Posté le: Dim 04 Sep 2005 03:57 Sujet du message: Hommage à Thomas Sankara
Bonsoir ou...Bonjour. Que sais-je, l'heure étant relativement tardive en ce Dimanche 4 Septembre, jour du tant attendu match Cameroun- Côte d'ivoire.
Bref, ce dont je suis sûr, c'est que je n'arrive malheureusement pas à fermer l'oeil depuis un moment et qu'il faut que je fasse quelque chose.
Après une petite science (réflexion), j'arrive à me convaincre que je pourrais peut-être m'occuper en lisant tant bien que mal, quelques informations glanées ça et là sur la toile. N'est-il pas un vieil adage qui dit qu'un homme informé est un homme à moitié formé ? Après réflexion sur cet adage, plutôt improvisé (finalement), je suis enfin résolu à attaquer le réseau des réseaux.
Allant et déambulant sereinement de site en site, passant du Katrina hurricane aux incendies du boulevard Auriol et de la rue Doré tout en ayant à l'oreille le 'all-eyez-on-me' de notre regretté 2pac (c'est un kémite au fait ? Ah oui, donc c'est bon) et l'oeil de temps en temps rivé sur CNN où les images du triste sinistre de la nouvelle orléans déroulent en boucle, inextricablement, je tombe sur quelque chose de totalement imprévu, auquel je ne m'attendais réellement pas. J'ai cité : Thomas Sankara.
Quelle belle surprise, sachant que dans la semaine, la question de l'homme qui aura le plus marqué l'Afrique de par ses actions, son charisme, son amour pour son peuple, etc avait déja été abordée dans un topic sur grioo. Ca tombe bien. Je me dis, ah, je pourrai donc confirmer mon choix qu'était Cheikh Anta Diop en me rémémorant l'oeuvre de notre ex président Burkinabé et le maintenir, définitivement et une fois pour toute en deuxième position. Du moins, c'est ce que j'espérais.
Petit à petit donc, j'attaque, je lis, je parcours, biographie, photos, oeuvre et je retombe sur les anciens discours de mon Tom Sank. Je me dis, bon, je les ai déja lus et à quoi bon encore se fatiguer le cerveau en longs textes ?
Après quelques 100 pas, je réussis finalement à me convaincre qu'à défaut de ne rien faire, je pourrai réellement manger du Sankara ce soir. Pourquoi pas ? Et d'ailleurs, quel mal cela me ferait-il?
Et voilà. Je me lance donc dans la lecture, lettre par lettre, mot par mot, ligne par ligne, je scrute, je lis et j'analyse pour finalement, plusieurs heures plus tard, en arriver à cette conclusion (que tout le monde connaît d'ailleurs) : Sankara était vraiment un grand. Ce mec était en avance sur son temps, de très loin et aujourd'hui, c'est encore le cas de le dire à la lecture de son parcours.
- Il était dans quel pays d'Europe pour étudier ? Il était en Afrique.
- Il était dans quel grande université ? Il était à l'école militaire.
- Etait-ce un vieux de la vieille pour tenir des raisonnements pareils ? Non, Il n'avait pas 40 ans.
- Mais comment faisait-il donc ? Il aimait l'Afrique. Il défendait les opprimés, qui qu'ils soient. Il avait soif de justice. Il était honnête. Tout simplement. Ce qui est malheureusement rare aujourd'hui.
Ce qui était bien avec Sankara, c'est qu'on retrouvait de tout chez lui :
- du Cheikh anta Diop avec cette volonté de voir une Afrique éclore à travers son propre cadre de réfrénces, cette conscience nationale et ce patriotisme hors norme, cette vision profonde des dérives de l'impérialisme culturel, monétaire, économique, politique, etc;
- du malcolm x avec son charisme et son éloquence, et sa facilité à manier le verbe pour tourner en dérision l'enemi ;
- du Soundjata Keita avec cette âme de guerrier dans le sens le plus physique du terme, car militaire de formation et sa volonté de faire prévaloir un certain sens de l'éthique dans son gouvernement ;
- du lui même avec la sensibilité qu'il avait sur des sujets majeurs tels que la très importante question de la place de la femme dans la société africaine, de l'environnement, du problème palestinien, de la famine, de la santé et du sport.
Bref, Sankara c'était un géant. C'était et ça demeurera un vrai exemple pour l'Afrique d'aujourd'hui. Raison pour laquelle, j'ai décidé de lui rendre ici, dans ce topic, un hommage tchoko-solennel, en publiant one-by-one (comme on dit chez nous) des extraits de certains de ses discours des plus percutants, balancés à la face des plus grands escrocs de ce monde se réunissant très souvent dans les grandes capitales, lors de grands sommets, pour sceller sans grands remords le sort de la grande Afrique. Au vu et au su de tous. Au vu et au su de ces "grands" Africains, ces grands là qui disent nous représenter, ces grands inconscients, qui de jour en jour contribuent à la mort programmée de leur continent.
Heureusemt qu'il a existé des personnalités comme Sankara pour nous donner la voie, pour nous donner le chemin. A nous de savoir l'arpenter.
Tchoko _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
Dernière édition par Tchoko le Dim 04 Sep 2005 05:39; édité 1 fois
Bon, trêve de philosophie, c'est parti pour l'épisode I. Ce discours, devant l'assemblée générale des nations unies le 4 Octobre 1984, reste un des discours les plus touchants qu'il ait pu prononcer selon moi. Pour les uns, lisons tranquillement, et pour les autres relisons seulement. En entier.
_____________
EPISODE I : Thomas SANKARA - discours à la 39e Session de l’Assemblée Générale des Nation-Unies, 4 octobre 1984.
« Je parle au nom de ces millions d'êtres qui sont dans les ghettos parce qu'ils ont la peau noire ou qu'ils sont de culture différente et bénéficient d'un statut à peine supérieur à celui d'un animal. Je souffre au nom des Indiens massacrés, écrasés, humiliés et confinés depuis des siècles dans des réserves afin qu'ils n'aspirent à aucun droit et que leur culture ne puisse s'enrichir en convolant en noces heureuses au contact d'autres cultures, y compris celle de l'envahisseur. Je m'exclame au nom des chômeurs d'un système structurellement injuste et conjoncturellement désaxé, réduits à ne percevoir de la vie que le reflet de celle des plus nantis. Je parle au nom des femmes du monde entier, qui souffrent d'un système d'exploitation imposé par les mâles. Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier, nous permettant de parvenir à l'épanouissement total de la femme burkinabé. En retour, nous donnons en partage à tous les pays, l'expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l'appareil de l'État et de la vie sociale au Burkina Faso.
« Je parle au nom des mères de nos pays démunis, qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu'il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d'hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d'une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l'OMS et l'UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.
« Je parle aussi au nom de l'enfant. L'enfant du pauvre, qui a faim et qui louche furtivement vers l'abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une vitre épaisse. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier, placé là par le père d'un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir parce que représentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système. Je parle au nom des autistes (poètes, peintres, sculpteur, musiciens, acteurs), hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l'alchimie des prestidigitations de show-business. Je parle au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge pour ne pas subir les dures lois du chômage.
« Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l'humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C'est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d'une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions qui vont mourir comme chaque année abattus par la redoutable arme de la faim.
« Militaire, je ne peux oublier ce soldat obéissant aux ordres, le doigt sur la détente, et qui sait que la balle qui va partir ne porte que le message de la mort. Enfin, je veux m'indigner en pensant aux Palestiniens qu'une humanité inhumaine a choisi de substituer à un autre peuple, hier encore martyrisé à loisir. Je pense à ce vaillant peuple palestinien, c'est-à-dire à ces familles atomisées errant de par le monde en quête d'un asile. Courageux, déterminés, stoïques et infatigables, les Palestiniens rappellent à chaque conscience humaine la nécessité et l'obligation morale de respecter les droits d'un peuple : avec leurs frères juifs, ils sont antisionistes.
Aux côtés de mes frères-soldats de l'Iran et de l'Irak, qui meurent dans une guerre fratricide et suicidaire, je veux également me sentir proche des camarades du Nicaragua dont les ports sont minés, les villes bombardées et qui, malgré tout, affrontent avec courage et lucidité leur destin. Je souffre avec tous ceux qui, en Amérique latine, souffrent de la mainmise impérialiste. Je veux être aux côtés des peuples afghan et irlandais, aux côtés des peuples de Grenade et de Timor oriental, chacun à la recherche d'un bonheur dicté par la dignité et les lois de sa culture. Je m'élève ici au nom des tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils pourront faire entendre leur voix et la faire prendre en considération réellement. [...]
« Nous voulons être les héritiers de toutes les révolutions du monde, de toutes les luttes de libération des peuples du Tiers Monde. Nous sommes à l'écoute des grands bouleversements qui ont transformé le monde. Nous tirons des leçons de la révolution américaine, les leçons de sa victoire contre la domination coloniale et les conséquences de cette victoire. Nous faisons nôtre l'affirmation de la doctrine de la non-ingérence des Européens dans les affaires américaines et des Américains dans les affaires européennes. Ce que Monroe clamait en 1823, « L'Amérique aux Américains », nous le reprenons en disant « l'Afrique aux Africains », « Le Burkina aux Burkinabé ». La révolution française de 1789, bouleversant les fondements de l'absolutisme, nous a enseigné les droits de l'homme alliés aux droits des peuples à la liberté. La grande révolution d'octobre 1917 a transformé le monde, permis la victoire du prolétariat, ébranlé les assises du capitalisme et rendu possibles les rêves de justice de la Commune française. [...]
« Nous allons bientôt fêter les cent cinquantièmes anniversaires de l'émancipation des esclaves de l'Empire britannique. Ma délégation souscrit à la proposition des pays d'Antigua et de la Barbade de commémorer avec éclat cet événement qui revêt, pour les pays africains et le Inonde noir, une signification d'une très grande importance. Pour nous, tout ce qui pourra être fait, dit ou organisé à travers le monde au cours des cérémonies commémoratives devra mettre l'accent sur le terrible écot payé par l'Afrique et le monde noir au développement de la civilisation humaine. Ecot payé sans retour et qui explique, sans aucun doute, les raisons de la tragédie d'aujourd'hui sur notre continent. [...]
« Nous proposons également que les structures des Nations unies soient repensées et que soit mise fin à ce scandale que constitue le droit de veto. Bien sûr, les effets pervers de son usage abusif sont atténués par la vigilance de certains de ses détenteurs. Cependant, rien ne justifie ce droit : ni la taille des pays qui le détiennent ni les richesses de ces derniers. [...]
Nous tenons à réaffirmer notre confiance en l'Organisation des Nations unies. Nous lui sommes redevables du travail fourni par ses agences au Burkina Faso et de la présence de ces dernières à nos côtés dans les durs moments que nous t traversons.
« Reconnaître notre présence au sein du Tiers monde, c'est, pour paraphraser Joseph Matit. « affirmer que nous sentons sur notre joue tout coup donné à n'importe quel homme de ce monde ». Nous avons jusqu'ici tendu l'autre joue. Les gifles ont redoublé. [...] Il faut proclamer qu'il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt ans durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en-dehors de cette rupture. [...]
« La crainte qui m'habite, c'est de voir les résultats de tant d'énergies confisqués par les prosperos en tout genre pour en faire la baguette destinée à nous renvoyer à un monde d'esclavage maquillé au goût de notre temps. Cette crainte se justifie d'autant plus que la petite bourgeoisie africaine diplômée, sinon celle du Tiers Monde, soit par paresse intellectuelle, soit plus simplement parce qu'ayant goûté au mode de vie occidental, n'est pas prête à renoncer à ses privilèges. De ce fait, elle oublie que toute vraie lutte politique postule un débat théorique rigoureux, et elle refuse l'effort de réflexion pour inventer des concepts nouveaux à la hauteur du combat meurtrier qui nous attend. [...]
« En ces temps de tempêtes, nous ne pouvons laisser à nos seuls ennemis d'hier et d'aujourd'hui le monopole de la pensée, de l'imagination et de la créativité. [...] Certes, nous encourageons l'aide qui nous aide à nous passer de l'aide. Mais en général, la politique d'assistance et d'aide n'a abouti qu'à nous désorganiser, à nous asservir, et à nous déresponsabiliser dans notre espace économique, politique et culturel. Nous avons choisi de nouvelles voies pour être plus heureux. Nous avons choisi de mettre en place de nouvelles techniques. Nous avons choisi de rechercher des formes d'organisation mieux adaptées à notre civilisation, rejetant de manière abrupte et définitive toutes sortes de diktats extérieurs pour créer ainsi les conditions d'une dignité à la hauteur de nos ambitions : refuser l'état de survie, desservir les pressions, libérer nos campagnes d'un immobilisme médiéval ou de régression, démocratiser notre société, ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l'avenir. [...] » _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
Dernière édition par Tchoko le Dim 04 Sep 2005 05:00; édité 1 fois
EPISODE II : Le français doit accepter les autres langues.
A l'occasion du premier sommet de la francophonie tenue à Paris en février 1986, Thomas Sankara a émis la déclaration suivante. Le texte cl-dessous est tiré du Sidwaya.
Nous voilà francophones par le fait colonial, même si chez nous seuls 10 pour cent de Burkinabè parlent français. En nous proclamant de la francophonie, nous annonçons et intériorisons deux préalables : La langue française n'est qu'un moyen d'expression de nos réalités et comme toute langue, le français doit s'ouvrir pour vivre le fait sociologique et historique de son devenir.
La langue française a été pour nous d'abord la langue du colonisateur, le véhicule culturel et idéologique par excellence de la domination étrangère et impérialiste.
Mais c'est avec cette langue par la suite que nous avons pu accéder à la maîtrise de la méthode d'analyse dialectique du phénomène impérialiste et être à même de nous organiser politiquement pour lutter et vaincre.
Aujourd'hui le peuple burkinabè et sa direction politique, le Conseil national de la révolution, utilisent la langue française au Burkina non plus comme le vecteur d'une quelconque aliénation culturelle, mais comme moyen de communication avec les autres peuples.
Notre présence à cette conférence se justifie par le fait que du point de vue du Conseil national de la révolution, il existe deux langues françaises : la langue française parlée par les Français de l'hexagone et la langue française parlée dans les cinq continents.
C'est pour contribuer à l'enrichissement de ce français universalisé que nous entendons apporter notre participation et apprécier en quoi la langue française nous rapproche davantage des autres. Et c'est pour cette raison que je voudrais remercier très sincèrement les autorités françaises de cette heureuse initiative.
C'est par l'intermédiaire de la langue française qu'avec d'autres frères africains nous analysons nos situations respectives et cherchons à conjuguer nos efforts pour des luttes communes.
C'est par l'intermédiaire de la langue française que nous avons communié avec la lutte du peuple vietnamien et parvenons à mieux comprendre le cri du peuple calédonien.
C'est par la langue française que nous découvrons les richesses de la culture européenne, et défendons les droits de nos travailleurs émigrés.
C'est par l'intermédiaire de la langue française que nous lisons les grands éducateurs du prolétariat et tous ceux qui, de façon utopique ou scientifique, ont mis leur plume au service de la lutte des classes.
C'est enfin en français que nous chantons l'Internationale, hymne des opprimés, des « damnés de la terre ».
De cette universalité de la langue française, nous retenons pour notre part que nous devons utiliser cette langue en conformité avec notre internationalisme militant. Car nous croyons fermement à une unité entre les peuples. Celle-ci naîtra de leur conviction partagée, parce qu'ils souffrent tous de la même exploitation et de la même oppression quelles que soient les formes sociales et les habillages dans le temps.
C'est pourquoi selon nous, la langue française, si elle veut plus servir les idéaux de 1789' que ceux des expéditions coloniales, doit accepter les autres langues comme expressions de la sensibilité des autres peuples.
En acceptant les autres peuples, la langue française doit accepter les idiomes et les concepts que les réalités de l'espace de la France n'ont pas permis aux Français de connaître.
Qui pourrait par vanité et mauvaise fierté s'encombrer de tournures alambiquées pour dire en français par exemple les mots Islam, Baraka, quand la langue arabe exprime mieux que nulle autre ces réalités ?
Ou bien le mot pianissimo, doucereuse expression musicale d'au-delà du Piémont ? Ou encore le mot apartheid que la richesse shakespearienne exporte d'Albion sans perfidie vers la France ?
Refuser d'intégrer au français les langues des autres, c'est ériger des barrières de chauvinisme culturel. N'oublions pas que d'autres langues ont accepté du français des mots intraduisibles chez eux.
Par exemple l'Anglais, fair play, a adopté du français l'aristocratique et bourgeois mot champagne. L'Allemand, dans sa, realpolitik admet carrément sans esprit jongleur le mot français arrangement.
Enfin, le peulh, le mooré, le bantou, le wolof et bien d'autres langues africaines ont assimilé, toute colère contenue, les termes oppressants et exploiteurs : impôts, corvées, prison.
Cette diversité nous rassemble dans la famille francophone. Nous la faisons rimer avec les mots amitié et fraternité.
Refuser d'intégrer les autres langues c'est ignorer l'origine et l'histoire de sa propre langue. Toute langue est la résultante de plusieurs autres aujourd'hui plus encore qu'hier, en raison de la perméabilité culturelle que créent, en ces temps modernes, les puissants moyens de communication.
Refuser les autres langues c'est avoir une attitude figée contraire au progrès et cela relève d'une idéologie d'inspiration réactionnaire.
Le Burkina Faso s'ouvre aux autres peuples et attend beaucoup de la culture des autres pour s'enrichir davantage, convaincu que nous tendons vers une civilisation universelle qui nous conduira vers une langue universelle. Notre utilisation du français se situe dans ce sens.
Pour le progrès véritable de l'humanité !
En avant !
La patrie ou la mort, nous vaincrons ! _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
Dernière édition par Tchoko le Dim 04 Sep 2005 04:58; édité 1 fois
29 juillet 1987, Thomas Sankara assiste à Addis-Abeba aux travaux de la vingt-cinquième Conférence au sommet des pays membres de l'OUA. Il y délivre le discours ci-après. Il a été retranscrit à partir d'un enregistrement. Le président de séance était Kennetg Kaunda de Zambie. Ce texte est tiré du numéro de février de Coumbite, une revue trimestrielle publiée à Paris.
Monsieur le président ; Messieurs les chefs des délégations : Je voudrais qu'à cet instant nous puissions parler de cette autre question qui nous tiraille : la question de la dette, la question de la situation économique de l' Afrique. Autant que la paix, elle est une condition importante de notre survie. Et c'est pourquoi j'ai cru devoir vous imposer quelques minutes supplémentaires pour que nous en parlions. Le Burkina Fasso voudrait dire tout d'abord sa crainte. La crainte que nous avons c'est que les réunions de l'OUA se succèdent, se ressemblent mais qu'il y ait de moins en moins d'intéressement à ce que nous faisons.
Monsieur le président : Combien sont-ils les chefs d'Etat qui sont ici présents alors qu'ils ont dument appelés à venir parler de l'Afrique en Afrique ? Monsieur le président : Combien de chefs d'Etats sont prêt à bondir à Paris, à Londres, à Washington lorsque là-bas on les appelle en réunion mais ne peuvent pas venir en réunion ici à Addis-Abeba en Afrique ? Ceci est très important.[Applaudissements] Je sais que certains ont des raisons valables de ne pas venir. C'est pourquoi je voudrais proposer,
Monsieur le président, que nous établissions un barème de sanctions pour les chefs d'Etats qui ne répondent pas présents à l'appel. Faisons en sorte que par un ensemble de points de bonne conduite, ceux qui viennent régulièrement, comme nous par exemple, [Rires] puissent être soutenus dans certains de leurs efforts. Exemple : les projets que nous soumettons à la Banque africaine de développement (BAD) doivent être affectés d'un coefficient d'africanité.[Applaudissements] Les moins africains seront pénalisés. Comme cela tout le monde viendra aux réunions.
Je voudrais vous dire, Monsieur le président, que la question de la dette est en question que nous ne saurions occulter. Vous-même vous en savez quelque chose dans votre pays où vous avez du prendre des décisions courageuses, téméraires même. Des décisions qui ne semblent pas du tout être en rapport avec votre age et vos cheveux blancs. [Rires] Son Excellence le président Habib Bourguiba qui n'a pas pu venir mais qui nous a fait délivrer un important message donné cet autre exemple à l'Afrique, lorsque en Tunisie, pour des raisons économiques, sociales et politiques, il a du lui aussi prendre des décisions courageuses. Mais, Monsieur le président, allons-nous continuer à laisser les chefs d'Etats chercher individuellement des solutions au problème de la dette avec le risque de créer chez eux des conflits sociaux qui pourraient mettre en péril leurs stabilités et même la construction de l'unité africaine ? Ces exemples que j'ai cités, il y en a bien d'autres, méritent que les sommets de l'OUA apportent une réponse sécurisante à chacun de nous quant à la question de la dette. Nous estimons que la dette s'analyse d'abord de par son origine. Les origines de la dette remontent aux origines du colonialisme. Ceux qui se sont transformés en " assistants techniques ". En fait, nous devrions dire en assassins technique. Et ce sont eux qui nous ont proposé des sources de financement, des " bailleurs de fonds ". Un terme que l'on emploie chaque jour comme s'il y avait des hommes dont le "bâillement" suffirait à créer le développement chez d'autres. Ces bailleurs de fonds nous ont été conseillés, recommandés. On nous a présenté des dossiers et des montages financiers alléchants. Nous nous sommes endettés pour cinquante ans, soixante ans et même plus. C'est-à-dire que l'on nous à amenés à compromettre nos peuples pendant cinquante ans et plus.
La dette sous sa forme actuelle, est une reconquête savamment organisée de l'Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers. Faisant en sorte que chacun de nous devienne l'esclave financier, c'est-à-dire l'esclave tout court, de ceux qui ont eu l'opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez nous avec l'obligation de rembourser. On nous dit de rembourser la dette. Ce n'est pas une question morale. Ce n'est point une question de ce prétendu honneur que de rembourser ou de ne pas rembourser.
Monsieur le président : Nous avons écouté et applaudi le premier ministre de Norvège lorsqu'elle est intervenue ici même. Elle a dit, elle qui est européenne, que toute la dette ne peut pas être remboursée. Je voudrais simplement la compléter et dire que la dette ne peut pas être remboursée. La dette ne peut pas être remboursée parce que d'abord si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Soyons-en surs. Par contre si nous payons, c'est nous qui allons mourir. Soyons-en surs également. Ceux qui nous ont conduits à l'endettement ont joué comme au casino. Tant qu'ils gagnaient, il n'y avait point de débat. Maintenant qu'ils perdent au jeu, ils nous exigent le remboursement. Et on parle de crise. Non, Monsieur le président, ils ont joué, ils ont perdu, c'est la règle du jeu. Et la vie continue.[Applaudissements] Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous n'avons pas de quoi payer. Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce que nous ne sommes pas responsables de la dette. Nous ne pouvons pas payer la dette parce qu'au contraire les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses ne pourront jamais payer, c'est-à-dire la dette de sang. C'est notre sang qui a été versé. On parle du Plan Marshall qui a refait l'Europe économique. Mais l'on ne parle pas du Plan africain qui a permis à l'Europe de faire face aux hordes hitlériennes lorsque leurs économies étaient menacés, leurs stabilités étaient menacées. Qui a sauvé l'Europe ? C'est l'Afrique. On en parle très peu. On parle si peu que nous ne pouvons, nous, être complices de ce silence ingrat. Si les autres ne peuvent pas chanter nos louanges, nous en avons au moins le devoir de dire que nos pères furent courageux et que nos anciens combattants ont sauvé l'Europe et finalement ont permis au monde de se débarrasser du nazisme. La dette, c'est aussi la conséquence des affrontements. Lorsque on nous parle de crise économique, on oublie de nous dire que la crise n'est pas venue de façon subite. La crise existe de tout temps et elle ira en s'aggravant chaque fois que les masses populaires seront de plus en plus conscientes de leurs droits face aux exploiteurs. Il y a crise aujourd'hui parce que les masses refusent que les richesses soient concentrées entre les mains de quelques individus. Il y a crise parce que quelques individus déposent dans des banques à l'étranger des sommes colossales qui suffiraient à développer l'Afrique. Il y a crise parce que face à ces richesses individuelles que l'on peut nommer, les masses populaires refusent de vivre dans les ghettos et les bas-quartiers.
Il y a crise parce que les peuples partout refusent d'être dans Soweto face à Johannesburg. Il y a donc lutte et l'exacerbation de cette lutte amène les tenants du pouvoirs financier à s'inquiéter. On nous demande aujourd'hui d'être complices de la recherche d'un équilibre. Equilibre en faveur des tenants du pouvoir financier. Equilibre au détriment de nos masses populaires. Non ! Nous ne pouvons pas être complices. Non ; nous ne pouvons pas accompagner ceux qui sucent le sang de nos peuples et qui vivent de la sueur de nos peuples. Nous ne pouvons pas les accompagner dans leurs démarches assassines.
Monsieur le président : Nous entendons parler de clubs - club de Rome, club de Paris, club de Partout. Nous entendons parler du Groupe des Cinq, des Sept, du Groupe des Dix, peut être du Groupe des Cent. Que sais-je encore ? Il est normal que nous ayons aussi notre club et notre groupe. Faisons en sorte que dès aujourd'hui Addis-Abeba devienne également le siège, le centre d'ou partira le souffle nouveau du Club d' Addis-Abeba contre la dette. Ce n'est que de cette façon que nous pourrons dire aujourd'hui, qu'en refusant de payer, nous ne venons pas dans une démarche belliqueuse mais au contraire dans une démarche fraternelle pour dire ce qui est. Du reste les masses populaires en Europe ne sont pas opposées aux masses populaire en Afrique. Ceux qui veulent exploiter l'Afrique sont les mêmes qui exploitent l'Europe. Nous avons un ennemi commun. Donc notre club parti d'Addis-Abeba devra également dire aux uns et aux autres que la dette ne saura être payée. Quand nous disons que la dette ne saura payée ce n'est point que nous sommes contre la morale, la dignité, le respect de la parole. Nous estimons que nous n'avons pas la même morale que les autres. La Bible, le Coran, ne peuvent pas servir de la même manière celui qui exploite le peuple et celui qui est exploité. Il faudra qu'il y ait deux éditions de la Bible et deux éditions du Coran. [Applaudissements] Nous ne pouvons pas accepter leur morale. Nous ne pouvons pas accepter que l'on nous parle de dignité. Nous ne pouvons pas accepter que l'on nous parle du mérite de ceux qui paient et de perte de confiance vis-à-vis de ceux qui ne paieraient pas. Nous devons au contraire dire que c'est normal aujourd'hui que l'on préfère reconnaître que les plus grands voleurs sont les plus riches. Un pauvre quand il vole ne commet qu'un larcin, une peccadille tout juste pour survivre et par nécessité. Les riches, ce sont eux qui volent le fisc, les douanes. Ce sont eux qui exploitent le peuple.
Monsieur le président : Ce n'est donc pas de la provocation. Je voudrais que très sagement vous nous offriez des solutions. Je voudrais que notre conférence adopte la nécessité de dire clairement que nous ne pouvons pas payer le dette. Non pas dans un esprit belliqueux, belliciste. Ceci, pour éviter que nous allions individuellement nous faire assassiner. Si le Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas là à la prochaine conférence ! Par contre, avec le soutient de tous, donc j'ai grand besoin, [Applaudissements]
avec le soutien de tous, nous pourrons éviter de payer. Et en évitant de payer nous pourrons consacrer nos maigres ressources à notre développement. Et je voudrais terminer en disant que nous pouvons rassurer les pays auxquels nous disons que nous n'allons pas payer la dette, que ce qui sera économisé n'ira pas dans les dépenses de prestige. Nous n'en voulons plus. Ce qui sera économisé ira dans le développement. En particulier nous éviterons d'aller nous endetter pour nous armer car un pays africain qui achète des armes ne peut l'avoir fait que contre un Africain. Ce n'est pas contre un Européen, ce n'est pas contre un pays asiatique. Par conséquent nous devons également dans la lancée de la résolution de la question de la dette trouver une solution au problème de l'armement. Je suis militaire et je porte une arme. Mais Monsieur le président, je voudrais que nous nous désarmions. Parce que moi je porte l'unique arme que je possède. D'autres ont camouflé les armes qu'ils ont.[Rires et applaudissement]
Alors, chers frères, avec le soutien de tous, nous pourrons faire la paix chez nous. Nous pourrons également utiliser ses immenses potentialité pour développer l'Afrique parce que notre sol et notre sous-sol sont riches. Nous avons suffisamment de quoi faire et nous avons un marché immense, très vaste du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest. Nous avons suffisamment de capacité intellectuelle pour créer ou tout au moins prendre la technologie et la science partout où nous pouvons les trouver.
Monsieur le président : Faisons en sorte que nous mettions au point ce Front uni d'Addis-Abeba contre la dette. Faisons en sorte que ce soit à partir d'Addis-Abeba que nous décidions de limiter la course aux armements entre pays faibles et pauvres. Les gourdins et les coutelas que nous achetons sont inutiles. Faisons en sorte également que le marché africain soit le marché des Africains. Produire en Afrique, transformer en Afrique et consommer en Afrique. Produisons ce dont nous avons besoin et consommons ce que nous produisons au lieu de l'importer. Le Burkina Faso est venu vous exposer ici la cotonnade, produite au Burkina Faso, tissée au Burkina Faso, cousue au Burkina Faso pour habiller les Burkinabé. Ma délégation et moi-même, nous sommes habillés par nos tisserands, nos paysans. Il n'y a pas un seul fil qui vienne d'Europe ou d'Amérique.[Applaudissements] Je ne fais pas un défilé de mode mais je voudrais simplement dire que nous devons accepter de vivre africain. C'est la seule façon de vivre libre et de vivre digne. Je vous remercie, Monsieur le président.
La patrie ou la mort, nous vaincrons ! [longs applaudissements] _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
Dernière édition par Tchoko le Dim 04 Sep 2005 04:57; édité 1 fois
La conclusion de la biographie de Thomas Sankara par Bruno Jaffré
Désarroi d'un homme toujours en avance sur son entourage, trahison d'une amitié, déchirement d'une famille perdant un être cher, la vie de Thomas Sankara s'est terminée en tragédie. La hauteur avec laquelle il s'est toujours refusé, malgré les fortes pressions de son entourage, à éliminer son adversaire qui était aussi son meilleur ami, suffirait à le classer parmi les grands hommes de l'histoire moderne. L'un repose en paix en accord avec lui-même l'autre doit vivre avec sa conscience.
La jeunesse a besoin de héros. Mieux vaut que ce soient des êtres de chair et de sang que ces machines à faire de l'argent, fabriquées par des multinationales que sont les vedettes du show business. Mieux vaut qu'ils fassent rêver par leurs qualités humaines et leur action contre l'exploitation et l'injustice et pour plus de solidarité que pour les sommes phénoménales qu'ils brassent et qui surtout retombent aux mains de ceux qui dans l'ombre les manipulent comme des marionnettes.
Originellement le mot héros désigne des demi-dieux, c'est-à-dire des êtres mi-humains mi-dieux. Les " héros " fabriqués par des sociétés de marketing ont perdu toute forme d'humanité bien que les gains de leur promoteur soient eux très réels. Les doutes, les interrogations, les hésitations voire les erreurs de Thomas Sankara viennent nous rappeler qu'il était profondément humain. Il avait de plus un grand sens du concret.
Sa popularité réside dans les qualités qu'il a déployées au pouvoir, dans son énergie, son intelligence, sa créativité, sa résolution, l'ampleur du travail qu'il était capable d'accomplir, sa capacité à entraîner son entourage et son peuple mais aussi dans son intégrité et sa rigueur morale. Autant de qualités somme toute très humaines et très réelles. Mais elles sont rares chez le même homme et atteignent rarement la même force. Son héroïsme réside surtout dans la valeur d'exemple qu'il représentait, ce qui décuplait sa capacité à faire rêver, à entraîner derrière lui son entourage mais aussi son peuple, tout en restant toujours très proche des gens, par la proximité physique mais aussi par son langage qu'il voulait accessible.
Les hommes de pouvoir doivent passer par tellement d'étapes, jouer de tant de malignité, passer par tant de compromission ou de compromis, se débarrasser de tant de rivaux que lorsqu'ils arrivent au sommet ils en ont souvent oublié leur engagement initial quand il n'était pas dès le départ des ambitieux motivés essentiellement par leur propre avenir. Thomas Sankara tranche avec tous ceux-là, il est arrivé très jeune au pouvoir. Il a tenté de l'exercer sans perdre le contact avec la population, bien au contraire puisqu'il prenait sur son sommeil pour le faire. Il sortait incognito et se présentait impromptu dans un village ou une permanence de CDR à la recherche de contacts directs et improvisés débarrassés de tout protocole.
Il s'est efforcé de démystifier le pouvoir avec humour. Il a réussi à en éviter les fastes et les travers dans lesquels tant de révolutionnaires déclarés se sont égarés. Il a au contraire assumé dignement la pauvreté de son pays non comme une honte mais comme le résultat d'un processus historique et des conditions naturelles dues à sa position géographique. Comme nous l'avons vu il a plusieurs fois refusé de prendre le pouvoir avec ses camarades, qui pourtant l'y poussaient. Ce n'était en effet pas le pouvoir qui l'intéressait mais ce qu'on pouvait réaliser avec, pour son peuple. Il sentait alors qu'il n'était pas encore temps.
Thomas Sankara nous ramenait sans cesse à la réalité. Plus que de faire rêver à ce que pourrait être demain, il communiquait son énergie pour construire un monde réel, tout de suite. Quels étaient les objectifs de la Révolution? Il a cru nécessaire de les rappeler au plus fort de la crise en déclarant peu avant sa mort :
" Notre révolution est et doit être permanemment, l'action collective des révolutionnaires pour transformer la réalité et améliorer la situation concrète des masses de notre pays. Notre révolution n'aura de valeur que si en regardant derrière nous, en regardant à nos côtés et en regardant devant nous, nous pouvons dire que les burkinabé sont, grâce à la révolution, un peu plus heureux, parce qu'ils ont de l'eau saine à boire, parce qu'ils ont une alimentation abondante, suffisante, parce qu'ils ont une santé resplendissante, parce qu'ils ont l'éducation, parce qu'ils ont des logements décents parce qu'ils sont mieux vêtus, parce qu'ils ont droit aux loisirs ; parce qu'ils ont l'occasion de jouir de plus de liberté, de plus de démocratie, de plus de dignité. Notre révolution n'aura de raison d'être que si elle peut répondre concrètement à ces questions. "
Est-ce donc rêver que de construire une société où ce minimum puisse être réalisé? Certes même des pays bien plus riches comme la France ou les Etats Unis n'arrivent pas à satisfaire ces besoins pour tous. Ce n'est pas faute d'en avoir les moyens, mais plutôt mondialisation oblige, que le moteur de la société reste la recherche de la rentabilité plutôt que la satisfaction des besoins. Le mot révolution est désormais absent des débats politiques, il a été tellement dévoyé, mais comment remettre la satisfaction des besoins au premier plan? _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
" Tant qu'il y aura l'oppression et l'exploitation, il y aura toujours deux justices et deux démocraties : celle des oppresseurs et celle des opprimés, celle des exploiteurs et celle des exploités.
La justice sous la révolution démocratique et populaire sera toujours celle des opprimés et des exploités contre la justice néo-coloniale d'hier, qui était celle des oppresseurs et des exploiteurs. "
3 janvier 1984, ouverture des 1ères assises des TPR
" Il n'y a pas de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J'entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J'attends et espère l'irruption féconde de la révolution dont elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d'opprimées."
8 mars 1987, Ouagadougou
" Le pillage colonial a décimé nos forêts sans la moindre pensée réparatrice pour nos lendemains "
1983, Paris, Conférence Internationale sur l'arbre et la forêt
" Il faut proclamer qu'il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre 20 années durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en dehors de ce refus là. Pas de développement en dehors de cette rupture là. Il faut ranimer la confiance du peuple en lui-même en lui rappelant qu'il a été grand hier et donc, peut-être aujourd'hui et demain. Fonder l'espoir. "
" La plus grande difficulté rencontrée est constituée par l'esprit de néo-colonisé qu'il y a dans ce pays. Nous avons été colonisés par un pays, la France, qui nous a donné certaines habitudes.
Et pour nous, réussir dans la vie, avoir le bonheur, c'est essayer de vivre comme en France, comme le plus riche des Français. Si bien que les transformations que nous voulons opérer rencontrent des obstacles, des freins."
A un journaliste américain
" L'esprit de liberté, de dignité, de compter sur ses propres forces, d'indépendance et de lutte anti-impérialiste [.] doit souffler du Nord au Sud, du Sud au Nord et franchir allègrement les frontières. D'autant plus que les peuples africains pâtissent des mêmes misères, nourrissent les mêmes sentiments, rêvent des mêmes lendemains meilleurs. "
Août 1984, Conférence de presse
" Nous n'avons pas compris comment ils [Jonas SAVIMBI de l'Angola et Pieter BOTHA d'Afrique du Sud, pro Apartheid] ont eu le droit de parcourir la France si belle et si propre. Ils l'ont tachée de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang. Et tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en portent l'entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd'hui et toujours. "
Novembre 1986, discours fait à François Mitterrand, en visite à Ouagadougou
" Parce que de toutes les races humaines, nous appartenons à celles qui ont le plus souffert, nous nous sommes jurés de ne plus jamais accepter sur la moindre parcelle de cette terre le moindre déni de justice . "
Les grands chantiers
Commencent ici ses ouvres pour redonner au Burkina Faso une dignité, une autonomie et une indépendance économique (le fameux " consommons Burkinabé ") de par ses actes et ses discours (Thomas SANKARA fût très tôt contre l'injustice) : contre la domination historique des grandes puissances sur son pays et pour la participation du peuple au pouvoir, le mot d'ordre est que le pays doit vivre de ses propres forces et au niveau de ses propres moyens.
Ses grandes actions furent :
- campagne massive de vaccination des Burkinabé qui fera chuter le taux de mortalité infantile alors le plus haut d'Afrique,
- construction considérable d'écoles et d'hôpitaux,
- campagne de reboisement : plantation de millions d'arbres pour faire reculer le Sahel,
- grande réforme agraire de redistribution des terres aux paysans,
- élévation des prix et suppression des impôts agricoles,
- institution de Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR),
- grandes mesures de libération de la femme (interdiction de l'excision, réglementation de la polygamie, participation à la vie politique, etc.),
- aides au logement (baisse des loyers, grandes constructions de logement pour tous), et tant d'autres. _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
Dernière édition par Tchoko le Dim 04 Sep 2005 05:26; édité 3 fois
Tchoko _________________ « En me renversant, on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté, mais il repoussera car ses racines sont profondes et nombreuses. » (Toussaint Louverture)
que dire quand tu lis ça?? à part réaffirmer encore une fois qu'il est parti bcp trop tôt!!
merci de nous faire partager ça...
« Je parle au nom des mères de nos pays démunis, qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu'il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d'hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d'une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige. Ces moyens simples recommandés par l'OMS et l'UNICEF, nous avons décidé de les adopter et de les populariser.
« Je parle aussi au nom de l'enfant. L'enfant du pauvre, qui a faim et qui louche furtivement vers l'abondance amoncelée dans une boutique pour riches. La boutique protégée par une vitre épaisse. La vitre défendue par une grille infranchissable. Et la grille gardée par un policier casqué, ganté et armé de matraque. Ce policier, placé là par le père d'un autre enfant qui viendra se servir ou plutôt se faire servir parce que représentant toutes les garanties de représentativité et de normes capitalistiques du système. Je parle au nom des autistes (poètes, peintres, sculpteur, musiciens, acteurs), hommes de bien qui voient leur art se prostituer pour l'alchimie des prestidigitations de show-business. Je parle au nom des journalistes qui sont réduits soit au silence, soit au mensonge pour ne pas subir les dures lois du chômage.
« Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l'humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C'est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d'une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions qui vont mourir comme chaque année abattus par la redoutable arme de la faim.
« Reconnaître notre présence au sein du Tiers monde, c'est, pour paraphraser Joseph Matit. « affirmer que nous sentons sur notre joue tout coup donné à n'importe quel homme de ce monde ». Nous avons jusqu'ici tendu l'autre joue. Les gifles ont redoublé. [...] Il faut proclamer qu'il ne peut y avoir de salut pour nos peuples que si nous tournons radicalement le dos à tous les modèles que tous les charlatans de même acabit ont essayé de nous vendre vingt ans durant. Il ne saurait y avoir pour nous de salut en-dehors de cette rupture. [...]
« La crainte qui m'habite, c'est de voir les résultats de tant d'énergies confisqués par les prosperos en tout genre pour en faire la baguette destinée à nous renvoyer à un monde d'esclavage maquillé au goût de notre temps. Cette crainte se justifie d'autant plus que la petite bourgeoisie africaine diplômée, sinon celle du Tiers Monde, soit par paresse intellectuelle, soit plus simplement parce qu'ayant goûté au mode de vie occidental, n'est pas prête à renoncer à ses privilèges. De ce fait, elle oublie que toute vraie lutte politique postule un débat théorique rigoureux, et elle refuse l'effort de réflexion pour inventer des concepts nouveaux à la hauteur du combat meurtrier qui nous attend. [...]
3 janvier 1984, ouverture des 1ères assises des TPR
" Il n'y a pas de révolution sociale véritable que lorsque la femme est libérée. Que jamais mes yeux ne voient une société où la moitié du peuple est maintenue dans le silence. J'entends le vacarme de ce silence des femmes, je pressens le grondement de leur bourrasque, je sens la furie de leur révolte. J'attends et espère l'irruption féconde de la révolution dont elles traduiront la force et la rigoureuse justesse sorties de leurs entrailles d'opprimées." _________________ PEACE
Posté le: Mer 14 Sep 2005 17:01 Sujet du message: Jah Thomas Sankara
Mil mercis pour c big up à c gran.Mal compris par ses paires qui la voulait plutôt grâce , la révolution qu' il a pronnée est dans nos coeurs et nous la poursuivons avec Amour pour le bonheur de tout le peuple Noir; Spiritual revolution now !Jah bless! _________________ SE LIBERER DE L'ESCLAVAGE MENTALE ORCHESTREE PAR LES GRANDS ROYAUMES CHRETIENS EUROPEENS SUR LE PEUPLE NOIR PENDANT L'ESCLAVAGE,LA COLONNISATION;SE LIBERER DES FRONTIERES ARTIFITIELLES HERITEES DU TRAITE DE BERLIN(1884-1885) SOURCE DE CONFLITS ET DE DIVISION.IL FAUT QUE L'AFRIQUE SE REVEILLE:SPIRITUAL REVOLUTION NOW!
un GRAND!! juste dans ses propos:cry:
un exemple pour des jeunes africains, non-politiciens de formation mais libre penseur, Blaise n'a meme pas honte...c'Est incroyable, de se proclammer president, quand on ne vaut meme pas la balle qu'on merite!!si c'Est le 1er des burkinabé, ou se situe les autres...cet homme les insultes
" Parce que de toutes les races humaines, nous appartenons à celles qui ont le plus souffert, nous nous sommes jurés de ne plus jamais accepter sur la moindre parcelle de cette terre le moindre déni de justice . "
Bon sang mè bon sang!!! Il fallait vraiment etre contre l'afrik pour refuser de s'allier à ce "messie"(oui g dis bien messie!!!). Repose en paix!!!
tout ceci ne m'oblige à me demander si Bongo, Biya ,etc...ont une conscience???
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum