Rocs Bon posteur

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Posté le: Mer 21 Sep 2005 09:10 Sujet du message: La vision d'un chef camerounais |
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A L'ouest du Cameroun, dans un petit village de mille âmes, le chef traditionnel Raymond Tchakounté II et le chef de poste agricole Célestin Tenken nous expliquent comment ils sortent Les paysans de la pauvreté. Rencontre sur le terrain.
Rares sont les voitures qui vont jusqu'au village. Avec sa moto, on l'entend donc arriver de loin. Sa propre moto. Parce qu'il a beau n'être qu'un petit fonctionnaire agricole, il l'affirme haut et fort : «Oui, ce bijou, j'ai réussi à me le payer !» Et avec quel argent ? «Celui de la vente de mes récoltes, répond-il, des kilos de tomates et autres plantes maraîchères vendus sur les marchés de Bafoussam ou de Yaoundé. » Au bout de quelques mois, il a pu s'offrir l'objet tant convoité, qui lui permet de se rendre tous les matins à son travail sans se fatiguer ! Lui, c'est Célestin Tenken, le chef de poste agricole de Fetba, un village de l'ouest du Cameroun, dans le département du Ndé, un village de 1 000 âmes coincé dans une vallée encaissée. Pas l'idéal du point de vue des voies de communication.
Aujourd'hui encore, une seule piste y mène et mieux vaut ne pas l'emprunter a la saison des pluies. Mais, pour les terres, d'une richesse hors pair, c'est idéal : tous les sédiments et les minéraux ruissellent en effet sur les pentes qui entourent le village pourvenirse loger dans les bas-fonds. Sous le climat équatorial chaud et humide, tout pousse en abondance. Ici, il suffit de planter ! Il suffit surtout d'y penser... C'est justement le rôle de Célestin Tenken. Depuis son arrivée au village, au début de l'année, il n'a qu'un
seul objectif : sortir les paysans de la pauvreté en les poussant vers une agriculture plus moderne. Car ici, on est cultivateur de père en fils, en autodidacte, de manière empirique. Les techniques n'ont guère évolué. Alors Célestin a organisé un planning très précis. Lundi, bananeraie ; mardi, palmeraie ; mercredi, élevage ; jeudi, cultures maraîchères ; vendredi, café. Chaque jour, il se rend sur le champ communautaire correspondant et il diffuse sa science.
Autour de lui, les paysans concernés écoutent, s'entraînent, puis retournent sur leur propre parcelle pour mettre la leçon en pratique. Non seulement Célestin les initie aux nouvelles techniques, mais il leur inculque également les notions de base que souvent ils ignorent : intérêt de planter en ligne, avantages des engrais et des insecticides, exigences de telle ou telle plante en matière d'ensoleillement, de taille, d'arrosage, etc. Surtout, il les incite à s'orientervers d'autres cultures, plus rémunératrices, telles que les produits maraîchers. Le message est
clair : abandonnez les produits traditionnels que tous les paysans de la région récoltent et profitez de la richesse des terres du village pour vous lancer dans des cultures plus nobles comme le piment, la tomate, le poivron, le chou, l'oignon, le soja, le riz, etc. Et ainsi, un jour, vous réussirez vous aussi à vous payer l'objet de vos rêves !
Une prophétie
Une tâche facilitée par le travail d'un autre homme : Raymond Tchakounté II, chef traditionnel de Fetba. C'est lui qui, bien avant l'arrivée du chef de poste agricole, a impulsé un véritable changement de mentalité. Avant de mourir, son père avait prédit qu'un de ses fils reviendrait et qu'il «apporterait la lumière. Au sens propre comme au figuré. » Vérification sur le terrain : en douze ans de règne, l'électricité est arrivée au village, une borne-fontaine a remplacé le marigot, une deuxième route devrait bientôt être construite et l'établissement d'un centre de santé accepté par le gouvernement. Lin-ère est déjà sur place. Il ne manque que le matériel. Raymond Tcha-,té ne croyait pas que son père le (nerait pour prendre sa succession, iii n'avait jamais vécu au village et lenait sa vie à Yaoundé : marié, deux nts, cadre et délégué du personnel .une société après avoir obtenu son en sciences économiques. Il a donc tarachuté ici, à Fetba. mj départ réticent, il s'est ensuite i investi d'une mission : sortir les )eois de la misère. Et pour cela, inu-i'aller pleurer les subventions. Ils lient s'en sortir par eux-mêmes, :e à la mise en valeur de la grande ; du village : les terres. Dans cette on traditionnellement très indivi-iste, il a commencé par convaincre Dpulation de travailler ensemble. la n'a pas été évident, explique-t-il, s. dès les premières récoltes, les sans ont vu une augmentation de ~s rendements et ils en ont com-i intérêt. »
Une mission qui implique également un certain nombre de sacrifices, tel celui de son confort personnel. La rénovation de la chefferie attendra. Les dons reçus lors de son intronisation passeront dans l'achat de matériel agricole : coupe-coupe, haches, racloirs, etc. L'idée étant de défricher une nouvelle parcelle, de vendre le bois sur le bord de la route, d'acheter des semences avec l'argent encaissé et ainsi de créer un champ expérimental. Ce même champ sur lequel Célestin Tenken effectue aujourd'hui ses démonstrations de cultures maraîchères. La boucle est bouclée.
Chef intello
L'envoi du chef de poste agricole dans son village est une grande victoire pour le chef Tchakounté, et une véritable reconnaissance de son travail par l'administration de son pays. Mais si aujourd'hui, sur le terrain purement agraire, il a passé le relais, ce n'est que pour mieux se battre ailleurs. En cherchant notamment de nouveaux débouchés pour
les cultures de ses paysans sur les marchés de Bafoussam, de Douala ou encore de Yaoundé, principales villes du pays. En plaidant aussi la cause de son village plus loin encore. En France. Plus précisément à Clermont-Ferrand, en région Auvergne. Car Raymond Tchakounté II n'est pas un chef comme tous les autres. Il est ce que l'on pourrait appeler un "chef intello". Thésard !
A la fin de l'année, il présentera son doctorat en économie du développement. Une thèse qui porte sur le système qu'il a mis en place dans son village. Et il profite, bien entendu, de ses passages dans l'Hexagone pour jouer les super-VRP : il a déjà obtenu un bus, un camion benne, du matériel médical et des livres pour la future bibliothèque. Des succès qui ne l'incitent cependant pas au repos. Il continue à se battre pour offrir à ses villageois des conditions de vie décentes. Et lors
qu'il aura atteint ce but, il se tournera vers un projet qui lui tient à cœur : l'établissement, à Fetba, d'un centre de formation aux techniques agricoles.
Comment ont fait pour mettre des photos a travers word ? le copier-coller ne marche pas. |
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