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Le mémorial Martin Luther King et son report inaugural à l’automne à cause de l’ouragan « Irène »
Quelles leçons pour les Africains d’Afrique et d’ailleurs ancrés dans la « modernité » ?
Par Lucien Pambou le 30/08/2011

Martin Luther King
Des dizaines et des milliers d’Américains auraient dû rendre hommage dimanche 28 à Martin Luther King avec l’inauguration à Washington d’un mémorial construit au Sud de la Maison Blanche qui rassemble de nombreux monuments dédiés aux héros du pays, dont Abraham Lincoln, ardent défenseur de l’anti-esclavagisme.

Martin Luther King, prix Nobel de la paix en 1964, assassiné le 4 avril 1968, est, comme Rosa Park dans les années 50 dans le bus à Montgomery où elle refusa de céder sa place à un Blanc, l’icône de la défense des droits des Noirs aux États-Unis. « I have a dream » avait lancé Martin Luther King, je fais un rêve pour que les droits des Noirs américains soient respectés au même titre que ceux des Blancs et des autres Américains. En prononçant son célèbre discours « I have a dream » le 28 août 1963, Martin Luther King a ouvert la voie à des millions d’Américains noirs qui vont exister sur tous les plans politiques, économiques, sociaux, culturels et sportifs.

Le mémorial Martin Luther King est le seul monument de cette importance dédié à cet endroit à une personnalité qui n’est pas un ancien Président des États-Unis, mais un ardent défenseur des droits de l’homme
Lucien Pambou


La créativité des savants et inventeurs noirs américains est connue, pas souvent mise en avant. La contribution des Noirs américains au sport est une évidence. Sur le plan culturel, l’apport du jazz au reste du monde est une réalité. La gestion des entreprises et des postes de direction occupés par des noirs n’est plus à démontrer, même si, en tant que communauté minoritaire, dépassée aujourd’hui par les hispaniques en termes de nombre, les afro-américains sont toujours, à des degrés divers, victimes du racisme.

Barack Obama
Sur le plan politique, l’élection d’Obama, chose impensable dans les années 60, est devenue une réalité, même si certains séparatistes disent qu’Obama n’est pas un pur produit américain et que ses racines sont africano-kenyane. Ces mêmes séparatistes oublient que l’Afrique a contribué pour un lourd tribut, à cause de l’esclavage, à la présence des Noirs en Amérique.

Quelle est la signification de ce mémorial ? Et pourquoi Obama et les Noirs américains peuvent-ils se considérer comme américains et fiers de l’être ? Car malgré leurs origines africaines les Afro-américains sont américains et n’ont pas d’état d’âme et de difficultés de positionnement comme peuvent en avoir les Noirs français nés ici en France ou venant d’Afrique. Heureusement qu’il n’y a pas une communauté noire mais des communautés.

Les raisons de la fierté américaine et afro-américaine tiennent à de nombreuses causes, qui sont politiques et mémorielles. Sur le plan politique, le mémorial Martin Luther King est le premier monument sur le National Mall destiné à valoriser ce qu’on appelle pudiquement une « personne de couleur ». Ce mémorial honore l’espoir et la paix et, fait rare, il s’agit du seul monument de cette importance dédié à cet endroit à une personnalité qui n’est pas un ancien Président des États-Unis, mais un ardent défenseur des droits de l’homme.

''La pierre de l'espoir'', sculpture de Martin Luther King par l'artiste chinois Lei Yixin
Sur le plan de la mémoire, le mémorial dédié à Martin Luther King est un vaste espace ouvert de 1,5 hectares à quelques dizaines de mètres du Lincoln mémorial où Martin Luther King a prononcé son discours du 28 août 1963, discours dans lequel il a pu délivrer son message de démocratie, de justice et d’amour pour les Afro-américains, mais aussi pour l’ensemble de la nation américaine.

Situé à mi-chemin entre le Lincoln mémorial et Jefferson mémorial et à côté du Roosevelt mémorial, le Martin Luther King mémorial établit ainsi une continuité dans la lignée des meneurs d’hommes et, fait sans précédent, il sera inauguré par Obama, fils « spirituel et continuateur négro-afro-américain » de l’œuvre de Martin Luther King dans le pays des Indiens et du Blanc occidental colonisateur qu’il soit du Nord ou du Sud de l’Europe.

Il faut constater que les Noirs américains ne se contentent pas simplement de symboles, fussent-ils importants, comme le pasteur King, mais qu’ils arrivent aussi à prendre leur destin en main et à vénérer les leurs qui ont contribué aux notions de justice et de liberté


Il faut reconnaitre aux Américains l’intelligence et la capacité de vivre ensemble malgré leurs différences et de porter très haut l’espoir. Cet espoir est bien symbolisé par le rocher de granit blanc dont les pierres ont été importées de Chine d’où émerge une statue massive de neuf mètres de haut représentant le Pasteur King, les bras croisés, scrutant l’horizon avec un visage qui exprime l’espoir comme certains d’entre nous avons pu le voir sur la chaine CNN.
Le mémorial a coûté 120 millions de dollars, la statue a été sculptée par un chinois Lei Yixin, et ils symbolisent la lutte pour arriver à la liberté, la pierre de l’histoire tournée vers une société à venir de justice et d’égalité à laquelle aspirait largement Martin Luther King.

Une vue de la statue de Martin Luther King
L’inauguration prévue dimanche 28 août a été repoussée à l’automne en raison de l’ouragan « Irène » qui a endommagé une partie du territoire de la Saint Dominique et qui menace la côte Est des États-Unis. En repoussant à l’automne cette inauguration au cours de laquelle le Président Barack Obama prononcera un discours, il faut constater que les Noirs américains ne se contentent pas simplement de symboles, fussent-ils importants, comme le pasteur King mais qu’ils arrivent aussi à prendre leur destin en main et à vénérer les leurs qui ont contribués aux notions de justice et de liberté.

Il y a dans l’histoire des Noirs d’Afrique des héros importants, des femmes comme des hommes, qui ne sont jamais vénérés, portés en symboles au nom de la liberté et de la justice. Les Noirs africains, bavards, claniques, tribalistes, malgré des beaux discours, préfèrent voir leurs héros sous terre en vagues souvenirs, et souvent conseillés par leurs maîtres occidentaux préfèrent ne pas en parler, refuser la mémoire de l’esclavage, en se contentant de la modernité dans laquelle ils sont plus qu’esclaves car ils vivent, roulent en voiture, s’habillent, mangent et consomment des nourritures symboliques et physiques qui ne sont pas les leurs et qu’ils n’ont pas contribués à créer.
Que les Africains, noirs en Afrique, érigent des rochers de l’espoir où seront vénérés ceux ou celles qui ont fait leur histoire pendant l’esclavage et la colonisation. C’est à ce prix qu’ils commenceront à réfléchir, à sortir de l’invective passionnelle et nègre, à reconstruire la négritude dans ses avantages, à s’affirmer, à ne pas avoir peur et tout en retrouvant la palabre, fondement de la démocratie, à en méditer les conséquences dans nos sociétés traditionnelles afin d’exister dans un monde moderne qu’ils ne maitrisent pas toujours et dont ils sont les objets permanents dans un contexte de mondialisation accéléré.
Que le rêve de Martin Luther King de plus de justice de liberté et d’égalité dans un contexte américain soit réapproprié dans le contexte africain qui donne l’impression de délitement et de crises politique, économique récurrentes

Lucien Pambou

Auteur de : « Conseil représentatif des associations noires, de l’espérance à l’utopie » paru en juin 2011. Édition l’Harmattan.
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