La pratique démocratique dans les sociétés Bamiléké résulte du fait que le pouvoir se répartissait en cercles concentriques, avec pour chacune des composantes d'un cercle la possibilité d'être elle-même le noyau de nouveaux cercles de pouvoir, et ce d'autant plus qu'on est proche de l'épicentre, le Roi. Qui plus est, on pouvait appartenir à plusieurs cercles, qui constituaient des confréries plus ou moins secrètes.

Bref, ce schéma fait de concentricités et de recoupement divers sur base circulaire, permet au Roi d'être au courant de tout, tout en laissant les uns et les autres faire dans leur domaine de "confraternité".

En effet, la gestion de l'information sur l'état de la société ne suit pas une progression linéaire pour remonter au Roi. Les recoupements entre cercles font qu'une info peut progresser très rapidement en rebondissant d'un cercle à un autre pour arriver au centre névralgique.

Mais la notion démocratique vient du fait que de par l'acquisition d'une distinction sur base de son mérite, on devient un noble ou un notable qui rentre dans un cercle ou une confrérie qui a ses entrées chez le Roi, et qui intervient dans un domaine précis de la vie sociale. Tout le monde peut y arriver, du moment où on a un comportement de base sain, et qu'on oeuvre pour la société.

Le monarque (Roi) siège avec une cour composée de neuf notables, sur lesquels il n'a aucun pouvoir de nomination ou de démission. En effet, ces 9 notables sont désignés comme lui, de manière héréditaire. Ces 9 notables représentaient presque des ministres aux compétences spécifiques, tels que les affaires "étrangères", la guerre, etc. Il existe aussi selon les groupements un comite de 7 notables, distinct de celui des 9. Si les premiers sont tenus dans le secret du choix du futur monarque, ce sont les derniers qui au cours de la cérémonie officielle de fin de deuil, arrêtent en public le nouveau monarque appelé à succéder à son père.

La configuration en cercles concentriques renvoie aussi à la notion de démocratie féodale, façon de dire que les 2 concepts ne sont pas forcément incompatibles! En effet, si on considère que les citoyens d'une contrée Bamiléké, portés par le désir de se distinguer de leurs vivants, sont souvent anoblis en appartenant au besoin à un cercle ou une confrérie, alors il sont eux-même les relais d'un système d'information et de gouvernance, et donc des acteurs de la démocratie.

Il y a fort à parier que des systèmes de gestion du pouvoir typiquement africains et pour le moins originaux ont existé en plusieurs endroits du sous-continent, et qu'un travail d'étude sur le sujet ne serait pas futile. En effet, la démocratie pourrait aussi avoir son label Africain, avec un toilettage de ce qui a existé par le passé pour une adaptation progressive certes, mais assurément plus solide que les modèles importés bruts, et souvent inadéquats!