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Pourquoi le low cost ne sauvera pas les industries automobile et aéronautique françaises
La crise chez PSA incitera t-elle certaines industries françaises à repenser leur modèle ?
Par Lucien Pambou le 26/07/2012

Philippe Varin, président de PSA Peugeot Citroen annonce 800 millions d'euros de perte pour le premier trimestre 2012
PSA demande 42 millions d’aide à l’Etat pour sauver une partie de ses véhicules fabriqués à l’usine Sevelnord d’Hordain en alliance avec Toyota. Cette demande vient après la rupture d’alliance entre PSA et Fiat. On peut noter que PSA en difficulté demande l’aide de l’Etat et continue à préserver jalousement la propriété privée de son capital.

On a le beurre et l’argent du beurre sur fond de chantage social : la préservation des emplois en France. On espère que cette fois-ci si l’Etat accède à la demande de PSA, des contreparties fortes en faveur de l’Etat seront données car PSA fonctionne sur l’image de ce que j’appelle « le syndrome de l’adolescent attardé », qui, tout en exigeant sa liberté, profite du couvert et du gite donnés par les parents. Renault, qui a des prétentions moins fortes dans le domaine du capital pour les raisons que l’on connait, a choisi de spécialiser une partie de sa gamme grâce au modèle économique du low cost avec des voitures fabriquées au Maroc et dans certains pays d’Europe de l’Est.

PSA en difficulté demande l’aide de l’Etat et continue à préserver jalousement la propriété privée de son capital. On a le beurre et l’argent du beurre sur fond de chantage social : la préservation des emplois en France
Lucien Pambou


Air France, qui va licencier une partie de son personnel, opte pour le principe du licenciement en demandant à ses commandants de bord d’accepter une compensation de l’ordre de 60 000 euros et/ou un reclassement pour certains d’entre eux vers sa compagnie low cost Transavia.

Jose Manuel Barroso président de la commission européenne
Le modèle low cost qui a démarré dans les années 70 dans le domaine de l’aviation fait flores et intéresse actuellement d’autres secteurs de l’activité économique comme l’industrie automobile. Si on plaisantait un peu, on pourrait dire que la Chine est un vaste atelier économique mondial du low cost, toutes activités confondues.

Sauf que dans notre pays et pour des raisons liées à la protection sociale, nous ne pouvons pas travailler au même niveau de coûts. En revanche, il y a une arme politique à utiliser : la renégociation des accords commerciaux et le recours en cas de blocage à des formes de protectionnisme temporaire.

Il faut pour une efficacité réelle de ces formes de protectionnisme des accords au niveau de l’Union européenne. C’est un autre débat mais qui va progressivement être mis sur la table dans les prochaines années car les industries européennes vont être sous la contrainte accrue de la mondialisation et donc de la concurrence étrangère. Le modèle low cost a un certain nombre de priorités positives pour l’employeur et négatives pour le salarié qui est soumis à une concurrence forte, voire à une résignation dans le domaine du salaire.

Un avion d'Air France
Pour l’employeur il s’agit en situation d’offre de fournir un service avec un coût du travail faible et des prestations à la hauteur de ce coût du travail. Dans le domaine de l’aviation, un Paris Norvège par avion vous coûte 50 euros avec un bagage en cabine et l’idée de mettre un bagage supplémentaire en soute vous coûte 40 euros de plus.

Air France constate, en dépit des alliances avec KLM que le marché mondial du transport est encombré, il faut donc une réponse et la seule qui vaille est celle du low cost. Est-ce une réponse définitive ou temporaire à la concurrence subie par notre compagnie nationale ? Pour l’instant les grandes lignes Paris-Amériques du nord et du sud ou Paris-Asie restent encore protégées par le modèle classique, mais jusqu’à quand ?

c’est par patriotisme que les Français achètent les voitures Renault, Citroën et Peugeot. Sans ce patriotisme économique, ces deux entreprises auraient déjà été rachetées par des concurrents plus puissants
Lucien Pambou


Pour le salarié français impliqué dans un modèle low cost, il n’a rien à dire sinon travailler au nom de la productivité qui sert d’abord les intérêts de l’entreprise avant les siennes. Le modèle low cost confine le salarié à la résignation et à l’acceptation des salaires faibles. Je suis libéral de formation politique et économique mais j’estime que les dirigeants français appliquent les principes libéraux sans analyse approfondie. On peut être libéral et accepter l’intervention de l’Etat lorsque les conditions économiques l’exigent. Dans l’industrie automobile la renaissance de General Motors est liée à une recapitalisation dans laquelle l’Etat est présent au Conseil d’administration. Pourquoi n’en serait-il pas autant pour PSA ?

Une chaîne de montage d'une mercedes class A dans le sud de l'Allemagne
En France l’industrie automobile a les dirigeants qu’elle mérite, souvent des administratifs, diplômés, certes, mais qui ont une connaissance seulement théorique du métier qu’ils exercent et on comprend mieux pourquoi ils cafouillent au niveau stratégie et au niveau remplacement des gammes de voiture. Alors on évoque le coût du travail comme étant trop élevé.

Soyons sérieux, c’est le niveau de connaissance, de stratégie et de réinterprétation des exigences de l’économie mondiale des dirigeants de l’industrie automobile française qui n’est pas assez élevé. Tous les sondages le montrent : le consommateur français souhaite et veut des produits de qualité et c’est par patriotisme que les Français achètent les voitures Renault, Citroën et Peugeot.

Sans ce patriotisme économique, ces deux entreprises auraient déjà été rachetées par des concurrents plus puissants qui valorisent la qualité du produit et qui ne passent pas leur temps à pleurer sur le coût du travail, qui est certes important mais finalement non décisif dans l’offre du produit. Les Chinois pour l’instant ont un coût de travail faible dans l’industrie automobile, mais ils n’ont donc pas de produit de qualité à nous vendre. Voilà pourquoi les automobiles chinoises sont encore absentes sur nos routes. Jusqu’à quand ? Nul ne le sait, mais on peut parier que s’ils mettent l’accent sur la qualité des produits ce sera pour bientôt comme les Japonais l’ont fait.

Louis Vuitton, un des symboles du luxe français, a ouvert une boutique Place Vendome le 3 juillet 2012
Il faut savoir que les Japonais pour promouvoir leur industrie ont copié les modèles européens, ont établi des exigences fortes en matière de qualité, ont développé des produits uniques comme les 4x4 et ont fermé une partie de leur marché à l’industrie automobile occidentale. Il n’y a pas de fatalité pour notre industrie car il y a des réussites dans d’autres domaines d’activité.

Pourquoi la France réussit-elle dans le luxe ? On peut répondre : les petites mains dans ce secteur sont peut-être sous-payées, les sous-traitants eux le sont très bien et la valeur ajoutée est forte parce que la qualité des produits français est une marque quasiment déposée au niveau mondial. Que font les concurrents italiens, américains, anglais ? Ils essaient de copier le modèle français du luxe, voire de créer des alliances économico-financières avec les partenaires français pour un jour être au niveau de cette industrie française du luxe en termes d’avantages compétitifs.

Dans le vin la France avait perdu sa première place, elle la retrouve grâce à une stratégie marketing et d’adaptation des produits au marché mondial. Le tourisme est une activité florissante pour notre pays car les hôtels et restaurants s’adaptent aux exigences des clients grâce à la maîtrise des langues étrangères, dont l’anglais, et à l’amélioration d’un label de qualité que je qualifie de « french touch ».

La période de rentes dans tous les domaines d’activité économique est révolue (...) Il faut que dans les écoles de commerce et d’ingénieurs la formation intellectuelle soit repensée pour expliquer aux étudiants actuels, qui sont les décideurs de demain, que la vie économique n’est pas un long fleuve tranquille
Lucien Pambou

Le site d'Aulnay de Peugeot Citroën
Pourquoi l’industrie automobile française ne pourrait pas suivre l’exemple des activités du luxe et du tourisme au niveau de la qualité. On peut me répondre que ce sont des métiers différents, certes, mais tout de même, il faut que l’industrie automobile et aéronautique française arrête de pleurer et de demander des subsides à l’Etat sans rien donner en compensation.

On peut baisser le coût du travail de la façon la plus importante, voire faire fabriquer les voitures par des robots, mais si le produit fabriqué ne correspond ni aux attentes de la demande en termes de fiabilité et de qualité ni à la concurrence en termes de gamme du moment, le produit ne se vendra pas. Il faut que dans les écoles de commerce et d’ingénieurs la formation intellectuelle soit repensée pour expliquer aux étudiants actuels et décideurs de demain que la vie économique n’est pas un long fleuve tranquille.

La période de rentes dans tous les domaines d’activité économique est révolue. Le modèle low cost est un modèle possible mais pas le modèle de référence. La France a des atouts, elle est très vite défaitiste. Nous n’avons pas de pétrole mais des idées, mais cela ne se voit pas beaucoup malheureusement dans l’industrie automobile actuelle et peut-être demain aéronautique française.
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