egalite Grioonaute
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Posté le: Jeu 16 Mar 2006 11:22 Sujet du message: Willy Rozenbaum découvre les Arabes |
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Willy Rozenbaum découvre les Arabes
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Ce n’est pas étonnant si des pipole comme Charlotte Valandrey (1) ou Jean-Luc Roméro (2) disent publiquement avoir choisi Willy Rozenbaum pour leur propre suivi médical. Le professeur Rozenbaum — Willy pour les intimes — est lui-même une personnalité du monde médical du VIH, un de ces grands spécialistes présents dès le début de la pandémie que l’on voit et que l’on entend encore relativement souvent à la télévion ou à la radio.
Mais dans sa consultation à l’hôpital public, Willy est témoin de toutes les facettes de l’épidémie. Lorsqu’il nous a reçu au Conseil national du sida, dont il est le président depuis peu (3), je me souviens du fait qu’il semblait étonné mais attentif quand j’ai donné notre point de vue sur la catastrophe sanitaire provoqué dans les cités par la prohibition des drogues et des seringues propres (4).
J’ai expliqué que les familles touchées, en particulier celles issues de l’immigration du fait de leur place tout en bas de l’échelle sociale de la société française, avaient été oubliées par la santé publique, y compris au sein de la lutte contre le sida.
Si nous avons mis huit ans de travail acharné avant d’arriver à créer le Comité des familles, ce n’était pas le fruit du hasard. L’écrasement de l’injustice de la maladie, de la misère, de la Double Peine ne sont pas juste des mots... Pour toutes ces raisons, il est vrai que nous avons mis du temps pour sortir de la honte et du silence, pour rencontrer d’autres familles concernées pour s’entraider, pour s’organiser, et pour fêter notre résistance et notre fureur de vivre.
Aujourd’hui, nous avons réussi à créer et faire vivre le Comité, sans l’aide de personne, mis à part des médecins des hôpitaux de banlieue qui ne sont jamais passé à la télé mais qui, au fil des ans, ont su répondre aux besoins des malades et tisser de vrais liens de solidarité avec les familles.
Aujourd’hui, un jeune maghrébin — qu’il soit beur ou blédard — s’il vient d’apprendre sa séropositivité, peut s’adresser au Comité et y trouvera des gens qui lui ressemblent — qu’il soit hétéro, homo, toxico ou hémophile, jeune ou retraité, croyant ou non —, mais dont la vie est la plus belle preuve de tout ce qu’on peut faire après le diagnostic : vivre, aimer, travailler, lutter...
Aujourd’hui, lorsque nous apprenons qu’un chibani (travailleur immigré à la retraite) est hospitalisé pour un sida, nous nous rendons immédiatement auprès de lui pour lui apporter un peu de chaleur et un soutien pratique.
Aujourd’hui, lorsqu’une jeune fille maghrébine confie à Maya ou une des femmes du Comité qu’elle a eu des rapport sexuels non-protégés, je sais que les copines vont non seulement l’accompagner pour faire un test de dépistage, mais qu’elles n’hésiteront pas pour rendre visite au mec et lui faire une leçon en matière de responsabilité masculine.
Pour moi, le plus important, c’est de voir que notre expérience d’enfants de l’immigration maghrébine, de laissés-pour-compte face au sida sert non seulement à notre « communauté » d’origine, mais qu’aujourd’hui au sein du Comité il y a des familles de toutes les origines, à l’image de la vie quotidienne en banlieue, où malgré les clivages il est encore possible de vivre ensemble.
Nous sommes restés plus de deux heures au Conseil national du sida pour essayer d’expliquer des choses comme celles-là.
Quand j’ai pris connaissance de l’entretien dans lequel Willy évoque les Maghrébins comme une population « oubliée » (5), j’étais content. Je me suis dit : le message est passé. Willy y parle de « familles entières » qui « ont et continuent à être exposées à cette maladie pour de multiples raisons », même s’il rabache les sempiternels clichés culturalistes sur les préjugés, les tabous, etc. et s’il se réfère à l’usage de drogue sans préciser que le partage des seringues n’est plus à l’ordre du jour et, qu’au contraire, ce qui rend particulièrement pernicieux la deuxième épidémie chez les Maghrébins, c’est justement qu’elle frappe des personnes qui ne s’identifient pas du tout comme étant à risque (6).
C’est l’atterissage qui est brutal : selon Willy, il n’y aurait pas d’associations issues de l’immigration maghrébine, et « ce serait un peu mieux qu’il y en ait aussi afin de cibler l’information en tenant compte du contexte ».
Pourtant, Willy n’est pas amnésique (7).
Je suis consterné par ce choix d’ignorer l’existence des familles (dont la mienne !) qui ont réussi à créer et faire vivre le Comité des familles pour survivre au sida. Pourquoi passer publiquement sous silence le fait qu’il existe une association issue de cette histoire, alors qu’il nous a reçu au Conseil national du sida et qu’il a manifestement écouté attentivement ce dont nous lui avons parlé ?
Ce silence me pousse à poser d’autres questions : les Maghrébins ne sont pas arrivés en 2006 dans la consultation parisienne de Willy. Ils y étaient depuis le début, y compris les jeunes homos d’origine arabe. Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour en parler ? Est-ce, une fois de plus, la hantise de la stigmatisation qui a servi de prétexte au silence ? Willy évoque les tabous chez les maghrébins, alors qu’en passant sous silence ce dont il a été inévitablement témoin, ne doit-on pas en préalable s’interroger sur les conséquences du silence des médecins ?
À l’émission, Ahcene a proposé aux familles qui écoutent qu’on prenne rendez-vous en consultation avec Willy à l’hôpital Saint-Louis. Il est vrai que ce serait mieux de lui en parler en direct. Par le passé, nous lui avons déjà proposé de venir à l’émission pour parler avec les familles, mais il a systématiquement refusé. J’espère que cette fois-ci il aura le courage et l’intégrité de nous répondre, non seulement sur son silence, mais aussi sur notre proposition d’intervenir dans son service, car nous savons qu’il y a des malades maghrébins des quartiers avoisinants l’hôpital qui sont très seuls, très malades, et auprès de qui nous serions prêts à nous mobiliser.
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