Tchoko Grioonaute 1
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Posté le: Mar 16 Aoû 2005 08:18 Sujet du message: [Roman] Navigateur Interplanétaire |
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Bonjour à tous,
Dans la lignée de l'idée qu'avaient émise BMW et ARDIN je crois, à savoir proposer quelques extraits d'essais et de romans pour éventuellement, en fonction, motiver à l'achat, je me propose de poster ici quelques extraits du roman de Modibo Diarra, Navigateur Interplanétaire.
Et vu le succès de la discussion sur nos deux inventeurs, j'ai pensé qu'il était opportun de remettre à l'ordre du jour, le parcours d'un vrai scientifique. Bon, là je mets juste un extrait de la partie où il était encore étudiant à l'université de Jussieu, où il a eu tout le mal du monde à poursuivre ses études...
Citation: | Navigateur interplanétaire, de Cheikh Modibo Diarra (Albin Michel)
Faire ce dont on a envie (p 180 - 183)
Peu après m’être inscrit en première année de licence, en septembre 1975, pris du besoin urgent de voyager pour réfléchir à ma guise, sans interférences, je quittai Paris pour l’Algérie et la Centrafrique, où je ne connaissais personne. En juin, n’ayant suivi presque aucun cours, j’échouai à mes examens. Mais l’année suivante, je réussis à toutes mes unités de valeur, sans difficulté. En septembre 1976, même scénario, je m’inscrivis en maîtrise et repris la route, cette fois-ci pour le Gabon. De là, je passai au Cameroun puis au Togo.
De Lomé, je partis pour le Mali où mon père fut scandalisé de me voir arriver en pleine année scolaire. « Tu te ballades comme si tu n’avais rien à faire, retourne travailler ! ». Je lui avouai mon désarroi : « Je suis de plus en plus nul, je ne sais quelle direction prendre, à part résoudre des équations, je ne sais rien de rien…il me faut prendre le temps de réfléchir, de trouver ma voie. »
C’est en discutant avec mon oncle que mon père comprit l’état d’esprit dans lequel je me trouvais. Un jour, alors que je rangeais mes bagages, prêt à retourner, selon l’ordre, à Paris, il m’arrêta :
- « Reste le temps de prendre ta décision, je te fais confiance, un des clefs de la réussite, c’est de faire ce que l’on a envie de faire. »
Durant ces deux semaines à Ségou, je discutai avec lui, avec mon oncle et surtout avec Tata, mais ne trouvai pas d’issue à ma situation. Résigné à faire comme tout le monde, à apprendre mes leçons, je rentrai à Paris.
Durant cet été de l’année 1978, je bossai comme un fou et révisai l’intégralité du programme sans négliger aucune part, décidé cette fois-ci à terminer ma maîtrise. Plus de cinéma, plus de parties de flipper ni de sorties, plus rien. Satisfait du résultat, je décidai de m’accorder un moment de détente. Je téléphonai à l’un de mes amis italiens, Andrea Dardano. Il me pressa de le rejoindre à Rome. Après tout, pourquoi pas ? Mon examen n’était que deux semaines plus tard et je me sentais fin prêt. Heureux de ce voyage imprévu, je partis donc, accompagné de Betty, une amie américaine. Andrea et sa fiancée nous installèrent dans un hôtel près de chez eux. Le jour, nous visitions la ville et la campagne environnante ; le soir, nous dansions jusqu’à l’aube, dans une forme éblouissante. J’avais emporté presque toutes mes économies ; après des semaines de labeur, je brûlais de l’envie de tout claquer, de vivre, de m’amuser sans compter. Et d’offrir à mon amie, ce qui était à ma portée. Gâter une femme, voir le plaisir illuminer son visage, quelle satisfaction !
Samedi, le jour de notre départ, je dépensai mes dernières lires, puisque nous avions, Betty et moi, nos billets de retour. Nous avions décidé de prendre le train de nuit pour être à Paris dimanche matin, la veille de mon examen.
Arrivés à la gare centrale, consternation ! Les cheminots italiens s’étaient mis en grève. Pour combien de temps ? Nul ne le savait. Un désordre indescriptible régnait à la gare, les enfants braillaient, les familles tempêtaient, gesticulaient, je n’avais jamais vu une foule entière parler aussi fort en agitant fébrilement les mains. Si je n’avais pas été rongé d’inquiétude, je me sentais tordu de rire, à les contempler.
On nous assura qu’aucun train ne partirait dans la nuit ; comme il ne nous restait pls assez d’argent pour retourner à l’hôtel, nous fûmes donc contraints de nous contenter de panini alla mozzarella et d’un banc. A une heure du matin, miracle, un train, pris d’assaut, part pour Turin. Nous réussissons à y monter et effectuons la moitié du voyage, debout, entassés les uns sur les autres. A Turin, plus rien, tout le monde descend et l’attente recommence. A ma grande surprise, Betty, dont la mauvaise humeur allait croissant, sortit de l’une des poches de son sac un billet de vingt dollars qu’elle tenait en réserve et m’annonça qu’elle allait dormir dans un hôtel. D’un ton sec, elle déclara que ses parents lui avaient appris à ne jamais dépenser ses derniers dollars avant d’y être contrainte. Elle était, me dit-elle, furieuse de mon imprévoyance, comme si c’était moi qui avais déclenché cette grève ! J’écumais de fureur. Jamais je ne l’aurais crue capable d’un tel comportement.
Sur le quai, il y’avait foule mais l’ambiance était à la rigolade. Certains jouaient de la guitare, d’autres pique-niquaient ou chantaient. Je commençais à être tenaillé par la faim, les expressos n’arrivant pas à me nourrir. Et la conduite de mon amie n’était pas pour me calmer.
Au matin, Betty arriva, le teint frais, reposée par une bonne nuit mais aussi mal disposée à mon égard. Peu après, un train nous conduit jusqu’à Dijon. Nouvelle attente avant de trouver une correspondance pour Paris. Betty continuait à m’abreuver de reproches. Par ma faute, elle arriverait en retard à son bureau. J’avais beau lui expliquer que moi je perdais toute une année d’études, elle n’en avait cure ! La querelle fut si âpre que nous n’avions qu’une envie : nous séparer et ne plus jamais nous revoir. Alors que nos vacances romaines avaient été idylliques…
Lorsque le train s’arrêta en gare de Lyon, il n’était pas loin de onze heures à la grosse horloge, dont je ne pouvais détacher mes yeux, n’arrivant pas à croire à cette malchance. Mes examens avaient commencé depuis deux heures. J’étais hébété, jusqu’à en avoir des vertiges. J’avais raté une année d’études, et un examen que j’avais préparé mieux et plus qu’aucun autre, et je venais de mettre fin de la pire des façons à une liaison que j’avais crue heureuse… |
Grosso modo, après cela, CMD est dans la déprime la plus totale, se remet en question et à chercher une nouvelle voie, autre que les mathématiques de Jussieu dans lesquelles il ne semblait plus s'épanouir.
Puis, en discutant avec une de ses cousines, lui revinrent en mémoire les propos de son amie Américaine Betty, qui lui avait décrit le style de vie américain, lui avait vanté les avantages d'une société où chacun réussissait selon ses mérites. C'est ainsi qu'il décida d'aller voir par lui même si ce que lui avait dit la dite amie correspondait à ses attentes et il partit donc pour New York le 13 Février 1979, il allait avoir 27 ans et n'avait finalement pas eu sa maîtrise.
La suite (les débuts à Howard university) pour plus tard...
Tchoko _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
Dernière édition par Tchoko le Mar 23 Aoû 2005 00:13; édité 1 fois |
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