vitaux et posera des problématiques comme celles de l’enracinement et de l’ouverture. Autrement dit, qu’allons nous donner et que devrions nous accepter de recevoir ? Qu’avons-nous à gagner et que risquons nous de perdre dans cette mondialisation qui touche tous les secteurs de la vie ? Ce thème « Enracinement et Ouverture » est donc toujours d’actualité et nous essaierons, actualité également oblige, par le biais du sceau de notre chère république, de voir en quoi il peut être une voie de salut.
Il est de notoriété publique que le civisme est la chose la moins partagée dans notre pays. L’état de santé du civisme peut aisément se jauger à travers le non respect de la levée des couleurs nationales. Ce simple acte a priori anodin que l’on ne saurait justifier par une quelconque négligence n’est en fait qu’un reflet du malaise qui affecte notre société. La notion de civisme à propos duquel le russe Nekrassov disait « Poète, tu peux l’être, citoyen, il faut que tu le sois » englobe en réalité aussi bien les droits que les devoirs du citoyen. En fait, la crise du civisme est un corollaire de celle de la gérontocratie perceptible à l’échelon familial. Le respect jadis accordé aux vieillards, aux plus âgés a été bradé au profit de l’argent qui est devenu de nos jours le seul motif de considération au sein de la société. Même si l’on s’accorde avec le dernier des pharaons dans « Nations Nègres et Culture » que « la vénération des vieillards et le respect des aînés, autrement dit le respect de l’âge, provenait du fait que la sagesse, somme d’expériences vécues et de connaissances acquises était fonction de l’âge et que la désacralisation de la vieillesse en Occident et en cours actuellement dans nos pays découle du fait que l’instruction peut conférer dés le bas âge des connaissances qui dépassent celles de beaucoup de personnes âgées », force est de reconnaître, que parce qu’ayant délaissé, qu’ayant négligé, qu’ayant renoncé à certaines de nos valeurs traditionnelles, nous voilà à la merci de conséquences fâcheuses. La gérontocratie a perdu le monopole, le privilège du savoir, du pouvoir, de l’autorité. D’où un bouleversement de la société en ses repères et en son fonctionnement. Outre le désordre notoire et caractérisé qu’elle suscite à tous les niveaux, l’absence de civisme exacerbe l’affirmation des individualités, des minorités. En remettant ainsi en question l’unicité du peuple qui est un des piliers de notre devise de notre République, l’absence de civisme compromet dangereusement l’impérieuse unité d’action qui est indispensable au développement d’une nation.
Les acteurs les plus dynamiques de ce développement se retrouvent au sein de la jeunesse qui est la composante la plus généreuse, la plus prometteuse de la société. Or, c’est justement cette même jeunesse qui paie le plus lourd tribut face au fléau majeur que constitue le sida. D’après le rapport Onusida 1998, 50% des 16000 nouveaux cas d’infections quotidiens se situent dans la tranche d’âge entre quinze et vingt quatre ans. En effet, l’une des vertus cardinales qu’est l’abstinence sexuelle traditionnelle a été ébranlée par les médias qui véhiculent beaucoup plus une culture qui est étrangère, mettant ainsi en péril nos sociétés. Ce fléau est amplifié par la pauvreté consubstantielle à « la fracture sociale », à la précarisation de certaines couches démunies obligées de s’adonner à la prostitution pour survivre. A travers ces deux exemples, on serait tenté de dire d’emblée que perte de valeurs traditionnelles équivaudrait proportionnellement à montée des périls (sida, discorde…), donc à compromission du développement de nos pays. Cet état des choses justifierait il que nous nous engagions résolument à nous replier sur nous-mêmes? En vérité, même si nous voulions adopter cette position, nous ne le pourrions. Notre sens si aigu de la solidarité humaine, de la coopération en d’autres termes notre esprit de dialogue symbolisé par l’arbre à palabres et la téranga qui nous est propre ne nous le permettraient guère. Evoquant le caractère unitaire de l’ontologie négro-africaine dans « Négritude, Arabité, Francité », Senghor oppose la raison discursive du blanc européen percevant le monde en termes dichotomiques, oppositionnels à celle intuitive nègre privilégiant les dialogues interpersonnel et intra personnel. Cette propension au dialogue, loin d’être un handicap est un véritable atout. Car, c’est la contradiction découlant du dialogue sincère et fécond qui fait avancer la société.
La non contradiction équivaut à la mort. Le progrès découle de la discussion, de la critique, de la contradiction.
Pensée unique, partis uniques, n’ont pas survécu à l’usure du temps. Ces régimes que connurent naguère les pays africains ont laissé la place au multipartisme sur le plan politique et au libéralisme sur le plan économique. Malgré ces mutations, la situation ne s’est guère améliorée. Contestations de résultats d’élections, cessations de paiement, inflations, guerres rythment la vie quotidienne des régimes africains. En réalité, à la prédisposition qualitative qu’est la propension au dialogue, s’ajoutent le retard accusé par nos pays en voie de développement ainsi que notre manque de souveraineté. Et, c’est là où la pertinence d’ouverture se pose le plus. L’ouverture bien qu’étant une faculté qui nous est propre, est une nécessité, une contrainte, nous dirons même une imposition. Car, en fait, comme le stipule notre devise, nous avons un but qui est de développer notre pays. Et pour ce faire, il faut que nous parvenions à rentabiliser l’exploitation de nos ressources humaines, agricoles, minières, énergétiques, halieutiques etc.…L’atteinte de cet objectif vital requiert l’acquisition de technologies sans cesse renouvelées et qui sont actuellement l’apanage des pays développés. La collaboration avec ces derniers s’impose donc. Toutefois, elle devra se faire dans le cadre de relations franches où nos Etats ne devraient aucunement occuper la position d’états vassaux.
Et dans le même ordre d’idée, il serait intéressant de pousser plus loin la réflexion. Sommes nous nous africains dans le cadre des micros états dans lequel nous évoluons actuellement en mesure de nous soustraire de cette vassalité d’ordre structurel, d’ordre organisationnel ? détenons nous réellement une partie si congrue soit elle de souveraineté internationale dans ce contexte de mondialisation économique à sens unique actuelle ? Pouvons nous amoindrir, voire juguler les contrecoups de la détérioration des termes de l’échange, comme aimait à le dire Senghor, tout en confinant l’idée de fédération des Etats africains dans « une expression démagogique dilatoire répétée sans convictions au bout des lèvres par nous tous » comme disait le pharaon du savoir Feu Cheikh Anta DIOP dans « Les fondements d’un Etat fédéral d’Afrique noire ».
Assurément non ! Nonobstant les pertes incommensurables causées par la Traite Négrière, c’est surtout la colonisation balkanisation qui a aggravé le retard accusé par les pays africains. Fracture agricole aidant, l’autosuffisance alimentaire, une des bases de la souveraineté d’un pays n’est plus le propre de nos pays. Cette souveraineté, en réalité, nous ne pourrons la détenir dans le cadre des micros états que nous avons hérités de la colonisation. Etant logés à la même enseigne de pays sous développés, partageant des similitudes entre nos civilisations, subissant ensemble mais isolément les affres du néocolonialisme, nous devons nous résoudre à avoir foi en nos potentialités et à unir nos forces. Et c’est en cela, une des significations que l’on peut donner à une foi dans notre devise. La problématique de l’ouverture se pose donc en deux termes, ouverture aux pays développés mais aussi ouverture également et surtout aux pays sous développés.
Ouverture aux pays développés, dialogue nord/sud afin d’acquérir et de maîtriser les nouvelles découvertes technologiques vitales pour rentabiliser l’exploitation de nos ressources. Exploitation efficiente assujettie entre autres à la réduction de cette fameuse fracture numérique qui sera amoindrie par la création récente du Fonds de Solidarité Numérique.
Ouverture aux pays sous-développés, dialogue sud/sud pour s’imprégner et adopter des stratégies de promotion de la solidarité (exemple du Fonds de Solidarité Nationale inspiré de l’expérience tunisienne en matière de lutte contre la précarisation sociale).
Ouverture plus opportune en terme de diversité en direction des pays nantis. Le monopole ne devant également plus être de mise en matière de diplomatie, nous gagnerions à tendre vers un développement plus judicieux de nos relations avec les puissances économiques traditionnelles (France, Millenium Challenge Account avec les Etats-Unis, Japon) et émergentes (Taïwan, Inde).
Ouverture aux pays sous développés, dialogue sud/sud pour mieux faire face au défi économique à l’heure où les nations nanties fédèrent leurs forces (Union européenne après Etats Unis, Euro après Dollar). S’appuyant entre autres sur notre vécu commun de jadis vivier pourvoyeur de combattants à nos anciennes métropoles, nous devons travailler dans le sens du démantèlement de ces frontières factices délimitant des Etats éprouvent des difficultés à garder une homogénéité culturelle nécessaire à une stabilité.
C’est pourquoi certaines initiatives comme l’idée d’une réhabilitation du tirailleur africain tournante entre les différents pays, doivent être promues pour contribuer à la restauration du sentiment d’appartenance à un même peuple, celui africain. Ce faisant, et adhésion des populations aidant, cela ne fera qu’accélérer la mise en œuvre des réalisations du NEPAD (premier véritable plan de développement du continent africain).
En définitive, les concepts enracinement et ouverture ne sont antagonistes qu’en apparence car l’ouverture est une dimension de l’enracinement. S’ouvrir à l’autre à l’autre pour se créer les moyens de préserver ou d’enrichir ses valeurs culturelles, ses traditions, c’est s’enraciner davantage, c’est assurer sa survie.
Par cette métaphore filée, nous avons voulu, au-delà de la réflexion sur la problématique oppositionnelle entre les concepts enracinement et ouverture, attirer votre attention sur cette autre divergence à éviter à tout prix entre fils africains, cette divergence politique qui n’aurait jamais du opposer l’homme de lettres Senghor et l’homme de sciences Cheikh Anta. Après l’œuvre senghorienne d’édification du peuple sénégalais surtout par le biais de la culture, il faut que nous nous engagions résolument à atteindre le but contextuel qui doit être le développement de l’Afrique tel que prôné par Cheikh Anta. Et pour ce faire, il nous faut être armé d’une foi inébranlable en nos potentialités, d’une foi comme celle du Président Abdoulaye WADE qui a patienté 26 ans durant avant d’accéder à la magistrature suprême.
Tout en espérant que notre lion (symbole de la nation) puisse faire rapidement siennes les qualités d’enracinement et d’ouverture ayant permis au baobab (autre symbole de la nation), d’assurer sa survie, nous souhaitons il est vrai avec un peu de retard, une bonne fête d’indépendance à la population sénégalaise tout entière ainsi que le développement rapide de notre continent: l'Afrique.
Oumar FALL
Inspecteur du Travail et de la Sécurité Sociale
Bargny Missirah Sénégal
scna@caramail.com |
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