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  Table-ronde organisée par l'IFRESAC le 22 Septembre
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Table-ronde organisée par l'IFRESAC le 22 Septembre

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  LAURENT GBAGBO
Ecoutez ..... ( 17/09/2005 14:44 )
À Born / Netherlands

“Chers amis,
Je voulais venir ouvrir les travaux de ce séminaire. Mais, en même temps, je voulais venir faire une communication, vu l’importance du thème. Mais je n’ai pas pu, parce que le temps m’a fait défaut. Aujoud’hui, nous sommes dans la célébration du 60ème anniversaire de l’ONU. Je n’ai pas voulu y aller. Mais on travaille beaucoup plus quand on ne va pas que quand on part. Il fallait, en effet, préparer la parole de la Côte d’Ivoire qui sera délivrée là-bas. La donner à celui qui s’y rend. J’ai passé le temps à donner des consignes à nos diplomates. Donc, je n’ai pas pu, en définitive, être avec vous.
Je voudrais m’en excuser parce que ce sujet est important et intéressant à aborder intellectuellement aujourd’hui, dans les circonstances actuelles de crise et de sortie de crise. C’est pourquoi je me joins à vous pour remercier notre frère Abdoulaye représentant résident du PNUD qui vous accompagne dans l’organisation matérielle et concrète de ce séminaire. Je voudrais en même temps vous féliciter monsieur le président du Comité exécutif, le ministre Jean-Claude Kouassi, brillant intellectuel, brillant officier, ainsi que Madame la présidente du Comité scientifique, brillante universitaire. Je remercie également, vous tous que je n’ai pas pu citer.
Tout d’abord, il faut saluer les collectivités locales en Côte d’Ivoire. Elles ont un rôle redoutable. La Côte d’Ivoire est née d’une politique de décentralisation. Quand la colonisation a été faite, il y avait deux grands groupes en Afrique de l’Ouest. Le groupe anglophone qui est devenu plus tard la fédération du Nigeria et le groupe francophone qui est devenu la fédération française ou l’Afrique occidentale française. C’est une politique de décentralisation qui a fait que différents morceaux de ces grands territoires ont été découpés avec des noms très différents selon les moments. On nous a appelé d'abord “les rivières du sud”. Ensuite, on nous a appelé la Côte d’Ivoire et au-dessus de nous le Haut Sénégal-Niger. Et on est monté du Haut Sénégal- Niger en portant les frontières de la Côte d’Ivoire en 1932 jusque derrière Ouagadougou. C’est en 1947 que la Côte d’Ivoire a été ramenée dans les frontières, nous connaissons aujourd’hui.
L’élection des parlementaires de 1947 a suscité un débat. Fallait-il que la France demande des députés de l’AOF (Afrique occidentale française) ou fallait-il faire l’élection des députés des territoires. Ce n’était pas un débat administratif seulement. C’était en même temps un débat politique. L’enjeu était de savoir s’il fallait donner une personnalité juridique aux grands ensembles ou plutôt donner une personnalité juridique avec un représentant aux entités…
De Gaulle a tranché en faveur de la deuxième thèse. Et, après les élections législatives en 1945, la Côte d’Ivoire était vraiment libre. Nous sommes nous mêmes le fruit d’une politique de décentralisation que Gaston de Fer a amplifiée en 1956. Et que la Constitution de 1958 en France a consacrée définitivement. Et l’indépendance a suivi deux ans après. Donc la décentralisation, nous la connaissons un peu en Côte d’Ivoire peut-être que sans elle, nous ne serions pas que nous sommes aujourd’hui. Je voudrais donc dire aux élus locaux qu’ils sont la Côte d’Ivoire, ils sont le développement. Ils sont la conscience nationale. Parce que s’ils sont de nouveau eux, c’est qu’ils sont des élus locaux gouvernant une population pluriethnique, plurireligieuse là où on avait des groupes monoethniques et monoconfessionnels…
Je voudrais les saluer. Et dire que le comité scientifique a bien fait de mettre la sortie de crise sur leurs épaules. En choisissant ce thème, vous partez non pas à la base qui a quelquefois une connotation péjorative, mais vous allez à la racine du pays. Et je pense que c’est une bonne approche méthodologique.
Je vous salue pour le travail que vous faites souvent dans des conditions difficiles, surtout les présidents de conseils généraux. Ils n’ont pas pu réellement travailler puisqu’ils ont été élus en juillet 2002 et la guerre que nous connaissons encore aujourd’hui a éclaté en septembre de cette même année. On ne peut donc pas dire que les présidents de conseils généraux ont travaillé. Mais, nous les suivons. Et ils travaillent pour le retour de la paix. Ce pourquoi ils n’avaient pas été préparés. Ils devaient construire des villages, contraire des écoles et des marchés. Mais voilà qu’ils se retrouvent à travailler pour le retour de la paix.
Je voudrais ici les en féliciter.
Monsieur le président du Comité exécutif, Madame la présidente du Comité scientifique, vous nous donnez un peu à réfléchir sur la cohésion sociale. Vaste programme dont il faut parler un petit peu. Depuis que je suis entré dans cette salle, j’entends le terme de fracture sociale. Mais la fracture sociale est-elle synonyme de fracture ethnique ?
Intellectuellement, non ! politiquement, non ! Sociologiquement, non aussi ! La fracture sociale fait appel aux inégalités… Le rôle des politiques est de lutter pour réduire progressivement ces inégalités-là. Mais quand on réduit les inégalitée repérées , d’autres inégalités naissent. D’où la nécessité permanente d’ajuster les politiques de développement, d’ajuster les politiques sociales et de les marier aux politiques de développement économique. Mais la fracture ethnique n’a rien à voir. Dans ce cas-là, riches et pauvres se retrouvent dans le même camp, pourvu qu’ils soient de la même ethnie. C’est pourquoi il est plus difficile de régler les problèmes de fracture ethnique que de régler les problèmes de fracture sociale.
L’appel que je voudrais donc lancer est de vous demander de ne pas confondre les deux.
Les problèmes qu’on peut régler vite et pour lesquels les solutions existent, ce sont les problèmes de fracture sociale.
Les problèmes de fracture ethnique se règlent plus difficilement avec le temps grâce au brassage ethnique. Cela est en train de se faire. Je voudrais donc livrer ces observations à votre réflexion.
Cela ne signifie pas qu’il faut écarter la quête de la justice sociale. Nous sommes dans des pays nouveaux. Il n’y a pas de pays où les inégalités n’existent pas. C’est à cause des inégalités que le bloc soviétique s’est effondré. Notre devoir est de réduire ces inégalités-là. C’est pourquoi il faut commencer par l’école. Je crois qu’il faut donner à chaque enfant la chance d’aller à l’école. L’école donne un surplus de capacité à l’être humain. la connaissance connecte l’être humain, où qu’il soit, avec les autres êtres humains de la terre. Elle le connecte avec ceux qui sont déjà morts et qui ont laissé des travaux. Tout ce qui est connu dans le monde est à la disposition de celui qui est allé à l’école. L’école est un instrument important de la création d’une nation. C’est un instrument incomparable de la lutte contre la fracture sociale. C’est un instrument incomparable de la lutte pour la justice sociale…
A l’époque, mon père, ma mère et moi-même, nous pensions que nous ne pouvions nous en sortir que si j’allais à l’école. C’est pourquoi j’essaie de débarrasser l’école de tous les oripeaux inutiles. Et l’uniforme en est un. Il est inutilement coûteux. Et qui cloue à la maison des enfants qui peuvent très bien aller à l’école. Pour la petite histoire, j’ai failli moi-même être renvoyé de l’école lorsque j’étais en Terminale parce que je n’avais pas d’argent pour acheter l’uniforme. J’étais troisième de la classe. J’étais en Terminale lorsque l’uniforme a été institué. Donc nous essayons de débarrasser l’école de tous ses oripeaux inutiles.
Nous avons décidé de donner des livres aux enfants pour éviter que ceux issus de familles pauvres ne restent sur le bout de la route. La guerre est venue momentanément compromettre ce projet qui est petit, mais qui est grandiose. Les Romains disaient Ad agusta per agusta. On va aux grandes choses en passant par les petites. Nous donnons un livre aux enfants de CP1, CP2. C’est une petite chose, mais c’est comme ça qu’on fabrique un citoyen éclairé pour demain. Peut-être un médecin, un professeur, un préfet, un chirurgien, un député, un président de la République même. Ad Agusta per agusta. C’est en passant par les petites choses qu’on parvient aux grandes. L’école, premier instrument de justice sociale.
La santé ! Plusieurs fois, des gens me trouvent à la Présidence et me disent :
“Président, je veux aller en France pour me soigner”, sans même savoir de quoi ils souffrent. Mais, il faut d’abord aller à l’hôpital ici en Côte d’Ivoire. Maintenant, si le mal ne peut pas être soigné ici, nous aiderons à faire partir le malade en France. Depuis que je suis devenu président, je ne suis pas encore allé en France me faire soigner. Je fais confiance à notre médecine. Il serait dangereux que le chef de l’Etat n’ait pas confiance au système sanitaire que lui-même est censé créer et mettre en mouvement. Il faut faire en sorte que la santé soit partout.
Mesdames et messieurs les élus, c’est pourquoi nous sommes élus. Nous avons été élus pour que les enfants aillent à l’école et que les malades puissent se faire soigner. Mais il y a un environnement : l’électricité et l’eau courante. Vous savez qu’une eau polluée est la mère de beaucoup de maladies. Battons-nous pour la bataille de l’eau, car nous ne l’avons pas encore gagnée. Et les élus locaux le savent mieux que quiconque. Pour le moment, les rapports que je reçois sur le nord sont alarmants. A Boundiali, Tengrela et Korhogo, les rapports sur lasituation de l’eau ne sont pas du tout bons. Malheureusement, je suis pour le moment impuissant face à cette situation. Mais le pays s’ouvrira ; je sais que c’est pour très bientôt. Je pense, je suis sûr que c’est pour très bientôt. Il faudra alors s’attaquer aux problèmes de l’électricité et de l’eau sans lesquels on ne peut pas faire une bonne politique de l’école et de la santé.
J’ai assisté à la mise sous tension de l’électricité à Mama en 1996. J’avais fait des négociations et on avait obtenu les poteaux et les autres accessoires. La scène que j’ai vue est extraordinaire. Malheureusement, je ne suis pas bon romancier, sinon il aurait fallu décrire tout cela…
Les hommes et les bêtes n’ont pas dormi ce jour-là. Les moutons se promenaient, croyant qu’il faisait jour. Les coqs chantaient, croyant que c'était le matin.
Au point où le matin, les coqs étaient tous fatigués. (rires dans la salle). Voyez-vous, chers amis, c’est ça la transition. Quand on passe du tout noir au tout clair, il y a une autre transition qu’il faut assumer. Quelquefois c’est marrant. quelquefois c’est douloureux. Tout dépend de quel côté on se trouve. (rires dans la salle).
C’était pour vous dire qu’il faut aller vers la civilisation du monde moderne. Et nous en avons les moyens en Côte d’Ivoire. Cette année, la Présidence a une dette vis-à-vis de certains organismes et sociétés du secteur de l’électricité. Mais je préfère encore qu’on soit endettés pour une telle cause. Il nous faut absolument créer les conditions de la justice sociale.
Que celui qui est à Mbengué puisse regarder la télévision comme celui qui est à Tabou. C’est tout ça la justice sociale.
J’ai dit l’autre fois à Agnibilékrou que vous avez le pouvoir de négociation en interne comme à l’externe. Utilisez ce pouvoir-là! Et l’Etat ne vous arrêtera pas. Lorsqu’il s’agit de négocier pour amener du bien-être aux populations, l‘Etat est obligé de vous appuyer. Vous avez une personnalité juridique qui vous donne le pouvoir de travailler ici comme à l’extérieur pour la réduction de la fracture sociale.
Pendant dix ans, j’ai été moi-même un élu local : député de Ouragahio. J’étais député de l’opposition et non du pouvoir. Mais, grâce à la négociation, on a obtenu l’eau courante, l’électricité, le téléphone, etc. J’ai eu beaucoup de chance. Et je ne dis pas que tout le monde a la même chance. Mais sachez que vous avez un pouvoir qui vous permet de négocier. Après, vous pourrez toujours demander à l’Etat de vous appuyer. Donc il nous faut lutter pour la justice sociale, mais aussi il faut que nous luttions pour le respect des règles du jeu. Parce que, sans règle de jeu, il n’y a pas de cohésion sociale. Dans toutes les sociétés du monde, que ce soit la cellule familiale de base, que ce soit la commune, le département, la région ou le pays, si un seul ne respecte pas les règles du jeu, soit on le met à l’écart, soit il bloque tout le système.
Et c’est ce que nous voyons aujourd’hui. Donc le rôle de la société civile doit être de répéter partout que les règles édictées ne plaisent pas forcément à tout le monde. Mais que cela ne doit pas entraîner la destruction des règles de la société. Aucune règle ne fait l’unanimité. C’est pourquoi le nouveau nom du consensus est le vote. Une fois que les règles sont respectées, une fois qu’elles ont été définies. Je ne dis pas qu’elles doivent être absolument aimées. Ça c’est un autre problème. Si tout le monde respecte les règles du jeu, il y aura le développement pour tout le monde. Il y a des commerçants qui n’aiment pas l’impôt, mais ils le paient. Je ne connais pas quelqu’un qui aime payer l’impôt. La tendance naturelle est la fraude. Mais quand on prend un fraudeur, on l’arrête. On n’a pas besoin d’aimer une règle pour la respecter. On la respecte parce qu’on sait que le non-respect de cette règle-là entraînera la catastrophe pour l’ensemble de la collectivité nationale. Je ne demande donc pas aux Ivoiriens d’aimer les règles qui sont édictées. Moi-même, je n’aimais pas les règles qui étaient édictées quand j’étais dans l’opposition, mais je respectais ces règles. Après la justice sociale, c’est la condition de la cohésion sociale. On peut se battre pour transformer les règles qu’on juge mauvaises, mais en utilisant les règles elles-mêmes. Un bon opposant, c’est celui qui gagne les élections avec les règles. Un bon opposant, c’est celui qui gagne les élections en utilisant les règles qu’on a édictées contre lui. Sinon on ne peut pas faire autrement. Quand vous êtes opposant et que vous vous présentez à une élection, vous devez avoir à l’esprit que les règles en place ont été faites pour que celui qui est en place gagne…
Lorsque vous parvenez à le battre avec ses propres règles, alors il va s’asseoir et vous édictez vos propres règles. Et il attend de revenir vous battre à son tour avec vos propres règles. C’est ça le jeu démocratique. Donc la démocratie qui est arrivée n’est pas une mesure contre quelqu’un.
Ce sont ces quelques réflexions que je voudrais souligner devant vous, car je pense que nous devons être justes pour donner du bien-être à nos concitoyens.
Quand des gens décident de prendre les fusils pour se battre, il n’y a pas de PDG parmi eux. Ce sont toujours les plus pauvres qui sont exposés. Ce sont ceux qui n’ont pas bénéficié des fruits de la lutte pour la justice sociale. Ils sont toujours dans ce genre de combats parce qu’ils n’ont plus rien à perdre. Ils espèrent ainsi gagner quelque chose. Mais, en réalité, ils ne gagnent rien, même si leur lutte aboutit. Car ce sont toujours les riches qui exercent le pouvoir. Ils sont toujours affectés à des tâches subalternes. Et on en revient au cycle.
Je vous engage tous à lutter contre l’injustice sociale. Mais, en même temps, luttez pour le respect des règles. De sorte que ce qui doit être transformé le soit dans le respect des règles.
Mesdames et messieurs, voici les refléxions que je voulais faire devant vous. Vous venez de nous remettre des documents sur lesquels nous allons travailler ensemble. J’espère qu’il y aura un comité de suivi qui vous relancera assez fréquemment sur les thèmes que vous avez décidé de développer. Pour ce qui me concerne, je suis prêt à travailler avec vous, dans la durée, pour que nous puissions mettre en forme ce que vous avez décidé”.

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