Grioo.com   Grioo Pour Elle     Village   TV   Musique Forums   Agenda   Blogs  



grioo.com
Espace de discussion
 
RSS  FAQFAQ   RechercherRechercher   Liste des MembresListe des Membres   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

Culture au Cameroun

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet       grioo.com Index du Forum -> Culture & Arts
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
bamiléké
Super Posteur


Inscrit le: 13 Aoû 2005
Messages: 1078

MessagePosté le: Lun 27 Fév 2006 19:32    Sujet du message: Culture au Cameroun Répondre en citant

Citation:
Cap insurrection esthétique


Douala est réputée par ses détracteurs férue de lucre, de stupre, et de leur point de vue, il n’y aurait que dalle à espérer de la capitale économique sur le plan culturel: rien n’est pourtant plus fallacieux! A contrario, Yaoundé, blottie dans ses collines déboisées et recroquevillée sur sa suffisance bureaucratique, s’enorgueillit volontiers d’être au Cameroun le bastion de l’esprit et de ses effusions tant intellectuelles qu’artistiques. Mais en réalité, plus ça va, plus cette autosatisfaction yaoundéenne apparaît sans fondement, comme une pure posture, une grosse plastronnade qui commence à trop durer. L’enflure surfe sur la médisance et c’est encore peu de le dire ainsi. Les avis qui précèdent imbibent pourtant l’opinion publique en circulant allègrement dans les conversations comme des poissons dans un aquarium. Il est franchement temps de rendre justice à Douala de son effervescence artistique, et d’envoyer provisoirement Yaoundé méditer sur sa stagnation dans le coin des cancres avec un bonnet d’âne sur la tête.

Vernissages
Au fond de l’estuaire du Wouri, il ne se passe guère plus un trimestre sans vernissage d’une exposition. L’année 2005 s’est ainsi achevée sur la deuxième édition de la foire initiée par Catherine Pittet: The Last Picture Show. Logé, comme pour la première en 2004, au cercle municipal de Bonanjo, le LPS 2 a rassemblé la même pléthore d’artistes sans distinction de facture, sur deux étages d’un édifice qui n’est pas du tout adapté à un accrochage de cette ampleur, ce qui n’ôte rien au mérite de cette initiative placée sous le signe de l’activisme marchand: “Il faut que les artistes vivent de leur art!”, va répétant à tout vent l’instigatrice de cette juxtaposition éclectique.
S’agissant de l’engouement mondain pour les vernissages, il est malaisé de faire la part de l’intérêt authentique des passionnés pour l’univers des formes, et celle de l’attraction gravitationnelle que les petits fours des cocktails et les boissons qui vont avec exercent sur le commun des mortels. A côté de ça, force est de constater que l’assistance d’un vernissage à Douala est en règle générale et en majorité composée d’expatriés blancs, des plasticiens et de quelques aficionados du cru constituant l’élément black.
Question bête et méchante: mais où est donc passée la so called élite de la société camerounaise, l’élite des affaires, politique, ou universitaire? Où est-elle planquée? On ne la voit point, ou on la voit si peu: de ci, de là, en pointillés très espacés. L’apparent dédain dans lequel elle tient la création artistique du cru n’est pas anodin et mérite à ce titre réflexion, dans le cadre d’une sociologie de la réception qui manque encore et reste à développer. Récurrente, déconcertante, cette attitude est une distorsion inconcevable sous d’autres cieux, qu’ils soient ou non africains. Etant donné que l’art interpelle presque toujours, il est loisible alors de se dire que cette fameuse élite ne se pose aucune question et qu’elle considère que tout va bien au Cameroun, en Afrique, sur la planète. Alors que tout ou presque va si mal! En dehors de manger, de boire, de voyager, de bâtir, d’acheter une énième voiture, de séduire et de suborner l’ingénuité, qu’est-ce que cette supposée élite fait de son temps libre et de son argent?Pour l’année 2006 qui commence, c’est la signature Gallery intégrée au Bonapriso Center for Arts (BCA) qui a ouvert le bal, avec une exposition consacrée aux “pères de la peinture camerounaise”, en l’occurrence Rigobert Ndjeng et Martin Njombè II. Pères, ces deux vénérables anciens le sont davantage pour leurs âges canoniques: ils n’ont pas en tant que telle de filiation esthétique, mais viennent de fort loin. D’où l’hommage que Annie Kadji, qui préside aux destinées du BCA, a voulu, à ce titre, leur rendre. Un très juste hommage qui vient rappeler aux oublieux que nous allons et venons, vivons et mourrons dans l’Histoire: hors d’elle, point de sens à notre présence sur Terre. A moins de considérer que nous sommes des cancrelats...
Comment ne pas être envahi par une grosse émotion en présence de Rigobert Ndjeng, du Vieux comme le nomment familièrement les jeunes plasticiens? Il peint en effet depuis soixante ans sans discontinuer et n’avait pas exposé depuis un moment. Entre coopérants et voyageurs occidentaux passant par Yaoundé qui se rendent à la Briqueterie où il crèche, son oeuvre est présente aux quatre coins du vaste monde et elle y parle bien plus, bien mieux du Cameroun que n’importe lequel de nos diplomates diserts, chevronnés et cravatés. A soixante-dix-huit ans, Ndjeng a l’oeil brillant et vif de celui qui a conservé au-dedans de lui cette pétulance qu’est la jeunesse. Sur fond de lucidité et d’ironie, au-delà des illusions et des désillusions.
Les aficionados se remettaient à peine et encore de cette ouverture que le centre d’art contemporain piloté par Didier et Marylin Schaub tirait la deuxième salve, avec une exposition sur un thème d’actualité: la lutte contre la pauvreté. Au menu, quatre plasticiens: Azer Kash, Achille Ka et Hervé Yamguen, Joseph Francis Sumégné, plus un écrivain en herbe, Béatrice Seck, auteur d’un texte poétique: Afrique, tombeau de mes rêves, où les hommes “jouent aux filles” comme ils jouaient gamins aux billes. En fait d’exposition, il n’y avait pas de tableaux au sens strict, mais cette proposition artistique plurielle brosse bel et bien un tableau noir de la passe désastreuse que l’Afrique subsaharienne traverse.
Entre les oiseaux de l’allégorie nerveuse, sans titre, dessinée par Yamguen sur un mur, les bananes de plus en plus avariées et les chaussures usées au bout du “Tunnel” conçu par Ka, et l’installation grillagée de Kash intitulée “Le cap des fausses espérances” qui fait signe vers le désespoir de l’immigration clandestine, il y a de quoi voir et s’interroger: rien à vendre et à emporter, sinon des questions et encore des questions dans “L’espace virtuel du combat” que configure Sumégné. Parce qu’il est trop facile de dormir sur ses deux oreilles et le ventre lesté quand le monde n’en finit pas de se disloquer sous nos yeux, coincé entre l’hégémonie américaine et le terrorisme aveugle de l’obscurantisme islamiste en mal d’hégémonie lui aussi.
Cette initiative de doual’art arrive à point nommé, dans un contexte de remise en question et d’interrogations sur la fonction politique de l’artiste au sein d’une société travaillée par des forces régressives, voire sur son utilité quand le temps local est tellement gouverné par la futilité et la rivalité mimétique. Sur ce thème, si le consensus est loin d’être établi, pour tous les plasticiens, le fait est qu’ils ne se perçoivent absolument pas comme de talentueux décorateurs d’intérieur. Fondamentalement, au large des définitions entendues et réductrices qui se chamaillent dans des polémiques intellectuelles stériles, l’artiste est un inquiéteur, parce qu’il vit d’inquiétude lui-même et en inquiétude: ce n’est pas un site de tout repos. De ce fait même, c’est un porteur d’espérance. L’un dans l’autre, il a une responsabilité morale: celle de dire le non dit, de rompre le silence du tu. Ainsi considéré, il reste beaucoup de chemin à parcourir vers cette station d’audace et d’espièglerie. Sachant que la scène des arts plastiques à Douala est ancienne, on peut bien parler d’une crise des fondements.

Connivences & Co
La scène artistique locale ne vit certes pas en vase clos. Ses figures majeures vont et viennent entre le Cameroun et le reste du monde: Afrique, Europe et Etats-Unis principalement. Grâce au système international de l’art qui est prodigue en bourses de résidence pour les heureux élus. En outre, l’art contemporain africain a le vent en poupe sous les latitudes post-modernes percluses de désenchantement. En témoigne le succès récent de l’exposition itinérante Africa Remix. Ou le must de la création africaine contemporaine exposée l’année dernière dans quelques hauts lieux de cet univers feutré, avec au commissariat Simon Njami; Evidemment, le débat va bon train: qu’est-ce qui est contemporain? Qu’est-ce qui ne l’est pas?
Ces connivences tissées entre ici et ailleurs ne sont ni vaines, ni bénignes: elles affectent nécessairement, et à différents niveaux, le travail actuel des plasticiens camerounais et leurs représentations. Géographiquement ancrés dans le local, ils opèrent dorénavant sur une mappemonde définitivement globale: zéro confinement identitaire. Ceux qui cèdent sans autre forme de procès à ces réclusions sécurisantes sont leurs propres fossoyeurs. L’Afrique est historiquement globale depuis au moins la traite négrière, n’en déplaise aux mémoires courtes qui se répandent dans l’espace des interlocutions en affirmations péremptoires autour d’un terme galvaudé. Que veut dire “être africain” comme un label, une marque de fabrique déposée, à cette lumière? Quelle est cette singularité culturelle et irréductible qui me caractériserait foncièrement, en me distinguant si radicalement d’un Européen, d’un Asiatique, d’un Américain? Et pourtant singularité il y a bel et bien en nos individualités respectives.
La dérive identitaire aboutit inéluctablement à des enfermements asphyxiants. Qu’est et que dit l’Afrique dans la présente civilisation du spectacle? Est-elle un parc à thèmes pour les autres? Le ressentiment anti-blanc s’est gargarisé sans fin des travaux revigorants de Cheikh Anta Diop: les préjugés ont été pendus haut et court. La disqualification cognitive prononcée naguère par quelques anthropologues pressés et mal lunés n’a théoriquement plus mise. Sauf que ce n’est pas évident pour beaucoup de se débarrasser du poids du regard de l’autre, sur soi, très intériorisé. Le site de ce ressentiment n’est pas un modèle d’objectivité: on y a plutôt tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain. Evidemment, prétendre que la colonisation a eu des effets positifs ne peut qu’attiser le litige.
Et si l’Afrique, tournant le dos à la jérémiade, devenait enfin dans cette Histoire un site de propositions et d’énoncés irriguant les mappemondes globales: culturelle, cognitive et artistique? Et si nous devenions enfin producteurs de contenus sur des terrains dominés aujourd’hui encore par les acteurs institutionnels du Nord, privés et publics? Là se situe clairement un enjeu, car tout ce qui se dit souvent de la production artistique du cru est énoncé de cet ailleurs basé à Paris, à Londres, à Berlin ou à Bâle. On peut bien stigmatiser l’indifférence constante de l’élite et des couches plus modestes de la population envers les plasticiens locaux: quel langue parle leur lexique? Est-ce qu’ils ne sont pas enclavés dans un hermétisme esthétique? Est-ce qu’ils ne sont pas blottis dans une superbe tour d’ivoire qui ne dirait pas son nom?

Changements d’échelle
Nous vivons un temps de profonde inflexion subhumaine. Entamé il y a environ deux mille cinq cents ans sous le signe de la séparation, le programme grec d’exploration et de connaissance de la réalité se poursuit sous nos yeux, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, et son principe de rationalité gouverne en grande partie la marche du monde: il est parvenu à son extension maximale avec les capacités d’observation instrumentale dont disposent désormais les scientifiques : des quarks qui sont les briques fondamentales de la matière, jusqu’aux galaxies géantes situées à des millions d’années-lumière de nous, le cosmos n’est plus une telle énigme et il est temps d’en prendre acte pour forger le nouveau site de l’action sur Terre, notre maison commune.
Une autre énigme émerge: que sera l’homme de demain? L’humanité n’est pas la même à travers les âges: celle de la puce ne sera pas celle de la houe. Sans parler de l’urbanisation. Nos pouvoirs technologiques pèsent gravement sur la biosphère, comme jamais avant dans l’odyssée humaine à la surface du globe. L’inscription de notre espèce dans l’empiricité est de plus en plus une question esthétique, à l’intersection de l’éthique et de la survie. Il s’agit de ne pas léguer à la postérité une planète saccagée par la dissension des égoïsmes et de développer des qualités accordées à cette visée.
Tous ces thèmes et d’autres interpellent forcément les artistes et pas seulement eux. Ils marchent certes en avant de la myriade humaine en éclaireurs guidés par leur clairvoyance. La restauration concerne désormais l’Homme: le vieux venu de naguère meurt en ce moment même, tandis que le nouveau en puissance de futur émerge silencieusement du tohu-bohu mondial, et le philosophe des sciences Michel Serres nomme ce formidable avènement une hominescence. Certaine avant-garde européenne blasée a le regard tourné vers l’Afrique et sa production artistique, en mal de régénération et en quête d’un projet de civilisation différent. Un tel projet requiert de changer d’échelle d’observation. Et de manière de penser.
Cet intérêt persistant pour l’Afrique n’a rien d’un néo-engouement exotique pour la rusticité reniant et récusant la technologie, ni ne relève non plus d’un masochisme peu soucieux de commodités et de confort matériel minimal au quotidien. On ne passe pas ainsi, sans sursaut et sans recul, d’un w.c moderne et aseptisé avec chasse d’eau torrentueuse, au trou nauséabond de la latrine sommaire, sans malaise quelque part, à l’instant de se soulager dans un des débits de boisson balisant telle bruyante rue de la joie.
L’homme est en manque cruel d’homme: c’est pas un peu fou ça? Diogène n’a pas fini d’allumer sa lanterne en plein jour. Notre seul destin est-il vraiment dans le statut de rouage anonyme au service d’une entreprise, petite ou grande, ayant part à la grande truanderie capitaliste? Le bonheur par le travail sans âme? Un avenir de joint de culasse? La forte consommation de tranquillisants et autres anti-dépresseurs, dans les sociétés post-industrielles de l’abondance de masse, dit assez le mensonge énorme de cette promesse fallacieuse.
Les paradigmes nouveaux du management: système multi-agents, intelligence collective, etc, n’y changeront vraisemblablement pas grand-chose. Ce ne sont que de vagues aménagements de la sournoise camisole de force du productivisme économique obsédé de rendement. Est-ce vraiment cet infâme horizon psychiatrique que nous désirons en définitive pour nous, et pour les générations futures, en Afrique subsaharienne? Il faut savoir, et savoir vite, avant que le ciel ne nous tombe brutalement sur la tête au détour de la prochaine actualité.
La balle est dans le camp des damnés de la terre. La misère, la maladie et la mort ne sont pas le patrimoine de l’humanité, elles n’ont rien de fatal. La longue attrition de l’Afrique n’était pas inscrite dans les matériaux venus de l’espace et qui ont ensemencé les océans primitifs sur Terre avec les molécules organiques de la vie, il y a environ quatre milliards d’années: elle est un effet catastrophique de l’Histoire, résultant des intentions mises en œuvre dans des instances dont les décisions configurent effectivement la réalité ordinaire du monde où nous sommes plongés. A ce titre, autant cette attrition n’est pas irréversible, autant donner une légère chiquenaude à la flèche du temps, pour la faire dévier de sa trajectoire d’iniquité, est dans l’ordre du plausible.
Les artistes et ceux qui les accompagnent ont à cet égard pas mal de pain sur la planche: le monde, dit certaine maxime de la sagesse bassa, est une chute de chimpanzé, il se perturbe et il se restaure. Le temps de la Restauration est ouvert. Le temps de Kwan, le temps des preux. Contre sa mocheté accablante, contre l’état honteux du monde tant stigmatisé par Sony Labou Tansi, il ne faut pas moins qu’une insurrection esthétique. Il ne faut pas moins que le feu sacré de la poésie: le langage des fleurs et des oiseaux. C’est celui que Dieu préfère entre tous, affirment les Incas. La vitalité saisissante de la scène des arts plastiques à Douala est en ce sens une fenêtre ouverte sur l’espérance et sur le rêve de voir autre chose advenir un jour au Cameroun, en Afrique, sur Terre. L’Homme ploie sous le joug cruel et ignominieux du lucre: renverser cette tyrannie est une tâche titanesque. Qui est partant pour ce vaste chantier?



Par Par MANGA Lionel Tél. : 9 28 87 69 e-mail : lionelmanga@yahoo.fr
Le 27-02-2006


"L'elite" camerounaise joue à singer la bourgeoise occidentale dans ce qu'elle a de plus futile et rienque cela Mad !
_________________
Mentalité de la cueuillette=sida économique

« nan laara an saara » :
"Si on se couche, on est mort" . Joseph Ki-Zerbo
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet       grioo.com Index du Forum -> Culture & Arts Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum



Powered by phpBB © 2001 phpBB Group