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[M.O.P.]

Affaire : Nestlé Cameroun boit la tasse
La représentation locale de la multinationale reconnue coupable de fraude douanière et concurrence déloyale.
Eugène Dipanda
http://www.quotidienmutations.net/mutations/57.php?subaction=showfull&id=1148961009&archive=&start_from=&ucat=57&

Le directeur général de Nestlé Cameroun, Désiré Gabala, doit avoir fort à faire. La filiale de la multinationale dont il a la charge est en effet traversée par une secousse qui risque d’avoir des répercussions graves sur la vie de l’entreprise. Au terme du verdict rendu le 16 septembre 2004 par le tribunal de Grande instance du Wouri, les sociétés Nestlé Cameroun, Promodis et Cameroon Milk Company avaient été condamnées pour fraude douanière et concurrence déloyale, avec d’importantes réparations financières à concéder à l’Etat et à la société Codilait. Les parties mises en cause avaient néanmoins fait appel de cette décision. Lequel appel vient d’être déclaré irrecevable par la cour d’appel du Littoral siégeant le 23 mai dernier, au cours des ses audiences civiles et commerciales.

A titre de rappel, l’affaire avait été portée par Codilait devant les tribunaux de Douala en 2002. Une expertise d’évaluation financière commandée par la justice avait alors estimé l’ampleur de la fraude effectuée par Nestlé à plus de 7,2 milliards Fcfa, dont 4,3 milliards au préjudice de Codilait et le reste à celui de l’Etat camerounais, représenté par la direction générale des Douanes, elle-même relevant du ministère de l’Economie et des Finances.

Selon les responsables de Codilait, entre 1999 et 2002, les pertes enregistrées par cette Pme de droit camerounais, du fait de la ruse de son principal concurrent, s’élevaient à plus de 750 millions de francs Cfa. L’entreprise, selon ses dirigeants, s’est progressivement retrouvée en cessation de paiement et a ralenti ses activités à cause des "importations frauduleuses" de Nestlé. Comme Mutations le relayait déjà à cette époque, Codilait accusait en effet ses adversaires d'avoir, au lendemain de la dévaluation du franc Cfa en 1994, mis sur le marché "de faux laits à des prix défiant toute concurrence".

Préjudice
"Alors qu'on notait un renchérissement des prix des produits et intrants en provenance de l'étranger, la dégradation brutale du pouvoir d'achat des populations de la zone Cfa et la réduction drastique des marges bénéficiaires des sociétés opérant sur le marché national, on fut surpris de la prospérité affichée de certaines sociétés dans la filière laitière", soutenait alors la partie civile. Laquelle soutenait que : "Les multinationales Nestlé et Friesland, désireuses de maintenir leur monopole sur le marché national tout en y réalisant d'énormes profits, décident de contourner les obstacles nés de la dévaluation en inondant le marché national de nouveaux produits qui ont toute l'apparence et la texture du lait, mais qui n'ont rien du lait dans leur composition".

Portant l’estocade, les responsables de Codilait soutiennent que, "la commercialisation de ce genre de produit sur le marché national repose sur une grosse escroquerie qui consiste à contourner l'obstacle de la dévaluation qui a induit le doublement mécanique de la commercialisation des produits laitiers importés, et maintenir se faisant une position de leader des importateurs sur cette filière, avec pour corollaire la déstabilisation des industries laitières locales". Alors que l'affaire suit son cours, le ministère de l’Economie et des Finances, à travers la direction des Douanes, entre en scène pour porter plainte, lui aussi, contre les sociétés déjà poursuivies par Codilait.

En effet, à la suite des enquêtes commanditées par Codilait, la Douane va parvenir à la conclusion que les marques de faux lait concentré entraient de manière irrégulière et frauduleuse au Cameroun. Ces marques seront donc reclassées pour payer les frais de douane prévus pour leur catégorie par la réglementation. Le redressement fiscal ordonné se chiffre alors à plus d'un milliard de francs Cfa. Des analyses réalisées par l'Office de lutte antifraude européen (Olaf) avaient par ailleurs confirmé la réalité de la supercherie orchestrée par Nestlé Cameroun. Ce qui, indiquait-on alors, expose Nestlé à l'accusation de détournement de subventions européennes. La tourmente, selon toute vraisemblance, ne fait donc que commencer.
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