Inscrit le: 10 Mai 2005 Messages: 178 Localisation: courbevoie
Posté le: Lun 27 Nov 2006 18:33 Sujet du message: "La France a été l’alliée des génocidaires" Audio
"La France a été l’alliée des génocidaires" Audio de la conférence de F.X Verschave
http://www.thotep.com/article.php3?id_article=158 _________________ De dire que je suis Africain relève pour beaucoup de l'hérésie, du mensonge, d'affirmer que mes racines sont en Afrique demeure une ineptie. Les juifs survivants de Auschwitz n'en sont pas ressortis Polonais. Alors moi je suis et resterais Africain et c'est en tant que tel que je serais soumis à la critique ou à l'approbation.
Cette conférence saisissante de F-X. Vershaeve pose la question qui m'interpelle le plus dans cette tragédie : au-delà de la responsabilité de la France, des politiques Rwandais et/ou d'autres pays tiers, comment celà a-t-il pu arriver ? Et surtout : comment faire pour que celà n'arrive plus à l'avenir ?
Question qui doit tous nous interpeller, car il n'y a pas de raison pour que celà n'arrive pas ailleurs, surtout si les mécanismes de manipulation de la population n'ont pas été démontés et compris.
Plusieurs enquêteurs se sont penchés sur l'expertise française en matière de contrôle des populations :
Rwanda. Des doctrines militaires françaises sur la sellette
Gabriel Périès (1) évoque les dérives auxquelles ont pu conduire les théories du contrôle des populations forgées par certains cadres de l’armée française.
Pourquoi êtes-vous intervenu devant la Commission d’enquête citoyenne ?
Gabriel Périès. Je suis politologue latino-américaniste, et la CEC m’a sollicité pour ma spécialisation dans l’analyse des doctrines militaires françaises, plus particulièrement celles élaborées entre 1946 et 1960. Ce corpus doctrinaire a été enseigné au sein de l’École de guerre à Paris et exporté par des officiers français au cours de missions dans les armées latino-américaines, en Argentine, notamment. Puis j’ai rencontré un journaliste qui avait été grand reporter au Rwanda et qui m’a dit qu’au cours d’un séjour effectué par la suite en Argentine, il avait été frappé par les ressemblances entre les structures politico-militaires argentines et rwandaises (2).
Sur quoi repose cette doctrine élaborée par les colonels Lacheroy et Trinquier au début des années 1950, qui a été appliquée une première fois en Algérie, et comment est-elle arrivée au Rwanda ?
Gabriel Périès. Il s’agit d’une doctrine d’emploi et d’organisation préventive des forces armées qui vise à établir un implacable contrôle " militaro-politique " des populations. Elle a servi à former la plupart des élites militaires des pays de l’Afrique francophone au lendemain des indépendances. À partir du milieu des années 1970, après la prise du pouvoir par le général Habyarimana et la réactivation de la coopération militaire française sous Giscard d’Estaing, l’organisation politico-administrative de l’État rwandais correspond peu ou prou aux théories de Trinquier sur " le contrôle des populations ". Mon hypothèse, néanmoins, est que la doctrine de " la guerre révolutionnaire " a imprégné, dès la fin des années 1950, la formation de l’État rwandais " moderne ", dirigé par un ex-séminariste Hutu (Grégoire Kayibanda) et un officier parachutiste belge (le colonel Logiest), qui culmine en 1963-1964 avec un pré-génocide (3). À l’époque, les élites militaires belge et française fonctionnent en osmose. Le pré-carré francophone est une réalité. Certains officiers belges sont formés à l’École de guerre à Paris et la Revue militaire belge publie des articles traitant de " la guerre révolutionnaire ".C’est le régime Habyarimana qui va parachever la mise en place de celle-ci, autant pour lutter contre un ennemi intérieur Tutsi et contre une éventuelle incursion du FPR que pour asseoir son pouvoir de la manière la plus totale possible.
En recourant à une organisation politico-administrative empruntée au deuxième pilier de la doctrine militaire française de l’époque ?
Gabriel Périès. Dans les années 1970, l’État rwandais semble s’être structuré selon la " théorie des hiérarchies parallèles " de Lacheroy, c’est-à-dire avec un ensemble incroyable pour un si petit pays de systèmes hiérarchiques de contrôle des populations, qui implique l’Église, les forces armées, un système bureaucratique très perfectionné, et qui s’est appuyé, en l’instrumentalisant, sur la permanence de hiérarchies " traditionnelles " héritées de la période coloniale. La vocation première de ce système politique est de quadriller les populations depuis le groupe familial jusqu’à la préfecture. Le tout coiffé par un parti unique [le Mouvement révolutionnaire national pour la démocratie et le mouvement û NDLR] et l’oligarchie maffieuse groupée autour de la belle-famille d’Habyarimana, l’Akazu.
Le Rwanda a-t-il été un laboratoire d’expérimentation d’une nouvelle forme d’État ?
Gabriel Périès. Un paradigme terrifiant, oui. Lorsqu’un État se met à fonctionner en suivant ces doctrines militaires, on aboutit à des pratiques génocidaires et un déchaînement de violence hyper ciblé : 30 000 disparus en Argentine et plus de 800 000 morts au Rwanda. Cette doctrine a été élaborée par les Français, mais les Britanniques ont la leur, qui fonctionne sur un modèle très proche. On a affaire à un corpus doctrinaire transnational qui a circulé, et circule encore, comme on vient de le voir avec l’aventure irakienne de l’administration Bush qui se fait des projections de la Bataille d’Alger, de Ponte-Corvo, au Pentagone. Ce corpus peut engendrer des systèmes politiques cannibales, où le militaire finit par dévorer l’État qu’il doit servir et détruit ce qui fonde sa légitimité : la population.
Entretien réalisé par Emmanuel Chicon
(1) Enseignant-chercheur à l’université d’Evry-Val-d’Essonne et membre des comités de rédaction des revues Cultures et conflits et Mots, les langages du politique (ENS-Lyon).
(2) Patrick de Saint-Exupéry, reporter au Figaro, dont le livre l’Inavouable. La France au Rwanda vient de sortir.
(3) Près de dix mille Tutsis de l’intérieur sont exterminés en représailles d’une tentative d’incursion armée de leurs frères réfugiés venus du Burundi.
Article paru dans l'édition du 27 mars 2004.
Nous sommes donc clairement face à un phénomène REPRODUCTIBLE ce que montre encore plus clairement cet article :
Escadrons de la mort, l'école française
(Extrait de Offensive n°7 Parution: 2005-10-01)
Entretien avec Marie-monique robin, auteure d'un livre et d'un film documentaire intitulés « escadrons de la mort, l'école française ». fruit d'une enquête de deux ans, menée en amérique latine et en europe, son travail révèle les dessous des guerres d'algérie et d'indochine et l'exportation des méthodes des militaires dans les dictatures d'amérique latine jusqu'en afrique.
Le titre de votre ouvrage, dont vous avez également tiré un film, éclaire peu le sujet que vous traitez.
Les militaires français, avec l'accord du gouvernement, ont développé, d'abord en Indochine, des techniques de guerres « antisubversives », techniques qu'ils ont ensuite exportées en Amérique latine, et même en Amérique du Nord. Vous avez raison, le terme fait plutôt penser à l'Amérique latine, mais ce qu'on ne sait pas, c'est que le modèle des escadrons de la mort vient de l'expérience des français en Indochine, et surtout, en Algérie.
Aujourd'hui, un certain nombre de travaux intéressants sur l'histoire coloniale de la France sont publiés. Cependant, vous reliez différents contextes, relativement éloignés, tels que l'Algérie, l'Amérique latine, l'Amérique du Nord. Comment avez-vous commencé votre enquête ? Comment avez-vous tiré le fil ?
Au début, je travaillais sur l'opération Condor (voir article page 29). Quand j'ai commencé à me documenter, à prendre des contacts avec les chercheurs qui travaillaient sur le même sujet, on m'a dit tout de suite : « Oui, c'est très bien, mais savez-vous que la genèse de l'opération Condor vient de France ». J'ai donc commencé à essayer de comprendre pourquoi et j'ai complètement changé de sujet en remontant jusqu'à l'histoire des guerres coloniales de la France, jusqu'à la guerre d'Indochine, parce que c'est là que tout a commencé.
Votre livre est composé de deux grandes parties. Une partie sur les guerres coloniales et une autre sur l'Amérique latine. Qu'est-ce qui se joue pour la France dans cette guerre d'Indochine à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, avec tout le mythe de la France résistante… ?
Justement, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France vote la création des Nations unies, elle reconnaît le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes… mais quand la guerre d'Indochine s commence, elle refuse de trouver une solution politique pour résoudre ce conflit. Par contre, elle envoie un corps expéditionnaire, des militaires professionnels. Là, ils se rendent vite compte qu'ils sont plus nombreux que le Vietminh, qu'ils sont mieux équipés, mais qu'ils n'arriveront pas à bout de cette guérilla. Ils s'interrogent donc, et vont élaborer le concept de « guerre moderne », qu'ils appelleront aussi « guerre révolutionnaire » ou « guerre antisubversive ». Celui-ci est théorisé par le colonel Lacheroy qui deviendra, par la suite, chef de l'OAS et putschiste à Alger.Pourquoi cette guerre est-elle moderne, selon eux ? Avant, il y avait un front, il fallait soit avancer, soit repousser le front. Il y avait un ennemi en uniforme facile à identifier. Là, il n'y a rien de tout cela. L'ennemi est disséminé sur tout le territoire et il n'y a pas de front. Ils utilisent le terme de « guerre de surface ». Ils ajoutent à leurs observations une réflexion politique dans ce contexte de début de « guerre froide ». L'ennemi, le Vietminh, lui, s'appuie sur un appareil idéologique de contrôle des populations. C'est ainsi que naît le concept de « guerre révolutionnaire ». Les militaires français vont par la suite dire à leur état-major que ce n'est pas la peine d'envoyer des chars, des avions, etc., qu' il faut quadriller le territoire contre ce nouvel ennemi au cœur de la population : l'ennemi interne. Ce peut être un paysan qui va couper les poteaux électriques la nuit ou une femme qui va transmettre un message… Ils essayent de convaincre leurs supérieurs. Le colonel Lacheroy demande à être renvoyé sur Paris pour signifier l'erreur. Et ces militaires, « humiliés », selon eux, en Indochine, qui passent par la défaite de Dien Bien Phu, par les camps de rééducation pour certains d'entre eux, se retrouvent tous en Algérie dès septembre 1954.
Pendant cette période, dans ce contexte de « guerre froide », le PCF possède une forte influence, au sortir de la guerre 39-45, ce qui va exacerber une paranoïa inhérente aux militaires.Quand on étudie les archives militaires de l'École de guerre de Paris ou les revues et documents disponibles au service historique de l'armée de terre, la paranoïa est très apparente.Il faut considérer que, dans un premier temps, les maquisards communistes ont été intégrés dans l'armée par de Gaulle. Mais, petit à petit, les militaires se persuadent que le PCF, ce qu'ils appellent « la cinquième colonne », préparent un coup d'État. Plus encore, tout ce qui se passe dans le monde est un travail construit et cohérent pour imposer une hégémonie communiste. Cela joue beaucoup.
On voit donc des militaires français tels que Lacheroy et Trinquier qui élaborent une doctrine, qui écrivent des livres.Lacheroy écrit beaucoup d'articles. Il théorise sur la guerre révolutionnaire et son antidote, la guerre contre-révolutionnaire. Trinquier, lui, écrira plus tard. Mais ce n'est qu'en Algérie que l'on va trouver des textes sur les techniques militaires d'élimination du terrorisme ou de la subversion. Le rôle des militaires est d'arriver à démanteler un réseau terroriste. C'est, en fait, la mise à jour d'une véritable matrice d'un pouvoir dictatorial dont l'une des tentatives est le putsch d'Alger, qui sera par la suite exporté en Argentine.
Quel est l'état d'esprit de ces militaires qui arrivent en Algérie ?
C'est un département français, et il n'est pas question de se faire avoir comme en Indochine. Ils arrivent avec la rage et appliquent tout de suite la grille de lecture de l'Indochine. Il s'agit, selon eux, d'un avatar de la guerre froide : le FLN travaillerait pour Moscou (ce qui est, historiquement, complètement à côté de la plaque). C'est une guerre révolutionnaire et il faut développer de nouvelles techniques.
Est-ce le moment où apparaît la notion d'action psychologique ?
Non, elle est apparue en Indochine. Les militaires se sont aperçus que le Vietminh devait son pouvoir au contrôle et aux manipulations qu'il exerçait sur les populations. Ils ont vite compris l'enjeu de cette nouvelle forme de guerre. Ils ont développé des campagnes d'action psychologique, avec des tracts, mais surtout des services de santé, d'alphabétisation. L'idée était de conquérir l'âme des populations. Mais il est vrai qu'en Algérie, le service d'action psychologique aux mains de Lacheroy, nommé par le ministre des Armées, prendra d'emblée une ampleur considérable. Ils continuent, au début de cette guerre, à dire que les méthodes ne sont plus adaptées... Et ils obtiennent gain de cause. Le 7 janvier 1957, le gouvernement, qui a déjà voté les pouvoirs spéciaux, les confie aux militaires, notamment à Massu, chef des parachutistes. C'est important, car cela permet aux militaires d'être investis de tous les pouvoirs, y compris des pouvoirs de police. Ils ont carte blanche. C'est donc cette bataille d'Alger, de janvier 1957 à septembre 1957, qui va constituer le modèle de la guerre antisubversive.
Lors de la bataille d'Alger, Les militaires vont pouvoir appliquer les mains libres ce qu'ils avaient auparavant théorisé.Oui, ils n'ont plus d'entraves. Bigeard dira : « Le FLN posait des bombes, on ne pouvait pas entrer dans la casbah la nuit parce qu'il nous fallait un mandat du juge, comment voulez-vous qu'on travaille dans ces conditions ? ». Avec les pouvoirs spéciaux qu'ils obtiennent, ils n'ont absolument plus besoin de passer par la justice. Ils sont seuls maîtres à bord. Rappelons que la population est suspecte et que l'ennemi est interne. Tout le monde est suspect, donc le renseignement devient l'arme fondamentale de cette guerre.Qui dit renseignement dit torture et, quand les torturés sont morts ou agonisants, il faut les faire disparaître. C'est le rôle d'Aussaresses qui dit : « J'ai créé les premiers escadrons de la mort ». C'est la première fois, dans cette bataille d'Alger, qu'une armée va développer un modèle de répression urbaine… en sept mois. Pour en revenir aux méthodes, il y a le renseignement, la torture, mais il y en a d'autres, le quadrillage des quartiers, de chaque maison, le contrôle de la population, etc. Si la population est suspecte, il faut la contrôler. C'est le colonel Trinquier qui s'en occupe. Il va devenir le grand théoricien, en écrivant La Guerre moderne, qui va être traduit dans toutes les langues et, en quelques sortes, devenir la bible, le manuel de la guerre antisubversive. Trinquier, lui, a une idée : il quadrille l'ensemble du territoire avec des unités qui agissent partout, sur plan. D'ailleurs, l'historien Pierre Vidal-Naquet dira que c'est « une guerre des capitaines ». Effectivement, ils commencent tous à « interroger », à faire disparaître des gens, à abattre les prétendus fuyards, etc. Dès le début, se met en place toute une série de pratiques totalement contraires aux lois de la guerre. Ajoutons qu'ils abattent les prisonniers, qu'ils déplacent les populations. À Alger, ils vont quadriller la casbah tout entière, cela représente plus de 80 000 personnes. Chaque maison est numérotée ; à l'intérieur de chacune, la population est recensée avec des fiches qui seront distribuées dans les différentes unités de contrôle des quartiers. Tout cela se passe la nuit car alors les gens sont censés être chez eux.
C'est en fait toute une réflexion depuis « l'Indochine » qui prétend que ce type de guerre se passe la nuit.Tout à fait, en Indochine, Lacheroy, n'a cessé de dire que les militaires ne sont pas des fonctionnaires de l'armée qui se couche à dix-neuf heures, mais qu'ils devraient commencer à travailler à cette heure-là. En Algérie, ils ont compris. Bigeard, Aussaresses, etc., disent tous qu'ils travaillaient la nuit. Ils faisaient des rafles et la gégène fonctionnait à plein la nuit. Mais, pour en revenir au quadrillage, ils débarquent la nuit, ils regardent la fiche. Ils vérifient que les personnes présentes sont bien recensées. Toute personne qui n'est pas de la maison est embarquée. Quand une personne manque, toute la maisonnée est embarquée, torturée, pour savoir où elle se trouve. Tout cela va être exporté par la suite, en Irlande, par exemple. C'est d'ailleurs Trinquier qui sert de référence dans toute la guerre qui va être menée contre l'IRA. Cela sera également exporté en Argentine, à Buenos Aires.
Il y avait également la pratique du retournement de prisonnier…
Oui, des militaires comme le capitaine Léger faisait la tournée des centres de torture en essayant de récupérer ceux qu'il pensait pouvoir retourner. Il devait par la suite diffuser de fausses informations, faire savoir qu'ils avaient changé de camp et, finalement, faire en sorte que les Algériens se massacrent entre eux. Léger dira dans un des ses livres que « ce n'est certes pas très moral, mais [que] si l'ennemi a cette capacité de s'automassacrer, pourquoi s'en priver ». Cette technique du retournement de prisonnier sera exportée en Argentine et au Chili. On me dit souvent : « Il ne faut pas exagérer, ce ne sont pas les français qui ont inventé la torture ». Certes… La grande différence, c'est que la torture, l'interrogatoire, dans les documents officiels, sont érigés comme une arme principale et systématique. Trinquier est le seul à avoir théorisé cela, à tel point qu'aujourd'hui encore, pour la guerre en Irak, ils ont ressorti Trinquier. Que dit-il ? C'est très simple… « Le terroriste dans la guerre moderne, par son mode opératoire, parce qu'il ne porte pas d'uniforme, parce qu'il pose des bombes dans les lieux publics, ne respecte pas les lois de la guerre. Il n'y a donc aucune raison de les appliquer. De plus, si j'ai entre les mains une personne qui peut avoir une information sur un attentat qui va avoir lieu, j'ai le droit de le torturer et d'éviter ainsi la mort d'innocents. » Voilà. C'est encore une bible pour les militaires en Irak, à Guantanamo…
Une autre dimension du conflit est aussi dans la politisation, et l'idéologisation. Des militaires français vont se rapprocher du lobby national catholique.
Oui, tous ces arguments techniques s'accompagnent d'un retour aux sources de la civilisation chrétienne. J'ai en effet découvert le rôle très important que va jouer le lobby national catholique auprès de l'armée, notamment un organisme qui s'appelle la Cité catholique, créé par un certain Jean Ousset, secrétaire éphémère de Charles Maurras. La Cité catholique repose sur des cellules censées occuper l'ensemble du terrain social à partir de grands groupes professionnels : enseignants, agriculteurs, militaires, etc., à la Mussolini. Ils se réunissent secrètement et travaillent à la revue Verbe, dans le but de préparer des arguments, pour convaincre. Dans l'armée, il y aura à un moment plus de deux cents cellules. C'est l'endroit où il y en aura le plus, notamment en Algérie. Il est intéressant de noter que tout ceux qui font circuler la revue sont aussi ceux qui sont proches de l'« action psychologique » et de cette réflexion sur la « guerre contre-révolutionnaire ». On retrouvera encore les mêmes au moment du putsch et dans l'Organisation armée secrète (OAS). Au moment où Témoignage chrétien, France observateur et L'express commencent, en France, à dénoncer la torture en temps réel, Verbe fait une campagne de justification théologique de l'utilisation de la torture. Quand vous la lisez, vous avez l'impression d'avoir à faire à un argumentaire de l'Inquisition. La Cité catholique sera dénoncée, cela fera scandale, ce qui n'empêchera pas Jean Ousset de créer une filiale en Argentine, la Ciudad Católica, et une revue, El Verbo, autrement dit, exactement la même chose. Il y envoie pour ce faire un curé nommé Georges Grasset, un des chefs spirituels de l'OAS, un de ceux qui vont organiser la fuite des gens de l'OAS en Argentine.
Après le putsch et la création de l'OAS, beaucoup de militaires vont être condamnés à mort…Il y aura à peu près quatre cents militaires destitués de l'armée, ce qui est minime par rapport à tous ceux qui ont participé au putsch. Quant aux condamnés, très peu seront exécutés.
Où vont passer tous ces gens ?
Lacheroy, par exemple, raconte comment il passe en Espagne franquiste. Il est d'abord aidé par la police et des marins pour passer dans le Sud de la France. Puis c'est une femme des services secrets français, le Sdece, qui va lui faire passer la frontière espagnole en voiture. Prenons un autre condamné à mort nommé Gardes, il prend un voilier et gagne l'Argentine. Ils sont bien condamnés à mort, mais personne ne leur court après.Les chefs de l'OAS vont donc jouer un rôle de conseillers auprès de la dictature argentine, mais il y aura aussi des assesseurs militaires français…Pour bien comprendre, disons que l'École française en Amérique du Sud commence à l'École de guerre de paris. C'est entre 1954 et 1962, quand la théorie de la guerre antisubversive est à son apogée, que le nombre d'officiers étrangers est le plus important. C'est ainsi que le général Rosas, un Argentin, va y passer deux ans, à partir de 1955, et convaincre l'école de prendre davantage d'Argentins en formation, et même de créer une mission militaire française permanente en Argentine. Son unique but sera d'enseigner les techniques de la guerre antisubversive. Cette mission s'installe en 1959 à Buenos Aires, au siège de l'état-major. Elle y restera jusqu'en 1981. Voilà donc le premier pays où la France va exporter ses nouvelles techniques. Au même moment, Kennedy, avant d'être élu, fait un voyage d'étude en Algérie, en pleine guerre. Il a entendu parler de la théorie et, obsédé par le communisme, s'y intéresse. Après son élection, il demande à son secrétaire d'État, McNamara, de contacter Pierre Messmer, ministre des Armées, pour accueillir aux États-Unis des experts de la guerre antisubversive. C'est ainsi que le général Aussaresses part à Fort Bragg, le siège des forces spéciales américaines. À l'époque, les Américains étaient dans une conception classique de la guerre, ils se préparaient à un affrontement avec les Soviétiques. Ce sont les Français qui introduisent ces nouvelles manières.
On parle de l'Argentine, mais d'autres pays ont-ils été formés à l'École française dans les années soixante ?
Oui, Aussaresses, après son passage aux États-Unis et à l'Otan, est envoyé comme attaché militaire au Brésil de 1973 à 1975, pays qui est, depuis 1964, une dictature militaire. Et il forme à plein temps des militaires chiliens qui viennent au Brésil. Depuis l'Argentine également, l'École française « rayonne ». Elle va former des Uruguayens à Montevideo, des Péruviens chez eux. Les Français étaient installés à Buenos Aires et allaient où on les appelait pour distribuer la « bonne parole » antisubversive sur tout le continent.
Est-ce que l'École française est influente au Chili, pendant la dictature de Pinochet ? On pense plutôt aux États-Unis, à la CIA qui joue un grand rôle.
En ce qui concerne le général Contreras, chef de la Dina, la police politique de Pinochet, une chose m'a frappée : son admiration pour l'OAS. Revenons quelques instants sur l'OAS... Un certain nombre de chefs s'installent à Lisbonne, au Portugal, à l'époque de la dictature de Salazar, et créent une espèce d'agence de presse bidon qui sert de couverture. Cette agence loue ses services, envoie des mercenaires, etc. Au Chili, par exemple, ils encadrent la création d'un groupe fasciste appelé Patria y Libertad qui va participer à l'assassinat du général, loyaliste et démocrate, juste avant le coup d'État de Pinochet. Ils vont aussi en Argentine, au Nicaragua, au Salvador.
Pouvez-vous préciser implications de l'influence française en Argentine ?
Les Français sont en Argentine en 1957, alors qu'il n'y a aucune guérilla, ni parti communiste. Quand la dictature s'installe, en 1976, tout est en place depuis longtemps. Le quadrillage du territoire a été fait dès la fin des années cinquante. Les militaires vont se comporter comme une armée d'occupation dans leur propre pays. Ils vont tout appliquer au pied de la lettre. Y compris la méthode des « crevettes Bigeard », qui consistent à se débarrasser des prisonniers en les jetant d'un hélicoptère. Tout est repris, mais de manière industrielle. « Les vols de la mort » auront lieu en Argentine tous les mercredis avec vingt, vingt-cinq bonshommes jetés à la mer. Il faut rappeler l'influence de l'École française dans d'autres pays comme l'Irlande, le Rwanda, la Tchétchénie et l'Irak.
La question suivante est : COMMENT LUTTER CONTRE CES STRATEGIES DEMONIAQUES ??? _________________ "Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon
DE LA GUERRE ANTISUBVERSIVE A LA GUERRE TOTALE : DE L'ALGERIE AU RWANDA EN PASSANT PAR L'ARGENTINE.
« Cette guerre était une vrai guerre totale et cruelle ».
Déclaration du général Quesnot à la Mission d'Information Parlementaire sur le Rwanda.
« Si vous n'arrêtez pas le combat, si vous vous emparez du pays, vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles parce que tous auront été massacrés. » Déclaration de Paul Dijoud à Kagamé (fin 1991) selon Kagamé rapporté à Renaud Girard, le 22 novembre 1997 dans le Figaro.
D'après Patrick de Saint-Exupéry, dans son livre « L'Inavouable », l'état-major français et le président de la république auraient expérimenté au Rwanda, une nouvelle arme de destruction massive celle de « la guerre totale » où le ''génocide entre dans une logique de guerre''. C'est en côtoyant les forces armées françaises au Rwanda, durant le génocide, que l'auteur s'est forgé cette conviction.
Pour surprenante que paraisse cette thèse, elle ne manque pas d'entrer en résonance avec le corpus théorique développé par les militaires français au cours de la guerre d'Indochine, spécialité doctrinale enfantée juste à la fin de la guerre d'Indochine et mise en pratique durant la guerre d'Algérie. Il s'agit d'une stratégie politico-militaire qui consiste à gagner la guerre en contrôlant les populations, par le quadrillage , par des milices d'autodéfense, par des hiérarchies parallèles et par la guerre psychologique.
« Nous avons instruit les tueurs. Nous leur avons fourni la technologie : notre « doctrine ». Nous avons appliqué au Rwanda un vieux concept tiré de notre histoire d'empire. De nos guerres coloniales. Des guerres qui devinrent révolutionnaires à l'épreuve de l'Indochine. Puis se firent psychologiques en Algérie. Des « guerres totales ». Avec des dégâts totaux. Les 'guerres sales'.».
La guerre antisubversive : de l'Indochine à l'Algérie.
Pour bien comprendre ce que sont les « guerres totales », il faut se replonger dans l'idéologie et les doctrines militaires qui ont été construites en réaction aux échecs cuisants subis par l'armée en Indochine. L'idéologie mise en oeuvre par l'armée française en Algérie renvoie à « la mémoire jaune » séquellaire de la perte de Dien Bien Phû. Après avoir perdu contre les révolutionnaires (endoctrinés par les théories de Maô), des généraux tels que Trinquier et Lacheroy mettront en oeuvre une doctrine militaire pour lutter contre les révolutionnaires. Leurs travaux donneront naissance aux théories de la guerre antisubversive ou « psychologique ». Trinquier en 1957 a théorisé la répression en zone urbaine : découpage de la ville, fichage, rafles, extorsion de renseignements, institutionnalisation de la torture. Cette guerre vise à contrôler la population et à détruire les forces révolutionnaires tout en terrorisant la population. Ainsi le commandant Boulnois auteur de nombreux textes sur la guerre antisubversive écrira : « Mieux vaut tuer à l'adversaire un homme par jour que de monter avec d'importants moyens une opération qui dans le meilleur des cas tuera dix fois plus, mais qui neuf fois sur dix, tombera dans le vide le plus absolu, sous l'oil ironique des populations ». ( Parade et riposte à la guerre subversive école supérieure de guerre, 12.01.1959, In François Géré, « la guerre psychologique », Economica, 1997, cité par Pierre Abramovici dans Le Point, 15.06.2001).
Lacheroy développera le deuxième pilier de cette « guerre antisubversive » fondée sur la constitution d'une hiérarchie parallèle politico-militaire chargée de l'application du contrôle des populations avec parcellisation et embrigadement de celle-ci allant jusqu'à définir des autorités tutélaires pour chaque pâté de maison.
Cette doctrine militaire française repose donc sur le contrôle des populations et la terreur de masse pour éviter tout mouvement révolutionnaire et contestataire. Elle sera appliquée avec succès pour reprendre le contrôle d'Alger lors de la bataille d'Alger .
Ce savoir technologique et méthodologique va connaître un tel succès auprès des forces armées du monde atlantiste qu'elle sera exportée, dès le début des années soixante, vers l'Amérique latine et notamment en Argentine.
De l'Algérie à l'Argentine : le modèle français.
Ce n'est que très récemment que l'on a appris qu'il y avait une filiation tangible entre les méthodes militaires françaises en Algérie et les méthodes des juntes militaires en Amérique latine. On doit ces découvertes aux révélations du général Aussaresses qui fut chargé avec les spécialistes français de la guerre antisubversive d'instruire des militaires argentins, chiliens mais aussi états-uniens. Alors que la guerre du Vietnam entre dans sa seconde phase, Aussaresses, se trouve aux USA, 'observateur' à l'école des parachutistes de fort Benning, en Géorgie puis il participera à l'enseignement des militaires à fort Bragg, en Caroline du Nord.
Selon Pierre Messmer, alors ministre des armées, l'état-major a répondu positivement aux demandes des américains qui réclamaient des instructeurs au profil indochinois. Aussaresses et les instructeurs français (bien souvent issu de l'OAS) font traduire les écrits de Trinquier. « L'un des élèves d'Aussaresses s'appelle Robert Komer, analyste à la CIA.en 1967 : Kommer est nommé ambassadeur à Saïgon. Il « invente » ce que l'on appellera plus tard l'opération Phoenix. Une guerre contre-subversive à outrance destinée à « vider l'eau dans laquelle se déplacent les poissons », d'après la célèbre formule de Mao. Bilan : 20.000 morts, des dizaines de milliers d'arrêtés, détenus sans procès, torturés, etc. Les experts s'interrogeront longtemps sur la genèse de cette opération. On peut aujourd'hui répondre qu'elle est en partie issue des enseignements d'Aussaresses sur la base des écrits de Trinquier ». (L'Autre Guerre d'Aussaresses, par Pierre Abramovici, Le Point, 15.06.01).
(La filière française d'exportation de la torture dans l'International Herald Tribune - 22 juin 2001)De nombreux officiers militaires chiliens, argentins, équatoriens, boliviens qui appartiendront plus tard aux juntes militaires de leurs pays ont aussi reçu une formation militaire à fort Bragg sur le même modèle.En fait dès 1961 l'ambassadeur français en Argentine évoquait déjà les cours de guerre anti-subversive ou contre-révolutionnaire :
« Le rôle des assesseurs militaires français dans la conception et la préparation de ce cours a été déterminant et on doit souligner la présence de militaires des Etats-Unis au nombre des participants de ce stage, où une place importante est réservée à l'étude de la lutte anti-marxiste dans un esprit et selon les méthodes qui bénéficient largement de l'expérience acquise, dans ce domaine, par l'armée française »( Pierre Abramovici, Ibid).
Ainsi le général Acdel Edgardo Vilas, chef d'un centre de détention clandestin dans la province de Tucuman et ayant participé personnellement à de nombreux assassinats, déclare « Nous avons appliqué les méthodes mises en place par les Français en Indochine et en Algérie ».
Selon l'adjoint de Videla, le général Bignone, la bataille de Buenos Aires (lors du coup d'état) est la copie conforme de la bataille d'Alger. La théorie française de la contre-subversion et le « schéma Trinquier » y sont appliqués : « division en zones, fichages, ratissage, torture et disparitions » (Pierre Abramovici, Ibid).
De nombreux autres témoignages de militaires argentins et chiliens ont pu être révélé lors du documentaire « L'Ecole Française » diffusé sur Canal Plus en 2002. Suite à ce reportage et à l'article de Pierre Abramovici, des députés verts ont demandé en septembre 2003 une commission d'enquête parlementaire qui a malheureusement été rejeté à une voix près selon Noël Mamère. ( Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de la France dans le soutien aux régimes militaires d'Amérique latine entre 1973 et 1984 ).
De l'Algérie à l'Afrique noire : des pratiques oubliées. Retour à la case Afrique.
Personne n'est dupe quant aux « indépendances » africaines accordées par De Gaulle aux pays d'Afrique sub-saharienne francophone. Derrière un discours humaniste et émancipateur, De Gaulle par l'entremise de Foccart s'est empressé de créer des réseaux françafricains pour conserver la main mise sur les anciennes colonies. De gouverneurs français on est passé à des gouverneurs noirs « mandatés » par Paris. La prédation économique a pu continuer par l'intermédiaire de dictateurs inféodés à l'ancienne puissance coloniale : Bokassa en Centrafrique (ancien sous-officier de l'armée coloniale ayant combattu en Indochine), Eyadéma au Togo (ancien sous-officier de la coloniale) ou bien Bongo (proche des services secrets français et mis en place directement par Foccart lors de la guerre du Biafra). « On oublie trop souvent que cette bouffonnerie tropicale a été un règne ordinaire soutenu par la France ». (Geraldine Faes et Stephen Smith, Bokassa 1er, un empereur français).
Et l'on sera frappé de constater que la méthode mise en place est bien souvent la même qui aura lieu dans les pays d'Amérique Latine quelques années plus tard. On est confronté aux mêmes logiques et aux mêmes techniques : coup d'état imposant un dictateur-kleptocrate aux ordres de la puissance néo-coloniale. Comme plus tard en Argentine, ou au Chili, la résistance n'a pas fait long feu devant le régime de terreur mis en place vis à vis des opposants : élimination des opposants ou des présidents choisis par les peuples autocthones (Olympio au Togo) et contrôle des populations.
Pour le chercheur politologue latino-américaniste Gabriel Périès, la doctrine Trinquier a été appliquée par l'ancien colonisateur en Afrique noire dès les premières « indépendances ». On assistait alors à la mise en place d'une organisation politico-administrative empruntée au deuxième pilier de la doctrine militaire française de l'époque à savoir les théories de Lacheroy.(Gabriel Périès spécialiste des doctrines de guerre, document audio : Gabriel Périès (2) )
Il y a une fabrication des élites militaires locales (africaines) selon ce modèle au RWANDA, BURUNDI, CONGO, dans l'Ex-ZAÏRE. Cette technologie militaire fut enseignée aux élèves officiers africains à l'instar de Bagosora (planificateur du génocide au Rwanda) qui fut un des élèves de l'école de guerre de Paris dans les années quatre-vingt.
Certains états africains dont le Rwanda étaient structurés selon la « théorie des hiérarchies parallèles ». « C'est à dire avec un ensemble incroyable, pour un si petit pays, de systèmes hiérarchiques de contrôle des populations, qui implique l'Eglise, les forces armées , un système bureaucratique très perfectionné, et qui s'est appuyée, en l'instrumentalisant, sur la permanence des hiérarchies « traditionnelles » héritées de la période coloniale. La vocation première de ce système politique est de quadriller les populations depuis le groupe familial jusqu'à la préfecture. Le tout coiffé par un parti unique et l'oligarchie maffieuse groupée autour de la belle famille d'Habyarimana, l'Akazu. »( Interview de Gabriel Périès par Emmanuel Chicon, L'Humanité, 29.03.04).
Les doctrines militaires françaises post-coloniales ont imprégné, dès la fin des années 1950, la formation de l'Etat rwandais « moderne », dirigé par un ex-séminariste Hutu (Grégoire Kayibanda) et un officier parachutiste belge (le colonel Logiest), qui culmine en 1963-1964 avec un pré-génocide (près de dix mille Tutsis de l'intérieur sont exterminés en représailles d'une tentative d'incursion armée de leurs frères réfugiés venus du Burundi).
A partir du milieu des années 1970, après la prise du pouvoir par le général Habyarimana et la réactivation de la coopération militaire française sous Giscard d'Estaing, l'organisation politico-administrative de l'Etat rwandais correspond peu ou prou aux théories de Trinquier sur le « contrôle des populations ».
Périès s'étonne aussi des parallèles qui lui sont rapportés par des autochtones entre l'organisation politico-administrative au Rwanda et dans l'ex-Zaïre (le problème ethnique en moins).
Les élites militaires belges et françaises en pleine osmose auraient appliqué le même modèle dans leur pré-carré réciproque. Certains officiers belges étant formés à l'école de guerre à Paris. Et l'on est en droit de se demander pourquoi ce savoir faire français aurait pu s'appliquer uniquement outre-atlantique en Amérique Latine là où l'influence française était des plus faibles tandis qu'il aurait été éclipsé ou oublié dans le pré-carré de l'Afrique francophone où cette même influence battait son plein.
Dans cette optique, le quadrillage des populations, l'élimination des opposants politiques, la mise en place de dictateurs soutenus par l'armée, la même organisation politico-administrative du parti unique, le recours à l'élimination des opposants, l'institutionnalisation de la torture, participeraient d'une même méthodologie dont les deux piliers seraient la doctrine de Trinquier de « guerre antisubversive » et celle de Lacheroy des « hiérarchies parallèles ». Un savoir faire français mis en place dans l'Afrique noire francophone pour continuer à gouverner les anciennes colonies par l'intermédiaire de gouverneurs-kleptocrates patentés ''françafrique'' ( Bokassa, Eyadéma, Bongo, Sassou , Biya, Déby, Compaoré.). Néanmoins pour valider cette théorie uniciste, il serait opportun de consulter les archives militaires et de faire une analyse historique et géopolitique de chacun de ces pays en tenant compte de leur spécificité. Un travail de fourmi qui pourrait s'avérer passionnant.
Le Rwanda, un laboratoire expérimental ?
Selon Patrick Saint-Exupéry, le Rwanda aurait servi de laboratoire à certains milieux politico-militaires pour expérimenter à l'échelle de tout un pays, avec les conséquences terribles que l'on sait, un modèle et une doctrine de guerre totale développés dans certains secteurs de l'armée et des services secrets à partir des enseignements des guerres de décolonisation.
C'est à partir de son expérience sur le terrain et des témoignages des officiers militaires français que Patrick Saint-Exupéry a échafaudé sa thèse.
Repères
En 1990, le président Habyarimana suite à une attaque sur Kigali du FPR (qui s'avérera fausse) appelle Paris. Lié par un accord de défense la France et la Belgique à l'instigation du président François Mitterrand, sur demande expresse de son fils Jean-Christophe (« on va l'aider le petit père Habyarimana »), envoient des troupes militaires au Rwanda pour apporter assistance au régime d'Habyarimana que l'on dit moribond. Ce sera l'opération Noroît. Très vite , devant les atrocités commises sur le terrain par le régime ethniste et raciste au pouvoir, la Belgique créée une commission d'enquête. Celle-ci condamnant le régime Habyarimana décide après vote au parlement (il s'agit d'un régime primo-ministériel) de rapatrier ses forces. Donc 3 mois plus tard la France reste seule sur le terrain. Devant l'avancée du FPR en 1992, alors que les dérives « ethnicides » du gouvernement Habyarimana se font de plus en plus graves, le président de la république et son état-major décide de créer le COS (Commandements des Opérations Secrètes) qu'ils dirigent secrètement et cela sans aucun contrôle parlementaire. Les missions du COS ont pour rôle de « planifier, coordonner et conduire les actions menées par les unités spécialement organisées, entraînées et équipées pour atteindre des objectifs militaires ou paramilitaires définis par le chef d'Etat-Major ».
Dès lors le soutien et l'instruction des FAR ne s'arrêtera plus :
« Du 20 février au 20 mars 1993.les soldats français n'ont pas participé aux combats.Pour autant compte tenu de l'état de déconfiture dans lequel se trouvait l'état-major rwandais, incapable de matérialiser sur une carte la ligne de front et la position de ses troupes, pouvait-on encore considérer qu'il s'agissait d'une simple opération d'assistance,
de conseil ou de soutien ? Comme l'a indiqué le colonel Didier Tauzin, les militaires français ont dû rappeler à l'état-major rwandais les méthodes de raisonnement tactique les plus élémentaires, lui apprendre à faire la synthèse des informations, à rétablir la chaîne logistique pour apporter des vivres aux troupes, à préparer, à donner des ordres, à établir des cartes.il fallait de surcroît s'assurer qu'elle serait régulièrement alimentée en munitions.A cela se sont ajoutées.les patrouilles, les contrôles de zone autour de la capitale et les vérifications d'identité aux points d'accès de la ville ».Mission d'Information Parlementaire sur le Rwanda. Une coopération militaire trop engagée,p.355.
Janvier Afrika, ancien des réseaux zéros, assure que les Français ont formé les «escadrons de la mort» et des miliciens en 1991-1992.
Témoignage de Janvier Afrika repris dans MAIL AND GUARDIAN et traduitdans le COURRIER INTERNATIONAL du 30/06/1994 :
« Les Français nous ont appris à capturer nos victimes et comment les attacher. Cela se passait au centre de Kigali. C'est là qu'on torturait, et c'est là également que l'autorité militaire française avait ses quartiers.Dans ce camp, j'ai vu les français montrer aux Interahamwes comment lancer les couteaux et comment démonter et remonter les fusils. Ce sont les Français qui nous ont formé - un commandant français - pendant plusieurs semaines d'affilée, soit au total quatre mois d'entraînement entre février 1991 et janvier 1992».
Selon Human Rights Watch Les forces armées rwandaises (FAR) ont été soutenues logistiquement et militairement après leur exfiltration dans l'est du Zaïre lors de l'opération Turquoise et ont continué à massacrer les soit-disant Tutsis du Congo (les Bayamulenge de RDC) tout en continuant à lancer des raids vers le Rwanda limitrophe pour tenter en vain de « finir le travail ».
Au cours de son enquête, Human Rights Watch a pu interviewer des représentants du "gouvernement rwandais en exil", comme le Premier Ministre Jean Kambanda, à Goma et à Bukavu, (Human Rights Watch, Rwanda/Zaïre, Réarmement dans l'impunité, mai 1995). Les fonctionnaires du gouvernement Habyarimana déclaraient encore ouvertement, le 26 avril 1995, que le « "gouvernement rwandais en exil" était basé au Zaïre ». Mais Derrière le Zaïre se tient la France.
Enfin le colonel Bagosora, planificateur du génocide et qui avait été entraîné à l' école de guerre de Paris a été exfiltré par l'armée française :
« Selon les fonctionnaires des Nations Unies [interviewés entre août 1994 et mars1995], les militaires français ont fait voyager par avion des officiers importants, y compris le colonel Théoneste Bagosora et le leader des miliciens Interahamwe Jean-Baptiste Gatete, ainsi que les troupes d'élite des FAR et des miliciens en dehors de Goma, vers des destinations non identifiées, entre les mois de juillet et septembre 1994. » (Human Rights Watch, Rwanda/Zaïre, Réarmement dans l'impunité, mai 1995, p. 9)
De même Agathe Habyarimana accusée par Kigali d'être l'une des têtes pensantes du génocide a été reçue et honorée lors des voux de la francophonie le 19.01.2004 selon la Fédération Internationale des Droits de l'Homme .
La Thèse de Saint-Exupéry
Pour Saint-Exupéry, la création des COS en 1992 n'est rien d'autre qu'un coup d'état au cour de la Vème république. Il y aurait eu une conjonction entre la dynamique propre d'une partie de l'armée française essentiellement constituée autour des forces spéciales ou des forces issus de l'infanterie coloniale (RPIMa, la légion, les commandos de la DGSE.) qui peu à peu ont fait une sorte de coup d'état interne en s'autonomisant au sein de l'armée française avec la bénédiction de François Mitterrand. « Notre président de la République et notre chef de l'Etat-major ont placé sous leur autorité directe, à l'exception de toute autre, les unités les plus aguerries de notre armée, dotées d'un équipement de pointe et rôdées aux techniques des « opérations grises ». Ces deux hommes décident seuls. Ils sont maîtres de leur choix et ont toute licence pour faire usage de nos forces spéciales. Les « objectifs » affichés dans les textes ne prêtent à aucune confusion. Ceux-ci sont « militaires », mais également « paramilitaires ». En clair : le COS est une structure politico-militaire ». (Patrick de Saint-Exupéry, L'Inavouable, p. 276-277). Pour l'auteur, les prérogatives de cette cellule élyséo-militaire sont illimitées et tiennent aux quatre prérogatives de la guerre secrète à savoir assistance, soutien, neutralisation et actions d'influence.
Cette guerre secrète va appliquer les princeps de la « guerre totale » héritée de la « mémoire jaune » coloniale pour lutter contre les « terroristes » du FPR. « En 1993, le chef d'état major des armées, l'amiral Lanxade, autorise le COS à développer des capacités de guerre psychologique ».
Le Rwanda est traité de manière confidentielle sans aucun contrôle parlementaire, sans aucune information de l'opinion publique et dans la plus grande opacité. Ces éléments sont rapportés par des militaires à Saint-Exupéry : « Dès le 23 janvier 1991, je m'aperçois qu'une structure parallèle de commandement militaire français a été mis en place, nous dira un officier : « A cette époque, il est évident que l'Elysée veut que le Rwanda soit traité de manière confidentielle. Hors hiérarchie, le lieutenant colonel Canovas est régulièrement reçu à Paris par le chef d'état-major des armées »explique un autre. » (Ibid, p. 279-280). Or il est clair que la France, officieusement, ne cachait pas son engagement militaire auprès des FAR, forces armées Rwandaises. Paul Dijoud se déclarait être, dans une note du 11 mars 1992 adressée au ministère des affaires étrangères, pour « un engagement de la France au Rwanda discret mais significatif » en d'autres termes important mais secret. (p. 286). Ainsi durant son séjour à Paris, Kagamé, leader du FPR, se serait vu dire par Dijoud (selon Kagamé) : « Si vous n'arrêtez pas le combat, si vous vous emparez du pays, vous ne retrouverez pas vos frères et vos familles parce que tous auront été massacrés ». Ce qui est sûr c'est que Kagamé sera arrêté par la police puis relâché quelques heures après. Cela en dit long de l'implication française auprès du régime d'Habyarimana dont tout nous incite à penser que Paris était au courant depuis 1990 des graves dérives criminelles et à partir de 1992 des dérives génocidaires.
Une guerre politico-militaire se met donc en place qui va appliquer les princeps de Trinquier et Lacheroy.
Selon le rapport de la Mission parlementaire (MIPR, p. 138-139) :
«Dans le rapport qu'il établit le 30 avril 1991, au terme de sa deuxième mission de conseil, le colonel Gilbert Canovas rappelle les aménagements intervenus dans l'armée rwandaise depuis le 1er octobre 1990, notamment :
- La mise en place de secteurs opérationnels afin de faire face à l'adversaire. [.]
- Le recrutement en grand nombre de militaires de rang et la mobilisation des réservistes, qui a permis le quasi-doublement des effectifs [.].
- La réduction du temps de formation initiale des soldats, limitée à l'utilisation de l'arme individuelle en dotation. [.]
- Le colonel Canovas souligne également [.] que "l'évident avantage concédé" aux rebelles au début des hostilités a "été compensé par une offensive médiatique" menée par les Rwandais à partir du mois de décembre».
Et Saint-Exupéry de commenter : « "Secteurs opérationnels", cela signifie "quadrillage". "Recrutement en grand nombre", cela signifie "mobilisation populaire". "Réduction du temps de formation", cela signifie "milices". "Offensive médiatique", cela signifie "guerre psychologique". »
Ce corpus doctrinaire aurait évolué au Rwanda vers la constitution de la doctrine de « la guerre totale », une guerre « cannibale » selon Gabriel Périès. « C'est une doctrine qui vise à broyer l'homme, à le nier, à le transformer en un noeud de peurs, en une boule de nerfs, afin de le priver de tout libre arbitre. C'est une doctrine qui fait de l'homme un instrument. Une doctrine de pure terreur. Quand nous l'appliquerons au Rwanda contre la rébellion, ces « Khmers noirs de l'Afrique », ce sera dévastateur ».(Ibid, p. 282)
Aux origines de la guerre totale
La « guerre antisubversive », appelée aussi « guerre révolutionnaire » est une doctrine qui, selon le colonel Thiéblemont, finalise « l'usage des pratiques de propagande et de coercition de masse ».
Selon Patrick Saint-Exupéry, elle repose sur six grands principes :
- le déplacement de populations à grande échelle
- le fichage systématique
- la création de milices d'autodéfense
- l'action psychologique
- le quadrillage territorial
- les "hiérarchies parallèles.
Or au Rwanda, cette « guerre révolutionnaire » ou plus exactement « anti-subversive » va prendre un tournant encore plus tragique dès lors qu'elle s'appuiera sur un régime « ethniste » qui cible les membres d'une « ethnie » comme « l'ennemi intérieur » à abattre.
Pour Gabriel Périès la filiation de pensée de Trinquier et Lacheroy n'est pas à mettre en rapport avec les théories révolutionnaires de Mao Tse Toung, mais avec les théories échaffaudées par Erich Ludendorff dans l'Allemagne nazie.
Pour développer son argumentaire, Périès constate après avoir eu accès aux archives militaires et aux écrits de Trinquier et Lacheroy que leurs références à Mao sont fausses, pour l'essentiel elles sont des emprunts, plus ou moins tronqués, à des discours staliniens. Si la théorie de «la guerre antisubversive» a été échafaudée en réponse à la perte de l'Indochine et a été développée et appliquée en Algérie, cette théorie développée par Lacheroy et Trinquier s'appuyait plus sur la théorie de «la guerre totale» développée par Lundendorff avec laquelle elle présente de nombreuses similitudes où il s'agissait de traquer l'ennemi de l'intérieur (les juifs.) et de créer une cohésion par la terreur.
Cette conception de la « guerre totale » fut inspirée par la première guerre mondiale et théorisée dans l'ouvrage du général Erich Ludendorff durant l'Allemagne nazie, au milieu des années trente.
Cette conception, qui abolit la distinction entre temps de paix et de guerre, pense la mobilisation intégrale de la production industrielle et des masses en vue de la guerre inéluctable contre l'ennemi mortel. Ennemi intérieur dont le but politique est, par nature, absolu, c'est-à-dire attentatoire à l'existence même de la société politique, en ses principes, ses valeurs et sa culture.
« Les contextes militaro-politiques font entrer dans la structuration du politique la distinction ami/ennemi propre au combat guerrier et débouchent sur « la lutte existentielle » qui inévitablement s'en suit : l'ennemi de l'Etat total devient « totalement » intérieur, prêt au déchaînement de la Total Krieg ludendorfienne ».( Ayse CEYHAN, Gabriel PERIES dans L'ennemi intérieur : une construction discursive et politique. La construction de l'ennemi intérieur ).Contrairement à Patrick de saint-Exupéry, ce chercheur politologue ne parle pas lui de coup d'Etat interne mais plutôt d'une continuité de la politique de François Mitterrand avec celle menée par Valéry Giscard d'Estaing dans ses accords de défense avec le Rwanda.
Allons nous vers une nouvelle commission d'enquête sur le rôle de la France et l'implication des militaires dans leur soutien aux dictatures en Afrique francophone ? _________________ "Le colonialisme et ses dérivés ne constituent pas à vrai dire les ennemis actuels de l'Afrique. À brève échéance ce continent sera libéré. Pour ma part plus je pénètre les cultures et les cercles politiques plus la certitude s'impose à moi que LE PLUS GRAND DANGER QUI MENACE L'AFRIQUE EST L'ABSENCE D'IDÉOLOGIE."
Cette Afrique à venir, Journal de bord de mission en Afrique occidentale, été 1960, Frantz Fanon, Pour la Révolution Africaine
2011, annee Frantz Fanon
Inscrit le: 22 Fév 2004 Messages: 1863 Localisation: UK
Posté le: Sam 02 Déc 2006 11:41 Sujet du message:
Chabine a ecrit:
Citation:
Nous sommes donc clairement face à un phénomène REPRODUCTIBLE[….]
Pour illustrer encore ce phenomene de reproductibilite qui devrait pourtant nous interesser au plus haut point, je rapporte les propos de Mongo Beti tires du livre d’Ambroise Kom que je suis entrain de decortiquer.
Voici ce que Mongo Beti avait dit:
Citation:
[…]Nous tous, tous les intellectuels. Ce qui s’est passe au Rwanda nous guette. Il n’ya pas eu que les Tutsis qui ont ete massacres. J’ai l’impression que c’est une situation qui peut se produire ici, sous l’egide de la France, comme au Rwanda
Je crois que la theorie qui veut que parce qu’on est plusieurs ethnies, un genocide ne soit pas possible chez nous n’est pas tres bonne. Les Français ne veulent pas des Bamileke parce que les Bamileke sont si doues qu’ils vont les evincer, c’est sur. Ca, c’est le postulat de base. A partir de la, des gouvernements qui sont manipules par les Français peuvent faire n’importe quoi. Il faut voir ce que font Bollore et son groupe. Il faut voir ce que fait EFL-Aquitaine.
Le probleme est que non seulement l’economie du Cameroun, mais la maitrise de l’espace geopolitique, comme on dit, n’echappent pas aux Français parce que ce n’est pas seulement le Cameroun. Le Cameroun commande un hinterland, un arriere-pays, qui comprend le Tchad avec tout son petrole, la Centrafrique et meme une partie du Congo-Brazzaville. Nous sommes le verrou. Le Cameroun, c’est le verrou qui bloque toute cette region, le probleme de base etant que les Français ne veulent pas des Bamileke, tout comme ils ne voulaient pas des Tutsis au Rwanda. Or, le Cameroun, lui, a besoin de toutes ses ethnies, et notamment des ethnies qui peuvent accelerer son developpement. Donc nous, notre position est aux antipodes de celle des Français.
Nous devons, au contraire, favoriser l’epanouissement normal de toutes les populations. C’est un vieux probleme qui date de l’epoque coloniale.
Ce que je ne comprends pas, c’est que nous n’arrivions pas a trouver une parade a cette detestable strategie.
Apres tout, nous sommes chez nous. Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas federer toutes les intelligences, toutes les bonnes volontes pour mettre sur pied quelque chose.[…](Ambroise Kom, Mongo Beti parle. Page 172-175)
Citation:
[…]Est ce qu’il va se passer chez nous ce qui s’est passe au Rwanda? On peut le craindre. Ma conception, je l’ai dit a Fru Ndi, ce n’est pas d’aller au pouvoir, c’est d’attendre, d’organiser le peuple en comites de proximite en favorisant la solidarite de quartier. Tot ou tard, l’action politique et le travail intellectuel de sape que font les journaux produiront des resultats.[…](Page 267)
Citation:
[…]Quelle sera la capacite des partis politiques a canaliser ces explosions dans le sens positif pour que cela n’engendre pas, comme au Rwanda, des genocides?[…](Page 268)
L’ opinion de Mongo Beti, fait partie de tant d’elements d’analyse de ce phenomene. Par contre, il faut bien garder a l’esprit que l’Occident a d’enormes ressources de sujetion: alienation culturelle, guerre tribale, genocide, satellisation des Etats, etc…(multiplicite), il en inventera encore pour maintenir sa main mise sur les matieres premieres dont il a tant besoin.
Il nous faut par consequent reflechir de facon globale sur la maniere d’endiguer chaque ressource de sujetion.
Sur la reproductibilite du genocide, plusieurs ouvrages devraient nous alerter: L’inavouable de Patrick de Saint Exupery entre autres, et deux autres qui m’ont ete recommande par un ami, il s’agit de deux livres de Yolande Mukangasana intitules N’aie pas peur de savoir et La mort ne veut pas de moi _________________ l'Hommage a Cheikh Anta Diop sur PER-ANKH l'Hommage a Mongo Beti sur PER-ANKH l'Hommage a Aime Cesaire sur PER-ANKH
Nous sommes donc clairement face à un phénomène REPRODUCTIBLE[….]
Pour illustrer encore ce phenomene de reproductibilite qui devrait pourtant nous interesser au plus haut point, je rapporte les propos de Mongo Beti tires du livre d’Ambroise Kom que je suis entrain de decortiquer.
Voici ce que Mongo Beti avait dit:
Citation:
[…]Nous tous, tous les intellectuels. Ce qui s’est passe au Rwanda nous guette. Il n’ya pas eu que les Tutsis qui ont ete massacres. J’ai l’impression que c’est une situation qui peut se produire ici, sous l’egide de la France, comme au Rwanda
Je crois que la theorie qui veut que parce qu’on est plusieurs ethnies, un genocide ne soit pas possible chez nous n’est pas tres bonne. Les Français ne veulent pas des Bamileke parce que les Bamileke sont si doues qu’ils vont les evincer, c’est sur. Ca, c’est le postulat de base. A partir de la, des gouvernements qui sont manipules par les Français peuvent faire n’importe quoi. Il faut voir ce que font Bollore et son groupe. Il faut voir ce que fait EFL-Aquitaine.
Le probleme est que non seulement l’economie du Cameroun, mais la maitrise de l’espace geopolitique, comme on dit, n’echappent pas aux Français parce que ce n’est pas seulement le Cameroun. Le Cameroun commande un hinterland, un arriere-pays, qui comprend le Tchad avec tout son petrole, la Centrafrique et meme une partie du Congo-Brazzaville. Nous sommes le verrou. Le Cameroun, c’est le verrou qui bloque toute cette region, le probleme de base etant que les Français ne veulent pas des Bamileke, tout comme ils ne voulaient pas des Tutsis au Rwanda. Or, le Cameroun, lui, a besoin de toutes ses ethnies, et notamment des ethnies qui peuvent accelerer son developpement. Donc nous, notre position est aux antipodes de celle des Français.
Nous devons, au contraire, favoriser l’epanouissement normal de toutes les populations. C’est un vieux probleme qui date de l’epoque coloniale.
Ce que je ne comprends pas, c’est que nous n’arrivions pas a trouver une parade a cette detestable strategie.
Apres tout, nous sommes chez nous. Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas federer toutes les intelligences, toutes les bonnes volontes pour mettre sur pied quelque chose.[…](Ambroise Kom, Mongo Beti parle. Page 172-175)
Citation:
[…]Est ce qu’il va se passer chez nous ce qui s’est passe au Rwanda? On peut le craindre. Ma conception, je l’ai dit a Fru Ndi, ce n’est pas d’aller au pouvoir, c’est d’attendre, d’organiser le peuple en comites de proximite en favorisant la solidarite de quartier. Tot ou tard, l’action politique et le travail intellectuel de sape que font les journaux produiront des resultats.[…](Page 267)
Citation:
[…]Quelle sera la capacite des partis politiques a canaliser ces explosions dans le sens positif pour que cela n’engendre pas, comme au Rwanda, des genocides?[…](Page 268)
L’ opinion de Mongo Beti, fait partie de tant d’elements d’analyse de ce phenomene. Par contre, il faut bien garder a l’esprit que l’Occident a d’enormes ressources de sujetion: alienation culturelle, guerre tribale, genocide, satellisation des Etats, etc…(multiplicite), il en inventera encore pour maintenir sa main mise sur les matieres premieres dont il a tant besoin.
Il nous faut par consequent reflechir de facon globale sur la maniere d’endiguer chaque ressource de sujetion.
Sur la reproductibilite du genocide, plusieurs ouvrages devraient nous alerter: L’inavouable de Patrick de Saint Exupery entre autres, et deux autres qui m’ont ete recommande par un ami, il s’agit de deux livres de Yolande Mukangasana intitules N’aie pas peur de savoir et La mort ne veut pas de moi
Comme je suis heureux de lire ton intervention et tes références tirées du très clairvoyant M Béti!
Cela fait des mois que j'essaye d'attirer l'attention des grionautes sur la stratégie grossière mais bigrement efficace des réseaux français, dans le processus de marginalisation d'une partie de la population du Cameroun.
Il s'agit des Bamilékés comme le dit M Béti.
J'ai toujours affirmé qu'il ne s'agit pas d'une simple petite querelle de leadership ethnique au sein d'un pays mais de lutte bien plus importante contre la domination étrangère et notamment française en Afrique.
De la résolution de ce problème dépend en grande partie l'avenir de l'Afrique Centrale!!!
Malheureusement ,systématiquement je suis accusé de tribalisme par certains de mes compatriotes sans autre forme de procès...
On les a si bien conditionné à penser d'une certaine manière que toute évocation de ce problème est considéré comme suspect.
Ce lavage de cerveau à été mis en place dès la fin des années 40 par les colons et fonctionne à plein régime aujourd'hui.
Je prend mème la peine d'expliquer succintement en quoi les Bamilékés représentent (globalement) un danger pour la France et les raisons de leur originalité (raison historiques et culturelles essentiellement), qui en font des concurrent redoutables face aux colons et neocolons, il n'y a rien à faire, l'hostilité la plus primaire se déchaine.
Les differents pouvoirs qui se sont succédés au Cameroun appliquent cette statégie de marginalisation de la population la plus entreprenante du pays selon diverses méthodes sans état d'ame , mais mèmes les grioonautes qui se disent éclairés ne le voient pas (je ne citerai pas de noms) pour mon plus grand désèspoir
Mème à l'evocation d'un risque de rwandisation du pays , je ne rencontre que désinvolture et sarcasmes!!!
Voila, je disai qu'on à beau évoquer CAD, Obenga ou Fanon, tant que l'on ne réussira pas à repérer et déjouer la diabolique et bien concrète, stratégie françafricaine d'asservissement, l'Afrique n'avancera pas d'un pouce!!!! _________________ Mentalité de la cueuillette=sida économique
« nan laara an saara » :
"Si on se couche, on est mort" . Joseph Ki-Zerbo
Inscrit le: 22 Fév 2004 Messages: 1863 Localisation: UK
Posté le: Sam 02 Déc 2006 21:37 Sujet du message:
Bamileke a écrit:
Citation:
Malheureusement ,systématiquement je suis accusé de tribalisme par certains de mes compatriotes sans autre forme de procès...
On les a si bien conditionné à penser d'une certaine manière que toute évocation de ce problème est considéré comme suspect.
Ce lavage de cerveau à été mis en place dès la fin des années 40 par les colons et fonctionne à plein régime aujourd'hui.
Je prend mème la peine d'expliquer succintement en quoi les Bamilékés représentent (globalement) un danger pour la France et les raisons de leur originalité (raison historiques et culturelles essentiellement), qui en font des concurrent redoutables face aux colons et neocolons, il n'y a rien à faire, l'hostilité la plus primaire se déchaine.
Les differents pouvoirs qui se sont succédés au Cameroun appliquent cette statégie de marginalisation de la population la plus entreprenante du pays selon diverses méthodes sans état d'ame , mais mèmes les grioonautes qui se disent éclairés ne le voient pas (je ne citerai pas de noms) pour mon plus grand désèspoir
Mème à l'evocation d'un risque de rwandisation du pays , je ne rencontre que désinvolture et sarcasmes!!!
Voila, je disai qu'on à beau évoquer CAD, Obenga ou Fanon, tant que l'on ne réussira pas à repérer et déjouer la diabolique et bien concrète, stratégie françafricaine d'asservissement, l'Afrique n'avancera pas d'un pouce!!!!
Nous sommes ici sur un forum, et les evocations servent avant tout a illustrer des propos. Maintenant qu’en est il sur le terrain en Afrique? Comment presentes tu ce probleme aux grioonautes et a tes proches?
Mongo Beti l’a note:
Citation:
l’Etat du Cameroun existe, mais a mon humble avis, c’est une coquille vide. L’Etat, c’est un ensemble d’institutions: une armee, la presidence, les douanes, un systeme d’enseignement… Apparemment, tout ca existe chez nous. Mais ce qui compte, c’est l’ame qui donne une vie a ces institutions. Si cette ame n’existe pas, l’Etat est un cadavre. Or, l’ame, qu’est ce que c’est? C’est la Nation. Est ce qu’il ya une Nation camerounaise?
Voilà la grande question qui se pose. Est ce qu’il ya souffle, un dynamisme capable de trancender les ethnies et de constituer, au dessus des ethnies, une entite moderne, avec une sorte d’unite d’aspirations, une volonte de vivre en commun? Notre grand probleme, c’est celui de la nation camerounaise. Cette Nation Camerounaise n’a jamais pu se constituer parce qu’on a dresse sur son chemin toutes sortes d’obstacles.
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum