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La renaissance de la cité de l'or

 
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Rocs
Bon posteur


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Messages: 744
Localisation: Sith land

MessagePosté le: Jeu 21 Sep 2006 18:35    Sujet du message: La renaissance de la cité de l'or Répondre en citant

La scène est classique : quatre hommes entrent dans une banque, visage découvert, fusil d'assaut en main. Tout le monde se jette à terre. C'est désormais une image d'archives, souvenir du temps, pas si lointain, où le centre-ville de Johannesburg était considéré comme la "capitale mondiale du crime".


"Il y avait au moins 90 gangs qui se partageaient le territoire. La gare centrale ressemblait à un camp de réfugiés du Darfour. Le centre-ville était devenu une zone de non-droit", se souvient Neville Huxham, chargé de la communication de Cue-Incident, une grosse société de sécurité. "Aujourd'hui, vous êtes dans l'endroit le plus sécurisé d'Afrique. Ici, il ne peut rien vous arriver", poursuit-il. Dans la salle de contrôle de l'entreprise, 200 écrans sont connectés en permanence aux caméras qui épient tout ce qui se passe dans le centre-ville. Jour et nuit, les employés de Cue-Incident traquent le moindre attroupement ou geste suspect, dans les rues et dans les banques. "Les vols de voitures et les attaques à main armée ont diminué de 80 % et on n'a plus d'attaque de banque", affirme M. Huxham. La cité de l'or revient de loin. Longtemps, le centre-ville, le Central Business District (CBD), avait été le symbole orgueilleux de la réussite des pionniers blancs, un monument à la gloire des chercheurs d'or. Toutes les grandes sociétés, banques, compagnies minières, la Bourse de Johannesburg, y avaient leur siège. Toujours plus grands, plus hauts, plus beaux, les immeubles bordaient de larges avenues taillées au cordeau. C'était le temps où Central Business était réservé aux Blancs.

Pour l'immense majorité des Noirs, confinés dans leurs townships à quelques kilomètres de là, les lumières de la ville n'étaient, jusqu'à la fin des années 1980, que des petits points brillants dans la nuit, qu'il leur était formellement interdit de rejoindre après le coucher du soleil. Seuls ceux qui avaient un emploi pouvaient se rendre en ville.

A la chute de l'apartheid en 1990, la majorité noire retrouve la liberté de circuler. Symbole de richesse et de prospérité, le centre-ville est la cible immédiate des convoitises. Le petit et grand banditisme y installent leur quartier général. L'une après l'autre, les grandes compagnies fuient vers les riches banlieues du nord, réputées plus tranquilles.

La Bourse de Johannesburg elle-même déménage, tout comme le bureau de représentation des Nations unies et, parmi d'autres, le consulat de France. Petit à petit, le centre de la cité de l'or se vide. Les quelques employés qui y travaillent encore ne traînent plus dans les rues, ils se garent en sous-sol, travaillent, déjeunent à l'intérieur des bâtiments gardés en permanence par des sociétés privées, et repartent dans leurs banlieues avant la tombée de la nuit. Les théâtres, les musées, les parcs sont désertés.

Les clients du grand hôtel Carlton ne sortent plus que sous escorte. En 1997, l'établissement ferme, ses galeries commerciales aussi. Les immeubles abandonnés sont immédiatement squattés, les grands bureaux divisés en petits ateliers ou en échoppes pour le commerce informel. En quête d'un logement proche de leur lieu de travail, des milliers de familles africaines, elles aussi terrorisées par les gangs, s'installent. Sans entretien, les bâtiments deviennent vite insalubres. Certains sont cernés de barbelés. C'est Beyrouth sans les bombes.

Aujourd'hui, la métamorphose est pratiquement accomplie. Le centre de commande de Cue-Incident s'est installé dans le Carlton Center, qui a rouvert. A la mi-journée, les parkings sont pleins, les magasins, les galeries grouillent de monde... et de gardes en uniforme. Acheté par une société parapublique en 2003 pour 35 millions de rands (1 rand équivaut à 0,12 euro), l'immeuble est estimé aujourd'hui à 1,4 milliard. Le changement a réellement commencé il y a six ans, avec l'élection d'un maire, Amos Masondo. C'est lui qui a créé l'Agence pour le développement de Johannesburg (la JDA), maître d'oeuvre de la grande réhabilitation.

Huit cent mille passagers transitent chaque jour dans le centre. Les taxis collectifs sont devenus les maîtres de la rue. Naguère, à chaque arrêt, des dizaines de vendeurs des rues s'agglutinaient le long des trottoirs jonchés de détritus, hauts lieux du vol à l'arraché et des trafics en tous genres. La municipalité a fait édifier cinq gares spéciales pour ces minibus, avec des échoppes pour lesquelles les vendeurs paient désormais des patentes, et ont accès à l'eau et l'électricité.

Les lieux de mémoire comme la prison "Old Ford" à Braamfontein, où tant de victimes de l'apartheid ont été détenues et torturées, ont été restaurés. L'ancienne prison abrite désormais un musée et la nouvelle Cour constitutionnelle. Près de 62 millions d'euros et cinq ans plus tard, les cars de tourisme se succèdent à nouveau sur cette colline où nul n'osait plus s'aventurer.

De là, le pont Mandela, élégante structure de métal qui surplombe les entrelacs de rails de la gare centrale, permet de passer rapidement à Newtown, un quartier traditionnellement consacré à la culture, lui aussi entièrement réhabilité. Il y a moins de cinq ans, même les critiques d'art n'osaient plus aller voir les productions du Market Theater ou le Museum of Africa. Des restaurants ont ouvert alentour, ainsi que des clubs de jazz. En moins de trois ans, Newtown est devenu le bastion des noctambules. Sur les terrains vagues attenants ont été construits de petits immeubles colorés, à loyers modérés. Des friches industrielles sont en cours de rénovation pour y installer des appartements de luxe. "Le centre-ville doit redevenir un lieu de vie et de mixité sociale", insiste Paul Arrnott, directeur du développement à la JDA.

Ces changements n'auraient pas été possibles sans un partenariat avec le secteur privé. Les banques et les compagnies minières y sont pour beaucoup, comme les rares sociétés qui n'avaient pas quitté le navire en perdition. Le monde des affaires a uni ses forces dans une association appelée "Business against crime" ("Entreprises contre le crime"), la télésurveillance effectuée par Cue-Incident étant financée à parts égales par le privé et le public. Un poste de police est installé au sein même de la salle de contrôle

Main Street, la longue avenue qui traverse le centre, a été entièrement remise à neuf par les entreprises qui la bordent. "C'est un contrat avec la Ville, explique Paul Arrnott. Les sociétés rénovent les trottoirs et s'occupent de la sécurité et des espaces verts, en échange d'avantages fiscaux." Désormais, sur Main Street, on peut flâner, prendre un verre en terrasse, même à la nuit tombée. A Braamfontein, l'amélioration du paysage urbain a été, pour l'essentiel, financé par le secteur privé. L'Etat a racheté 80 immeubles décatis du centre, effacé une partie des dettes dues à la municipalité et les a remis sur le marché. Les prix flambent. La valeur totale des bâtiments du CBD est estimée à 70 milliards de rands - contre 20 milliards il y a six ans. La spéculation y est aussi intense que dans les banlieues chics du nord de la ville.


Alfonso Botha, avec sa société Urban Ocean, a été l'un des premiers à parier sur le centre-ville. "Au début, se souvient le jeune Afrikaner qui habite un loft luxueux avec vue imprenable sur le centre des affaires, les banques ne voulaient pas nous prêter un rand : aujourd'hui, nous sommes propriétaires de 20 immeubles." Acquis 36 euros le m2, les appartements du premier immeuble rénové ont été vendus cinquante fois plus. Urban Ocean fait dans l'habitat de luxe, du studio au penthouse de 350 m2 vendu 4 millions de rands (500 000 euros).

"Cette ville est vibrante. Demain, elle sera un véritable Manhattan. Nous n'en sommes qu'au début", dit Alfonso Botha. "Nous suivons l'exemple de New York. Objectif : plus une vitre brisée. En 2010, pour la Coupe du monde de football, nous aurons résolu la plupart des problèmes majeurs, mais nous avons un plan jusqu'en 2030, et là Johannesburg sera redevenue une ville de classe mondiale", parie Paul Arrnott.

Beaucoup reste à faire. Juste en face du Carlton Center, sous les fenêtres de Cue-Incident, des squatters viennent de réinvestir un immeuble encore à l'abandon. Du linge pend aux fenêtres brisées et des familles entières s'entassent dans des pièces insalubres. Toute la zone autour du stade Elis Park, où se dérouleront des matches de la prochaine Coupe du monde, est restée pouilleuse. Personne n'ose encore s'aventurer dans le parc Joubert, jonché de détritus, et occupé par des dizaines de sans-abri. Berea et Hillbrow, deux quartiers proches du centre, sont encore aux mains des gangs : drogue et prostitution à tous les étages.

Rue par rue, immeuble par immeuble, la mairie tente, là aussi, d'assainir, de reprendre du terrain sur la jungle urbaine. Mais dans ces endroits-là, la population est plus dense, plus pauvre, souvent immigrée et il n'y a ni compagnie minière, ni banque, ni multinationale pour refleurir les jardins.
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