Rocs Bon posteur

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Posté le: Mer 25 Jan 2006 20:11 Sujet du message: Des sud-africains veulent sauver les manuscrits de Tomboucto |
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Une dizaine de touristes américains, chaperonnés par des marchands touareg enturbannés de bleu, sillonnent la ville mystérieuse, aux portes du Sahara. Tombouctou, au Mali, continue d'enchanter. « Là, c'est la mosquée de Djingareiber, ici la demeure de l'explorateur français René Caillié, premier Européen à être sorti vivant de l'ancienne cité interdite », raconte avec fierté leur guide.
Fasciné, le président sud-africain, Thabo Mbeki, le fut également lors de sa visite dans la ville, il y a quatre ans, lorsqu'il découvrit un patrimoine inestimable : des milliers de manuscrits rédigés entre le XIIIe et le XIXe siècle, fabuleux témoignages de l'histoire écrite de l'Afrique. Aujourd'hui, ces manuscrits, encore consignés dans des armoires grillagées ou dans de vieilles malles en bois, sont en passe d'être ressuscités.
C'est au coeur de la cité de sable que la première pierre de la nouvelle bibliothèque Ahmed-Baba a été posée, le 8 novembre dernier. Sa construction, dont le coût est estimé à près de 4 millions d'euros, financée par des capitaux sud-africains, publics et privés, « devrait s'achever début 2007 », affirme Riason Naidoo, coordinateur du projet. L'établissement a pour objectif de freiner la dégradation des manuscrits, de les restaurer et de les protéger contre les attaques des insectes, de l'humidité et du sable. Il s'agit aussi de poursuivre le catalogage et la numérisation, déjà chapeautés par des équipes du Luxembourg et de la Norvège. L'exploitation de ces écrits en langue arabe, parfois traduits d'idiomes africains, n'en est, elle, qu'à ses prémices.
Seuls 250 ouvrages ont été déchiffrés
Mohamed Gallah Dicko, directeur de la bibliothèque, explique le défi à relever en sirotant un thé à la menthe. « Ces manuscrits sont rédigés dans un arabe très classique, dit-il. Seulement 1 % des 25 000 ouvrages détenus par le centre ont été déchiffrés. Pour ce travail, nous aurions besoin de l'assistance de spécialistes marocains et algériens. » La bibliothèque Ahmed-Baba a été créée en 1973, grâce à l'appui de l'Unesco. Après la vague d'indépendances sur le continent noir, « nous voulions réécrire l'histoire africaine à partir de sources manuscrites, souligne-t-il. On avait une idée de l'existence de ces documents, mais guère plus. »
Les écrits se sont multipliés avec l'arrivée au pouvoir de la dynastie des Askia, à la fin du XVe siècle, et l'islamisation de la cité. Déjà carrefour commercial majeur entre le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest, où s'échangeaient l'or, le sel, l'ivoire, les esclaves ou les tissus, celle que l'on appelle la ville aux 333 saints devient un haut lieu de la pensée et de l'enseignement coraniques. Admirés et soutenus par les autorités, les intellectuels multiplient les ouvrages : théologie, médecine, astrologie, mathématiques, physique, poésie, musique... Une véritable industrie du livre voit le jour, avec ses scribes, ses calligraphes, ses décorateurs. Menées par les Touareg, les caravanes transportent des manuscrits pour les négocier dans tout le monde musulman. Parmi les ouvrages les plus célèbres : le Tarikh el-Sudan, sur la succession des chefs de Tombouctou, ou encore le Tarikh el-Fettach, histoire du Soudan médiéval.
Des trésors parfois illégalement vendus
Avec la chute de Tombouctou, précipitée par l'invasion du Maroc en 1591, de nombreux manuscrits sont volés et détruits. Les ouvrages sont alors soustraits aux envahisseurs, puis, plus tard, aux colons français. Aujourd'hui, on estime à près de 100 000 les manuscrits détenus par les Tombouctiens. « Sur tout le Mali, le chiffre avoisinerait 700 000 », estime Mamma Abdel Kader Haïdara, qui gère l'une des plus importantes collections privées du pays.
Passé un dédale de ruelles étroites, où des conducteurs de petites motos évitent de justesse les chèvres en liberté, se dresse une lourde porte cloutée, décorée de ferronneries, celle du centre privé Al-Wangari, qui abrite 3 500 ouvrages. Dans son modeste bureau, Moctar Sidi Yahia, son directeur, se désespère : « Nous attendons l'aide de mécènes étrangers. » Il y a quatre ans, sa famille s'est cotisée pour restaurer la bâtisse, mais depuis, plus rien. Convaincues de posséder un trésor, les familles comptent sur l'appui des fondations occidentales et arabes. Très attachés à leurs livres, certains se résignent pourtant à vendre. La bibliothèque Ahmed-Baba vient d'acquérir deux cents manuscrits pour 10 700 euros. D'autres empruntent des voies illégales, et rejoignent l'Afrique du Nord ou l'Arabie saoudite.
Christelle Marot, à Tombouctou _________________ Domine ta peur et tu seras plus fort que la mort |
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