Je vais faire un résumé de la situation sur les Ndèh, Ndap ou Mkouh, avec quelques explications succintes. Il faut déjà retenir que toutes les formes sont additives et cumulatives, entendu qu'elles sont ajoutées les unes aux autres, avec toutefois un ordre de préséance.

Le Ndap peut être : 1. Généalogique (en relation avec l'ascendance) 2. Contextuel (en rapport avec une circonstance de la vie, comme les jumeaux, ou en liaison avec un nom) 3. Géographique (traduisant l'appartenance à un quartier) 4. Corporatiste (en relation avec la fonction, la profession, ou la confrérie à laquelle on appartient) 5. Intégrateur (on le donne à un étarnger pour marquer son acceptation dans la famille, dans le groupe) 6. Honorifique (distinction en rapport avec un acte posé)



Au départ, la forme généalogique est définie avant même la naissance de l'enfant. Le ou les Ndap généalogiques de l'embryon sont immuables, et fixés par la filiation de son père et de sa mère. Ainsi, tous les garçons d'une même mère porteront le même Ndap dès leur naissance, tout comme les filles d'un même père. On pratique alors la fameuse règle de la transmission assymétriquement limitée, en pivot.



La transmision est dite assymétrique parce qu'elle se fait entre personnes de sexe opposé (le père pour sa fille, et la mère pour son fils), avec quelques cas particuliers entre une mère et sa fille. La transmission est dite assymétriquement limitée parce qu'on a soit une transmission interne infinie (illimitée dans le temps), tant qu'il y a une lignée continue d'hommes, soit un maximum de 2 relais, une fois que le ndèh est revelé chez une femme. Dans ce cas, le premier relais est la transmission du père à sa fille, et le second la transmission de cette fille à sa propre descendance (fils et filles), et les choses s'arrêtent pour l'ancêtre de référence considéré. La transmission est dite en pivot parce qu'on passe d'un homme à une femme, et réciproquement.



Le Ndèh contextuel fait allusion ensuite à une particularité physique de l'enfant, et selon les cas, ce ndap peut supplanter (donc venir avant) sans l'effacer le Ndap généalogique. C'est la cas avec les jumeaux, mais aussi leur frère aîné ou cadet directs. En outre il existe des noms propres qui entraînent automatiquement l'apparition d'un Ndèh (tous les hommes du nom de DJOMO à Bangoua sont automatiquement des Yong'Ngoueh), ou alors on peut se voir baptiser du Ndèh de son homonyme



Le Ndap géographique est en relation avec un quartier. On peut parfois retrouver le nom du quartier dans la distinction (Ngwoa Mbit, pour toutes les filles du quartier Mbit à Bangangté), ou ne pas le retrouver (Go'Djè, pour les filles du quartier Soung à Bandjoun).



Le Ndap dit corporatiste renvoie ici à la notion de profession pratiquée, à la fonction occupée. Il y a des corps de métiers qu'on distinguait (guérisseur, tisserand, marchand de sel, etc.), ou même des fonctions aussi (guerrier, aide de camp, etc.). Selon les villages, la désignation d'un corps de métier peut varier, tout comme certains corps de métiers sont propres à des groupements particuliers. On peut considérer l'exemple d'un guérisseur Bangoua dont le Ndap se déclinait comme le nom d'une plante délicate à manipuler, mais aux vertus étonnantes (Nsang-Ngang, à confirmer!!!!!), ou alors les filles de tisseurs de sac de sel, les Ngwo'Tam (très répandu à Bayagam!!), ou encore les Ngwa'Peh (Filles de celui qui vend du sel pour le Taro, très usité près de Bana).



Le Ndap peut aussi être intégrateur, quand on le donne à une personne qu'on adopte, qu'on accepte dans la famille ou la communauté. A Bayangam par exemple, on décline en "Njui X", la femme de celui qui a pour Ndap X. Mais plus généralement, on peut "baptiser" un étranger (gendre ou bru) d'un Ndap qui se rappellera certaines de ses qualités, ou alors du Ndap de son plus proche ami dans la famille, celui ou celle qu'on considère comme le frère ou la soeur qui l'a présenté aux autres.



Le Ndap honorifique est aussi celui qui vient au dessus de tous les autres, parce qu'il est celui acquis par l'individu sur base de sa prestance, de sa bravoure, bref de son comportement de son vivant!!!!! En principe, c'est aussi le Ndap qui supplante tous les autres, et par lequel on désigne protocolairement la personne au risque de lui manquer de respect, quand on est au courant de la pratique. Ce Ndap peut aussi comporter des attributs externes (chechia, tabouret ou trône, autres accessoires vestimentaires, etc.), que l'honorable peut transporter avec lui, suivant le contexte.



Il existe donc une variance dans la désigantion des filles par le Ndap généalogique, qui fait que parfois on utilise le préfixe "fille de", et d'autres fois "mère de". Je n'ai pas encore la réponse correcte, mais je pense au vu de l'exploration actuelle, que suivant qu'on tient son Ndap d'une confrérie, d'un cercle de pouvoir (notables ou Roi), ou d'un quartier, on baptisera les filles du préfixe "fille de", tandis que dans le cas contraire, il s'agira du préfixe "mère de". Il est aussi possible que le choix du préfixe "Fille de" ou "Mère de" soit en rapport avec la puissance de ce qu'on a reçu, de ce qu'on veut incarner. Les Ndèh des filles issues des cours royales et seront donc toujurs déclinés en "Ngwo". Mais on peut aussi voir les choses autrement, en liant le préfixe "ngwo" au fait qu'on traduit simplement la descente au départ d'un sommet (l'ancêtre de référence occupant le haut de la pyramide), alors que quand on dit "meh" (mère de), il s'agit de traduire la regénération d'une position qui n'est pas sur un sommet. Mais dans les 2 cas, les garçons des filles (Meh ou Ngwo) porteront comme Ndap généalogique, le titre stérile et réduit de leur ancêtre de référence. Par ailleurs le Ndap vient aussi conformer en partie la spiritualité en vigueur chez les Bamiléké, dans le sens qu'il existe intrinsèquement une idée de réincarnation de l'âme d'un ancêtre dans un de ses descendants. En attribuant à une descendante le potentiel de maternioté sur son propre ancêtre, on tent à renforcer cette idée...

Bref, ceci sert à illustrer davantage les choses, en attendant de poursuivre cette étude en profondeur.



A bientôt.