bamiléké Super Posteur
Inscrit le: 13 Aoû 2005 Messages: 1078
|
Posté le: Jeu 02 Mar 2006 12:50 Sujet du message: La gestion ethnique...à méditer! |
|
|
L’éclairage de SHANDA TOnmE (chroniqueur au journal Le Messager)
Lendemains de gestion ethnique*
Pendant que au Cameroun le président de la République martèle dans son message de fin d’année la lutte contre la corruption, au Gabon, c’est le Premier ministre qui fait de même en précisant qu’il ne saurait être question de se cacher sous le manteau de ministre pour s’enrichir. Ailleurs, ce sont des magistrats qui sont carrément révoqués, et des hauts responsables des forces de l’ordre sont jetés en prison.
L’éthique de la bonne gouvernance est devenue sans doute une préoccupation, réelle et sérieuse par-ci, pure proclamation et fictive par-là, sans doute sous la pression tantôt des bailleurs de fonds, tantôt sous une pression sociale explosive qui annonce d’énormes dangers politiques.
Au-delà du principe et du caractère événementiel des actions ou des promesses d’action, il se pose un problème de fond dont l’analyse commande beaucoup d’attention voire de prudence. En effet, la répression de la corruption, des détournements des deniers publics et de tous les autres avatars de la mauvaise gouvernance, risque de produire une véritable fracture ethnique dans les populations.
Il ne s’agit point de remettre en cause les politiques de répression, mais plutôt, pour l’analyste que nous sommes, d’exposer toutes les conséquences et d’en tirer de meilleurs enseignements pour une transition mieux ordonnée.
Il convient déjà, de faire observer que la gestion ethnique est par essence subjective dans sa philosophie, discriminatoire dans ses applications, et obscurantiste dans ses résultats. Les régimes qui ont fait des préalables ethniques une doctrine de conduite et d’évolution, ont construit des mondes chimériques où le sens de l’Etat, de la république, et de la citoyenneté ont complètement disparu. En somme, la politique a été dans l’ensemble ramenée à la prévalence des familiarités villageoises.
La conséquence ultime qui en résulte, est la désinvolture dans le respect des valeurs, et l’absence du sentiment du devoir, de la morale, et partant de l’obligation de bonne conduite devant les lois, les hiérarchies, et toutes sortes de codes qui fondent la cohérence et la cohésion sociale. Ce tableau a été suffisamment décrit et expliqué dans ces mêmes colonnes pour qu’il n’y ait plus besoin de s’y attarder longuement.
Le point focal de notre réflexion actuelle se base sur l’observation des conséquences à court ou à long terme, et ce dans le contexte d’une révision des contextes politiques. La tradition des successions des régimes dans les systèmes démocratiques, introduit le concept de “ spoil system ” comme une conséquence logique des mutations aux sommets de l’Etat et de la République. L’administration Bush débarque avec ses hommes et chasse l’administration Clinton avec ses hommes. Chirac débarque Jospin et met fin au règne d’une équipe de gestionnaires qui suivent Jospin dans sa chute.
La différence dans ces deux cas, pays tout de même démocratiques sans contestation puisqu’il y a au moins changement régulier aux sommets, c’est que certaines règles élémentaires de vie publique et d’organisation de l’Etat sont respectées. Les faits criards de pillage des deniers et des biens publics par un village ou de promotions systématiques de cancres, est exclu, ce qui exclut les rancœurs tenaces.
Rentrons en Afrique pour situer les éléments de notre analyse. Lorsque l’on parle de changement aux sommets de l’Etat, l’affaire prend une autre ampleur et une signification autrement plus grave et plus dangereuse. La simple hypothèse d’une correction des systèmes de gestion et de conduite des affaires de l’Etat met automatiquement en cause et à juste titre, une ethnie, celle s’identifiant au pouvoir.
Les lendemains des gestions ethniques offrent ainsi, l’occasion de la compréhension des revers du favoritisme, de la concussion et de la prévarication de toutes natures. Il va de soi que ceux qui ont géré, assument les premiers rôles de prisonniers, de coupables et de voyous au moment des comptes généraux. Il s’agit d’une situation qui ne va pas sans grands dangers pour la cohésion nationale et l’orchestration des outils de la répression.
Comment fera-t-on pour éviter que tous les condamnés pour détournements ne soient pas majoritairement d’une même ethnie ? Comment voudra-t-on associer de force, des gens qui n’ont exercé aucune responsabilité, dans le déroulement des grands procès pour le simple plaisir de mouiller tout le monde, en somme toutes les ethnies ? Les premiers exemples connus de procès contre les faits de détournement ont produit des conséquences qui devraient interpeller ceux qui organisent l’exclusion ethnique dans la distribution des responsabilités dans le pays.
Le risque que court tous les régimes de gestion ethnique, n’est pas seulement de ruiner un pays et de produire des cancres dans tous les domaines. Le risque le plus inquiétant, c’est que un jour, on se retrouve avec des prisons remplies des élites d’une même ethnie. Que dira-t-on et à qui se plaindra-t-on alors ?
Le paradoxe du “ spoil system ” dans ce que nous avions déjà qualifié ici de démocraties de brousse réside dans ce retournement douloureux de situation à brève échéance. Lorsque l’on a géré en privilégiant son ethnie sans aucun souci de mérite et de compétence, on ne peut s’interroger par la suite sur les raisons de la ruine du pays et encore moins sur l’identité de leurs auteurs. La logique de la gestion ethnique ne comporte-t-elle pas en ses entrailles, les germes du pourrissement social et politique il suffit de multiplier le nombre de fonctionnaires par deux parce que l’on incorpore tous les frères du village, pour provoquer des tensions permanentes de trésorerie avec une masse salariale énorme sans rapport avec les besoins réels de l’Etat.
Il suffit de privilégier le recrutement des cancres en dehors des concours et en dehors des exigences de compétence, pour avoir une administration inefficace. Il suffit de se sentir proche du président parce que l’on se réclame de son ethnie, pour ne plus respecter la loi, pour s’estimer intouchable et au-dessus de toute hiérarchie et de tout règlement. Et le jour où tout cela a pris fin ou que votre frère ne pense plus qu’à sa survie politique, vous devenez des prisonniers.
La réalité porte donc à penser que des réflexions devraient dès à présent être engagées sur les lendemains des gestions ethniques, au-delà des dimensions institutionnelles inévitables. Le zèle de certains individus, y compris de certains intellectuels qui ne semblent pas lire les perspectives sombres de demain est tout simplement atterrant. Nous pensons que certains esprits fins devraient prendre les devants pour tenter d’atténuer l’ampleur des subjectivismes ethniques dans les gestions quotidiennes et la répartition des responsabilités.
Les exemples de certains pays ne mettent pas seulement mal à l’aise, ils provoquent une forme de répulsion intellectuelle et morale. Lorsque ainsi, la quasi-totalité des responsables les plus importants de l’Etat, les premiers collaborateurs du chef de l’Etat, la quasi-totalité des journalistes des médias officiels, les directeurs généraux des plus importantes entreprises publiques, les principaux responsables de l’armée et de la police, la majorité des représentants de l’Etat dans les villes et villages, sont de la même ethnie, chacun devrait imaginer les lendemains difficiles qui les attendent et qui certainement ne s’expriment pas en bonheur et en tranquillité.
Les régimes africains ont gardé, dans la logique des traditions féodales les plus rétrogrades, une tendance à sacrifier une identité sur l’autel d’une mauvaise gouvernance qui privilégie un autocrate dont le champ d’intelligence est limité au périmètre réduit du village. Ce faisant, on aboutit à une situation où tout se qui ressemble au prince ou sort de son village, sera maltraité et vomi le jour de la moindre mutation. Sans aucun discernement, on ne retiendra plus que le principe de l’exclusion de ceux qui ont géré hier, le parti du village, les enfants du village. Nous disons NON ! _________________ Mentalité de la cueuillette=sida économique
« nan laara an saara » :
"Si on se couche, on est mort" . Joseph Ki-Zerbo |
|