kilowatt Grioonaute
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Posté le: Sam 22 Oct 2005 23:33 Sujet du message: Voltaire : un vrai raciste |
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Voltaire le bon Voltaire....aie ça fait mal
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Quelques vérités dérangeantes sur l’humanisme de Voltaire
Par Kahm Piankhy
« La race des Nègres est une espèce d'hommes différente de la nôtre [...] on peut dire que si leur intelligence n'est pas d'une autre espèce que notre entendement, elle est très inférieure. Ils ne sont pas capables d'une grande attention, ils combinent peu et ne paraissent faits ni pour les avantages, ni pour les abus de notre philosophie. Ils sont originaires de cette partie de l'Afrique comme les éléphants et les singes ; ils se croient nés en Guinée pour être vendus aux Blancs et pour les servir »
Voltaire in Essai sur les moeurs
Il ne fait quasiment aucun doute là-dessus : Voltaire fut parmi les grands philosophes des Lumières. De ceux qui prônaient la tolérance, fustigeaient les guerres, l’injustice et surtout l’esclavage. Ces valeurs de rupture portées dans l’atmosphère de censure d’une époque bercée par la monarchie de droit divin dans laquelle seuls l’Église et le roi établissaient les règles, firent de Voltaire l’un des esprit les plus brillants de l’Histoire française. Philosophe, romancier, dramaturge, historien, poète, pamphlétaire et essayiste à la fois, rien ou presque n’échappait à la plume de celui qui est considéré comme l’un des plus grands écrivain que la France ait produit.
C’est Candide, son plus fameux roman publié en 1759, qui illustre sans doute le mieux, pense-t-on, l’humanisme de François Marie Arouet. Il y fait notamment le procès de la métaphysique en cherchant constamment à apporter la contradiction à Pangloss, son précepteur enseignant la « métaphysico-théologo-cosmolonigologie ». Candide se plaît d’ailleurs tout au long de l’ouvrage à contredire son maître afin de démontrer le ridicule de ses thèses.
Mais au-delà de la dénonciation de l’intolérance, de la guerre et du fanatisme, d’aucuns ont vu dans Candide les prises de positions courageuses du philosophe contre l’esclavage.
Lors d’un de ses voyages au Surinam, Candide s’offusque ainsi du sort que l’on fit à un pauvre esclave :
« En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh ! mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? - J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. - Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? - Oui, monsieur dit le nègre, c'est l'usage.
On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre
Heureux ; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. » Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous; les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous
cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible » (1)
Candide se tourne alors vers Pangloss, son professeur, et le tance : « ô Pangloss ! tu n'avais pas deviné cette abomination ; c'en est fait, il faudra qu'à la fin je renonce à ton optimisme (…) ». Puis Candide « versait des larmes en regardant son nègre ; et en pleurant, il entra dans Surinam » (2)
On remarquera au passage que le pauvre esclave a été vendu par…sa propre mère, ce que Voltaire soutient dans toutes ses oeuvres dès qu’il évoque les Nègres. On ne se refait pas : il est persuadé que les parents vendent leurs enfants en Afrique et que ces parents ont intériorisé la supériorité des « maitres blancs » qu’ils se doivent de servir. Cette approche raciale de la servitude est une idée fondamentale du système de pensée de Voltaire. Il y croit comme dur comme fer. Mais il semble que ce « détail » n’ait pas sauté aux yeux de ses louangeurs qui ont vite fait de convaincre le monde de la factualité de cet anti-esclavagisme.
Ce commentaire fait parfaitement corps avec une de ses innombrables affirmations péremptoires issues de son Essai sur les mœurs dans lequel on peut lire : « un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur ; ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir un ». La seule différence ici est que Candide est un roman alors que l’ Essai sur les mœurs est, comme son nom l’indique, un essai dans lequel il expose ses idées sur les sociétés du monde.
Au vrai, on se demande si Voltaire ne s’indigne pas dans Candide du sort fait aux esclaves comme certains de nos contemporains s’insurgeraient de celui fait aux chiens délaissés par leurs maitres durant l’été. On peut prendre en pitié un animal tout en le considérant comme n’étant qu’un simple animal bon à obéir au maître. Faire preuve de pitié envers un chien ou un chat qui souffre ne signifie pas pour autant que celui-ci soit considéré comme notre égal. On entend déjà des dents grincées : pourquoi prendre comme exemple des animaux et les comparer à celui des esclaves ? Mais tout simplement parce que Voltaire utilisera plusieurs fois ce terme pour désigner les Africains : les « animaux nègres » comme il les appelle.
Ainsi donc, comme beaucoup de philosophes de son époque, Voltaire ne s’opposait pas à l’esclavage en tant que tel. On se demande d’ailleurs s’il n’est pas pris au propre piège de sa logique de contradiction : démonter à tout prix le positivisme de son précepteur, quitte à entonner des airs auxquels ils ne croient pas fondamentalement. Pourquoi les philosophes qui étaient en pointe dans pratiquement toutes les luttes de l’époque étaient-ils si timorés voire muets en ce qui concerne l’esclavage ?
William B. Cohen explique ce paradoxe par le fait que l’esclavage produisait des richesses indéniables qui participaient « au développement de la société raffinée des salons, société au sein de laquelle les philosophes purent jouir des pensions dont tant d’entre eux, Marmontel, Suard, La Harpe et Bernardin de Saint-Pierre - entre autres - bénéficièrent » (3)
Car l’esclavage produisait bel et bien des richesses généreuses, et pas seulement pour les colonies. Les produits antillais étaient raffinés en métropole puis revendus dans toute l’Europe. La métropole en profitait amplement et « tout l’arrière pays, grâce, par exemple, à l’implantation de chantiers navals et de raffineries de sucre en tirait sa substance. Un quart du commerce extérieur de la France était lié aux colonies et tout le monde s’accordait pour reconnaître que les Antilles étaient de loin les plus lucratives de tout l’Empire » (4)
Il était donc manifeste que les philosophes, à quelques exceptions près, étaient aveuglés par les intérèts direct et indirects que leur procurait le travail forcé des Africains aux colonies et « en tant que citoyens désireux de voir leur pays s’enrichir » (5) ils ne pouvaient guère prendre une position radicale et ferme contre celui-ci. Voltaire avait lui-même des actions de la Compagnie des Indes dont l’une des sources principales provenaient du traffic d’esclaves africains.
William B. Cohen, toujours lui, persiste et signe au sujet de l’hypocrisie des philosophes : « C’est pourquoi Michèle Duchet affirme que dans l’ensemble leur attitude anti-esclavagiste ne représentait pas une attaque courageuse contre le système des plantations mais plutôt un écho des préoccupations des fonctionnaires délégués aux colonies » (6)
Traité de métaphysique (1734)
Note de l’éditeur de l’époque qui averti le lecteur.
« Longchamp, dans le chapitre XXV de ses Mémoires publiés en 1826, raconte que, chargé d’attiser le feu dans lequel on avait jeté des papiers que Mme du Châtelet avait recommandé de brûler après sa mort, il parvint à soustraire un cahier de papier à lettres, d’une écriture fort menue. Ce cahier contenait le Traité de métaphysique, qui fut imprimé pour la première fois dans les éditions de Kehl. " Cet ouvrage est d’autant plus précieux, disaient alors les éditeurs, que n’ayant point été destiné à l’impression, l’auteur a pu dire sa pensée tout entière. Il renferme ses véritables opinions, et non pas seulement celles de ses opinions qu’il croyait pouvoir développer sans se compromettre. On y voit qu’il était fortement persuadé de l’existence d’un Être suprême, et même de l’immortalité de l’âme, mais sans se dissimuler les difficultés qui s’élèvent contre ces deux opinions, et qu’aucun philosophe n’a encore complètement résolues.
Voltaire, en l’offrant à Mme du Châtelet, pour qui il l’avait composé, y joignit le quatrain suivant (...)" »
En 1734, dans son Traité de métaphysique, Voltaire se pose notamment la question de la croyance en un dieu créateur. Il décortique ainsi les arguments défendant l’existence d’un être supérieur et tente de démontrer en quoi ce dernier n’est pas essentiel puisque « si la connaissance d’un Dieu était nécessaire à la nature humaine, les sauvages hottentots auraient une idée aussi sublime que nous d’un Être suprême » (7)
Dans ce sens, il est évident que le fait que « tous les hommes naissent avec un nez et cinq doigts » alors qu’aucun « ne naît avec la connaissance de Dieu » démontre bien que la croyance en un être suprême n’est pas tant nécessaire à l’homme : « que cela soit déplorable ou non, poursuit-il, telle est certainement la condition humaine » (
On a vu, par pure haine de l’Église, certains philosophes constamment prendre le parti des valeurs qui s’opposaient à celles défendues par le clergé. L’Église se reconnaissait dans une vision monogéniste de l’origine des hommes qui descendaient tous, selon elle, d’Adam et Eve, et ce quelque soit leur degré de pigmentation ? Eh bien des philosophes à l’instar de Voltaire prenaient le contre-pied et plaidaient en faveur du polygénisme, soit l’idée que les races d’homme proviennent toutes d’espèces différentes entre elles. C’est ainsi qu’aux yeux de Voltaire, la race noire et la race blanche n’ont rien en commun et n’appartiennent tout simplement pas à la même espèce.
Dans le chapitre I du Traité de métaphysique titré « Des différentes espèces d’homme », Voltaire annonce clairement la couleur : « Je vois des singes, des éléphants, des nègres » dans le pays des Cafres. Puis, confirme ce que tout le monde sait de lui, à savoir qu’il croit fondamentalement à la hiérarchie des races humaines et que les Nègres croupissent à ses yeux tout en bas de cette échelle : «(…) De tous ces êtres c’est l’éléphant qui est l’animal raisonnable ». Le philosophe n’y va pas par quatre chemins pour confirmer l’animalité des Africains : « Mais, pour ne rien décider trop légèrement, je prends des petits de ces différentes bêtes; j’examine un enfant nègre de six mois, un petit éléphant, un petit singe, un petit lion, un petit chien: je vois, à n’en pouvoir douter, que ces jeunes animaux ont incomparablement plus de force et d’adresse; qu’ils ont plus d’idées, plus de passions, plus de mémoire, que le petit nègre »
Voltaire finira tout de même par reconnaître que l’Africain est un homme mais avec quelques « nuances » dans le propos. Et quelles nuances ! :
« Je m’aperçois même que ces animaux nègres (sic) ont entre eux un langage bien mieux articulé encore, et bien plus variable que celui des autres bêtes. J’ai eu le temps d’apprendre ce langage, et enfin, à force de considérer le petit degré de supériorité qu’ils ont à la longue sur les singes et sur les éléphants, j’ai hasardé de juger qu’en effet c’est là l’homme; et je me suis fait à moi-même cette définition: L’homme est un animal noir qui a de la laine sur la tête, marchant sur deux pattes, presque aussi adroit qu’un singe, moins fort que les autres animaux de sa taille, ayant un peu plus d’idées qu’eux, et plus de facilité pour les exprimer; sujet d’ailleurs à toutes les mêmes nécessités; naissant, vivant, et mourant tout comme eux » (9)
Voici donc l’homme que l’on nous présente universellement comme un humaniste bon teint. Un homme qui se force presque à admettre que, comparé à l’intelligence des autres animaux, des singes et des éléphants « l’animal nègre » peut paraître humain dans le sens où il a une amplitude intellectuelle que les autres bêtes n’ont pas.
Si certains se sont laissés berner par le mythe Candide, pour d’autres il n’y a pas de doute quant au racisme viscéral du philosophe. Pour Pierre Pluchon, Voltaire « le seigneur de Ferney est raciste, comme les esprits éclairés de son temps » (10)
Passant de l’Afrique à l’Inde, Voltaire poursuit sa description des hommes et finit par réviser légèrement son regard sur les espèces différentes :
« Après avoir passé quelque temps parmi cette espèce [ il parle là des Africains ], je passe dans les régions maritimes des Indes orientales. Je suis surpris de ce que je vois : les éléphants, les lions, les singes, les perroquets, n’y sont pas tout à fait les mêmes que dans la Cafrerie, mais l’homme y paraît absolument différent; ils sont d’un beau jaune, n’ont point de laine; leur tête est couverte de grands crins noirs. Ils paraissent avoir sur toutes les choses des idées contraires à celles des nègres. Je suis donc forcé de changer ma définition et de ranger la nature humaine sous deux espèces la jaune avec des crins, et la noire avec de la laine » (11)
A Goa, Voltaire rencontre un autochtone érudit dont il parle en ces termes peu flatteurs : « Je rencontre à Goa une espèce encore plus singulière que toutes celles-ci: c’est un homme vêtu d’une longue soutane noire, et qui se dit fait pour instruire les autres. Tous ces différents hommes, me dit-il, que vous voyez sont tous nés d’un même père; et de là il me conte une longue histoire »
Mais la réponse de l’autochtone ne plaît guère au philosophe qui choisit de la refouler : « (…) Ce que me dit cet animal me paraît fort suspect. Je m’informe si un nègre et une négresse, à la laine noire et au nez épaté, font quelquefois des enfants blancs, portant cheveux blonds, et ayant un nez aquilin et des yeux bleus; si des nations sans barbe sont sorties des peuples barbus, et si les blancs et les blanches n’ont jamais produit des peuples jaunes. On me répond que non; que les nègres transplantés, par exemple en Allemagne, ne font que des nègres, à moins que les Allemands ne se chargent de changer l’espèce, et ainsi du reste » (12)
Ses convictions polygénistes seront renforcées par ce voyage :
« Il me semble alors que je suis assez bien fondé à croire qu’il en est des hommes comme des arbres; que les poiriers, les sapins, les chênes et les abricotiers, ne viennent point d’un même arbre, et que les blancs barbus, les nègres portant laine, les jaunes portant crins, et les hommes sans barbe, ne viennent pas du même homme » (13)
Dans le chapitre V de ce Traité de métaphysique titré « Si l’homme a une âme et ce que ce peut être », il se voit « arrivé en Afrique, et entouré de nègres, de Hottentots, et d’autres animaux » à qui il reconnaît finalement des sentiments semblables à ceux des Blancs puisqu’ils ont comme eux désirs, passions et besoins.
Il se flatte volontiers de pouvoir comprendre le sens des expressions des « animaux nègres » comme il les nomme :
« Ainsi, avec un peu d’attention, j’entends le langage de tous les animaux; ils n’ont aucun sentiment qu’ils n’expriment : peut-être n’en est-il pas de même de leurs idées; mais comme il paraît que la nature ne leur a donné que peu d’idées, il me semble aussi qu’il était naturel qu’ils eussent un langage borné, proportionné à leurs perceptions.
Que rencontré-je de différent dans les animaux nègres? Que puis-je y voir, sinon quelques idées et quelques combinaisons de plus dans leur tête, exprimées par un langage différemment articulé? Plus j’examine tous ces êtres, plus je dois soupçonner que ce sont des espèces différentes d’un même genre. Cette admirable faculté de retenir des idées leur est commune à tous; ils ont tous des songes et des images faibles, pendant le sommeil, des idées qu’ils ont reçues en veillant; leur faculté sentante et pensante croît avec leurs organes, et s’affaiblit avec eux, périt avec eux. Que l’on verse le sang d’un singe et d’un nègre, il y aura bientôt dans l’un et dans l’autre un degré d’épuisement qui les mettra hors d’état de me reconnaître; bientôt après leurs sens extérieurs n’agissent plus, et enfin ils meurent »
Les Blancs sont supérieurs aux Nègres et aux autres peuples. Pour Voltaire cela coule tout simplement de source. A cela près qu’il admet, au moins, que ces mêmes Nègres sont eux-mêmes au-dessus des singes. C’est déjà ça de pris :
« Enfin je vois des hommes qui me paraissent supérieurs à ces nègres, comme ces nègres le sont aux singes, et comme les singes le sont aux huîtres et aux autres animaux de cette espèce » (14)
Lettres d’Amabed (1769)
Dans le conte « Lettres d’Amabed », Voltaire reprend sa thématique polygéniste et, par le biais du personnage d’Amabed ( un Indien tenant une correspondance avec le « grand brame de Maduré » ) se joue des thèses admises par l’Église quant à l’origine commune des hommes.
En « voguant vers les côtes d’Afrique », le personnage Amabed tombe sur les habitants des côtes. Et que lui faire dire notre bon Voltaire ?
: « Quel beau climat que ces côtes méridionales! mais quels vilains habitants! quelles brutes! plus la nature a fait pour nous, moins nous faisons pour elle. Nul art n’est connu chez tous ces peuples. C’est une grande question parmi eux s’ils sont descendus des singes ou si les singes sont venus d’eux. Nos sages ont dit que l’homme est l’image de Dieu: voilà une plaisante image de l’Être éternel qu’un nez noir épaté, avec peu ou point d’intelligence! Un temps viendra, sans doute, où ces animaux sauront bien cultiver la terre, l’embellir par des maisons et par des jardins, et connaître la route des astres il faut du temps pour tout. (…) » (15)
Sur ce passage, L'universitaire William B. Cohen confirme la volonté de Voltaire de railler le monogénisme enseigné par le clergé : « Quoique dans ce passage Voltaire ait voulu ridiculiser la Genèse, il n’en reste pas moins que ces lignes s’accordent avec ce qu’il dit ailleurs des Noirs qui, selon lui, ont seulement un peu plus d’idées " que les animaux et plus de facilité pour les exprimer " »
Dans sa « Quatrième lettre d’Amabed à Shastasid » envoyée « du cap qu’on appelle Bonne-Espérance, le 15 du mois du rhinocéros », figurait déjà ce type d'allusions :
« Notre aumônier, dit Amabed, prétend que les Hottentots, les nègres, et les Portugais, descendent du même père. Cette idée est bien ridicule; j’aimerais autant qu’on me dît que les poules, les arbres, l’herbe de ce pays-là, viennent des poules, des arbres, et de l’herbe de Bénarès ou de Pékin. »
Puis au cours de son périple, Amabed fait escale en Angola. Là, le maître du navire dans lequel il se trouve achète 6 esclaves angolais « pour le prix courant de six bœufs ». Le voyage reprend et au cours de la traversée le capitaine ordonne aux musiciens de jouer, Amabed s’indigne de voir la réaction de ces esclaves. Et Voltaire en profite pour en rajouter une couche : « (…) aussitôt ces pauvres nègres se sont mis à danser avec presque autant de justesse que nos éléphants. Est-il possible qu’aimant la musique, ils n’aient pas su inventer le violon, pas même la musette? Tu me diras, grand Shastasid, que l’industrie des éléphants même n’a pas pu parvenir à cet effort, et qu’il faut attendre. A cela je n’ai rien à répliquer » (16)
On le voit très bien : entre 1735 et 1769 les idées de Voltaire n’ont pas vraiment bougé d’un iota en presque 30 ans. Mais le meilleur reste à venir : l’ Essai sur les mœurs où il se lâche bien plus sur son racisme que dans n’importe laquelle de ses autres œuvres.
Essai sur les mœurs (1756)
« Il n'est pas improbable que dans les pays chauds des singes aient subjugués des filles. Hérodote, au Livre II, dit que pendant son voyage en Égypte , il y eut une femme qui s'accoupla publiquement avec un bouc dans la province de Mendés (...) Il faut donc que ces accouplements aient été communs ; et jusqu'à ce qu'on soit mieux éclairci, il est à présumer que des espèces monstrueuses ont pu naître des cas amours abominables. Mais si elles ont existé, elles n’ont pu influer sur le genre humain; et, semblables aux mulets, qui n’engendrent point, elles n’ont pu dénaturer les autres races » (17)
L’avant-dernière phrase est extraordinaire : jusqu'à ce qu'on soit mieux éclairci. Que signifie-t-elle exactement ? Que le bénéfice du doute n’existe pas dans le cas des « animaux » à peaux noires et cheveux laineux. Pis, ne pas être sûr d’une théorie aussi abracadabrante n’empêche pas le philosophe de subodorer que le doute porte précisément sur le fait que les Nègres ne couchent pas avec les animaux. Comprenez : les Nègres en tant qu’animaux doivent logiquement succomber au charme des bonobos ou autres chimpanzés des savanes africaines. Il est donc légitime que leurs « normes », l’usage habituel qui constitue les règles de ces « animaux-là » aillent dans ce sens. Par conséquent, il est naturel que le doute subsiste quant à leur sexualité. L’accusation se fera donc à charge. Classique.
Ce que Voltaire pense des Noirs ? Rien de bien différent de ce qu’il fait dire à ses personnages Candide et Amabed : « Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence, mettent entre eux et les autres espèces d’hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu’ils doivent point cette différence à leur climat, c’est que des Nègres et des Négresses transportés dans les pays les plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce, et que les mulâtres ne sont qu’une race bâtarde d’un noir et d’une blanche, ou d’un blanc et d’une noire. » (1
Les albinos ne trouvent pas plus grâce à ses yeux que les Hottentots ou les Angolais. Voltaire les considère d’ailleurs comme « une nation très petite et très rare », habitant dans des cavernes « au milieu de l’Afrique ». Il y voit des personnnages quasi-légendaires, intrinsèquement différents des Nègres. Des albinos - qui sont des sujets atteints d’un dérèglement pigmentaire que l’on retrouve aussi bien en Afrique qu’en Europe - Voltaire en fait donc une race vivant en nation.
: « Prétendre que [les albinos] sont des Nègres nains, dont une espèce de lèpre a blanchi la peau, c’est comme si l’on disait que les noirs eux-mêmes sont des blancs que la lèpre a noircis. Un Albinos ne ressemble pas plus à un Nègre de Guinée qu’à un Anglais ou à un Espagnol. Leur blancheur n’est pas la nôtre; rien d’incarnat, nul mélange de blanc et de brun; c’est une couleur de linge, ou plutôt de cire blanchie; leurs cheveux, leurs sourcils, sont de la plus belle et de la plus douce soie; leurs yeux ne ressemblent en rien à ceux des autres hommes, mais ils approchent beaucoup des yeux de perdrix. Ils ressemblent aux Lapons par la taille, à aucune nation par la tête, puisqu’ils ont une autre chevelure, d’autres yeux, d’autres oreilles; et ils n’ont d’homme que la stature du corps, avec la faculté de la parole et de la pensée dans un degré très éloigné du nôtre. Tels sont ceux que j’ai vus et examinés ». (19)
Les autres peuples aux yeux du grand humaniste ? Des idiots pour la plupart. Et là-dessus il est catégorique : « Pour qu’une nation soit rassemblée en corps de peuple, qu’elle soit puissante, aguerrie, savante, il est certain qu’il faut un temps prodigieux. Voyez l’Amérique; on n’y comptait que deux royaumes quand elle fut découverte, et encore, dans ces deux royaumes, on n’avait pas inventé l’art d’écrire. Tout le reste de ce vaste continent était partagé, et l’est encore, en petites sociétés à qui les arts sont inconnus. Toutes ces peuplades vivent sous des huttes; elles se vêtissent de peaux de bêtes dans les climats froids, et vont presque nues dans les tempérés. Les unes se nourrissent de la chasse, les autres de racines qu’elles pétrissent elles n’ont point recherché un autre genre de vie, parce qu’on ne désire point ce qu’on ne connaît pas. Leur industrie n’a pu aller au delà de leurs besoins pressants. Les Samoyèdes, les Lapons, les habitants du nord de la Sibérie, ceux du Kamtschatka, sont encore moins avancés que les peuples de l’Amérique. La plupart des Nègres, tous les Cafres, sont plongés dans la même stupidité, et y croupiront longtemps. » (20)
Les Égyptiens bâtisseurs des pyramides ? Du vent. Rien de valable : « Leurs arts, affirme-t-il dans son « Traité sur la tolérance » en 1763, ne valent guère mieux que leur religion; il n'y a pas une seule ancienne statue égyptienne qui soit supportable, et tout ce qu'ils ont eu de bon a été fait dans Alexandrie, sous les Ptolémées et sous les Césars, par des artistes de Grèce: ils ont eu besoin d'un Grec pour apprendre la géométrie ». En d’autres termes : heureusement que les Grecs et les Romains ( c’est-à-dire des Blancs supérieurs ) sont passés par-là pour relever la valeur au rabais de cette civilisation.
On essaye souvent de relativiser les idées racistes des grands hommes en affirmant que la presque totalité des Français de l’époque pensaient cela et que Voltaire ne faisait pas tache dans cette négrophobie quasi-culturelle. Certes, le point de vue est défendable mais pas généralisable car de grands esprits de la même époque tenaient un discours diamétralement opposé à ceux que l’on vient d’examiner.
Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de Condorcet était de ceux-là. Comment a-t-on pu ne serait-ce que rapprocher le sincère humanisme de Condorcet à celui, tout relatif ( soyons magnanime ), de Voltaire ? Sans doute que concernant ces deux philosophes des Lumières, le talent du second fut générateur de plus de mythes chargés de sur-dorer son blason pour un rayonnement universel.
La censure étant omniprésente, Condorcet prit le pseudonyme du « pasteur Schwarz » ( le pasteur noir ) pour dénoncer le crime commis sur les Africains esclaves. Et ses propos n’ont absolument rien de commun avec ceux de Voltaire. Voici ce qu’il écrit à l’intention des esclaves :
« Mes amis, quoique je ne sois pas de la même couleur que vous, je vous ai toujours regardé comme mes frères. La nature nous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs. Je ne parle ici que de ceux d'Europe ; car pour les Blancs des Colonies, je ne vous ferai pas l'injure de les comparer avec vous ; je sais combien de fois votre fidélité, votre probité, votre courage ont fait rougir vos maîtres. Si on allait chercher un homme dans les Iles de l'Amérique, ce ne serait point parmi les gens de chair blanche qu'on les trouverait » (21)
Même si une phrase comme « La nature nous a formés pour avoir le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs » peut faire état d’un certain ethnocentrisme, le fonds de valeurs défendu par Condorcet ne peut pas être comparé à l’humanisme supposé de Voltaire.
Kahm Piankhy Octobre 2005
Source : www.Piankhy.tk
Note :
1. Candide chap. XIX
2. Ibid.
3. William B. Cohen « Français et Africains - Les Noirs dans le regard des Blancs 1530-1880 », édition Gallimard. Page 192
4. Ibid.
5. Ibid.
6. Ibid.
7. Chapitre II « S’il y a un dieu »
8. Ibid.
9. Ibid.
10. Pierre Pluchon « nègres et juifs au XVIII ème siècle », éd. Tallandier. Page 157
11. Traité de métaphysique - chap. I « des différentes espèces d’hommes»
12. Ibid.
13. Ibid.
14. Traité de métaphysique - chap. V « Si l’homme a une âme et ce que ce peut être »
15. Chapitre de la « Septième lettre d’Amabed »
16. Ibid.
17. Essai sur les mœurs - chapitre II « Des différentes races d’hommes »
18. Ibid.
19. Ibid.
20. Op. cit. - Chap. III. « De l’antiquité des nations »
21. « Réflexion sur l'esclavage des nègres » Par M. Schwartz , pasteur du Saint Évangile à Bienne, Membres de la société Économique de Bxxx. cité par Pierre Pluchon op. cit. page 153
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