M.O.P. Super Posteur
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Posté le: Dim 09 Mai 2004 11:55 Sujet du message: Antoine OUEDRAOGO: POUR UN FRONT NEO-PANAFRICANISTE |
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POUR UN FRONT NEO-PANAFRICANISTE
Si les phénomènes de domination à travers des mutations successives n’ont jamais cessé de s’exercer sur l’Afrique, il faut reconnaître que ceux auxquels le continent est actuellement aux prises sont particulièrement lourds en termes de perte en vies humaines et d’ avancées économiques et politiques. On n’est certes pas revenu aux périodes brutales de l’esclavage et de la colonisation mais on n’en est pas tellement loin.
En effet, cette propension à mépriser plus ouvertement les Africains refait surface, le tout dans un contexte défavorable marqué au plan des relations internationales par un insidieux transfert de pouvoir des Etats vers des instances financières internationales et des réseaux divers pas toujours des plus recommandables. L’Afrique, qui peut de moins en moins compter sur les anciens protecteurs (s’ils l’ont jamais réellement protégée), est une victime désignée pour les appétits de ces nouveaux centres de commandement. Elle se trouve ainsi transformée en un vaste marché de commerces illicites portant sur les armes, la drogue, les matières premières, les enfants… avec des complicités internationales. Elle se trouve par le fait mise en jachère, exposée aux coups d’Etat, aux rébellions avec tout ce que cela comporte comme déstructuration sociale, traumatismes irréversibles, et ce, pour satisfaire des appétits économiques. Les présidents n’ont de chance d’être élus ou de rester au pouvoir que s’ils arrivent à s’insérer dans les bons réseaux, à se concilier les bonnes grâces d’un parrain ; ils auront ainsi contre des allégeances, l’immunité et l’impunité pour tous leurs actes. Le primat de la démocratie, de la souveraineté populaire, vole en éclat. Avoir de puissants soutiens dans les loges maçonniques ou dans le cartel de Medellin, être « maqué » par des multinationales, le FMI ou Chirac, vous fait plus facilement la courte échelle pour parvenir au pouvoir que d’avoir le soutien populaire. La monarchisation du pouvoir africain reçoit l’aval des pays dominateurs.
C’est le douloureux constat qu’on dresse en voyant les convulsions dont sont atteintes nombre de régions en Afrique. C’est aussi, à la lumière de cette réalité, qu’il faut comprendre l’acharnement à se défaire de certains régimes et de certains chefs d’Etat.
La situation peu enviable que connaît actuellement le président Gbagbo, participe de cet état de choses. Sans chercher à l’absoudre de tout péché, on peut relier son état à des précédents historiques. Il y a en effet des similitudes entre la situation de Laurent Gbagbo et celle qu’ont connu jadis Patrice Lumumba, Kwame N’Krumah, Thomas Sankara.. Comme ses illustres devanciers étaient des progressistes, il est résolument ancré dans le camp de ceux qui luttent pour plus de justice dans leurs pays en Afrique et dans le monde. De tels leaders n’ont jamais fait bon ménage avec l’Occident. Ils sont considérés comme des brebis galeuses car ils travaillent à éveiller les consciences des masses africaines, ce qui partant, contrecarre les volontés de domination et d’exploitation du continent par les pays tutélaires de toujours.
L’écartement de ces trois présidents notamment par voie d’assassinat pour certains d’entre eux (Lumumba, Sankara), c’est aujourd’hui un fait historique, résulte de complots ourdis dans les pays riches avec la complicité de puissants lobbies et de Judas africains bien connus.
Laurent Gbagbo aujourd’hui, assailli de toutes parts, objet d’un harcèlement militaire, politique, diplomatique et médiatique, est voué, si l’on n’y prend garde, au même sort que les présidents défunts sus-cités parce qu’il a commis le crime impardonnable de contester aux anciennes puissances colonisatrices, aux réseaux transnationaux, à certains parrains, le droit souverain de continuer à s’enrichir sur le dos des Ivoiriens et de poursuivre leur domination (par leaders politiques fantoches interposés) sur son pays et sur le continent.
C’est pour cela qu’il a été victime de plusieurs tentatives de déstabilisation depuis qu’il est parvenu au pouvoir. C’est pour cela qu’il a essuyé une tentative de renversement et d’élimination le 19 Septembre 2002 avec l’implication sans cesse dénoncée par des ONG, des médias…, de certains régimes africains dont celui du président Blaise Compaoré. C’est pour cela qu’il a contre lui aujourd’hui des médias internationaux bien connus comme RFI, des gouvernements de pays riches comme celui de la France de même que des membres du Conseil de Sécurité qui ont juré d’ avoir enfin sa peau, avec ce rapport d’enquête des Nations Unies bidouillé et dont la partialité est manifeste autant que choquante.
Les Africains ne doivent pas laisser se perpétrer un nouveau crime. Même si Laurent Gbagbo a été mal élu, même s’il est comptable d’erreurs de gouvernance et qu’il compte à ses côtés des radicaux difficiles à contrôler, il rachète ses insuffisances par son nationalisme, son opposition à la néo-domination de l’Afrique. Enfin, il rachète ses erreurs par le fait que, pour avoir vu son pays et son régime agressés, envahi avec la complicité de pays étrangers, il est fondé à invoquer sinon l’excuse de provocation en tout cas la légitime défense. Ne serait-ce que pour cela, il mérite qu’à travers l’Afrique, une chaîne de solidarité se constitue non seulement pour dénoncer la curée dont la Côte d’Ivoire est actuellement l’objet mais par-dessus tout, pour dénoncer l’installation ici et là sur le continent de régimes fantoches pour « sécuriser » les prédations des biens de l’Afrique.
Comme à l’époque de l’esclavage et de la colonisation, le continent a besoin d’un mouvement d’éveil et de mobilisation panafricain. Il a besoin d’entrer en « rébellion » pour préserver sa dignité, sauvegarder sa liberté. Un front pour démasquer et confondre les prédateurs extérieurs et leurs soutiens africains et leur soutiens intérieurs, voilà ce qu’il faut à l’Afrique. Un front pour détruire les connexions maffieuses qui renforcent les desperados du continent, voilà ce dont nous avons besoin. Un Front contre la domination de l’Afrique pour aider à la promotion de leaderships de combat et de libération, voilà qui comblerait assurément un grand vide. A coalition transnationale et transversale pour vassaliser, piller le continent, il faut une contre coalition de même nature pour empêcher l’Afrique de retomber dans la servitude.
Il existe des panafricanistes organisés ou non dans des mouvements de droits de l’homme, dans des organisations internationales, des syndicats, des partis, des médias… qui n’hésiteront pas à se fédérer dans une telle structure parce qu’ils ne supportent pas le sort qui est imposé au continent, à ce continent balkanisé, humilié, spolié, contraint de subir les coups d’Etat, les rébellions..., parce que tel est le passage obligé pour satisfaire la voracité des exploiteurs indécrottables.
Après l’Algérie, après le Rwanda, après la Centrafrique.., les Africains doivent redresser l’échine, faire front, ils ne doivent pas laisser, par indifférence, par démission, par cupidité, par peur, la chienlit s’installer en Côte d’Ivoire. Il n’en résultera aucun bénéfice pour les peuples de la sous-région sinon que pour certains chefs d’Etat qui ont partie liée avec les spoliateurs extérieurs.
Si un jour, l’Afrique doit s’éveiller à son tour, il faudra passer par le préalable de ce sursaut !
Ouagadougou, le 7 Mai 2004
Antoine OUEDRAOGO
Informaticien résidant à Ouagadougou
Mail : claudius_Oued@hotmail.com
Tél : 00 226 78 85 69 95 |
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