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"Loango-La-Martinique": tranche de vie au temps du

 
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OGOTEMMELI
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Inscrit le: 09 Sep 2004
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MessagePosté le: Mer 13 Déc 2006 02:51    Sujet du message: "Loango-La-Martinique": tranche de vie au temps du Répondre en citant

http://unesdoc.unesco.org/images/0013/001324/132459f.pdf

Témoignage de Monsieur Makaya Ngoma,
Président de la Délégation Spéciale du village Loango

L’anecdote : je suis issu d’une famille de notables et mes aïeux sont propriétaires de ces terres. Notre grand-père paternel avait des filets. Pour les gérer, il fallait des gens. Parmi ses pêcheurs, il y avait un jeune homme de 17 ans environ. Il s’appelait Loemba André.

Ce jour là, il y avait, au large de la baie, un navire négrier. Vous savez ! à l’époque, après la suppression de l’esclavage, les Gouvernements s’étaient réunis et avaient monter une police de l’océan pour réprimer les navires négriers. Les négriers ont alors construit le même type de navires pour créer la confusion. Alors, le navire qui était au large, était réellement un navire négrier, mais pas un navire gouvernemental.

Loemba André, qui pêchait avec ses parents, fut envoyé à la source naturelle qui était plus bas, pour aller s’approvisionner en eau vers le péniche. Quand il vint là, il se trouva en face des flibustiers qui s’approvisionnaient également en eau. Mais devant ce beau noir d’ébène, luisant, ils l’ont attrapé. Et les négriers utilisaient une expression spécifique : ils n’attrapaient pas, c’était l’empoignade. Ils l’ont empoigné, ils l’on fait prisonnier, ils l’ont embarqué et l’ont alors emmené vers d’autres cieux.

La population, qui avait assisté à la scène, est allée informer le chef, mon grand-père (il était chef de terre), que son neveu venait d’être arrêté par les négriers et emmené. Mais, quand ils regardaient au large de la baie, ils voyaient le navire-voilier. Ils pensaient que c’étaient des gouvernementaux, parce qu’à l’époque, Robert Cordier, Lieutenant de Vaisseau avait été commis par le gouvernement français pour réprimer justement l’esclavage sur l’Océan, et notamment dans la zone congolaise. Le bateau est parti.

Six mois après, un autre voilier est arrivé, parce qu’ici, c’était un point de ravitaillement en eau. Curieusement, le voilier était commandé par Robert Cordier. Le matin, vers 9 heures (la référence étant pour nos parents la position du soleil), six marins sont envoyés pour aller s’approvisionner en eau à la source. Pendant qu’ils étaient en train de s’approvisionner, tout d’un coup, ils se retrouvent encerclés par des indigènes armés de machettes et de bouts de bois, prêts à faire la guerre. Mais, comme ils ne venaient pas pour chercher des esclaves, ils ont accepté d’être conduits chez le chef, mon grand-père. Et là, on va leur signifier que « vous êtes pris en otage parce que qu’il y a six mois, le neveu du chef a été emmené ; et tant que le neveu du chef ne sera pas revenu, on ne vous libère pas. »

Robert Cordier qui était sur le bateau ne s’inquiétait pas. Il attendit jusqu’à l’après midi. Au coucher du soleil, il commença à s’inquiéter. C’est ainsi qu’aux environs de 15-16 heures, évidemment ils envoient une estafette de deux marins qui pour aller s’enquérir de la situation des autres marins qui étaient venus le matin. C’est à ce moment-là qu’on leur signifia que les marins qui étaient venus le matin, avaient été pris en otage par le chef du village parce qu’il y avait litige. Il faut aller chercher votre chef de bateau pour venir négocier. C’est quand même curieux à l’époque, les Noirs s’étaient opposés, voyez-vous. L’estafette repartit donc vers le bateau, donna l’information à Cordier et Cordier, lui-même débarqua vers 17h30-18 heures et alla parlementer avec mon grand-père. Ils parlementèrent toute la nuit jusqu’au matin. Ils trouvèrent un compromis. Le compromis, c’est qu’il fallait laisser en otage deux marins et Cordier avait donné des assurances de ramener ici l’esclave en échange des deux marins qu’on avait gardés en otage.

Le lendemain matin, Robert Cordier reprit la mer. Cette fois-ci, au lieu de faire le tour de la côte, il fonça directement sur l’île de Gorée. Il se renseigna à l’île de Gorée, il ne trouva pas trace. Il alla à La Rochelle, il ne trouva pas trace. C’est à Londres qu’il apprit que la cargaison d’esclaves qui était partie de Loango à cette époque-là, avait été acheminée directement sur la Martinique. Cordier reprit la mer, fonça sur la Martinique et arriva au comptoir de vente des esclaves, se renseigna et consulta les registres. Il y a un certain Loemba André, effectivement le nom du neveu de mon grand-père. Alors, Cordier se renseigna et on lui indiqua l’acheteur.

L’acheteur était un planteur de tabac. Il s’appelait Mahozer, un Allemand. Il plantait le tabac à la Martinique. Cordier alla donc voir cet Allemand, ce fameux Mahozer, négocia avec lui, racheta Loemba André et le ramena ici à Loango-Loango, dix-huit mois plus tard, dix-huit lunes quand on parle le langage de mes parents. André Loemba arriva. Il fut bien accueilli par les parents. Et à ce moment-là, les parents organisèrent la fête. On libéra les deux marins. Les marins partirent.

Loemba André, qui, lui, avait vécu à la Martinique, chez Mahozer, prit comme deuxième prénom Mahozer. Il allait donc s’appeler Loemba André Mahozer. Allez à Madingou, dans la région de la Bouenza, vous verrez sa tombe. Mais la présence de ces deux flibustiers qui étaient restés ici, il y a un qui allait souvent à Lougou. Là-bas, il était en copulation avec une femme vili, avec qui il a eu un garçon. Il s’appelle Louis de Gourmet. Et c’est Louis de Gourmet qui fut le premier prêtre vili à avoir été ordonné. C’était un métis. Mais il n’a pas vécu longtemps. Il est mort sept ans après son ordination. Loemba André Mahozer baptisa Loango, son village, Loango-La Martinique.

[pp 29-31]



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Dernière édition par OGOTEMMELI le Mer 13 Déc 2006 03:16; édité 2 fois
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OGOTEMMELI
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Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Mer 13 Déc 2006 03:11    Sujet du message: Répondre en citant

Le texte ci-dessus fait partie d’un corpus de documents oraux recueillis en Afrique centrale concernant le yovodah. On remarque dans ce corpus que, du point de vue des Africains, la traite des Nègres s’est poursuivie pendant la colonisation, notamment au titre des Travaux Forcés. Une perspective historiographique tout à fait différente de celle des Occidentaux.
On note également que le trafic transatlantique français (entre autres) ne s’est pas arrêté immédiatement après les l’abolition de 1848. Et que les vols d’Africains directement perpétrés par les négriers blancs ne se sont jamais interrompus, ne se sont pas limités à un quelconque espace-temps, que c’était au minimum un mode d’appoint permanent pour l’acquisition de captifs.

On peut supposer qu’avec la libération des esclaves antillais, une forte pression de la demande de main d’œuvre de l’économie des plantations a pu encourager quelques aventuriers à compléter leurs cargaisons d’engagés indiens avec des Nègres acquis ici et là, au gré des étapes de ravitaillement (en eau ou autres fournitures) sur le trajet Inde-Afrique-Antilles, en aller comme en retour. Sans oublier que l’esclavage ayant été aboli au Brésil seulement le 13 mai 1888 (La Loi d'Or), l’Afrique centrale qui en était le principal pourvoyeur de bois d’ébène a été sollicitée jusqu’à la toute fin du XIXè siècle, voire au-delà. Certaines des déportations Afrique-Brésil ont pu avoir été détournées vers les Antilles.

Concernant précisément ce texte, de nombreux éléments fournis par l’auteur permettent aux historiens d’en vérifier le degré de véracité : un « lieutenant de vaisseau » dont l’identité est révélée, un colon antillais du nom de « Mahozer », une sépulture dont l’emplacement est indiqué, un certain "Louis Le Gourmet", etc. Ce souci de précision du narrateur est un indice favorable à la fiabilité des informations qu’il donne. Il suffira donc de vérifier…

Toutefois, les Africains n'ayant pu avoir été témoins directs des recherches effectuées par le lieutenant Robert CORDIER, ils ne peuvent en avoir eu connaissance des circonstances exactes. On peut penser que Cordier n'a pas fait tout le périple qu'on lui prête spécialement pour retrouver André LOEMBA. Il a pu faire passer le message dans les différents services de la marine nationale/coloniale, dont les échanges d'informations auraient permis de retrouver le neveu du chef africain, et de le faire remettre au lieutenant, afin que celui-ci le ramène chez ses parents. On peut comprendre que le texte oral contracte le détail de ces péripéties, pour les imputer in fine à Robert CORDIER. En tout état de cause, la trame générale de cette "tranche de vie au temps du yovodah" paraît tout à fait vraisemblable. Et ô combien instructive...
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RICHYRICH
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Messages: 130

MessagePosté le: Mer 13 Déc 2006 16:05    Sujet du message: Répondre en citant

une petite remarque "technique" qui n'engage que moi, je trouve domage de ne pas avoir continué à poster là :
Tradition orale et archives de la Traite négrière
http://www.grioo.com/forum/viewtopic.php?t=4577
où j' avais indiqué cet ouvrage
http://www.grioo.com/forum/viewtopic.php?p=99399&highlight=#99399
ou alors de ne pas avoir donné a ce nouveau topic créé le nom de l'ouvrage en question (Tradition orale liée à la traite négrière et à l'esclavage en Afrique centrale) comme fait précédemment avec l'autre Wink
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OGOTEMMELI
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Inscrit le: 09 Sep 2004
Messages: 1498

MessagePosté le: Mer 13 Déc 2006 20:14    Sujet du message: Répondre en citant

RICHYRICH a écrit:
une petite remarque "technique" qui n'engage que moi, je trouve domage de ne pas avoir continué à poster là :
Tradition orale et archives de la Traite négrière
http://www.grioo.com/forum/viewtopic.php?t=4577
où j' avais indiqué cet ouvrage
http://www.grioo.com/forum/viewtopic.php?p=99399&highlight=#99399
ou alors de ne pas avoir donné a ce nouveau topic créé le nom de l'ouvrage en question (Tradition orale liée à la traite négrière et à l'esclavage en Afrique centrale) comme fait précédemment avec l'autre Wink

Je vous trouve trop exigent : et la liberté éditoriale alors Wink
En tout cas, je ne pouvais pas passer à côté de ce titre si évocateur "Loango-La-Martinique". Ce lien organique entre Afrique et Antilles que d'aucuns s'échinent à vouloir saper, et qui s'exprime ici, historiographiquement, d'une façon quasi-romanesque. Pardonnez-moi cette légèreté de ton, mais c'était comme d'isoler une très belle pépite dans un filon. Bien entendu, c'est ce "lien organique" que je voulais mettre en exergue, plus que de traiter de tout le corpus des traiditions orales d'Afrique centrale.
En revanche, j'espère trouver le temps de revenir sur les textes concernant l'Afrique occidentale, qui sont immensément riches d'informations de grande valeur historique...
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OGOTEMMELI
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MessagePosté le: Jeu 14 Déc 2006 05:01    Sujet du message: Répondre en citant

"Loango-La-Martinique" : à la lecture de cette histoire, j'ai tout de suite imaginé ce qu'en ferait le génie littéraire d'une Maryse CONDE ou d'un Patrick CHAMOISEAU. Ce serait forcément un chef d'oeuvre de la trempe de SEGOU...

Euzan PALCY, ou tout autre brillant cinéaste afro, pourrait en faire une superbe fresque cinématographique destinée à la l'édification de la jeunesse afro partout dans le monde... comme en son temps "Racines" aiguillonna beaucoup de collégiens de ma génération sur le sujet du Yovodah...

PS : Dans l'esprit du narrateur, il n'y a aucun doute sur le fait que le lieutenant CORDIER et son équipage n'ont rien à voir avec les ravisseurs de LOEMBA.

Le bateau négrier a surpris la vigilance des villageois en prenant les apparences d'un bâtiment gouvernemental. De plus, si c'était CORDIER et ses gens les ravisseurs, ils n'auraient pas commis l'imprudence de revenir sur les "lieux du crime" six mois plus tard. D'ailleurs, la quiétude des marins au moment de leur prise en otage montre qu'ils n'avaient rien à se reprocher, et n'étaient probablement pas au courant de ce qu'il s'était passé six mois auparavant.

S'ils ont été pris pour cible, c'est parce que CORDIER avait la responsabilité de faire respecter la loi d'abolition de la traite négrière sur cette partie de la côte africaine. Les autorités villageoises lui ont donc demandé de retrouver les contrevenants à la loi, des délinquants des mers...

Par ailleurs, on notera que Loanga était un important port à bois d'ébène aux XVIIè et XVIIIè siècle ; mais qu'à la fin du XIXè (ou vraisemblablement ont eu lieu ces événements) ce n'était plus qu'un "village" de pêcheurs... Dans le même temps, quasiment toutes les villes européennes et américaines impliquées dans la "traite" étaient à leur firmament... Que de "retombées positives" Exclamation Rolling Eyes Evil or Very Mad
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