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Trophées des arts caribéens: peuvent mieux faire?
Retour sur l'événement de la place du Châtelet, tel que vécu par les membres de la rédaction de Grioo.com, et les autres journalistes de la "presse communautaire" venus couvrir l'événement.
Par Hervé Mbouguen le 29/09/2008

Marc Antoine dans les coulisses de la cérémonie
Note de la rédaction: ce compte-rendu est un point de vue journalistique, relatant la façon dont les journalistes venus couvrir l'événement afin de vous en rendre compte ont vécu celui-ci. Il n'est pas un compte-rendu de la soirée elle-même, qui sera fait par une journaliste de Grioo Pour Elle dans le blog de la rédaction.

Avant de commencer l'article, précisons que Grioo.com est plus que favorable au concept qu'ont voulu véhiculer des gens comme Franck Anretar ou Djoe Dunoyer, surtout que ceux-ci ont un historique dans l'engagement au sein de notre communauté les rendant peu suspects de tentative de récupération, ou de surfer sur une quelconque vague.

Comme tous les ans depuis 2006, Grioo.com était "partenaire" (comprendre: "avait été sollicité par les organisateurs") de la cérémonie qui s'appelait initialement "Les Césaire de la Musique" puis "Les trophées de la négritude", et dans la toute dernière ligne droite "Les trophées des arts afro-carribéens". En effet, suite à l'arrivée (funeste? J'y reviendrai) de France 2 dans la boucle il fallait trouver un nom qui ne heurte pas la fameuse ménagère de moins de 50 ans si prisée des annonceurs.
Les organisateurs étaient-ils obligés de se plier à ce diktat de France 2? Après tout, si c'était le seul "sacrifice" à l'autel de la diffusion (une première du genre) sur une télévision nationale d'un événement "communautaire", le jeu en aurait valu la chandelle.

"L'Afrique répond à Sarkozy: première polémique
Premier couac bien avant le premier flash de la cérémonie, avec la polémique sur le livre "L'Afrique répond à Sarkozy: contre le discours de Dakar". Louis George Tin du CRAN s'est exprimé dans nos colonnes pour dénoncer une "censure" du livre qui dénoncé une manipulation du CRAN" toujours sur notre site, et soutenu mordicus que le livre faisait bel et bien partie de la sélection.
Un partout, avec belle à venir?
Comme l'image suivante, extraite du catalogue officiel le montre, le livre n'était pas cité dans la catégorie essais (qui du coup ne contenait plus que 4 livres), au contraire de la sélection fiction qui elle en contenait 5.
A posteriori, on peut donc dire calmement que les organisateurs n'ont pas dit toute la vérité, et que le livre incriminé avait bel et bien été retiré du catalogue.

Le livret « Meilleur essai » (il ne comporte que 4 livres, et un espace manque à l’évidence)


Le livret « Meilleure fiction » (il comporte bien 5 livres)


La soirée: approcher le saint Graal

Public se massant près de l’entrée du théâtre du Châtelet
© Médina

Seconde impression désagréable concernant la soirée, l'accès au prestigieux théâtre du Châtelet.
Certains "partenaires" n'ont en effet pas reçu leurs billets par la Poste, et les cerbères postés aux différentes entrées renvoient des informations contradictoires. "Monsieur les journalistes c'est la prochaine porte" nous a-t-on répété de porte en porte, avec à chaque porte une foule à vous faire longtemps hésiter à retourner chez vous voir les Experts sur TF1 pour "punir" les partenaires du service public.
Comme de coutume, ces cerbères incapables de desserrer leurs mâchoires ne faisaient qu'appliquer les consignes strictes (ou malheureusement l'absence de consignes), et il fallut à certains beaucoup de chance pour trouver une entrée où, miracle, quelqu'un avait une liste à jour, et surtout la bonne liste.
Certains étaient invités de la Mairie de Paris, d'autres de la société du Délégué Général, etc... Et naturellement, personne n'avait eu l'idée simpliste de fournir toutes les listes à tous les endroits susceptibles d'accueillir du public.
Bon, pas grave, c'est le métier qui rentre... Quoique non en fait puisque que 1) c'est tout de même la troisième édition et 2) quand on veut briller au Châtelet, il faut se mettre au niveau.

Et ne croyez pas que ceci n'a concerné que quelques "partenaires journalistes". Aucun dispositif (ou alors les concernés n'ont pas tous été prévenus) n'avait été prévu pour que les artistes ou VIP puissent accéder dans de bonnes conditions au théâtre du Châtelet.
Clarence Avant, pourtant annoncé comme une des stars de la cérémonie (son titre: "invité d'honneur des trophées" dans la documentation officielle) a eu du mal à rentrer, heureusement pour lui que les personnes l'accompagnant ont pu jouer des coudes (littéralement) pour lui frayer un chemin. Même Lilian Thuram (qui avait eu le mauvais goût de mettre un bonnet) n'a pas été reconnu par au moins un vigile. Il semblerait que le taxi qui devait aller prendre Maryse Condé n'est jamais arrivé.
Nous pourrions citer plusieurs personnalités ayant eu du mal à accéder au théâtre.

S'il est une société (par ailleurs cliente de Grioo.com), qui ne peut pas se plaindre de la cohue, c'est bien Phytospecific qui a su intelligemment distribué ses échantillons pour le plus grand bonheur des nombreuses dames présentes à la soirée.
Les difficiles conditions de travail des journalistes

Marie-José Pérec et Lilian Thuram pendant la cérémonie
© Médina Koné

France 2 oblige (aucun souci n'avait été rencontré les deux précédentes années quand "seulement" Trace TV et France Ô étaient partenaires), les organisateurs ont accepté de céder à la chaîne l'exclusivité médiatique.
En français clair: aucune caméra, aucun appareil photo, aucun micro n'était toléré dans l'enceinte du Châtelet. Cocktail interdit. Enceinte du théâtre également interdite.
La presse a été cantonnée dans une "salle de presse". Le terme peut paraître luxueux, mais la "salle de presse" était totalement indigne du standing que les organisateurs prétendaient donner à l'événement.
Une unique télévision pour que les journalistes puissent regarder la cérémonie.
La télévision de mon salon premier prix à la FNAC (qui n'est jamais regardée par plus de 4 personnes) a la même taille que celle-là qui devait servir... à plus d'une trentaine de journalistes, c'est dire l'effort considérable déployé par les organisateurs pour que les médias puissent travailler dans de bonnes conditions.

Un photographe bien connu que je ne citerai pas (même si ça me paraît peu probable il aura peut-être envie d'être "invité" à une prochaine manifestation) se demandait si "les organisateurs s'attendaient à ce qu'il prenne en photo la télévision". Il doit s'agir d'un mauvais coucheur parce qu'un de ses confrères n'a lui pas hésité à "shooter" la télévision... avant de se raviser. Et pourtant avec son super zoom, à un mètre à peine de la télévision grand luxe déployée par les organisateurs il aurait pu faire de bons clichés.

Seul élément de qualité, et pour cause, le présentoir contenant le logo des "vrais" partenaires et devant lequel les récompensés étaient priés de venir répondre aux questions de la presse. C'est le seul élément que le grand public verra.
Heureusement pour les organisateurs, dans un élan de charité unanime et sans se concerter, les personnes présentes (y compris Grioo.com qui avait une caméra) ont décidé de ne pas immortaliser la "salle de presse" (qui message personnel aurait 1) pu être mieux chauffée 2) être mieux située qu'à côté d'un entrepôt).

Quelques personnalités s'y sont tout de même pressées (le mot n'est pas exagéré) pour répondre à quelques questions avant d'aller poser pour la photo "officielle" deux étages plus haut.

Toute ironie mise à part, les organisateurs devraient ne pas oublier que si France 2 est là pour une journée (la cérémonie plus la retransmission), les médias "communautaires" eux sont là toute l'année, et ne seront peut-être pas enclins à servir de faire-valoir sacrifiés à l'autel d'une (éventuelle) diffusion de la cérémonie en dernière partie de soirée.

Heureusement pour vous les grioonautes, nous avons néanmoins pu, en violant honteusement les règles édictées par l'organisation, aller filmer dans les loges et à côté de la scène. Grâce à une personne "bien introduite" que je ne peux malheureusement citer (personne intelligente je serais surpris qu'elle veuille se réengager dans le bateau l'année prochaine, mais sait-on jamais), nous avons obtenu le sésame de chez sésame: un badge "staff". Avec ce précieux parchemin vous passez partout, les molosses vous regardant poliment malgré la caméra qui dépasse.

D'autres confrères ont aussi fait de même, mais les journalistes "sans connexion" ont malheureusement pour eux été cantonnés à la salle de presse.

L'émission de France 2... pardon, la "cérémonie"

Donald de Farafina radio, Fally Ipupa, David Monsoh, Jean Michel Denis pendant la cérémonie

Si vous croisez une personne ayant assisté à la cérémonie, elle vous confessera probablement avoir assisté à l'enregistrement d'une émission pour France 2.
Exemples. Dans la catégorie essais, choix ne pouvant heurter personne (le président de la République a presque confessé être un "pote" de Barack), François Durpaire a été primé. L'ivresse de la victoire? Toujours est-il qu'il est tombé sur scène. Pas grave, on reprend la séquence de zéro, on réannonce sa victoire, le public feint de réapplaudir surpris de la décision, et on retourne.
Le son d'une séquence n'a pas convenu en régie? Pas grave, on recommence comme si de rien n'était.
L'essentiel est que le rendu télévisuel de la "cérémonie" soit parfait.

Un autre conseil gratuit: la prochaine fois, que France 2 (les chaînes ont l'habitude) fasse venir une armée de figurants répondant de façon synchrone aux injonctions des chauffeurs de salle. Le rendu sera encore meilleur, et cela évitera de déplacer 2.000 personnes à l'humeur imprévisible.

Vous le verrez probablement lors de la diffusion, et je n'insisterai pas dessus, mais le déroulé de la cérémonie, et la compétence des animateurs ont été loin de faire l'unanimité au sein du public. L'impression dominante, et à laquelle nous souscrivons, est que France Télévison a imposé des choix, y compris parmi les artistes présents, que n'auraient pas fait les organisateurs, et qui ont dénaturé la cérémonie.

Les gens bien n'écoutent ou ne commentent jamais les rumeurs, mais il y en a une qui circule sur la cérémonie: France 2 hésiterait à la diffuser. Ce serait du "50-50" selon certaines personnes se déclarant "bien informées".
Des spécialistes de l'audiovisuel (sous couvert d'anonymat naturellement) ne se montrent pas surpris. Le budget global de la cérémonie (la mairie de Paris et France 2 auraient mis chacun 100.000 euros sur la table) serait "bien inférieur à certaines émissions de plateau de France 3", et des émissions comparables auraient un budget plutôt proche du million d'euros.
Pour le moment en tout cas, l'événement est toujours annoncé sur le site de France 2: http://guidetv.france2.fr/jsp/prog/fiche.jspx?idProg=24960142
Conclusion: un bilan négatif?

Ma Solange Oussou, votre serviteur et Médina Koné pendant la cérémonie: tout n'a pas été triste
© Médina Koné

L'article a pointé un certain nombre de défaillances dans l'organisation, et en particulier l'accueil des journalistes, mais malgré tout, nous sommes plus que favorables au concept qu'ont voulu véhiculer les organisateurs. Contrairement à d'autres personnes qui ont voulu prendre le bateau un peu tard, Franck Anretar ou Djoe Dunoyer ont un historique dans notre communauté, et dans la défense de la culture afro-carribéenne qu'on ne peut pas remettre en cause, et qui retire tout soupçon de tentative de "récupération" de leur part. Mais qui aime bien châtie bien, surtout quand c'est pour avancer, et si nous devions donner à notre modeste échelle quelques conseils aux organisateurs pour les prochaines éditions:

Muscler sérieusement la partie logistique de l'organisation, notamment la gestion des partenaires et des invités les plus prestigieux
Le déroulé de la cérémonie devrait être confié à des personnes dont c'est le métier
Bien réfléchir avant de signer des partenariats prestigieux sur le papier, mais coupant les trophées d'une partie de leur base. Tout sacrifier pour (éventuellement) passer à 1h du matin sur France 2 semble être un trop grand sacrifice
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